Texte intégral
PHILIPPE DORNIER
Bonjour Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour.
PHILIPPE DORNIER
Et merci de réserver à notre chaîne votre premier entretien en direct. Alors, vos auditeurs vous le diront peut-être dans un instant, c'est une remarque déjà faite à notre standard cette semaine. La France va dépenser beaucoup d'argent pour se réarmer, l'Europe mobilise 800 milliards d'euros pour sa défense, et certains Réunionnais ont peur que ce soit au détriment de l'Est, de l'aide post-Garance. Il y a un risque vraiment ?
MANUEL VALLS
Il faut de toute façon, et vous l'avez dit, même si c'est loin de la Réunion, mais c'est le monde qui est en train de changer. Donc oui, il faut augmenter les moyens pour notre défense. Aujourd'hui, il y a une guerre en Ukraine, il y a des menaces qui viennent directement de la Russie, il y a des choix qui ont été faits par les États-Unis d'Amérique, et ça oblige l'Europe et la France, qui joue un rôle de leader en Europe, à prendre ses responsabilités. Mais vous l'avez rappelé, le Premier ministre l'a dit, cela ne doit pas se faire au détriment de notre modèle social et bien sûr, du soutien, de la solidarité que nous devons aux territoires quand ils sont frappés par des catastrophes. Et c'est le cas de la Réunion, donc, il y aura bien, et je veux rassurer chacun, des moyens, du soutien, de la solidarité pour les Réunionnais.
PHILIPPE DORNIER
Mais vous-même, dans le journal de 7 h, Manuel VALLS, vous signaliez qu'à Paris, peut-être, on ne prend pas la mesure de ce qui s'est passé. Vous êtes là pour ça, pour ça, dire attention et pour aider la Réunion ?
MANUEL VALLS
Oui, quand je dis Paris, ce n'est pas le Gouvernement, c'est sans doute, d'une manière générale, les médias. C'est vrai que l'actualité est lourde, l'opinion, et en venant ici, en m'exprimant ce matin à votre micro, je veux rappeler évidemment, d'abord, la mobilisation de l'État. Elle a été exceptionnelle. Deux-mille personnes ont été mobilisées par le préfet depuis pratiquement une semaine, réparties entre les forces de l'ordre, police, gendarmerie, les secours, SAMU, le SDIS, plus de 600 personnes, 600 militaires des forces armées aussi, ainsi que 200 personnels civils mobilisés dans le cadre de la gestion de crise. Ça fait donc deux mille personnes mobilisées.
PHILIPPE DORNIER
Mais vous entendez, en même temps, il y a énormément de mobilisation, on l'entend, mais d'un autre côté, vous entendez l'impatience chez les sinistrés, les agriculteurs, dans les entreprises qui ont été dévastées. Tous demandent des procédures accélérées pour les indemnisations. Ce sera possible ?
MANUEL VALLS
Alors, oui, serrons les choses et soyons précis. Aujourd'hui même, se réunit la commission qui va constater l'état de catastrophe naturelle, donc, ça sera lancé. Moi, je mobilise le fonds de secours pour les Outre-mer, qui est directement à ma main, pour les biens non-assurés, pour acquérir des matériels de déblaiement et de sécurisation, pour les biens de première nécessité. Il y a donc un soutien de l'État pour la remise en état des équipements publics, pour permettre de rétablir les services de proximité, je pense évidemment aux écoles, aux réseaux, aux infrastructures, et des subventions jusqu'à 80 % des bâtiments publics, voire 100 % pour les équipements scolaires. Bref, je vais mobiliser un fonds qui va représenter 200 millions d'euros pour les collectivités territoriales. J'ai évidemment à l'esprit, par exemple, les écoles qui ont été détruites, qui vont rendre la rentrée scolaire difficile à Saint-Benoît, par exemple.
PHILIPPE DORNIER
Le 17 mars.
MANUEL VALLS
Le 17 mars.
Donc d'autres communes ont été touchées. C'est ce fonds, avec des listes précises qui vont être transmises par les maires impactés, par les maires des villes impactées, qui vont être donc transmises au préfet. Ce fonds exceptionnel de 200 millions d'euros doit permettre la rénovation, la reconstruction de ces équipements publics qui ont été touchés. Donc, l'État est bien au rendez-vous, 200 millions mobilisés pour la Réunion.
