Interview de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à Sud Radio le 28 février 2025, sur les tensions commerciales avec les États-Unis, la perspective de l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne, le traité du Mercosur, la production agricole, l'utilisation de produits phytosanitaires, les lois EGalim, l'Office français de la biodiversité et l'abattage rituel pour les viandes halal et kascher.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous recevons ici en direct du stand de la coopération agricole, nous recevons Annie GENEVARD, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Annie GENEVARD, bonjour.

ANNIE GENEVARD
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous ce matin. Beaucoup de sujets, évidemment, mais je vais commencer avec les droits de douane. Voilà que Donald TRUMP annonce... Alors, pour l'instant, ce n'est qu'une annonce. Il annonce une augmentation des droits de douane de 25% sur tous les produits européens qui seront importés aux États-Unis, tous les produits européens. Est-ce que nous, les Européens, nous allons augmenter les droits de douane de 25% sur tous les produits américains que nous importons ?

ANNIE GENEVARD
De toute façon, l'Union Européenne, là, est convoquée à sa responsabilité et à sa fermeté. On ne peut pas se laisser ainsi menacer d'un côté par la Chine et de l'autre par les États-Unis. Donc il y a des règles qui régissent le commerce international. On ne peut pas faire n'importe quoi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il se moque des règles, Annie GENEVARD.

ANNIE GENEVARD
Oui, mais entre les annonces et les faits… Vous voyez bien qu'il a menacé le Mexique, il a menacé le Canada, rien ne s'est passé parce qu'en réalité, nous exportons mais nous importons aussi. Et donc il y a des règles qui régissent le commerce international qui ne peuvent pas être ignorées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi, Annie GENEVARD ? Ça veut dire que si les droits de douane sont effectifs de 25% pour l'entrée de nos produits aux États-Unis, nous mettrons les mêmes droits de douane pour l'entrée des produits américains en Europe ?

ANNIE GENEVARD
Ça veut dire que l'Europe se défendra. Mais il faut explorer déjà toutes les voies de la diplomatie internationale pour pouvoir être certain que si on engage des démarches auprès de l'OMC, par exemple, l'Organisation mondiale du commerce, il faut…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais il se moque de l'OMC. Il passe par-dessus l'OMC.

ANNIE GENEVARD
Oui, mais vous savez, il a en responsabilité des acteurs économiques qui ne sont pas forcément ravis de savoir qu'ils peuvent être les victimes, eux aussi, de rétorsions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura des rétorsions évidentes

ANNIE GENEVARD
Je ne sais pas s'il y aura des rétorsions. À ce stade, si vous voulez, entre la menace et les faits, il faut déjà s'assurer du fait de l'effectivité de ces taxes, cela étant, elles sont très préoccupantes. Parce que, par exemple, sur les vins spiritueux, là, on est face à un tir croisé de la Chine qui compromet aujourd'hui des filières entières, et notamment celles des brandys, qui sont un fleuron de la gastronomie française, et puis les États-Unis…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le cognac…

ANNIE GENEVARD
Donc voilà, dans tout cela, il faut raison garder mais il ne faut pas être naïf. On ne peut pas être naïf. Le marché européen ne peut pas être le marché le plus ouvert du monde avec des pays qui sont les plus fermés au monde. Ça n'est pas possible.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais ça, on est bien d'accord. Tous les agriculteurs sont d'accord. Mais Annie GENEVARD, Donald TRUMP affirme que l'Union Européenne profite des États-Unis. " Les Européens ne veulent pas de nos voitures ni de nos produits agricoles. L'Union Européenne a été construite pour nous entuber. " Voilà ce qu'il a dit. Est-ce que nous sommes en train d'entuber les Américains ?

ANNIE GENEVARD
Je ne crois pas que les choses puissent évidemment se dire en ces termes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qu'il a dit, lui.

