Déclaration de Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les priorités pour les élèves et la communauté éducative notamment l'inclusion scolaire, l'élévation du le niveau des élèves, l'égalité des chances, la formation des élèves et des professeurs du secondaire à l'intelligence artificielle et la lutte contre le harcèlement scolaire, au Sénat le 11 février 2025.

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  • Élisabeth Borne - Ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Circonstance : Commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

Texte intégral

M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour la première audition que vous accordez à notre commission dans vos nouvelles fonctions. Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous féliciter pour cette nomination et à vous souhaiter un plein succès dans cette mission, dont nous mesurons la complexité.

Vous trouverez au sein de cette commission des interlocuteurs attentifs et exigeants, mais constructifs et soucieux – à l'image de notre rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire, Jacques Grosperrin – d'entretenir le dialogue avec vous et avec vos services sur des sujets essentiels pour les élèves et l'ensemble de la communauté éducative.

Au Sénat, vous trouverez aussi et surtout des interlocuteurs dont l'action a l'avantage de s'inscrire dans la durée. Or, au cours des trois dernières années, nous avons reçu, non sans une certaine inquiétude, pas moins de six ministres de l'éducation !

Cette audition sera l'occasion de nous présenter la politique que vous entendez mener, mais aussi la façon dont elle prolonge ou se distingue de celles qui ont été mises en œuvre par vos nombreux prédécesseurs.

À titre d'exemple, le Président de la République annonçait il y a presque un an une réforme de la formation des enseignants et un concours placé à la fin de la licence. Dans cette perspective, nos collègues Annick Billon et Max Brisson ont publié un rapport d'information comprenant plusieurs recommandations. Où en est-on de la mise en œuvre de la réforme ? Quel en est le calendrier ?

La semaine dernière, les programmes officiels de l'éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité ont été publiés. Il s'agit d'un sujet particulièrement sensible. Pouvez-vous revenir sur les arbitrages qui ont été rendus dans ce domaine ?

L'actualité est également marquée par la rentrée scolaire à Mayotte. Un peu plus de quinze jours après le retour des élèves en classe et alors que le Sénat a adopté, la semaine dernière, le projet de loi d'urgence pour Mayotte, pouvez-vous faire le point sur la situation scolaire dans ce département ?

Enfin, le Sénat examinera jeudi 6 mars une proposition de loi issue des travaux de la mission conjointe de contrôle relative aux menaces et agressions contre les enseignants. Je salue Annick Billon, qui sera notre rapporteure sur ce texte. Pouvez-vous revenir sur les mesures prises récemment par le ministère pour améliorer la protection des personnels ?

Voilà déjà un certain nombre de thématiques et de sujets d'actualité. Je demanderai à mes collègues de restreindre leurs questions au champ déjà vaste de l'éducation et de ne pas aborder les questions de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Je partage avec les sénateurs une même approche, qui repose sur le temps long, l'évaluation rigoureuse de nos politiques publiques et la réalité du terrain. Je revendique cette méthode, ce que j'ai rappelé à l'ensemble du haut encadrement de l'éducation nationale, et je veux la mettre au service de tous nos élèves et de toute la communauté éducative. C'est dans cet esprit que je souhaite que nous puissions travailler ensemble.

Nous entendons dire parfois que l'éducation scolaire, l'enseignement supérieur et la recherche relèveraient peu du Parlement. Je crois que c'est tout le contraire. Au-delà du cycle budgétaire et des initiatives comme celle de votre proposition de loi, que je salue, le Parlement joue une mission essentielle dans l'enseignement comme dans tous les domaines : évaluer nos politiques publiques et, ce faisant, nous aider à mieux les piloter. À cet égard, je tiens à vous remercier pour votre engagement constant, pour votre vigilance et la richesse de vos propositions. Au travers de vos courriers, vos questions, écrites ou orales, et des remontées du terrain auxquelles vous procédez, vous contribuez à nourrir notre action et à faire avancer les débats. Votre rôle est donc essentiel.

Au niveau national, nous avons engagé des évaluations sur des sujets fondamentaux pour la réussite des élèves, comme ceux des groupes de besoins et de l'inclusion scolaire. Je serai aussi à votre écoute pour accompagner les initiatives que vous pourrez prendre.

Au niveau local – je pense notamment à l'élaboration de la carte scolaire –, chacune de nos décisions doit être adaptée aux réalités des différents territoires, sur la base d'un diagnostic partagé, dans lequel vous devez avoir toute votre place. À cet égard, les observatoires des dynamiques rurales doivent nous permettre d'anticiper les évolutions démographiques et les besoins éducatifs des territoires, plutôt que de les subir.

Nous avons tout à gagner à renforcer le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de nos politiques publiques. Dans certains domaines, comme ceux du bâti ou du transport scolaire, le partenariat semble évident. Il est tout aussi important sur des sujets comme ceux de la carte des formations ou de l'orientation.

Vous le savez, notre école traverse une période décisive. Les Français expriment leurs attentes et parfois leurs inquiétudes. Ils souhaitent que l'école tienne son rôle fondamental : former les citoyens, réduire les inégalités sociales et préparer les générations futures, dans un monde en constante évolution.

Dans ce contexte, mon ambition est à la fois simple et exigeante : élever le niveau des élèves et garantir une réelle égalité des chances. L'élévation du niveau, la lutte contre l'autocensure, la promotion de l'égalité entre filles et garçons, l'excellence dans toutes les filières – qu'elles soient générales, technologiques ou professionnelles – doivent guider notre action. Trop souvent encore, des talents sont bridés et des vocations freinées par des barrières invisibles. L'école doit ouvrir des perspectives, encourager l'ambition et faire en sorte que chaque élève puisse trouver sa voie et qu'aucun ne reste au bord du chemin.

La décision de maintenir les 4 000 postes de professeurs qui devaient être supprimés constitue un investissement qui doit nous permettre d'améliorer les conditions d'apprentissage de nos élèves.

Pour élever le niveau, nous devons aussi moderniser nos approches pédagogiques, intégrer pleinement les outils numériques et anticiper les évolutions du monde. L'intelligence artificielle, l'apprentissage du numérique et la maîtrise des nouvelles technologies ne constituent pas des options, mais des leviers fondamentaux pour les élèves.

Ainsi, dès la rentrée prochaine, nous formerons à l'usage de l'intelligence artificielle les professeurs et les élèves du second degré, en particulier ceux de quatrième et de seconde, afin que l'école soit toujours en phase avec les transformations de la société.

Élever le niveau d'exigence ne peut se faire sans restaurer l'autorité dans l'école. Un climat scolaire apaisé constitue la condition première de la réussite. Les professeurs, les personnels éducatifs et les chefs d'établissement se trouvent en première ligne face à certains comportements inacceptables. La violence, sous toutes ses formes, n'a pas sa place dans l'école de la République. La contestation de l'autorité d'un professeur et la remise en cause de l'enseignement des savoirs fondamentaux, comme des valeurs qui fondent notre pacte républicain, sont inacceptables. Nous devons être fermes et déterminés.

La lutte contre le harcèlement à l'école, le respect de la laïcité, la protection des professeurs et le renforcement des moyens alloués à la vie scolaire – je pense notamment aux conseillers principaux d'éducation (CPE) et aux assistants d'éducation – représentent autant de chantiers auxquels nous devons nous consacrer avec détermination.

L'école ne peut pas être un lieu où l'on a peur ; elle doit être un espace de savoir et de respect. Nous devons regarder la réalité en face et agir avec lucidité, ce qui passe aussi par une meilleure sécurisation des établissements scolaires. Nous poursuivrons les investissements nécessaires pour garantir que chaque école, chaque collège et chaque lycée soit un lieu sûr, où élèves et professeurs peuvent évoluer en toute sécurité.

Restaurer l'autorité, garantir un cadre propice aux apprentissages et soutenir nos professeurs sont les objectifs des travaux que vous avez conduits conjointement avec la commission des lois, et qui prévoient notamment la possibilité pour l'institution de porter plainte à la place d'un professeur menacé ou agressé. Je souscris à cette proposition.

