Texte intégral
Emmanuel MACRON
Mesdames,
Messieurs,
Tous mes voeux et bonne année à celles et ceux que je n'ai pas encore pu voir.
Monsieur le chancelier,
Cher Olaf,
C'est un grand plaisir pour moi d'accueillir à l'Élysée le chancelier SCHOLZ, en ce jour si particulier pour l'amitié franco-allemande qu'est le 22 janvier. En effet, c'est ici qu'il y a 62 ans, jour pour jour, le général De Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer ont posé le cadre de notre relation si spéciale. Et il y a 6 ans, c'est à cette même date que nous avons signé avec Angela MERKEL, à Aix-la-Chapelle, un nouveau partenariat et un nouvel élan. Et je suis très heureux, cher Olaf, de célébrer cet anniversaire de nos traités avec vous.
Alors 2024 a été une année de fort engagement franco-allemand, en particulier pour l'Europe. Le chancelier et moi-même avons présidé en mai dernier un Conseil des ministres franco-allemand à Meseberg, et la déclaration qui en est sortie a permis d'apporter une contribution décisive pour accélérer notre agenda de compétitivité européenne et l'inscrire dans le programme de travail de la nouvelle Commission.
L'Allemagne et la France veulent, en effet, accélérer cet agenda que nous avons fixé pour l'Europe, de même que nous voulons accélérer et mener à bien nos projets de coopération franco-allemande, de la jeunesse à l'audiovisuel, de l'intelligence artificielle à l'industrie de défense. C'est la France qui accueillera cette année un nouveau Conseil des ministres franco-allemand qui nous permettra de poursuivre ce chemin. Après l'entrée en fonction de la nouvelle administration aux États-Unis, il appartient plus que jamais aux Européens et donc à nos deux pays, de jouer tout leur rôle pour consolider une Europe unie, forte et souveraine. Une Europe attachée aux liens transatlantiques, qui sache affirmer aussi ses intérêts propres et les défendre avec ses valeurs et ses instruments européens.
La priorité des Européens doit, aujourd'hui, être plus encore pour notre Europe et, en premier lieu, pour notre compétitivité, notre prospérité, notre sécurité, pour renforcer aussi nos démocraties et préserver notre modèle économique et social. Les constats et les risques ont été établis. Les rapports LETTA, DRAGHI sont connus, et je crois qu'ils viennent d'ailleurs consolider ce que nous avions ensemble agréé à Meseberg, comme je l'évoquais, et il nous faut maintenant agir. Et donc, je crois pouvoir dire — et nous allons poursuivre les discussions dans un instant avec Olaf — mais que nous sommes extrêmement alignés pour mener un agenda de compétitivité très puissant.
Simplification massive dans tous les secteurs qui sont concernés, et nous défendons justement une simplification à l'échelle européenne la plus ambitieuse possible.
Urgence aussi pour soutenir certains secteurs critiques : l'automobile, l'acier, la chimie.
Urgence pour investir et réduire nos dépendances dans des secteurs clés, l'intelligence artificielle, le quantique, les BioTechs, l'énergie, l'espace, l'industrie de défense européenne, bien sûr.
Urgence à utiliser tous les instruments européens pour assurer à nos entreprises, comme à nos agriculteurs, des conditions de concurrence loyale dans un environnement de plus en plus brutal et désinhibé.
Urgence à soutenir l'investissement public et privé dans nos transitions climatiques et numériques, notamment pour que l'épargne européenne reste en Europe et trouve à s'y investir en avançant sur l'Union des marchés de capitaux.
À ce titre, je l'évoquais, l'intelligence artificielle est l'un des secteurs clés sur lesquels l'Europe doit être un continent de pointe. Et nous aurons ensemble l'occasion d'y travailler les 10 et 11 février lors du Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle. Et je remercie Monsieur le chancelier de nous y retrouver. La présidente de la Commission sera là aussi. Et je le rappelle, nous avons une feuille de route franco-allemande sur l'intelligence artificielle, et nous voulons ensemble développer davantage de projets de recherche, de création d'entreprises et de croissance de nos entreprises.