ANNIE GENEVARD
Il y a, on le sait, chez cet homme, le goût de la provocation. Et il a, si vous voulez, une approche protectionniste, nationaliste. Et quand j'entends certains dire " Il a raison, il défend ses producteurs ". Oui, mais quand un politique français dit cela, c'est absurde, parce que s'il défend ses producteurs, c'est au détriment des nôtres. Donc on ne peut pas se réjouir. Et le commerce, c'est la liberté ; une liberté qui a ses règles, qui a son encadrement. Mais on ne peut pas imaginer que chacun se replie sur son pré carré en disant " Je ne commerce plus ". Je rappelle que l'Europe est exportateur net de produits agroalimentaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Annie GENEVARD, souhaitez-vous l'entrée de l'Ukraine dans l'Union Européenne ?

ANNIE GENEVARD
Je crois que le soutien apporté à l'Ukraine par le biais de la levée des droits de douane sur les produits ukrainiens a eu un effet immédiat de désorganisation de nos propres filières. Je pense en particulier à la volaille ou à la filière oeuf, qui sont des filières... En tout cas pour l'oeuf, qui est une filière qui est très performante. Sur la volaille…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Concurrence déloyale, Annie GENEVARD ?

ANNIE GENEVARD
C'est une forme de concurrence qui n'est pas supportable par nos producteurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc déloyale ?

ANNIE GENEVARD
C'est pour ça qu'on a mis des freins d'urgence. On a mis des freins d'urgence, parce que l'agriculture ne peut pas supporter à elle seule la solidarité à l'égard de l'Ukraine ; solidarité que nous devons à ce pays qui est agressé par la Russie.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la raison pour laquelle, Annie GENEVARD, je vous repose la question. Est-ce que vous souhaitez l'entrée de l'Ukraine dans l'Union Européenne ?

ANNIE GENEVARD
Moi, je pense qu'à ce stade, il n'est pas possible d'intégrer l'Ukraine à l'Union Européenne en l'état, parce qu'on a affaire à une agriculture monde. Il faut voir ce qu'est l'agriculture ukrainienne. On est là dans des proportions qui sont considérablement désavantageuses pour nos propres producteurs européens. En revanche, il faut continuer à évidemment soutenir l'Ukraine. Et puis imaginer ce que pourrait être le partenariat avec l'Ukraine. Je vous donne un exemple. On est…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, c'est clair, parce que… Vous êtes claire : pas d'Ukraine dans l'UE aujourd'hui. Vous êtes claire. Ce n'était pas tout à fait la position du Président de la République, du Premier ministre ou même du ministre des Affaires étrangères, Annie GENEVARD.

ANNIE GENEVARD
Non, mais qu'à terme, on imagine une intégration. Nos propos ne sont pas nécessairement contradictoires, monsieur BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Si, tout de même, pardon.

ANNIE GENEVARD
Non, ce que je veux dire, c'est qu'en l'état, à ce stade, on ne peut pas imaginer... C'est un processus qui prendra du temps et qui sera sous condition. Et puis il faut réfléchir à ce que l'Ukraine peut apporter à l'Union Européenne. En matière d'engrais, par exemple, on est très dépendant des engrais russes qui vont subir peut-être des augmentations, parce qu'il y aura des droits de douane relevés à cause des sanctions. Pourquoi est-ce que l'Ukraine ne produirait pas du soja qui pourrait alimenter en engrais les pays européens ? Il faut chercher des collaborations intelligentes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris. Avant de faire entrer l'Ukraine dans l'Union Européenne, il faut prendre des précautions, quoi, si j'ai bien compris, Annie GENEVARD.

ANNIE GENEVARD
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Mercosur. Où en est-on de la minorité de blocage au niveau européen ? Parce que là aussi, ça fait des semaines que le Président de la République, que le Gouvernement nous dit " nous sommes en train de construire une minorité de blocage pour empêcher le traité du Mercosur. " Où en est-on ?

ANNIE GENEVARD
C'est un travail… Vous êtes impatient, et je le comprends.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je ne suis pas impatient, j'aime les réponses. Ce n'est pas pareil.