Enfin, nous avons le devoir de faire de l'école un lieu où chacun s'épanouit, ce qui passe par un investissement accru dans l'école inclusive et un meilleur accompagnement des élèves en situation de handicap. À cet égard, un effort inédit a été consenti pour recruter des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et pour améliorer leurs conditions de travail. Ainsi, 34 000 postes ont été créées depuis 2017 et 2 000 postes supplémentaires sont prévus pour la rentrée prochaine.

J'ai également demandé aux académies d'établir un plan de déploiement des pôles d'appui à la scolarité (PAS), expérimentés dans quatre départements depuis la dernière rentrée, et d'augmenter la capacité d'accueil des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis).

Une école où chacun s'épanouit passe aussi par une orientation qui prépare à la vie d'adulte. L'orientation ne doit plus être subie, mais choisie, expliquée et anticipée. Elle doit être pensée en lien avec l'enseignement supérieur et le monde professionnel, pour garantir à chacun des perspectives réelles d'insertion et de réussite. Nous devons faire en sorte que chaque élève trouve sa place et puisse construire son avenir. C'est pourquoi je souhaite renforcer le lien entre le collège, le lycée et l'enseignement supérieur, afin que les choix d'orientation soient non plus des parcours d'obstacles, mais des étapes logiques et accompagnées.

Enfin, la question centrale de la revalorisation du métier de professeur ne doit pas être éludée. Pendant trop longtemps, nous avons porté une considération insuffisante aux conditions concrètes d'exercice des professeurs. Personne ici n'est insensible à leur sentiment de déclassement et parfois d'abandon. Personne ne peut accepter l'idée que notre société n'ait plus le même respect qu'avant pour nos professeurs.

Nous devons regarder en face les réalités du métier, assumer ce qu'il implique et en tirer toutes les conséquences. C'est pourquoi je veux engager une réforme ambitieuse de la formation initiale des professeurs, ce qui suppose de reprendre la concertation. Nous partageons la philosophie générale d'un recrutement intervenant dès la fin de licence 3, avec deux années de professionnalisation. Non seulement nous devons agir sur le recrutement et la formation initiale, mais nous devons aussi accompagner les professeurs tout au long de leur carrière.

En outre, nous devons redynamiser les parcours, en particulier en milieu de carrière, pour offrir de réelles perspectives. Il nous faut également redonner de la visibilité et de la lisibilité aux choix pédagogiques. Les professeurs doivent pouvoir anticiper, s'adapter et se projeter.

Trop souvent, les réformes se sont succédé sans laisser aux enseignants le temps de les assimiler. Les réformes ne doivent pas être dictées par l'urgence, mais par le seul intérêt des élèves, des professeurs et de la communauté éducative. Je sais que vous partagez cette conviction. Dans cette mission, j'ai besoin de vous et de vos retours de terrain. Avec mes équipes, nous sommes à votre service et à votre écoute.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire. - Madame la Ministre, je vous remercie d'accorder la primeur de vos propositions à notre commission. Permettez-moi de vous présenter tous mes vœux de succès dans vos nouvelles fonctions. Vous êtes chargée d'un grand ministère et le fait que vous soyez ministre d'État montre tout l'intérêt que le Gouvernement porte à l'éducation nationale, à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Cependant, nous avons une grande inquiétude. En effet, depuis 1958, environ 70 ministres de l'éducation nationale ont été nommés et ils ont été quatre en 2024. Or en la matière, le temps long est effectivement un élément fondamental.

En ce qui concerne la non-suppression des 4 000 postes, s'agit-il de maintiens ou de créations de postes ? Des moyens supplémentaires ne sont pas prévus ; comment trouver les marges de manœuvre nécessaires ?

Le budget prévoyait la répartition suivante pour la suppression des postes : 3 155 dans le premier degré, 180 dans le second degré et 700 dans les établissements privés sous contrat. Cette répartition sera-t-elle respectée dans les postes désormais sauvés ?

Janvier est toujours un mois sensible pour les personnels de l'éducation nationale, mais aussi pour les maires. En effet, il s'agit de la période où l'on décide de la suppression et de la création de postes, ainsi que des fermetures de classes. Vous avez dit que chaque décision serait prise sur la base d'un diagnostic partagé, ce que nous apprécions. Les observatoires des dynamiques rurales constituent un dispositif fondamental et celui qui a été mis en place, dans le Doubs, apporte de nombreuses réponses aux maires.

Lorsque vous étiez Première ministre, vous avez mis en avant un changement de méthode dans l'élaboration de la carte scolaire dans les territoires ruraux, afin d'anticiper et de donner une visibilité pluriannuelle, notamment dans les cas de fermetures de classes. Je suis un défenseur de l'école du socle, qui pour moi sauvera nos écoles rurales. Pouvez-vous confirmer ce que vous aviez annoncé ? Cette démarche est-elle uniquement valable pour les territoires ruraux ? Quelle est votre approche dans les territoires urbains ?

Vous avez annoncé hier la création de 500 PAS supplémentaires pour la rentrée 2025. Il y a un an, nous avions souligné la nécessité d'avoir un débat parlementaire et un véhicule législatif adapté en la matière. Examinerons-nous prochainement un texte législatif visant à transformer les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en PAS ? Quels en seraient les contours et le calendrier ?

Vous avez évoqué la revalorisation du métier de professeur, mais n'oublions pas les chefs d'établissement, qui mettent en œuvre votre politique.

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - L'enseignement agricole constitue une forme de pépite dans notre pays. En effet, les élèves viennent plutôt de familles appartenant aux catégories socioprofessionnelles inférieures, connaissent un taux de réussite remarquable et un taux d'insertion important, à un moment où nous avons besoin de renouveler le personnel travaillant dans l'agriculture. Cependant, l'enseignement général incite très peu les élèves à s'orienter dans ces branches. Pourrez-vous veiller à ce que ces orientations ne soient pas perçues comme discriminantes et soient choisies ?

Dans mon territoire du Beaujolais, pour les BTS d'oenotourisme qui demandent à la fois des compétences relevant de l'enseignement agricole et de l'enseignement général, il reste très difficile de mettre en place des diplômes croisés.

Enfin, lors de nos auditions sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, il est apparu qu'un nombre grandissant d'élèves juifs, ne se sentant plus en sécurité dans l'enseignement général, se dirigent vers des écoles confessionnelles, et ce dès le secondaire. Ce phénomène est source d'inquiétude.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - En ce qui concerne la non-suppression des 4 000 postes, le schéma d'emplois reste stable. Je n'entrerai pas dans le détail des jeux de crédits, mais ces postes sont bien financés.

Leur maintien intervient alors qu'une baisse démographique se poursuit. Je tiens à souligner que celle-ci représente l'équivalent d'une génération sur dix ans. Des conséquences doivent en être tirées. Cependant, ces moyens seront essentiels pour mener des politiques prioritaires auxquelles nous n'avions pas pu consacrer suffisamment de ressources.

Ainsi, il est important pour la continuité pédagogique de reconstituer les brigades de remplacement, fragilisées par les dédoublements de classes de grande section, de CP et de CE1.

De plus, il est important que nous puissions, en complément des groupes de besoins mis en place en sixième et en cinquième à la dernière rentrée, poursuivre le soutien aux élèves de quatrième et de troisième, ce qui mobilisera plus de 500 postes.

Nous devons aussi continuer d'avancer sur l'école inclusive. À cet égard, des créations de postes d'AESH sont prévues, mais je voudrais aussi évoquer l'expérience très intéressante des PAS, dans lesquels des intervenants médicosociaux travaillent en lien avec un professeur spécialisé. Ces pôles permettent de développer une vision d'ensemble dans un territoire donné et peuvent proposer un meilleur accompagnement aux élèves, avec une continuité de la maternelle à la terminale. Ils peuvent aussi faire preuve d'une réactivité importante et adopter une approche fine des besoins d'accompagnement des élèves. Il faut accélérer le déploiement de ces pôles. Nous en avions créé 100 dans quatre départements à la dernière rentrée et il était prévu d'en créer 100 de plus dans quatre autres départements à la prochaine rentrée. Dans le cadre de l'allocation des moyens octroyés aux différents rectorats, je souhaite franchir une étape plus importante pour atteindre 500 PAS supplémentaires, ce qui me paraît nécessaire pour atteindre l'objectif d'une couverture complète du territoire à l'horizon 2027, ce qui suppose un nombre total de 3 000 PAS.