PHILIPPE DORNIER
Et qu'est-ce que vous répondez au président du syndicat du sucre, Philippe LABRO, qui dit que le dispositif catastrophe naturelle n'est pas du tout à la hauteur des enjeux, que l'État doit imaginer d'autres dispositifs, comme pour Notre-Dame de Paris, Monsieur le Ministre ?
MANUEL VALLS
Je vais les rencontrer dans un instant, vous l'avez dit, le fonds de secours pour les Outre-mer les concerne aussi, avec l'objectif de verser rapidement les indemnisations, dans les trois mois qui viennent. Pour les filières agricoles spécifiquement, il y a évidemment le dispositif catastrophe naturel. Mais là où, en général, il faut attendre la fin de la récolte pour calculer l'indemnisation, donc, c'est trop long, je vais mettre en place avec le préfet un système d'avance sur la base de la récolte de l'année dernière. Cela permettra, me semble-t-il, d'accélérer au maximum les indemnisations et de limiter les problèmes de trésorerie. Cela permettra, me semble-t-il, d'accélérer au maximum les indemnisations et de limiter les problèmes de trésorerie. Et puis, il y a évidemment la possibilité de saisir les URSSAF et les DGFIP pour obtenir le report des cotisations fiscales et sociales. Et le fonds de 200 millions que j'ai évoqué va les concerner aussi directement. Donc, je crois que nous serons au rendez-vous des attentes, même si je comprends, et je l'ai palpé, hier, la détresse du monde agricole, notamment dans le secteur de la canne, alors que ça reprenait. Après le cyclone de l'année dernière, après Belal, après la sécheresse, il y avait de l'espoir de cette reprise, et tout est anéanti. J'ai trouvé à la fois des gens désespérés par rapport à ce qui se passe, mais en même temps avec la volonté de repartir de l'avant et avec les collectivités territoriales, l'État doit être là pour les aider.
PHILIPPE DORNIER
Des agriculteurs volontaires, mais aussi très critiques sur le régime de calamités agricoles. Ils dénoncent un fonds obsolète, ils vous réclament, là aussi, un dispositif exceptionnel, plus réactif. Vous les entendez, ces inquiétudes ?
MANUEL VALLS
Je les entends parfaitement. Souvent, c'est vrai, ce sont des dispositifs qui sont longs à mettre en œuvre, qui ont déjà été éprouvés par le passé, même si on peut les améliorer, le fonds de 200 millions d'euros que j'ai évoqué pour les collectivités territoriales il doit concerner aussi le secteur agricole.
PHILIPPE DORNIER
L'argent, c'est le nerf de la guerre. Sans trésorerie, impossible de relancer une activité, de réparer sa maison. Grâce aux annonces que vous faites ce matin sur La Première, ça va vraiment aller directement, j'allais dire, dans le portefeuille des Réunionnais qui ont perdu des choses ?
MANUEL VALLS
Voilà, c'est vrai qu'il y a de l'argent au fond. La France a cette capacité d'aider les territoires, y compris les plus lointains, qui sont impactés par des catastrophes naturelles ou humaines. Nous l'avons vu à Mayotte, nous voyons aujourd'hui à La Réunion. Il y a eu des émeutes aussi, il y a presque un an, en Nouvelle-Calédonie. Donc, nous sommes là, mais il faut que les dispositifs soient efficaces, arrivent directement pour aider les trésoreries des entreprises et pour aider aussi les particuliers. Tous ces dispositifs qui existent, avec un État qui, je crois, est réactif ici sur place, à la main du préfet, devront arriver le plus vite possible et le plus directement, pour reprendre votre expression, dans la poche des entreprises et des particuliers.
PHILIPPE DORNIER
Il y a les annonces et puis il y a la réalité. Il y avait eu des annonces aussi après Belal et vous les entendez sur le terrain. Ils vous disent : "On attend encore les annonces de Belal un an après".
MANUEL VALLS
Je les entends parfaitement et c'est pour cela que je suis là et que je reviendrai. C'était prévu de toute façon pour un déplacement plus long et plus fourni début avril, ici. Donc je reviendrai dans un mois, ce qui sera alors pour moi la possibilité de constater si les choses avancent ou pas. Donc, je ne lâche pas La Réunion.