ANNIE GENEVARD
Oui, oui, mais je le sais monsieur BOURDIN. Mais ce que je veux dire, c'est que concrètement, qu'est-ce qu'on fait ? On va voir les pays dont on espère qu'ils puissent voter contre ce projet d'accord, parce qu'il n'y a pas d'accord encore.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, exactement, projet d'accord signé par madame VON DER LEYEN

ANNIE GENEVARD
Ce projet d'accord a été signé à Montevideo par Ursula VON DER LEYEN. Mais les parlements ne se sont pas prononcés, les États ne se sont pas prononcés. Nous, ce que nous faisons à notre niveau, le Président de la République, le Premier ministre, la ministre de l'Agriculture se démultiplient sur le terrain auprès de leurs homologues pour convaincre... Moi, ce que je constate, chaque fois que je vais à Bruxelles, je discute avec mes homologues. Je vois quand même que ce n'est pas avec un appétit extraordinaire qu'ils envisagent la signature…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la minorité de blocage, combien de pays nous suivent ?

ANNIE GENEVARD
La minorité de blocage, la France est contre, clairement. La Pologne est contre, clairement. L'Autriche est contre. On constitue... On fait ce travail de conviction.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je rappelle qu'il faut 15 pays sur 27 pour adopter le traité, représentant 65% de la population européenne. Et il faudra ensuite une majorité au Parlement européen. Donc ça fait beaucoup d'obstacles.

ANNIE GENEVARD
Exactement. Ça fait beaucoup d'obstacles. Mais j'observe... Il y a des votes qui sont instructifs. Il y a un vote sur un amendement présenté par un député européen français sur l'adoption ou non du Mercosur. Et le résultat est intéressant parce qu'à 30 voix d'écart, l'amendement passait. Vous voyez donc que ça veut dire quand même que ce projet d'accord ne fait pas l'unanimité. Du reste, ça fait 20 ans qu'on en parle. Vous croyez que si ce projet d'accord était perçu comme quelque chose de positif pour l'Union Européenne, il n'aurait pas été adopté avant ? C'est le plus gros accord de libre-échange jamais conclu. Donc il faut bien imaginer les retentissements que ça a sur nos propres producteurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai écouté le Président de la République, quand il est venu au salon de l'agriculture. Qu'a-t-il dit ? Il a dit " Il faut assumer de produire, de produire plus ". Vous assumez et vous dites la même chose.

ANNIE GENEVARD
Ça fait des semaines et des mois que mon mantra, c'est de dire " Produire n'est pas un gros mot. " Parce que pendant longtemps, on a dit " Oh mon Dieu, produire, ça pollue. Oh mon Dieu, produire, c'est du productivisme intensif ". Enfin j'invite tous ceux qui pensent que l'agriculture française est productiviste à aller dans des pays véritablement productivistes, qu'ils aillent voir les mégafermes, les fermes avec des milliers d'hectares…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Tiens, en Ukraine, par exemple.

ANNIE GENEVARD
Par exemple en Ukraine. Mais la France s'honore d'avoir un modèle d'exploitation familiale à taille humaine. Et donc voilà…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc " produire plus ", ça veut dire... Pour produire plus, il faut moins de contraintes, ça veut dire moins de pesticides, ça veut dire plus d'utilisation d'eau. On est clair.

ANNIE GENEVARD
Pour produire, il faut 3 choses. Il faut de la terre. Donc il faut préserver la terre agricole comme la prunelle de nos yeux. Il faut de l'eau. Et là, j'invite tous ceux qui s'opposent au stockage de l'eau de raison garder, parce qu'en s'opposant au stockage de l'eau, ils s'opposent à la production française et ils mangeront fatalement des produits venus de l'étranger donc on perd en souveraineté alimentaire. Et il faut aussi des outils de protection des cultures, c'est-à-dire des produits phytosanitaires, pour autant qu'ils ne soient pas dangereux pour la santé. C'est assez basique, si vous voulez.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on a trop interdit l'utilisation de produits phytosanitaires ? Est-ce qu'on est allé trop loin en France dans l'interdiction ?