La défense des intérêts des Européens passe bien sûr par un investissement accru dans notre défense. Nous y reviendrons entre Européens le 3 février lors de la retraite stratégique à Bruxelles. Et la valeur ajoutée de l'Union européenne, c'est de soutenir notre propre base industrielle et technologique de défense européenne. Par l'identification de domaines clés où nous avons besoin de capacités de défense communes, qui nous manquent, et ouvrir ensuite les meilleures options de financement en Europe. Nous continuerons à y travailler en franco-allemand, et le MGCF ou le SCAF sont des projets importants, mais nous avons aussi lancé d'autres travaux communs sur de nouvelles capacités et des segments qui sont critiques.
Et de l'armement au spatial, nous croyons l'un et l'autre qu'en effet, il faut que l'Europe, pas simplement, dépense davantage pour la défense, mais qu'elle développe sa propre base industrielle, ses propres capacités, sa propre industrie.
Enfin, défendre nos intérêts, c'est contribuer à la paix et à la stabilité dans notre voisinage. C'est continuer à soutenir l'Ukraine face à l'agression russe et poser les conditions d'une paix juste et durable. C'est construire la stabilité au Proche-Orient en accompagnant une transition politique pacifique et exigeante en Syrie, en aidant le Liban à se reconstruire, en soutenant la mise en oeuvre de l'accord de cessez-le-feu obtenu entre Israël et le Hamas.
C'est enfin parler de l'avenir et de la sécurité de notre continent à l'échelle de la plus grande Europe, comme nous l'avons fait il y a quelques semaines à la Communauté politique européenne et comme nous le ferons en mai prochain en Albanie. Sur ces sujets, l'Allemagne et la France avancent main dans la main, convaincus, au fond, que dans les temps qui s'ouvrent, face aux défis, parfois aux inquiétudes qui naissent, le couple que nous formons est solide.
Il l'a montré en traversant toutes les périodes depuis ce 22 janvier, il y a 62 ans. Et nous avons la capacité ensemble, et en convainquant aussi nos partenaires, en poussant de nouveaux projets pour cette Europe, qu'en effet, la seule réponse au temps dans lesquels nous entrons, c'est plus d'unité, plus d'ambition et d'audace, et plus d'indépendance des Européens.
C'est cela qui nous anime et c'est en ce sens que nous continuerons d'agir. Je suis très heureux en tout cas, cher Olaf, monsieur le chancelier, que vous soyez à Paris aujourd'hui pour célébrer cette amitié et tant de projets qui nous attendent.
Je vous remercie.
Olaf SCHOLZ
Monsieur le Président,
Cher Emmanuel,
Je me réjouis beaucoup de ton invitation de venir à Paris aujourd'hui, en cette journée très particulière. C'est une joie et un honneur tout particulier d'être ici avec toi en cette journée historique, jour pour jour, 62 ans après la signature du traité de l'Élysée. Le traité de l'Élysée n'est pas seulement un document central de la réconciliation entre la France et l'Allemagne, c'est aussi un symbole de notre profonde amitié. Merci, mon cher ami.
Les temps que nous vivons sont difficiles, et c'est précisément en cette période difficile que l'Europe a besoin de nous, du couple franco-allemand. Dans ton discours à la Sorbonne, tu as beaucoup parlé de la souveraineté européenne, un concept que j'ai repris et développé dans mon discours à Prague. Nous sommes tous deux d'accord que l'Europe doit devenir plus forte et plus résiliente dans un monde en mouvement, pour le dire prudemment. La guerre brutale et impitoyable d'agression russe contre l'Ukraine dure depuis bientôt 3 ans et a brisé l'ordre de paix européen, qui consiste à dire que les frontières ne doivent pas être redessinées par la force.