PHILIPPE DORNIER
Vous revenez dans un mois donc, on prend date pour une prochaine visite. Manuel VALLS, l'état de catastrophe naturelle, vous en avez parlé, vous avez parlé de la commission qui se réunit aujourd'hui. Ça veut dire quoi concrètement ? Quand est-ce que ce sera déclaré au Journal officiel ?
MANUEL VALLS
Dans les jours qui viennent, la commission se réunit aujourd'hui. Nous signerons avec le ministre de l'Intérieur ce décret et je vais aussi activer un dispositif.
PHILIPPE DORNIER
Juste pour finir sur la catastrophe naturelle, toute l'île sera concernée ? Vous confirmez ?
MANUEL VALLS
Toute l'île, bien sûr, sera concernée, puisque toute l'île, d'une manière ou d'une autre, même s'il y a des zones qui ont été davantage impactées, toute l'île sera concernée. Et je vais activer aussi un dispositif que l'on connaît moins, que l'on avait éprouvé pour Mayotte, qui est le dispositif de calamité naturelle exceptionnelle. Un décret va être signé, là aussi, dans les prochains jours et qui permettra aux préfets de prendre un certain nombre de mesures dérogatoires, en simplifiant les procédures pour agir plus vite et plus facilement. Je prends par exemple le problème des déchets. On peut réquisitionner, il y en a beaucoup encore, des transporteurs, par exemple. On peut faciliter en urgence des commandes de mise hors d'eau des bâtiments et des services publics. Bref, je veux que tous les dispositifs, qu'ils puissent être employés ou non, soient à la main du préfet pour activer l'ensemble des dispositifs qui nous permettent des dispositions, des procédures qui nous permettent d'aller plus vite.
PHILIPPE DORNIER
Y compris les emplois aidés, notamment les PEC, les Parcours emploi compétences. Depuis le début de l'année, leur financement par l'État a été revu à la baisse, 53 % au lieu de 60 %. Vous allez remonter ce financement ?
MANUEL VALLS
Je ne l'ai pas pris d'engagement parce que je suis sérieux, parce que je travaille avec mes collègues ministres. J'ai entendu, mais je ne m'en doutais pas, puisque je le savais, puisque j'avais déjà été interpellé à l'Assemblée nationale et au Sénat par les députés et les sénateurs réunionnais. Nous sommes loin du compte encore. Je vais voir avec ma collègue du Travail ce que nous pouvons faire pour remonter ces emplois aidés, qui sont très utiles, je le sais, sur le terrain et pour les collectivités territoriales.
PHILIPPE DORNIER
Les collectivités, les associations qui se sont retrouvées parfois en difficulté.
MANUEL VALLS
Qui agissent sur le terrain, notamment dans les zones et dans les espaces verts.
PHILIPPE DORNIER
Et par contre, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui trouvent qu'on s'appuie sur la précarité quelque part avec ces PEC pour assurer des missions à long terme, finalement, sur une île durement frappée par le chômage qui plus est ?
MANUEL VALLS
C'est votre rôle, vous me posez les questions et qui à la fin décident une réponse contradictoire. Nous avons besoin de ces emplois aidés pour faire face à la précarité et au chômage, mais ils sont aussi utiles sur le terrain. Et au fond, ce qu'il faut réussir, c'est l'insertion. C'est vrai que le taux d'insertion est souvent trop bas, notamment à La Réunion. Mais personne ne peut nier l'utilité de ces emplois, même si rien ne remplace l'activité économique qui reprend. Mais à un moment où cette activité économique ou agricole est de nouveau percutée par un phénomène naturel, nous devons mettre en place tous les dispositifs possibles pour être dans cette solidarité que j'évoquais vis-à-vis des Réunionnais.
JOURNALISTE
7h31 sur Réunion La Première, le ministre des Outre-mer, M. Manuel Valls, est l'invité de notre matinale. Il répond aussi à vos questions au 02 62 99 2000, avec nous, déjà au standard, Mathieu de Saint-Denis. Bonjour Mathieu.
PHILIPPE DORNIER
Bonjour Mathieu.
MATHIEU, AUDITEUR DE SAINT-DENIS
Bonjour Monsieur VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour.