ANNIE GENEVARD
Vous savez, on est allé trop loin quand on surtranspose. Quand on surtranspose par rapport aux pays européens…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez revenir sur certaines surtranspositions ?

ANNIE GENEVARD
Moi, je souhaite que vraiment, on ne surtranspose pas, parce qu'on introduit une concurrence déloyale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est allé trop loin, Annie GENEVARD.

ANNIE GENEVARD
Mais bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez revenir en arrière ?

ANNIE GENEVARD
Écoutez, il y a des textes qui vont être présentés au Parlement, qui ont franchi la barre du Sénat. C'est la proposition de loi sénatoriale contre les entraves de l'agriculture. Elle a été adoptée…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Que vous soutenez ?

ANNIE GENEVARD
Que je soutiens. Elle a été adoptée au Sénat dans une forme qui est raisonnable, qui est encadrée. Il ne s'agit pas de déréguler, de déréglementer. Mais la forme avec laquelle elle est sortie du Sénat est, de mon point de vue, tout à fait acceptable. Et elle va être soumise à l'approbation des députés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a eu un petit débat, ici, au Salon de l'agriculture, sur la barquette de tomates à 99 centimes venue du Maroc. Mais que peut-on faire ? Que peut faire un agriculteur français face à cela ? Que peut-il faire ?

ANNIE GENEVARD
Alors il faut savoir qu'il y a quelques années, ce sont les producteurs de tomates français et marocains qui se sont mis d'accord. Ce n'est pas les États qui ont conclu un accord pour produire les Marocains pendant la période où les Français ne produisent pas. Au fur et à mesure du temps... Donc c'est assorti de droits de douane. Dans la période hivernale, pas de droits de douane sur la tomate marocaine. En revanche, quand les Français produisent leur tomate, des droits de douane. Mais on voit quand même que même avec des droits de douane, les importations marocaines ont doublé, 20% à 40%. Et puis surtout sur la tomate cerise, qui est la plus rémunératrice. Donc nous, nous avons, à l'occasion de ce salon et sous mon autorité et celle de mon homologue marocain, relancé ce comité de discussion entre les producteurs français et les producteurs marocains pour qu'ils se mettent d'accord, parce que c'est un gros irritant. Moi, je comprends nos producteurs et j'invite chacun à être raisonnable.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, on va parler des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs agro-industriels. C'est tendu. Apparemment, chaque année, c'est tendu, mais là, c'est particulièrement tendu.

ANNIE GENEVARD
C'est très tendu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est très tendu. Vous le confirmez. Ça doit se terminer demain, 1er mars.

ANNIE GENEVARD
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il va bien falloir que des solutions sortent de ces discussions. Et les agriculteurs n'ont qu'une crainte, c'est que toutes ces discussions aboutissent à ce que les premières victimes, ce soient les producteurs et les agriculteurs. Est-ce que vous garantissez ce matin que ce ne seront pas les producteurs qui seront les victimes de ces négociations ?

ANNIE GENEVARD
Écoutez, ça, c'est l'affaire des négociations qui sont en cours. Mais la loi EGalim protège le producteur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui oui.

ANNIE GENEVARD
La matière première agricole est sanctuarisée. On voit bien que les négociations, aujourd'hui, se sont durcies à l'égard des transformateurs. Parce que vous avez 3 acteurs dans cette affaire. Vous avez le producteur, le paysan, vous avez le transformateur agroalimentaire. Passer du boeuf sur pied au steak haché dans les cuisines françaises ; entre les deux, il y a un transformateur. Et le problème, si vous voulez, c'est qu'il faut produire de la valeur et pas en détruire. Donc chacun, ces 3 acteurs, doivent gagner convenablement leur vie au bénéfice du consommateur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Mais d'accord. Ça, c'est la théorie.

ANNIE GENEVARD
C'est la théorie…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en pratique, pardon, il y a des lois EGalim. Mais est-ce que vous allez réviser ces lois EGalim ?