Nous devons aussi continuer à développer les dispositifs Ulis, notamment dans les lycées professionnels, qui accueillent une partie significative des élèves en situation de handicap. Enfin, il faut accorder davantage de moyens pour assurer une meilleure insertion des élèves allophones. La stabilisation des effectifs de professeurs à la prochaine rentrée permettra de prendre en compte l'ensemble de ces politiques et de ces enjeux prioritaires.

Je suis bien consciente de l'engagement des chefs d'établissement, qui ont fait l'objet de revalorisations significatives.

D'ailleurs, ces derniers ont accompli un travail extraordinaire à Mayotte, en restant mobilisés, depuis le lendemain du cyclone jusqu'à la rentrée, décalée d'une semaine. Les établissements scolaires ayant une fonction d'abri anticyclonique ont accueilli des personnes en ayant besoin. Les chefs d'établissement ont dû le faire dans des conditions d'hygiène et de sécurité qui n'étaient pas optimales et alors qu'ils étaient eux-mêmes confrontés aux mêmes inquiétudes que le reste de la population. Ils ont aussi dû faire face à des cas de vandalisme et de pillage dans leurs établissements. Je rends hommage au travail accompli par ces chefs d'établissement, par les équipes du rectorat et les inspecteurs présents. Compte tenu de l'épuisement des équipes, une semaine supplémentaire de congé sera accordée début mars.

En ce qui concerne l'enseignement agricole, nous devons renforcer les synergies entre les filières, même s'il existe plus de ponts qu'avant entre les lycées agricoles et les collèges de l'éducation nationale.

M. Laurent Lafon, président. - Pour la généralisation des PAS, aurez-vous recours à un véhicule législatif ou à des décrets ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - À ce stade, la nécessité d'un véhicule législatif ne m'a pas été signalée. Nous réinterrogerons nos services.

M. Max Brisson. - Les Pial ont pourtant été créés par la loi pour une école de la confiance…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je confirme que les PAS ont vocation à reprendre les fonctions des Pial.

Mme Marie-Pierre Monier. - Je salue le rétablissement des 4 000 postes dont la suppression était prévue ; il s'agissait d'un impératif, notre école étant en grande souffrance. Cependant, des interrogations remontent du terrain, qui portent sur de nombreuses fermetures de classes ; comment expliquer ce décalage ? Avez-vous déjà des chiffres concernant l'impact du maintien des postes sur le taux d'encadrement ?

Nous célébrons aujourd'hui les vingt ans de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ce qui nous donne l'occasion de faire un point sur la politique menée en matière d'inclusion scolaire. L'approche quantitative devrait laisser place à une approche plus qualitative. Les AESH représentent le deuxième métier le plus important en nombre dans l'éducation nationale. Pourtant, leur situation reste précaire, ils n'ont pas de véritable statut et des postes ne sont pas pourvus ou remplacés dans 40 % des établissements. Avez-vous prévu de travailler sur leur statut ?

La profession d'enseignant connaît une crise d'attractivité sans précédent en France. Comptez-vous notamment revaloriser les salaires des professeurs en milieu de carrière, qui ne correspondent pas à leur qualification ?

Par ailleurs, 16 % des enseignants auront plus de 60 ans en 2035. De nombreux professeurs témoignent de leurs difficultés à rester devant des élèves jusqu'à leur départ en retraite, en raison de facteurs d'usure physique et psychologique. Prévoyez-vous d'avancer sur le chantier de l'accompagnement en fin de carrière ?

Enfin, le programme de l'éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité a été publié vingt-quatre ans après une loi qui le rendait obligatoire. Que prévoyez-vous pour sa mise en œuvre dans de bonnes conditions, dès le mois de septembre, en matière de formation des professeurs et d'allocation d'heures dédiées ? Quel contrôle de la mise en œuvre sera assuré ?

Vous avez évoqué la formation des professeurs et l'orientation. Il faut commencer ce travail dès le collège et ne pas commencer à s'en soucier après le baccalauréat.

M. Max Brisson. - Je partage largement vos propos introductifs, madame la ministre. En ce qui concerne la formation des professeurs, nous avons rédigé un rapport d'information, Annick Billon et moi-même, qui comporte un certain nombre de préconisations, proches des mesures de la réforme n'ayant pas été menée à son terme en 2024. Les reprendrez-vous ? Il nous semble important que cette formation s'inscrive dans la durée, entre pré-recrutement et poursuite de la formation initiale dans les premières années de la formation continue. Parviendrez-vous à transformer la formation des professeurs sans repenser le lien entre le ministère de l'éducation nationale et l'université et sans sa reprise en main par celui-ci ?

Vous avez annoncé renoncer à l'obtention du brevet des collèges comme prérequis pour entrer en seconde. Quelles remédiations envisagez-vous pour éviter que des élèves n'entrent en seconde sans avoir les compétences et les connaissances nécessaires ?

J'en viens à la liberté d'enseignement et à l'instruction en famille. Le durcissement actuel en la matière menace tout un réseau d'établissements d'enseignement à distance. Il y a une grande différence dans le suivi de l'enfant entre l'instruction en famille qui se fait dans le cadre d'un enseignement à distance et celle qui se fait en dehors de ce cadre. Enfin, la mise en œuvre du quatrième critère d'instruction en famille montre que nous passons subrepticement d'un régime d'autorisation à un régime d'interdiction, ce que nous avons été un certain nombre à dénoncer ici.

Mme Annick Billon. - La proposition de loi de Laurent Lafon, qui vise à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent, comporte six articles. Quelle est votre position sur l'article 2, qui précise l'interdiction du port de signes religieux pour les activités organisées par l'institution scolaire ? Soutenez-vous sans réserve les mesures prévoyant l'automaticité de l'octroi de la protection fonctionnelle et visant à donner la possibilité à l'administration de déposer plainte en lieu et place du personnel ?

J'en viens aux AESH, à leurs revendications et aux constats de la rentrée 2024. Cédric Vial avait déposé une proposition de loi devenue loi, qui prévoit la prise en charge de la pause méridienne. Cependant, un certain nombre de communes continuent de payer cette pause pour éviter aux familles de le faire. De plus, dans certains établissements, la mise en place de cette mesure représente une diminution du temps de prise en charge en classe. Quelles dispositions permettraient d'éviter ces écueils ?

En ce qui concerne la part collective du pass Culture, comment éviter de laisser sur le bord de la route les projets déjà engagés ?

Au sujet de la sécurité des établissements, un décret du 29 janvier 2025 porte création de services de défense et de sécurité académiques, placés sous l'autorité des recteurs ; quelles sont leurs missions concrètes ? En 2009, des équipes mobiles de sécurité ont été créées et, en 2024, c'est une équipe mobile de sécurité nationale qui a vu le jour ; chaque ministre crée un nouveau système. Quelle complémentarité envisagez-vous entre ces dispositifs ?

Comment le programme de l'éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité sera mis en place dans le cadre de l'instruction en famille ?

Lorsque vous avez décidé du maintien de 4 000 postes, il était question d'améliorer le taux d'encadrement. À Saint-Julien-des-Landes, le nombre de classes passe de 78 à 72, ce qui semble décalé par rapport à vos propos.

M. Pierre Ouzoulias. - Dans les Hauts-de-Seine, nous n'avions jamais observé un taux de remplacement aussi faible que celui d'aujourd'hui. Certains enseignements n'ont pas été dispensés depuis la rentrée de septembre. Sans être exhaustif, il n'y a ainsi eu aucun cours de technologie dans un établissement à Châtillon, aucun cours d'histoire-géographie dans un établissement de Clamart ou un autre de Clichy. Le niveau de non-remplacement est tel que c'est le programme national qui n'est plus appliqué. L'école de la République doit former des républicains et mener une action forte pour le respect des principes de la République ; mais comment le faire quand la République ne respecte pas ses principes, dont le premier est la continuité du service public ? Cette situation place les enseignants dans des situations très difficiles, ajoute de la complexité à leur travail et les confronte à une perte de sens. La principale discussion dans certaines salles des professeurs tourne autour de cette question : comment partir ?

Exerçant une double tutelle sur l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, vous aurez peut-être les moyens politiques de travailler sur le continuum entre le bac-3 et le bac+3. Nous avons enchaîné les réformes sans assurer la cohérence de ce continuum et le système ne fonctionne plus.