En même temps, nous observons comment l'extrême droite monte en puissance partout dans les sociétés occidentales. Elle ne mise pas sur la coopération, mais sur la confrontation. Elle veut nous diviser au lieu de nous unir, ce qui affaiblit l'Europe. Cette semaine, nous sommes en face d'une nouvelle administration américaine et le Président TRUMP sera un défi, mais nous savons du moins que L'Europe et les États-Unis sont unis par une amitié et un partenariat de longue date. Et c'est sur cette base que nous voulons continuer de construire ensemble avec nos partenaires outre-Atlantique.
Bien sûr, nous allons analyser les décisions annoncées et déjà prises par le Président TRUMP. Notre position est très claire. L'Europe est un vaste espace économique avec environ 450 millions de citoyens. Nous sommes forts, nous sommes unis, l'Europe ne va pas se cacher et sera un partenaire constructif et sûr de lui. C'est sur cette base que nous aurons une bonne coopération avec les États-Unis et le nouveau Président américain.
L'OTAN est le garant central de la sécurité en Europe et des relations transatlantiques. Ces dernières années, nous, Européennes et Européens, avons accompli pas mal de choses ensemble pour renforcer le pilier européen de l'OTAN. Les dépenses de défense augmentent dans presque tous les États européens. L'Allemagne et la France ont décidé de développer, en coopération avec des partenaires européens, des armes de précision à distance. Et nous avons une coopération franco-allemande plus approfondie en matière de défense et d'armement, même si, et je vous le dis très sincèrement, nous pourrions tous deux imaginer d'aller encore beaucoup plus loin, n'est-ce pas
?
Ces dernières années, nous avons mis sur les rails de nombreux dossiers, nous avons approfondi notre coopération dans des séminaires gouvernementaux communs, et tous deux, nous impulsons un agenda franco-allemand pour la compétitivité et la croissance dans l'Union européenne. Et c'est un bon signe que la Présidente de la Commission la reprenne à son compte.
Il y a 3 points qui sont particulièrement importants.
Premièrement, il ne doit pas y avoir d'amende à l'encontre des constructeurs automobiles qui investissent fortement dans l'électromobilité, mais ne vendent pas encore assez de voitures. Au lieu de payer des amendes à Bruxelles, elles devraient plutôt investir l'argent dans plus d'électromobilité. C'est aussi pour cela que je salue que la Commission européenne ait convoqué un dialogue stratégique avec l'industrie automobile pour répondre aux défis du secteur.
Deuxièmement, l'industrie de l'acier revêt également une importance stratégique pour l'économie et la sécurité européenne. Voilà pourquoi nous plaidons expressément pour que la Commission européenne invite, en toute urgence, à un sommet européen sur l'acier.
Troisièmement, nous devons, au plus vite, exonérer les entreprises des charges bureaucratiques. Concrètement, il faudrait donc suspendre pendant deux ans l'obligation de publier des affirmations sur la durabilité pour les entreprises et réduire le nombre des points de suivi.
Mesdames et Messieurs, permettez-moi d'évoquer un dernier sujet important, Emmanuel l'a déjà fait. C'est l'Ukraine.
Une chose est claire, l'Ukraine peut compter sur nous. Nous n'allons pas relâcher nos efforts dans le soutien à l'Ukraine, qui se défend avec héroïsme contre l'agression russe depuis presque 3 ans maintenant. J'en ai rassuré hier encore Volodymyr ZELENSKY lors de notre rencontre à Davos. Nous tous, bien sûr, souhaitons que cette terrible guerre se termine, mais pour cela, il faut une Ukraine forte.
Mesdames et Messieurs, cher Emmanuel, nos deux pays et gouvernements partagent un même objectif. Ensemble avec nos partenaires européens et nos amis, nous oeuvrons à une Europe ouverte et forte, à une Europe où nos citoyens puissent vivre en liberté, en sécurité et dans la prospérité.
Cher Emmanuel, nous allons continuer à y oeuvrer ensemble.
Merci beaucoup et vive l'amitié franco-allemande.