MATHIEU
Ma question, en fait, en 2018, vous aviez dit que quoi qu'il arrive, vous resterez à Barcelone. Je ne comprends pas pourquoi vous avez accepté le poste de ministre des Outre-mer.
PHILIPPE DORNIER
Une question de politique politicienne, mais on peut en poser, bien sûr.
MANUEL VALLS
Vous croyez qu'en étant ici, à La Réunion, pour venir en aide aux Réunionnais, je vais répondre à ce genre de questions ? Ça n'a vraiment aucun intérêt. Moi, je suis représentant du Gouvernement. Je fais mon travail. Le Premier ministre a décidé que les Outre-mer étaient désormais un ministère d'État, très haut dans la hiérarchie. Nous avons préservé, même augmenté le budget des Outre-mer. C'est un ancien chef du Gouvernement qui en a la responsabilité, qui connaît bien les Outre-mer. Donc, moi, j'ai une mission : soutenir, aider ces territoires, les faire rayonner dans leur espace et ici dans l'espace de l'océan Indien. Donc la politique politicienne, les polémiques, ça ne m'intéresse pas.
JOURNALISTE
On prend la direction de l'Est.
PHILIPPE DORNIER
Cette fois-ci avec Yann de Sainte-Suzanne. Bonjour Yann.
JOURNALISTE
Bonjour Yann.
MANUEL VALLS
Bonjour Yann.
YANN, AUDITEUR DE SAINTE-SUZANNE
Bonjour tout le monde. Bonjour Monsieur le Ministre. Merci pour votre déplacement chez nous. Une petite question, concernant les assurances. Donc, moi, j'ai été impacté directement sur ma maison, mes deux voitures. Donc, j'ai fait appel à mon assureur, qui me réclame des franchises au-delà de 380 euros pour chaque bien de la maison et à chaque voiture. Donc, Monsieur le Ministre, est-ce que vous avez pensé à un dispositif pour nous aider sur ces avances de trésorerie qu'on n'a pas concrètement dans une situation pareille ? Sachant que les franchises, normalement, soi-disant, c'est pour éviter les abus et utiliser l'assurance à tout va. Donc est-ce que vous, de votre côté, vous avez pensé à nous aider, peut-être pas à l'annuler cette franchise, mais à diminuer d'une somme symbolique ?
PHILIPPE DORNIER
Question très concrète posée par Yann. Merci Yann.
MANUEL VALLS
D'abord, il faut que les assureurs prennent totalement leurs responsabilités. C'est d'ailleurs un sujet. C'est vrai ici, après Belal, comme maintenant avec ce cyclone…
PHILIPPE DORNIER
Avec Garance.
MANUEL VALLS
Avec Garance. Ça a été vrai à Mayotte, c'était vrai en Nouvelle-Calédonie et c'est vrai aussi dans l'Hexagone, c'est une priorité, d'ailleurs pour le chef du Gouvernement, pour François BAYROU. Moi-même, je rencontre encore des assureurs la semaine prochaine. Il faut que la solidarité joue. Il faut qu'à chaque fois on ait des dispositifs qui soient efficaces. Deuxièmement, le constat d'état de catastrophe naturelle doit aider à ces procédures. Et puis le fond de secours pour les Outre-mer, comme le fond de secours d'urgence exceptionnel de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la gestion des crises qui a été activé, doit permettre, là aussi, de générer un certain nombre de dispositifs et d'euros pour venir en soutien aux particuliers.
PHILIPPE DORNIER
Les assureurs qui indiquent déjà une fourchette de 160 à 200 millions d'euros pour les dégâts.
JOURNALISTE
Nous allons dans l'ouest, cette fois-ci ; retrouver Stéphane de Saint-Paul. Bonjour.
PHILIPPE DORNIER
Bonjour Stéphane.
STEPHANE, AUDITEUR DE SAINT-PAUL
Bonjour, Monsieur le Ministre.
MANUEL VALLS
Bonjour Monsieur.
J'ai eu trois questions dans une question. Pourquoi pas revoir les normes à La Réunion sur la construction ? Parce qu'on a tout de suite constaté que les constructions à La Réunion ne tenaient pas forcément, suite à des vents assez violents, des obligations envers les mairies de nettoyer, totalement les ravines sur leur secteur et ils ont de quoi faire. Et troisièmement, ne pensez-vous pas qu'aujourd'hui nos politiques ne sont pas à la hauteur, local évidemment, des défis relevés à La Réunion ? Aucune vision sur les catastrophes que peuvent avoir nos îles à La Réunion ?