Mme Monique de Marco. - Les groupes de besoins seront-ils imposés dans les établissements ? Y aura-t-il de la souplesse en la matière ? Prévoyez-vous une évaluation du dispositif ?

J'en viens à l'affaire de l'établissement scolaire Notre-Dame de Bétharram. Les faits qui se sont déroulés entre 1970 et aujourd'hui sont insupportables. En mai dernier, j'ai envoyé un courrier à la rectrice de l'académie de Bordeaux, afin de comprendre quel contrôle exercent réellement les rectorats sur les établissements privés sous contrat. Elle m'a expliqué que le contrôle porte sur le respect du droit à l'éducation, à l'instruction et à la scolarité, ainsi que sur le respect des exigences pédagogiques. De plus, il ne porte que sur une certaine catégorie du personnel enseignant. Elle a aussi précisé ne pas avoir de compétence pour contrôler les personnels encadrants. Enfin, elle a noté que le rectorat n'avait pas connaissance des subventions versées par les collectivités territoriales à ces établissements. Après les affaires Stanislas et Bétharram, le cadre légal du contrôle exercé par l'État sur ces établissements vous semble-t-il suffisant ? Êtes-vous favorable à des modifications du code de l'éducation, qui renforceraient la compétence des rectorats ? L'organisme de gestion de l'enseignement catholique remplit-il ses missions de contrôle de manière satisfaisante sur les établissements qui sont de son ressort ? Êtes-vous favorable au renforcement de la transparence des aides publiques versées à ces établissements ?

En tant qu'ancienne enseignante en technologie, j'ai interrogé ChatGPT et Le Chat sur l'enseignement de l'intelligence artificielle en France. Il m'a été répondu que la réflexion était en cours, mais que, peut-être, l'IA pourrait être enseignée dans le cadre de la technologie, une matière pourtant supprimée de la classe de sixième.

Mme Laure Darcos. - Madame la ministre, mon président de groupe Claude Malhuret a dû vous adresser un courrier signé de l'ensemble des parlementaires de l'Allier pour tirer la sonnette d'alarme sur les fermetures de classe. Je suis moi-même confrontée à ce problème en Essonne.

La fermeture d'une classe se joue à trois élèves près alors qu'il en faut douze pour en rouvrir une. C'est particulièrement injuste ! Nous sommes à un an des élections municipales et vous savez très bien que dans certains petits villages, une fermeture de classe, c'est la fin programmée d'une école. C'est très angoissant et je vous appelle donc à la clémence dans vos décisions.

Comme Annick Billon, je m'interroge sur la partie mutualisée du pass Culture. Vous avez été, avec ce dispositif, victime de votre succès. Toutefois, un certain nombre de troupes du spectacle vivant sont inquiètes : compte tenu des coupes budgétaires décidées en commission mixte paritaire, les déplacements qu'elles avaient prévu de faire dans les écoles d'ici à la fin de l'année semblent compromis. Or je pense intimement que cette partie mutualisée est plus intéressante que la partie chèque consommation à 18 ans pour éveiller nos collégiens à des domaines culturels qu'ils ne connaissent pas.

Au sujet de la labellisation des manuels scolaires, vos prédécesseurs semblent avoir été sous le joug de la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco). Or si un jour les extrêmes devaient se trouver à la tête du pays, certains programmes d'histoire, de mathématiques ou de sciences de la vie et de la terre (SVT) pourraient être modifiés en profondeur. Cette labellisation est très dangereuse également dans la mesure où les spécimens sont envoyés dans les écoles. À terme, cela signifie que des auteurs, qui sont souvent des collectifs de professeurs, ne seront pas rémunérés.

Enfin, la délégation sénatoriale aux droits des femmes entreprendra prochainement la rédaction d'un rapport d'information sur les femmes et les sciences. Je sais que ce sujet vous tient à cœur. Que comptez-vous faire pour améliorer l'appétence des filles pour les mathématiques dès le plus jeune âge ? Je vous avais saisie lorsque vous étiez Première ministre et que Pap Ndiaye était ministre de l'éducation nationale. La réforme du lycée avait supprimé les mathématiques du tronc commun. Avec leur rétablissement en classe de première, nous n'avons fait que la moitié du chemin.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Madame Monier, je vous confirme que le taux d'encadrement progresse. Il n'aura d'ailleurs jamais été aussi élevé : alors qu'il y a 100 000 élèves en moins, nous stabilisons le nombre de professeurs. Pour autant, cela ne signifie pas - j'entends l'incompréhension à ce sujet - que la carte scolaire est figée. D'une part, il peut y avoir localement des ouvertures et des fermetures de classes, et, d'autre part, nous devons allouer des moyens à nos différentes politiques. Je pense notamment aux classes de quatrième et de troisième, aux brigades de remplacement, à l'école inclusive ou encore à l'accueil des élèves allophones.

Dans mon esprit, les observatoires des dynamiques rurales devaient d'ailleurs précisément jouer le rôle de donner une vision pluriannuelle et d'anticiper les situations de déséquilibre. Il n'en reste pas moins que la question risque de se compliquer encore dans les territoires peu peuplés. Je suis élue d'un territoire rural et l'on voit à quel point les temps de transport scolaire pénalisent les jeunes. Nous ne pouvons pas nous contenter d'accompagner la baisse démographique : nous devons réfléchir à l'organisation de nos territoires dans l'intérêt des élèves. Un collégien qui met quarante-cinq minutes pour se rendre dans son établissement n'a pas les mêmes chances que celui qui habite à dix minutes à pied du sien. Le message ayant été manifestement mal compris à l'époque, je réaffirme notre besoin d'une vision pluriannuelle, à trois ans, afin de permettre aux collectivités de s'organiser en conséquence.

Sur les AESH, un certain nombre d'avancées ont été réalisées : la possibilité de passer en CDI au bout de trois ans ou encore la revalorisation de 13 % en 2023, soit 20 % au global depuis 2017. Par ailleurs, je viens de signer le décret qui permettra à l'État de prendre en charge le temps d'AESH sur la pause méridienne. Avec cette mesure, chaque enfant sera accompagné par un même AESH. Ces dernières pourront augmenter leur temps de travail, et donc leur rémunération.

Au sujet de l'attractivité du concours de professeur, le regroupement des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur devrait simplifier les choses. On déplore une baisse du nombre de candidats : lorsque l'on recrute en master 2, il est normal, par construction, que l'on ait moins de candidats qu'en licence 3. En réduisant nous-mêmes le vivier, nous nous sommes en quelque sorte compliqué la tâche.

Il y a par ailleurs des avantages à recruter en licence 3. Un travail important a déjà été réalisé s'agissant des licences de préparation au professorat des écoles, et les mathématiques, le français, l'histoire-géographie ou encore les SVT pourraient y être enseignés. En licence 3, les étudiants sont plus jeunes et sont enthousiasmés à l'idée de devenir professeur des écoles. C'est donc le bon moment pour leur tendre la main et leur construire un parcours adapté. Il est peut-être moins simple de s'adresser à des jeunes titulaires d'un master 2, qui peuvent ne plus étudier les matières fondamentales qu'ils auront à enseigner aux élèves du premier degré. Vous pouvez compter sur moi pour assurer la coordination entre l'enseignement supérieur et l'enseignement scolaire et avancer sur la formation des professeurs des écoles.

En ce qui concerne l'éducation à la vie affective, relationnelle, et à la sexualité, personne ne peut se satisfaire qu'une obligation légale datant de 2001 ne soit mise en œuvre que pour 15 % des élèves. En tant que Première ministre, j'avais demandé au ministre de l'éducation nationale de l'époque de saisir le Conseil supérieur des programmes afin de définir précisément, par tranche d'âge et par niveau, le contenu de cette éducation. Le travail réalisé à cette occasion avec des professionnels de l'éducation, de la jeunesse et de la santé me semble constituer une base solide pour asseoir la légitimité de cet enseignement. Je tiens enfin à ce que les professeurs le proposent eux-mêmes, avec l'appui des personnels de santé scolaire, le cas échéant avec des associations, mais qu'ils s'impliquent dans ce domaine.

