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Q - Benjamin Haddad, vous êtes toujours à Kiev. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe, merci d'être avec nous dans " Le Grand Dossier " ce soir. C'est ce grand rassemblement autour de l'Ukraine, qui est dans une période extrêmement compliquée. D'abord un mot sur Emmanuel Macron, sur cette rencontre avec Donald Trump dans quelques instants. Est-ce que selon vous, cet entretien c'est celui de la dernière chance ?
R - C'est un entretien évidemment très important entre le Président Macron et le président Trump. C'est la suite du dialogue honnête, respectueux qu'ils ont depuis des années. Le Président de la République y va avec un message très clair : on ne peut pas se précipiter vers un cessez-le-feu qui serait bâclé. On a besoin d'une paix juste et durable en Ukraine, qui devra se faire avec les Ukrainiens, puisque c'est de la sécurité de l'Ukraine dont on parle, avec les Européens, puisque c'est bien sûr de notre sécurité dont on parle, et qui devra prendre en compte les garanties de sécurité pour l'Ukraine. Vous savez, je suis ici à Kiev, j'ai rencontré le président Zelensky avec les chefs d'Etat et de gouvernement cet après-midi. Cette rencontre entre le Président Macron et le président Trump est très attendue, et le rôle du Président de la République et de la France a été salué ici par nos interlocuteurs. Fondamentalement, ce que j'ai entendu, c'est que l'approche du président des Etats-Unis, c'est-à-dire la paix par la force, est soutenue. Mais pour cela, nous avons besoin d'abord de continuer à soutenir l'Ukraine sur le plan militaire sur le terrain. C'est pour ça d'ailleurs que de nouveaux paquets d'aides militaires ont été annoncés, que nous aurons un sommet européen exceptionnel sur le sujet le 6 mars, qui a été annoncé par le président Costa. C'est pour ça que nous devons continuer à augmenter la pression économique sur la Russie. Nous avons adopté aujourd'hui, vous le savez, un 16e paquet de sanctions au niveau du Conseil Affaires étrangères à Bruxelles. Encore une fois il n'y a pas de chemin facile ou précipité vers la paix. Les Européens devront jouer tout leur rôle et c'est cette voix que va faire entendre Emmanuel Macron à Washington.
Q - Les Européens, pardonnez-moi, qui avancent en ordre dispersé, il y a un gros risque pour Emmanuel Macron. Que se passe-t-il s'il n'obtient absolument rien ? On a l'impression que ça y est, les jeux sont déjà faits.
R - Mais les jeux ne sont pas faits puisque les Ukrainiens sont toujours en train de se battre sur le terrain. La guerre continue.
Q - Oui, mais les négociations entre Vladimir Poutine et Donald Trump ont commencé depuis un moment.
R - Ils se battent pour leur souveraineté, mais ils se battent aussi pour la sécurité de l'Europe et des Européens. Et je voudrais vous rappeler que l'Europe, l'Union européenne, les Etats membres, depuis trois ans, a donné plus que les Etats-Unis sur le plan économique, militaire ou encore humanitaire. Donc l'Europe a tout son rôle à jouer dans cette négociation. Et comment peut-on imaginer demain un cessez-le-feu qui durerait, si on n'a pas des garanties de sécurité dans lesquelles aussi les Européens devront jouer leur rôle. Vous savez, les Ukrainiens ici, et je l'ai entendu encore aujourd'hui, connaissent leur histoire. Ils se rappellent du mémorandum de Budapest dans les années 1990, où ils ont abandonné leur programme nucléaire en échange de garanties de sécurité, que la Russie a immédiatement violée. Ils se rappellent des accords de Minsk de 2014-2015, que la Russie a violée aussi à des dizaines de reprises. Donc la question aujourd'hui, c'est comment est-ce qu'on fait en sorte pour que ce cessez-le-feu ne soit pas juste une parenthèse que la Russie utilise pour réarmer et réattaquer. Et à cet égard, une fois de plus, les Européens feront entendre leur voix, auront leur rôle à jouer sur le long terme. Et puis, au-delà de ça, et c'est le message que porte la France, vous le savez, depuis des années déjà, c'est aussi le moment pour les Européens de reprendre en main leur destin, de réinvestir dans leur autonomie stratégique, sur le plan militaire, sur le plan technologique, quand on voit bien sûr ce qui se passe aux Etats-Unis.
Q - Merci beaucoup Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe pour cette intervention en direct dans " Le Grand Dossier " sur LCI, en direct depuis Kiev.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 février 2025