PHILIPPE DORNIER
Merci pour ces trois questions Stéphane. On va les prendre dans l'ordre. Les normes à revoir peut-être sur la construction ? Il y a eu débat, d'ailleurs, avec Audrey BÉLIM, la sénatrice réunionnaise, récemment.
MANUEL VALLS
Il est évident qu'à chaque fois que nous avons un phénomène de ce type, il faut en tirer un certain nombre de conséquences. Et la première des conséquences, c'est qu'avec le changement climatique que nous connaissons, il faut être capable de répondre, comment dire, anticiper à ces défis qui sont multiples, structurels et qui ne sont pas nouveaux. Il faut mettre la priorité sur un certain nombre de sujets. Je pense à la question de l'eau ou des ravines. Ça nous oblige à des changements d'échelle, y compris sur le plan financier. Avoir de véritables projets conclus, pactés entre l'État et les collectivités territoriales. Hier soir, avec tous les élus qui sont présents, qui sont mobilisés, qui font leur travail, je leur ai proposé de travailler un nouveau contrat entre l'État et La Réunion. Un véritable plan de relance pour le développement qui intègre le défi du changement climatique, la question des ravines et aussi, donc, la problématique, monsieur a tout à fait raison, des normes pour la construction. Mais ce ne sont pas uniquement les élus qui sont mis au pied du mur, ce sont aussi l'ensemble des acteurs du BTP, du monde économique, de la construction. Là, il faut un changement d'échelle. Ça ne va pas se faire en quelques jours, mais vu que nous allons connaître, et que vous allez connaître à La Réunion, les conséquences du dérèglement climatique et ces phénomènes de cyclone qui sont très rapides, impactants et très violents, nous devons être capables, sur l'eau, les ravines et la construction des bâtiments, d'opérer un véritable changement d'échelle et structurel.
PHILIPPE DORNIER
Mardi dernier, assis à votre place, Manuel VALLS, il y avait Serge HOUARAU, le président de l'association des maires de La Réunion. Il a dit qu'il n'y a pas de contrôle sur la qualité des constructions et que c'est ça qui contribue aux gros dégâts provoqués par Garance. Il dit que tout le monde cherche à faire des économies et que ça ne se voit pas à la fin.
MANUEL VALLS
Serge HOUARAU en a parlé hier, d'autres maires l'ont fait, bon, donc ça veut dire que ça doit être une priorité, parce que…
PHILIPPE DORNIER
C'est un sujet ?
MANUEL VALLS
C'est un véritable sujet et dont les premières victimes sont les particuliers.
PHILIPPE DORNIER
Mais à qui la faute, ce manque de contrôle finalement ?
MANUEL VALLS
L'État doit pleinement jouer son rôle et doit se donner les moyens de ce contrôle et puis il y a aussi la responsabilité qui doit être celle des acteurs du BTP. Et je ne mélange pas tout le monde, il y a des gens qui font parfaitement leur travail et on le voit bien, avec ce vent qui a soufflé à plus de 200 km/h, les bâtiments qui ont tenu ou qui n'ont pas tenu. Et il y a la question des ravines, j'en ai beaucoup parlé avec Érica BAREIGTS, la maire de Saint-Denis, ça doit être une priorité parce que tous les témoignages hier étaient de ce point de vue-là poignants. Si Garance avait eu lieu en pleine nuit, nous devrions, aujourd'hui, constater beaucoup plus de morts. Il y en a eu cinq, c'est beaucoup trop, des blessés graves. Il y a eu un courage incroyable des voisins du quartier que j'ai visités, vous le disiez vous-même, mais si c'était en pleine nuit, avec ces ravines qui ont débordé, qui ont failli tout emporter, qui ont tout emporté, voitures, appartements du rez-de-chaussée, nous constaterions, aujourd'hui, des dégâts humains encore plus importants. Donc, nous devons être capables d'anticiper les prochains phénomènes et ça nécessite un effort tout particulier de tous : État, collectivité, monde économique.
JOURNALISTE
Une escale, maintenant, dans un village des hauts.
PHILIPPE DORNIER
On va retrouver Sandra à l'entre-deux. Bonjour Sandra.