ANNIE GENEVARD
Alors elles doivent être révisées notamment pour ce qu'on appelle le SRP +10, le seuil de revente à perte, pour protéger la matière première agricole, justement, pour protéger le producteur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles seront révisées avant l'été.

ANNIE GENEVARD
Avant le 15 avril, parce que le dispositif…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant le 15 avril.

ANNIE GENEVARD
...pour le SRP +10 avant le 15 avril. Et nous légiférerons sur EGalim, parce qu'il faut reprendre EGalim. Et on va regarder attentivement… Je vais regarder avec ma collègue Véronique LOUWAGIE exactement comment se passent les négociations avec la grande distribution, parce que nous adapterons le texte en fonction de la façon dont se déroulent les choses.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous savez ce qui se passe. L'inflation ayant ralenti, la grande distribution demande aux industriels de l'agroalimentaire, de la transformation agricole, de baisser les prix. Eh oui, voilà ce que dit la grande distribution. Vous le savez bien. Et s'il y a une baisse des prix, ça veut dire qu'il y aura une baisse des prix à l'achat aux producteurs.

ANNIE GENEVARD
Monsieur BOURDIN, le boeuf désossé, c'est 10 euros le kilo, en gros, le prix de revient du boeuf une fois qu'il a été désossé. Il est acheté entre 4,5 et 7,5 euros au producteur. Une fois qu'il est désossé, 10 euros le kilo. C'est le prix de vente du steak haché au kilo dans la grande distribution. Il y a un problème. Vous le voyez bien.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il y a un problème.

ANNIE GENEVARD
Donc chacun doit gagner sa vie, parce qu'on a une manière…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends que chacun... Les distributeurs gagnent bien leur vie. Vous êtes d'accord ?

ANNIE GENEVARD
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les transformateurs, dans l'ensemble, gagnent bien leur vie. Il n'y a que les producteurs agriculteurs qui ne gagnent pas toujours bien leur vie, Annie GENEVARD.

ANNIE GENEVARD
Non, je crois que ce n'est pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? Non ? D'accord.

ANNIE GENEVARD
Non. Je dis simplement qu'avec les lois EGalim, tout a été fait pour protéger le producteur. C'est le début de la chaîne.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un prix plancher bientôt ?

ANNIE GENEVARD
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le Président de la République qui a parlé de prix plancher.

ANNIE GENEVARD
Non, mais le prix plancher, ça a été évoqué au cours d'une... Mais ça n'a pas été formalisé comme tel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc non, il n'y aura pas de prix plancher.

ANNIE GENEVARD
Le Président de la République n'a pas dit " Je veux qu'il y ait un prix plancher ".

JEAN-JACQUES BOURDIN
En revanche, ce que dit le Président de la République, qui est très clair, c'est que si le producteur n'est pas protégé, c'est une destruction de valeurs et surtout, surtout une perte de souveraineté alimentaire. Vous savez qu'un fruit sur... En gros, on n'est pas souverain sur le plan alimentaire pour les fruits à 60%. 6 fruits sur 10 consommés en France n'y sont pas produits. 1 poulet sur 2…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Viennent de l'étranger.

ANNIE GENEVARD
…Viennent de l'étranger. Alors qu'on a une agriculture... On a tout pour réussir. On a des agriculteurs talentueux, on a une terre d'une très grande qualité. On a un souci de la qualité de la production des produits qui est reconnue dans le monde entier. On a la plus belle agriculture du monde, la plus vertueuse. Et on se laisserait, comme ça, manger des parts de souveraineté. Ce n'est plus possible. Donc ce que dit le Président de la République et ce que nous répétons, c'est qu'il faut faciliter la production en France. Mais on a un sacré handicap à rattraper, parce qu'on a mis tellement de contraintes sur le producteur. Et pendant si longtemps, il a si mal été rémunéré de son travail qu'évidemment, il faut remonter la planque de cette situation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Annie GENEVARD, parmi les contraintes, il y a les contraintes environnementales. Je lis ce que déclarait Laurent WAUQUIEZ, que vous connaissez bien. " Organisme, l'OFB, qui veut contrôler nos agriculteurs avec un pistolet à la ceinture ". Vous emploieriez les mêmes mots que Laurent WAUQUIEZ ?