En matière d'orientation, il me paraît fondamental de commencer la découverte des métiers dès la cinquième, et de dégager du temps permettant aux élèves de faire des choix éclairés. Nous devons leur élargir l'horizon au-delà de la connaissance des métiers qu'ils ont pu recevoir dans le cadre familial. La concertation qui est en cours avec les régions, chargées de l'information sur les métiers, devrait nous apporter un éclairage. En tout état de cause, je confirme la nécessité d'une continuité de bac-3 à bac+3. Je suis convaincue en effet que lorsque l'on est motivé par un métier, on apprend plus facilement que lorsque l'on suit une formation dont on s'interroge a posteriori sur les débouchés.

Concernant le caractère obligatoire de l'obtention du diplôme national du brevet, il a toujours été considéré que la décision du passage en seconde revenait au conseil de classe. Il me paraît important de conserver cette logique. Pour autant, je vous rejoins, monsieur le sénateur Brisson : un échec au brevet est une alerte, qui appelle une remédiation. Nous allons donc poursuivre l'expérimentation de la classe prépa-seconde lancée à la rentrée dernière. Par ailleurs, nous devons réfléchir à des "stages de réussite" ou à un accompagnement pendant les premiers mois de la seconde : les élèves concernés pourraient bénéficier d'un soutien dans les matières fondamentales pour renforcer les acquis et, le cas échéant, repasser le brevet. Si l'échec au brevet s'explique non pas par un problème personnel ou une situation particulière, mais bien par un défaut de maîtrise d'un certain nombre de compétences, alors il faut prévoir une remédiation.

Au sujet de l'instruction en famille, la loi de 2021 a créé un nouveau régime d'autorisation. Plus des trois quarts des demandes ont fait l'objet d'une autorisation. Par ailleurs, des commissions académiques ont été mises en place pour répondre aux demandes qui ne seraient pas satisfaites. La situation est donc moins négative qu'il n'y paraît.

M. Jacques Grosperrin. - Nous n'avons pas les mêmes retours.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Nous comparerons nos chiffres.

Madame Billon, je partage tout à fait l'objectif de la proposition de loi du président Lafon. Sur la question du dépôt de plainte, je soutiens l'idée que l'institution puisse se substituer au personnel de l'éducation victime d'insultes ou de violences. Il y a une différence entre le signalement systématique au procureur, qui est déjà prévu, et un dépôt de plainte.

La question du pass Culture a donné lieu, semble-t-il, à des surréactions de part et d'autre. Manifestement, un message maladroit a été adressé aux établissements, qui ont craint de ne pas avoir les fonds disponibles. La flambée de réservations a été telle – à hauteur de 50 millions d'euros en dix jours – que nous avons dû fermer temporairement la plateforme. Parallèlement, un certain nombre d'acteurs culturels ont annulé purement et simplement leurs manifestations sans nous laisser le temps de traiter les pré-réservations. J'espère que nous pouvons maintenant reprendre le chemin de l'apaisement. Comme je l'ai annoncé, l'ensemble des demandes ayant fait l'objet d'une pré-réservation seront validées.

Compte tenu de l'important dépassement budgétaire enregistré – nous sommes passés de 62 millions d'euros budgétés à 97 millions d'euros dépensés –, ce dispositif par ailleurs important mérite d'être évalué. J'ai saisi l'inspection du ministère et l'inspection des finances en ce sens, et peut-être votre commission pourrait-elle se pencher sur les actions que finance la part collective du pass Culture…

J'en viens à la question des remplacements. L'académie de Versailles, au même titre que celles de Créteil, de Mayotte ou de Guyane, fait face non pas seulement au problème du remplacement des absences de courte durée, mais à la vacance d'un certain nombre de postes. Nous devons absolument renforcer l'attractivité des postes d'enseignant dans ces académies où la situation est plus tendue. Il y a là un enjeu d'égalité des chances entre les élèves.

Madame de Marco, mes prédécesseurs avaient prévu une évaluation sur les groupes de besoins. Laissons le temps à cette mission de produire ses conclusions et de faire ses préconisations. Les modalités de mise en œuvre sont assez différentes selon les établissements. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, quand on regroupe des élèves bénéficiant de l'Ulis, des élèves allophones et des élèves en difficulté, je doute que l'on donne le maximum de chances aux élèves les plus faibles de rattraper un jour les moyens et les bons de la classe.

En quatrième et troisième, il s'agit d'ajouter une heure de maths et de français par semaine : il paraît pertinent de laisser l'établissement trouver la bonne organisation à mettre en place. Elle est en effet moins lourde que l'organisation de toutes les heures de mathématiques et de français en groupes de besoins pour les classes de sixième et de cinquième.

Près de soixante équivalents temps plein (ETP) ont été alloués au contrôle des établissements privés sous contrat, un sujet dont avait été saisie Nicole Belloubet et qui a fait l'objet d'un rapport à l'Assemblée nationale. Il a été par ailleurs demandé à chaque académie d'établir une stratégie pluriannuelle. L'objectif est que 40 % des établissements fassent l'objet d'un contrôle d'ici à 2027, 30 % sur pièces et 10 % sur place. Maintenant que les moyens sont dégagés, il est important de mettre en œuvre ces contrôles.

Madame Darcos, j'ai bien noté vos alertes concernant l'Allier et l'Essonne. Le rapport entre les femmes et les sciences est un sujet qui m'interpelle évidemment, au-delà de mon parcours personnel. Nous avons vraiment besoin de former plus d'ingénieurs dans notre pays – nous en formons 40 000 par an quand il en faudrait 60 000 – et nous n'y parviendrons pas si la moitié de la population continue de se détourner des sciences. Il faut absolument lever l'autocensure chez les jeunes filles et les petites filles à l'égard des matières scientifiques. Les choses se jouent dès le premier trimestre de CP, au cours duquel les filles décrochent en mathématiques alors même que l'appétence pour cette matière est équivalente, à l'entrée en CP, entre les filles et les garçons. Cela signifie que nous avons notre part de responsabilité.

Les dispositifs de type Cordées de la réussite doivent être promus. Nous avons besoin également de l'implication des femmes qui ont réussi dans les sciences : elles doivent donner confiance aux filles pour qu'elles s'engagent dans ces filières. Le rétablissement du caractère obligatoire des mathématiques en première et la mise en œuvre de l'épreuve anticipée seront l'occasion de réaffirmer l'importance de cette matière. Cela ne lèvera pas, toutefois, les freins culturels qui font que, lorsque vous annoncez une épreuve de géométrie, les filles réussissent moins bien que si vous leur faites passer la même épreuve en l'appelant épreuve de dessin. Vous pouvez compter sur ma détermination pour m'attaquer à ces freins culturels.

M. Christian Bruyen. - L'actualité me conduit à évoquer l'intelligence artificielle. Au-delà des aspects économiques, c'est bien le développement d'une véritable culture de l'intelligence artificielle qui est en jeu. Cela impose de former l'esprit critique des utilisateurs face à ces nouvelles technologies, et ce dès l'école, au collège et au lycée. Plus et mieux l'on comprend le fonctionnement de ces solutions, moins on les subit.

C'est en ce sens, madame la ministre, que vous avez annoncé la mise en œuvre d'une stratégie pour l'IA dans l'éducation, dont nous pouvons nous réjouir. Vous entendez définir un cadre d'usage de l'IA dans le scolaire. Quelles sont vos priorités en la matière ? Vous faites également référence à un "nouveau partenariat d'innovation technologique" pour doter les enseignants d'un outil pour les aider dans leur démarche pédagogique. Si je peux me permettre, plusieurs outils – Lalilo, Navi, Mathia, Smart Enseigno – sont déjà disponibles. Selon les retours de terrain, ils sont méconnus et sous-exploités. Quel accompagnement spécifique entendez-vous développer pour une véritable appropriation de l'IA par le corps enseignant ?