SANDRA, AUDITRICE DE L'ENTRE-DEUX
Bonjour à tous, bonjour Monsieur le Ministre.
MANUEL VALLS
Bonjour Madame.
SANDRA
Je me permets de vous appeler parce que j'ai une association qui lutte contre le gaspillage alimentaire et qui fait de l'insertion professionnelle. Et je voudrais savoir, qu'est-ce que vous comptez faire pour remonter le compte pour les contrats PEC et pour les chantiers d'insertion ?
PHILIPPE DORNIER
Merci pour cette question. On évoquait les contrats PEC tout à l'heure. Voilà un exemple concret du : "À quoi ça sert de lutter contre le gaspillage alimentaire et faire de l'insertion ?".
MANUEL VALLS
Ça montre bien l'utilité des contrats PEC. Il y en avait à peu près 12 000 pour La Réunion. Aujourd'hui, on serait autour de 8 000. Est-ce qu'on peut remonter ces contrats ? Est-ce qu'on peut les examiner situation par situation, association par association, collectivité par collectivité ? C'est ce que nous allons faire. Vous soulignez les difficultés financières de l'État tout à l'heure. Là, ça en est une très directement, mais on va regarder au plus près avec les services de l'État ici sur place à La Réunion pour que les associations qui sont réellement sur le terrain, qui aident à la solidarité, ne soient pas pénalisées par ces mesures.
PHILIPPE DORNIER
Vous allez rencontrer le monde économique, également, aujourd'hui, Monsieur le Ministre, qui demande qu'on rappelle les systèmes du Covid, notamment l'étalement des dettes, la mise en place du chômage partiel. Est-ce que tout ça peut être activé rapidement ?
MANUEL VALLS
Tous ces dispositifs vont être activés, mais comme je l'ai rencontré tout à l'heure, nous aurons l'occasion d'en parler.
PHILIPPE DORNIER
Et il faut coordonner l'action aussi de chacun parce que c'est difficile aussi de trouver un interlocuteur unique.
MANUEL VALLS
Oui, mais ici il y a un interlocuteur unique du côté de l'État. Le préfet LATRON, qui fait avec l'ensemble des équipes un travail tout à fait remarquable. Et chacun a pu constater sa mobilisation, et je le disais tout à l'heure, la mobilisation des services de l'État. Hier, quand même, concrètement, je voyais le RSMA, ces jeunes réunionnais impliqués, les personnels de la sécurité civile qui allaient dégager les arbres dans un jardin, aider au nettoyage d'un appartement ou d'une maison. Donc l'État s'incarne et avec la présidente de la région, le président du conseil départemental, avec les maires sur le terrain, on agit à la fois dans l'urgence, mais au-delà de l'urgence, je l'ai dit il y a un instant, ce sont des problèmes structurels auxquels il faut s'attaquer. D'où ce plan de relance pour le développement de La Réunion que j'ai évoqué il y a un instant, dont nous aurons l'occasion de parler davantage dans un mois quand je reviendrai.
JOURNALISTE
Cette fois-ci, nous retrouvons Edmond de La Possession. Bonjour Edmond.
PHILIPPE DORNIER
À 7h42. Bonjour Edmond.
EDMOND, AUDITEUR DE LA POSSESSION
Oui bonjour, bonjour Monsieur le Premier ministre, bonjour les réunionnais. Je crois qu'aujourd'hui, nous avons quand même la possibilité de poser la question. Toutes les communes, Monsieur le Premier, ancien Premier ministre et Monsieur le ministre de l'Outre-mer, toutes les communes ont besoin de main-d'œuvre. Nous avons un paquet de gens qui sont au RSA, un paquet qui sont au Pôle emploi, qui ne veulent pas ou qui ne se prouvent pas du travail. Il y a les deux, il y a à boire et à manger. Est-ce qu'on ne peut pas, aujourd'hui, emmener ces gens aller chez les communes, c'est-à-dire que l'État paye déjà obligatoirement le RSA à ces gens-là, ou l'ASSEDIC, leur donner un complément de salaire soit des entreprises pour les payer au SMIC et non pas les payer au RSA, ils auraient pu travailler vers l'État, c'est une bêtise, mais les faire travailler correctement sept heures par jour, leur verser un salaire, donc, ils vont cotiser les charges salariales et les charges patronales prises en charge par l'État. On va gagner en économie, on va gagner en cotisation et on va enlever des tas de gens à traîner à la rue.