La sous-exploitation des ressources de l'IA est peut-être due au fait qu'elle remet en cause les pratiques pédagogiques en cours. Cette évolution apporte en effet son lot d'interrogations et d'inquiétudes qui sont bien légitimes de la part du corps enseignant, d'où la nécessité d'un véritable accompagnement. La sous-exploitation s'explique peut-être aussi par le fait que les usages de l'IA sont parfois beaucoup trop normés. Certes, il faut des garde-fous, mais l'IA n'est pas nécessairement dangereuse. Les nécessaires principes de vigilance et de précaution ne doivent pas scléroser son développement. Je prends l'exemple des données collectées à l'occasion des évaluations nationales, qui sont très souvent conduites par obligation et encombrent ensuite les armoires des établissements. Alors que l'IA pourrait être mobilisée pour analyser ces très nombreuses données, son usage est interdit. Pourtant, elle offrirait bien plus aisément des possibilités de pédagogie différenciée, individualisée et adaptée aux capacités de l'enseignant. Madame la ministre, une réflexion est-elle possible dans ce domaine ?

Mme Agnès Evren. - Les fermetures de classes à Paris représentent 25 % des fermetures sur le plan national. Aujourd'hui, 60 % des enseignants du premier degré étaient en grève à Paris. Leur mobilisation est liée aux fermetures de classes, mais également aux décharges pour les directeurs d'école. La carte scolaire prévue pour la rentrée 2025 est très préoccupante : après les nombreuses fermetures de l'an passé, 110 fermetures sont annoncées. Dans le XVe arrondissement, pas moins de 26 classes seront fermées. Est-il besoin de rappeler que ces fermetures ont pour conséquence des classes surchargées qui nuisent aux élèves les plus fragiles et notamment à la qualité de l'enseignement ? On le sait, à cet âge, un suivi individualisé est absolument essentiel. Madame la ministre, envisagez-vous un réexamen de ces fermetures, notamment dans les milieux les plus défavorisés, en concertation avec les élus, les directeurs d'école et les syndicats ?

Par ailleurs, le régime de décharge des directeurs d'école permettait depuis 1982 à 95 % des directeurs parisiens de se consacrer pleinement à leurs missions administratives et pédagogiques. Sa suspension en 2019 a mis en péril l'organisation de nos écoles. Si rien n'est fait, seul un directeur sur six en bénéficiera et les autres verront leur charge de travail considérablement alourdie. Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à rétablir ce régime de décharge, qui est indispensable au bon fonctionnement de nos écoles ?

M. Cédric Vial. - Je rebondis sur les PAS, dont la mise en œuvre est présentée depuis quelque temps comme la solution miracle à la désorganisation de l'école inclusive dans les territoires. S'ils permettent un rapprochement entre l'école et le secteur médico-social, ils posent un certain nombre de problèmes, eu égard notamment à la séparation entre le prescripteur et l'opérateur. Avec les PAS, ce sont non plus les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), mais l'éducation nationale qui prescrit. En caricaturant, ce sont désormais les moyens de l'éducation nationale et non plus l'intérêt de l'enfant qui sont au centre. C'est en tout cas une inquiétude qui mérite d'être discutée. Les Pial ont été créés par la loi. Il ne sera donc pas possible d'envisager une généralisation des PAS sans un débat parlementaire.

Ma question porte sur la mise en œuvre de la loi du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne. Il y a aujourd'hui deux obstacles à la mise en place de cette loi, qui est pourtant en vigueur depuis le mois de septembre de l'année dernière.

Le premier obstacle est d'ordre financier. La dissolution de l'été dernier a empêché la discussion d'un projet de loi de finances rectificative. Dont acte. Néanmoins, certains cadres de votre ministère nous ont fait des réponses plus ou moins scandaleuses, justifiant par des arguments fallacieux la non-application de la loi par l'État. Nous avons voté au Sénat un amendement complétant à hauteur de 31 millions d'euros – soit le coût global estimé par la Dgesco de la prise en charge de 1 200 ETP d'AESH environ sur le temps méridien – les crédits prévus initialement. À mon corps défendant, la commission mixte paritaire a supprimé ces crédits, qui peut-être faisaient doublon. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que contrairement à l'année dernière, les enfants en situation de handicap pourront être pris en charge sur le temps méridien ? Grâce aux 2 000 postes supplémentaires que vous avez annoncés, la loi sera-t-elle enfin appliquée ? Dans le cas contraire, quelle solution proposez-vous ?

Le deuxième obstacle est d'ordre administratif ou réglementaire. La loi fait deux lignes quand la circulaire fait huit pages. Pour ma part, j'avais proposé que l'on abroge la circulaire. Et il faudrait maintenant un décret pour la simplifier !

Je suis très heureux d'avoir lu dans La Croix que vous aviez signé ce projet de décret. J'ai hâte de le lire. Permettra-t-il de compenser les charges des collectivités territoriales, qui ont pallié l'absence de financement de l'État depuis le mois de septembre dernier ?

Enfin, avez-vous lu mon rapport sur l'organisation de l'école inclusive ? Il contient vingt propositions très intéressantes.

Mme Colombe Brossel. - En général, quand deux élus de bords politiques différents abordent le même sujet avec les mêmes propositions, c'est que l'on touche au cœur de l'intérêt général. Plus de 40 % des fermetures de classes – 198 sur 470 – qui sont prévues à l'échelle nationale concernent des classes parisiennes. Les enfants qui sont scolarisés à Paris ne représentent pas 40 % des enfants de ce pays ! Et la baisse démographique à Paris ne représente pas 40 % de la baisse démographique de ce pays !

Madame la ministre, le diagnostic n'est pas du tout "partagé" et j'invite tout le monde à se mettre autour de la table. Vos propres services alertent depuis longtemps : l'académie de Paris est la plus ségréguée de France et la baisse démographique pèse uniquement sur l'enseignement public. Ils soulignent également que si l'État ne fait rien, dans moins de dix ans, un collégien parisien sur deux sera scolarisé dans l'enseignement privé. Nous ne sommes pas loin de l'entreprise de destruction massive de l'école publique à Paris !

Sur la question de la décharge de direction d'école, l'urgence de régler un sujet dérogatoire qui date de 1982 est toute relative. "À Paris, les directeurs d'école entièrement déchargés de classe jouent un rôle important de lutte contre la pauvreté et l'exclusion en repérant les situations difficiles et en orientant les familles." : ce sont les propos d'une députée LR et d'une députée Renaissance dans un rapport de l'Assemblée nationale. Ce système ne coûte rien à l'éducation nationale et la ville s'engage à compenser financièrement son coût. Pourquoi donc vouloir niveler par le bas et détruire un dispositif qui fonctionne ? La convention est sur le bureau de votre directeur de cabinet depuis quinze jours. Personne ne comprend qu'elle ne soit pas signée.

Mme Catherine Belrhiti. - L'obtention du brevet des collèges est une étape clé du parcours scolaire de nos élèves, un signal, une première reconnaissance des acquis académiques nécessaires pour entrer au lycée. La suppression de son caractère obligatoire soulève à mon sens de nombreuses inquiétudes. Accorder l'accès en seconde à des collégiens n'ayant pas acquis les connaissances fondamentales de l'enseignement secondaire n'est pas une faveur, bien au contraire. Cela ne fait qu'aggraver les difficultés accumulées depuis plusieurs années et joue sur le niveau global de la classe, où les écarts se creusent. Au bout du compte, personne n'est gagnant. Agir en classe de seconde est trop tard selon moi. Pendant longtemps, on a refusé le redoublement. C'était une erreur : faire redoubler un élève, c'est lui redonner une chance. C'est en classe de troisième que tout se joue et c'est à ce moment-là qu'il faut envisager une remédiation.

Par ailleurs, il faut redonner de la valeur au brevet. J'ai été enseignante pendant quarante ans. Les questions qui étaient posées au brevet faisaient rire les élèves tellement elles étaient faciles. J'ai pourtant connu une époque où le brevet était un véritable examen permettant d'entrer en seconde.

Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il financer la non-suppression des 4 000 postes d'enseignants, dont le coût estimé est de 100 millions d'euros ? Dans mon département de la Moselle, on annonce déjà des suppressions de postes. Pour les maires, c'est difficilement audible.

Enfin, je vous remercie d'avoir été favorable à une réforme des conditions d'accès au concours de recrutement, en abaissant le niveau d'études requis à bac+3 et en instaurant un parcours en alternance professionnalisante de deux ans permettant d'atteindre un bac+5. Cela renforcera l'attractivité de la profession et la qualité de la formation des futurs enseignants.