PHILIPPE DORNIER
Vous avez un conseiller là, Manuel VALLS, avec Edmond de la Possession, qu'est-ce que vous pensez de sa proposition ?
MANUEL VALLS
Edmond a raison sur le fait qu'il faut sortir, évidemment, de ces situations de soutien, de solidarité ou de chômage par l'insertion. En injectant 200 millions d'euros dans l'économie réunionnaise pour permettre de faire face aux calamités, pour reconstruire les bâtiments publics et notamment les écoles, c'est un appel, au fond, à la reprise économique, à l'emploi. C'est le seul point positif, si je puis dire, de Garance. Il doit y avoir de l'activité économique, notamment dans les travaux publics, pour repartir de l'avant. Donc les dispositifs d'insertion au travail, à l'emploi, doivent être pleinement activés. Oui, il faut sortir de ces situations sociales, reprendre le chemin de l'emploi, mais il en faudra beaucoup plus, d'où ce plan de relance et de développement que j'ai évoqué. Ainsi, la proposition d'Edmond trouvera tout à fait son sens.
PHILIPPE DORNIER
C'est l'occasion de rappeler que c'est une expérimentation qui est menée à Saint-Leu, à Trois-Bassins, des heures d'activité en échange du RSA. Ça ne fait pas l'unanimité, vous le savez.
MANUEL VALLS
Oui, mais je crois que c'est indispensable. Le RSA n'a de sens que si l'insertion, le retour à l'emploi, le retour au fond dans la dignité pour chacun est possible. Donc, moi, je crois beaucoup à ces expérimentations.
PHILIPPE DORNIER
Plutôt que de dire que c'est une main-d'œuvre bon marché pour les patrons.
MANUEL VALLS
Quelqu'un qui retrouve, d'une manière ou d'une autre, une activité, le goût du travail, le goût de l'engagement, trouvera demain, j'en suis convaincu, même si c'est difficile à ce moment-là, un travail normal, si on peut prendre cette expression, payé au moins au SMIC.
JOURNALISTE
Le 02 62 99 2000, standard de la première, avec Claude de Saint-Denis. Bonjour.
CLAUDE, AUDITEUR DE SAINT-DENIS
Bonjour, Monsieur le Ministre.
MANUEL VALLS
Bonjour Claude.
CLAUDE
Oui. Je voudrais vous poser une question concernant l'énergie du futur. Nous travaillons sur la chaîne de valeur de l'eau de mer qui nous fournira de l'oxygène pour nos hôpitaux et de l'hydrogène pour nos troncs mobilités. Il nous faut intégrer les nouvelles PPE et on suggère de relier les PPE, les Programmations pluriannuelles d'énergie, de nos deux îles, car nos écosystèmes, qu'ils soient aériens ou maritimes, seront communs. Et on peut même imaginer une PPE pour les îles de l'océan Indien, pour remplacer ce satané pétrole, qui, vous le savez, provoque ces bouleversements climatiques et nous pose un problème majeur, qui est celui de l'après-pétrole, qui, s'il n'est pas suffisamment préparé, nous mettra dans un chaos économique.
PHILIPPE DORNIER
On va laisser le ministre vous répondre. Claude, merci pour votre…
MANUEL VALLS
Oh, ce n'est pas une réponse, c'est un prolongement de cette analyse qui me paraît tout à fait juste. Il faut mettre, au fond, au paquet commun, cette réflexion, et notamment ici dans l'océan Indien et c'est évidemment le grand défi du Sud, et notamment du continent africain, de l'océan Indien, du Pacifique, comment on utilise l'ensemble des énergies qui existent, naturel, l'eau, la mer, donc, le vent, pour avoir une autre énergie propre, décarbonée, qui aide aussi au développement économique et humain de La Réunion.
JOURNALISTE
On retourne dans l'Est.
PHILIPPE DORNIER
Avec Marie-Annick de Saint-André. Marie-Annick, bonjour.
JOURNALISTE
Bonjour Marie-Annick.
MARIE-ANNICK, AUDITRICE DE SAINT-ANDRE
Oui, bonjour à tous. Bonjour Monsieur le Ministre.