Mme Mathilde Ollivier. - Madame la ministre, la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur est à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée la semaine prochaine et il me semble intéressant d'entendre votre position à ce sujet. Le collectif Golem a révélé récemment sur ses réseaux sociaux la fabrication par le syndicat UNI de l'université de Strasbourg d'un jeu de cartes relayant des propos antisémites, sexistes et islamophobes.

M. Max Brisson. - Pas aujourd'hui ! Pas après ce qu'il s'est passé à Toulouse !

Mme Mathilde Ollivier. - Les images ne laissent pas place au doute et nous restons sidérés devant la diffusion de ces morceaux de haine, de même que devant l'impunité dont les auteurs semblent bénéficier. Nous devons lutter collectivement contre les actes et propos antisémites dans les universités. Quelles sanctions prévoyez-vous ?

J'évoquerai également l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et le détachement des professeurs. La limitation des détachements à six ans a été votée en 2019 et nous voyons arriver les premières dérogations. Depuis la mise en œuvre de cette mesure – votre prédécesseur, qui connaissait bien le réseau AEFE, avait indiqué l'évaluer –, on constate une baisse de la mobilité, alors que les contraintes pesant sur les professeurs vont croissant. Souhaitez-vous poursuivre ce travail sur la fin du bornage et si oui à quelle échéance ?

Enfin, l'objectif de doublement des effectifs dans le réseau AEFE d'ici à 2030 – une des grandes propositions du Président de la République en matière d'enseignement français à l'étranger – semble compliqué à mettre en œuvre. C'était d'ailleurs l'une des conclusions du rapporteur pour avis Claude Kern sur le programme 185 "Diplomatie culturelle et d'influence". Comment voyez-vous l'avenir du réseau dans ce contexte budgétaire contraint ?

Mme Béatrice Gosselin. - Le problème de l'attractivité du métier de professeur a été abordé. Dans les premier et second degrés, certains professeurs ont les pires difficultés à obtenir des mutations après une dizaine d'années d'enseignement en région parisienne. Ces enseignants expérimentés au cursus intéressant ne parviennent pas à revenir dans le département de leur choix, notamment dans les territoires ruraux, où ce sont plutôt des contractuels qui occupent les postes. Faciliter ces mutations permettrait peut-être d'éviter des démissions.

Par ailleurs, les établissements d'enseignement agricole privés ont perdu depuis 2022 une partie de leur dotation. Elle a pourtant été maintenue pour les établissements publics. Alors qu'ils permettent un parfait maillage des territoires, ces établissements se retrouvent en difficulté, en particulier dans la Manche.

M. David Ros. - Mon collègue Christian Bruyen vous a déjà interrogé sur l'IA, j'écouterai donc vos réponses avec attention. J'aurai d'ailleurs l'honneur, madame la ministre, de vous poser demain une question d'actualité sur ce sujet.

Je souhaite également vous interroger sur les rythmes scolaires, sujet que j'ai évoqué avec vos prédécesseurs. À Orsay, dont j'ai été maire, la législation qui prévoit cinq matinées travaillées continue d'être respectée, à la satisfaction des parents, dont les retours sont aux deux tiers positifs. En revanche, la quasi-unanimité des professeurs m'indique que, dans l'intérêt de l'enfant, il ne faudrait pas de cours le mercredi matin. Liberté a été laissée au maire, ce qui conduit à une situation schizophrénique, la loi n'étant plus appliquée partout. Une évaluation générale est-elle prévue avec, pour perspective, un rythme universel dans toutes les communes de France ?

M. Adel Ziane. - Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les suppressions de postes. Il y a un an, l'un de vos prédécesseurs, devenu depuis Premier ministre, nous indiquait ici même que 15 millions d'heures de cours n'avaient pas été dispensées en France en 2023. Face à l'argument, régulièrement invoqué, de la baisse démographique, mettre fin à ces suppressions améliorerait l'encadrement de nos élèves.

Par ailleurs, dans mon département de la Seine-Saint-Denis, nous appelons non pas à un choc des savoirs, mais à un choc d'égalité. Cette mobilisation a porté ses fruits, avec seulement 13 suppressions de postes dans le premier degré, au lieu des 185 prévues. Malgré cela, en septembre, 273 classes fermeront pour seulement 180 ouvertures, soit une centaine de classes de moins – les autres postes étant redéployés sur d'autres priorités. Quand ferons-nous enfin de la chute de la démographie un levier d'amélioration des conditions d'apprentissage, en réduisant le plafond des effectifs en classe ?

Je souligne ensuite le manque structurel de remplaçants dans mon département, fruit d'un sous-investissement chronique et d'une gestion inadaptée des ressources humaines. Ainsi, trop d'élèves restent sans professeur pendant des semaines, si bien qu'au baccalauréat un enfant de la Seine-Saint-Denis aura perdu l'équivalent d'une année de cours dans toutes les matières par rapport aux élèves d'autres départements. Quelles mesures concrètes prendrez-vous à ce sujet ? Alors que 200 à 300 postes de plus seraient nécessaires dans le département, le rectorat ne prévoit d'en pourvoir que 80.

Enfin, les stages de troisième posent un problème de reproduction sociale et laissent apparaître un plafond de verre. Sans réseau, les ambitions des élèves, très fortes dans mon département, se heurtent à des portes fermées, ce qui perpétue des inégalités flagrantes et documentées. Ainsi, seuls 31 % des élèves en réseaux d'éducation prioritaire (REP) trouvent un stage en lien avec leur orientation, contre 56 % hors REP. Ni la plateforme monstagedetroisieme.fr ni les efforts des associations ne suffisent face à l'ampleur du problème. Comment garantirez-vous à chaque élève un stage formateur ?

Mme Pauline Martin. - Max Brisson et moi-même avons été sollicités par le réseau Espérance banlieues, qui vise à diffuser les valeurs républicaines et les savoirs fondamentaux dans les territoires défavorisés. Ses membres demandent depuis longtemps à être associés à l'éducation nationale. Qu'en pensez-vous ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je vais vous poser la même question qu'à vos prédécesseurs, madame la ministre, à la suite de la révision par Gabriel Attal des modalités de la participation des enseignants aux dispositifs École et cinéma, Collège et cinéma et Lycéens et apprentis au cinéma. Le 21 janvier, je vous ai alertée par un courrier également adressé à la ministre de la culture : la réforme du remplacement de courte durée a entraîné une désaffection des enseignants et une baisse de leur engagement envers ces actions.

Il ne s'agit pas de négliger l'enseignement en classe, et chaque élève doit avoir un professeur devant lui. Cependant, ces dispositifs anciens, pour lesquels les collectivités sont très engagées, sont fragilisés, voire en péril, alors qu'ils sont nés dans notre région de Normandie. Ainsi, le nombre d'élèves normands bénéficiant de l'éducation à l'image a baissé de 30 %. Alors que nous débattons de l'éducation culturelle et que la part collective du pass Culture a été réduite, de nombreuses actions culturelles ou artistiques sont en voie de disparition, les collectivités se désengageant, par effet domino. En effet, pourquoi le département s'engagerait-il quand il n'y a aucune concertation avec l'éducation nationale ? Comme me l'a dit hier Gaëtan Bruel, nouveau président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), la solution est de votre côté, madame la ministre ! Nous comptons donc sur vous.

J'aborde maintenant le sujet plus grave du mal-être des enseignants, qui a déjà fait l'objet de travaux de notre commission, avec les rapports d'information de Max Brisson et d'Annick Billon sur la formation initiale et continue des professeurs, de Laurent Lafon, travail en commun avec la commission des lois, sur les menaces et agressions contre les enseignants, ou encore le mien, sur la violence dans les établissements scolaires, qui mentionnait notamment le #PasDeVague. Ainsi, dans l'académie de Normandie, neuf suicides d'enseignants ont eu lieu depuis juillet 2024. Les syndicats nous interpellent : il faut enquêter sur les causes d'actes aussi tragiques au coeur de la maison éducation nationale.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Monsieur Bruyen, la concertation autour du cadre d'usage de l'IA est engagée jusqu'à la fin mars. La réalité est que de nombreux collégiens et presque tous les lycéens et étudiants utilisent les IA grand public, de même que 20 % des professeurs, peut-être par un effet générationnel. Il faut d'abord accompagner les professeurs dans la familiarisation avec l'outil, puis définir les bonnes et mauvaises pratiques. Ainsi, utiliser une IA pour aider à la préparation du cours semble acceptable, car l'enseignant reste responsable de son contenu. A contrario, soumettre des données personnelles d'élèves à une IA grand public ne l'est pas.

Pourquoi souhaitons-nous développer des outils pour les professeurs au travers d'un partenariat d'innovation ? Il est important de nous doter d'une IA souveraine, ouverte et évolutive, sans être tributaires d'un abonnement. En outre, l'outil doit venir en appui des pratiques pédagogiques, tout en assurant la protection des données. Ainsi, faire analyser par l'IA les différences d'apprentissage au sein d'un groupe d'élèves permettrait de mieux cerner les obstacles et de personnaliser la réponse du professeur. Mais ces données d'apprentissage ne doivent pas circuler sur des outils ouverts au public, d'où la mobilisation des crédits de France 2030.

Pour répondre à Mme Evren, selon les chiffres dont je dispose, le taux d'encadrement à Paris est le plus élevé de la France hexagonale. Peut-être reste-t-il des classes surchargées, auquel cas il conviendra de discuter de la répartition des moyens. En outre, ce taux fait partie de ceux qui ont le plus progressé ces dernières années, car les suppressions de postes ne sont pas proportionnelles à la baisse démographique. Par ailleurs, les établissements d'éducation prioritaire bénéficient du dédoublement des effectifs et l'ensemble des écoles du plafonnement des effectifs des classes de grande section, CP et CE1.

Mme Colombe Brossel. - Elles peuvent compter jusqu'à vingt-huit élèves en REP+ !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Nous pourrons examiner les cas particuliers.

Sur les décharges des directeurs d'école, le système créé en 1982 a fonctionné jusqu'en 2019, année où la Ville de Paris a décidé de ne plus honorer la convention qui la liait au ministère. Ainsi, la Cour des comptes a prononcé une injonction de mettre fin à un dispositif sans fondement juridique, qui crée une rupture d'égalité entre Paris et le reste du territoire. La "dette" envers l'État accumulée depuis par la Ville de Paris atteindrait 120 millions d'euros. La réponse doit donc être juridique et financière. Je suis ouverte à la discussion, mais le sujet est loin d'être simple et nous ne pouvons ignorer l'avis de la Cour des comptes.

Monsieur Vial, la philosophie n'est pas d'utiliser les moyens des PAS dans le pur intérêt de l'éducation nationale. En revanche, le recours à l'AESH n'est pas toujours la réponse la plus adaptée aux prescriptions parfois tardives des MDPH, alors que leur nombre au sein d'une même classe est parfois important. Je n'ai pas encore pris connaissance de vos recommandations, mais un travail conjoint entre l'éducation nationale et le secteur médico-social doit être mené. Chaque jeune en situation de handicap doit bénéficier d'un accompagnement adapté, que ce soit en établissement médico-social, en Ulis, avec l'appui d'un AESH ou au travers d'aménagements pédagogiques. Alors que nous voulons développer encore l'école inclusive et l'acceptation par les autres jeunes et les parents, il faut trouver le meilleur chemin. Selon nos premiers retours, les pôles d'appui à la scolarité donnent satisfaction.

En outre, le financement de la prise en charge de la pause méridienne des AESH est bien prévu. Le décret ne complexifie pas la situation, il la simplifie. Je précise d'ailleurs que tous les élèves faisant l'objet d'une prescription d'AESH n'ont pas besoin de sa présence lors de la pause méridienne.

M. Cédric Vial. - Nous parlons de 8 % et de 10 % des cas.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Toujours est-il que nous avons bien prévu les crédits, comme la loi l'impose désormais.

Madame Belrhiti, je souhaite que le diplôme national du brevet soit exigeant. Nous maintenons donc la suppression du correctif académique et réévaluerons la pondération du contrôle continu. Quant au redoublement, le dernier mot reste au conseil de classe pour le passage de la troisième à la seconde, ce qui est la bonne formule. En outre, comme je le disais à M. Brisson, après cette décision de passage en seconde, un échec au brevet doit être un signal d'alerte et suppose une remédiation en vue de la poursuite du parcours de l'élève. Tout cela s'inscrit dans la continuité observée depuis la création du brevet à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Un schéma d'emploi stable n'empêche pas nécessairement les fermetures de classes, qui peuvent se conjuguer avec des ouvertures pour un solde nul.

Madame Ollivier, l'antisémitisme n'a sa place ni à l'école, ni au collège, ni au lycée, ni à l'université. C'est pourquoi le Gouvernement sera favorable à la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Philippe Baptiste, qui prend ce sujet à cœur, a rencontré les présidents d'université. Selon eux, une partie des étudiants se sentent menacés ou sous pression, ce qui ne peut durer. Nous travaillons en lien avec le ministère de la justice, avec des signalements au procureur de la République. En la matière, dans l'enseignement supérieur et scolaire, la politique est celle de la tolérance zéro. Ce débat à venir est bienvenu.

Sur le détachement à l'AEFE, il faut faire preuve de souplesse. En effet, la loi prévoit un maximum de six ans, mais le retour et la prise en compte de l'expérience acquise à l'étranger ne sont pas organisés. Nous avons donc décidé de prolonger les détachements en cours, pour nous donner du temps. La rotation des enseignants est pleinement justifiée pour les postes situés dans des pays plus attractifs, alors que pour d'autres, les volontaires ne se bousculent pas… Il faut prendre en compte les situations individuelles, dans le prolongement du suivi attentif d'Anne Genetet sur cette question.

Madame Gosselin, les enjeux de mobilité affectent l'attractivité des postes d'enseignant. Nous ne pouvons négliger les alertes, certains professeurs parlant de démission s'ils n'obtiennent pas satisfaction en la matière. C'est pour répondre au mieux aux attentes de nos très nombreux agents que nous nous sommes engagés à en discuter dans le cadre de l'agenda social. Nous pouvons faire mieux.

Je mesure à quel point les rythmes scolaires sont au croisement d'intérêts aussi sensibles que contradictoires. Le Président de la République a rappelé son souhait d'avancer sur ce point, mais il faut organiser une large concertation avant de l'envisager, alors que l'appréciation de chaque collectivité diffère. L'uniformisation n'est pas nécessairement souhaitable, l'intérêt de l'élève devant rester central.

Monsieur Ziane, nous faisons la preuve, cette année encore, du fait que nous tirons parti de la baisse démographique pour améliorer l'encadrement et la réponse pédagogique. Je suis cependant prête à observer plus en détail la situation de la Seine-Saint-Denis et ne doute pas que la rectrice y sera attentive.

Nous savons très bien que, pour leur stage de troisième, les élèves sont parfois tributaires du carnet d'adresses de leurs parents. C'est la raison d'être de la plateforme "1eleve1stage", mais aussi des bureaux des entreprises dans les lycées professionnels. Parce que ces stages doivent éclairer l'orientation du jeune et non accroître les déterminismes sociaux, l'institution doit mieux accompagner leur recherche. Je souligne que de nombreux réseaux d'entreprises, comme "Les entreprises s'engagent", sont aussi actifs.

Madame Morin-Desailly, dès lors qu'un suicide a lieu, comme dans l'académie de Normandie, une enquête doit être diligentée et la formation spécialisée de l'académie doit se réunir. Je réaffirmerai cette règle au niveau du rectorat. Il serait erroné de globaliser ce qui relève avant tout de situations individuelles et multifactorielles, mais cette réponse doit avoir lieu partout et rapidement.

Je suis attachée au dispositif Ma classe au cinéma, mais je ne comprends guère le lien entre les remplacements de courte durée et une baisse de son utilisation.

Mme Colombe Brossel. - Les projets ne sont souvent plus autorisés, faute de remplacements. Ainsi, le nombre de sorties fond à vue d'œil.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Je comprends donc qu'il faut reclasser ces dispositifs, qui ne sont pas des absences, mais bien des projets pédagogiques.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le processus de déconstruction est à l'œuvre. Il faut d'urgence trouver une solution !

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie, madame la ministre, de vos réponses nombreuses et précises. Vous avez pu constater l'attention de notre commission aux questions éducatives.


Source https://www.senat.fr, le 21 février 2025