MANUEL VALLS
Bonjour Madame.
MARIE-ANNICK
Alors, moi, je voulais revenir sur la question de la franchise qui est appliquée par les assurances en cas de catastrophe naturelle. Donc, on est dans une situation précaire, beaucoup de gens ont perdu leur bien, et alors qu'ils ont la tête sous l'eau, on leur applique une franchise de 380 euros. Alors, moi, en ce qui me concerne aussi, je suis touchée, et je voulais savoir, donc, j'ai demandé à mon assurance s'il y avait moyen de négocier, donc, cette franchise, et on m'a répondu que c'était l'État qui touchait cette somme. Alors, est-ce que c'est vrai ? Je vous pose naïvement la question. Et, d'autre part, je voulais aussi vous parler de toutes ces constructions sauvages qui poussent un peu partout à La Réunion, sans aucune autorisation, et il y a eu des toits qui se sont envolés, qui ont atterri de l'autre côté de la route, alors que ces personnes-là ont eu une amende, un contrôle de la DEAL, et une amende, et non pas la démolition de ces constructions sauvages. Que compte faire l'État par rapport à ça ? Parce que les personnes qui ont des habitations aux normes se prennent des toits de constructions sauvages. Et, dernière chose, que compte faire EDF ? Parce que moi, ça fait huit jours, monsieur, que je n'ai pas de courant. Donc, j'ai un mari qui souffre de l'apnée du sommeil, on est obligé de déménager tous les soirs, faire des kilomètres pour être hébergé, pour qu'il puisse avoir un peu de courant et brancher son appareil.
PHILIPPE DORNIER
On comprend qu'il y a beaucoup de problèmes. On vous a entendu, Marie-Annick, il nous reste moins de deux minutes. C'est pour ça que je me permets de vous couper et laisser à Manuel VALLS le temps de vous répondre.
MANUEL VALLS
Sur EDF, parce que c'était, je crois, rappelé, il reste encore 20 000 foyers concernés, c'est-à-dire un peu moins de 5 %, mais c'est vrai que là, il faut continuer à mettre le paquet. Hier, j'ai rencontré, je rencontrerai aujourd'hui l'ensemble des personnels EDF qui sont engagés. On doit réussir, dans les heures et dans les jours qui viennent, à faire en sorte que tous les foyers, aujourd'hui, il y en a 20 000 qui sont coupés, que tous les foyers voient l'électricité rétablie. Pour ce qui concerne les franchises…
PHILIPPE DORNIER
On en a parlé, je le précise pour Marie-Annick, qui pourra peut-être réécouter en podcast, mais redonner la réponse peut-être rapidement sur les franchises. L'État peut faire quelque chose, là ?
MANUEL VALLS
Oui, l'État peut faire quelque chose, en tout cas, on peut activer, rappeler aux assureurs leur responsabilité. Les assureurs, comme les bailleurs privés, je l'ai entendu hier, doivent pleinement jouer le rôle de solidarité. Personne ne peut, aujourd'hui, s'enrichir sur le dos des gens.
PHILIPPE DORNIER
Et en trente secondes, Manuel VALLS, sur les constructions sauvages qui poussent et les décisions qui ne sont pas appliquées, les décisions de justice.
MANUEL VALLS
Il n'y a pas que les constructions sauvages, nous l'avons évoqué tout à l'heure, de nouvelles normes en matière de construction doivent être appliquées. Donc là, chacun doit jouer pleinement son rôle, l'État, comme les collectivités territoriales, pour que cela ne se reproduise pas. Mais moi, je veux être sincère, il y a un énorme travail à faire ici à La Réunion face à cette question, bien évidemment, qui est celle des constructions comme du logement.
PHILIPPE DORNIER
Merci, Manuel VALLS, d'avoir accordé à La Réunion la première, la primeur de vos annonces ce matin, avant cette deuxième journée de visite. Des annonces qui vont être résumées par Stéphane LOEB dans une poignée de secondes. Monsieur le Ministre des Outre-mer, bonne journée.
MANUEL VALLS
C'est moi qui vous remercie. Je salue évidemment tous les Réunionnais et je leur, une nouvelle fois, leur adresse ce message de soutien et de solidarité : L'État est là, le Gouvernement est là pour leur venir en soutien et en aide.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 mars 2025