ANNIE GENEVARD
Je crois qu'il faut prendre la mesure du sentiment de défiance à l'égard du monde agricole. Et l'OFB, c'est une réalité …

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Office français de la biodiversité…

ANNIE GENEVARD
Entre le monde paysan et l'OFB, il y a aujourd'hui des relations qui se sont fortement dégradées. Sur cette question de l'environnement, il faut quand même bien que chacun comprenne que l'environnement, la nature, c'est l'outil de travail des paysans. Vous croyez qu'ils vont le dégrader ? Donc ces accusations de dégradation de l'environnement sont insupportables. Ils sont des protecteurs de leur outil de travail. Alors il ne faut pas déréguler. L'OFB est là. L'OFB devrait être là davantage pour le conseil, pour sensibiliser. Et l'OFB remplit aussi beaucoup d'autres tâches qui sont méconnues ; la surveillance de la faune sauvage. Mais aujourd'hui, il y a un divorce. Donc qu'est-ce qu'on a fait devant cette situation conflictuelle ? Avec ma collègue du ministère de la Transition écologique, on a adressé aux agents de l'OFB, qui sont des agents de l'État – il y en a 3 000 – une circulaire leur disant " Il faut que vous fassiez tout pour renouer le dialogue avec les agriculteurs. Ça n'est pas possible de rester dans un tel état de tension. " Pour cela, contrôle administratif unique que j'ai mis en place. Contrôle administratif unique parce que le contrôle est vécu comme une défiance. Ensuite, on leur a dit " L'arme, c'est un irritant majeur. "

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, pas d'arme.

ANNIE GENEVARD
Écoutez, les agriculteurs ne sont pas des délinquants en puissance. Donc on leur dit " Vous êtes une police, vous êtes armés, soit. Mais l'arme, elle peut être discrète. " Il y a des tas de policiers qui sont armés dont vous ne verrez jamais les armes et qui sont en capacité de se défendre le cas échéant. Donc on dit aux agents de l'OFB, " port discret de l'arme. " Et enfin caméra-piéton, parce que quand le ton monte, quand le dialogue s'envenime, généralement la caméra-piéton, ça permet d'apaiser.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai deux dernières questions. La première est politique, Annie GENEVARD. Vous êtes secrétaire générale de LR. Qui choisissez-vous pour la présidence de LR, Bruno RETAILLEAU ou Laurent WAUQUIEZ ?

ANNIE GENEVARD
Alors cher monsieur BOURDIN, j'aime bien répondre précisément à vos questions, parce que c'est ce que vous aimez entendre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

ANNIE GENEVARD
Mais là, je ne peux pas, parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ?

ANNIE GENEVARD
Mais parce que la secrétaire générale qui est en charge de l'organisation des élections se doit à une parfaite neutralité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous voterez ?

ANNIE GENEVARD
Ah ben je voterai. Mais dans le secret de l'isoloir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous avez une préférence ? Vous avez une préférence, Annie GENEVARD.

ANNIE GENEVARD
Je voterai naturellement. Mais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez une préférence quand même, aujourd'hui ?

ANNIE GENEVARD
Mais je ne voterai pas blanc. Voilà ce que je peux vous dire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah oui. Ça, j'ai compris. Non mais ça, j'ai compris. Vous avez un collègue au Gouvernement, Annie GENEVARD.

ANNIE GENEVARD
Non. Vous pouvez me torturer. Je ne répondrai pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais je ne vous torture pas. Je pose des questions.

ANNIE GENEVARD
Non. Il faut que je veille, en tant que secrétaire générale, à ce que les choses se passent bien, à ce que ça ne soit pas la guerre entre les candidats, parce que c'est une élection. Et une élection légitime. Une élection, on a le droit de s'y présenter. Je fais confiance à ces deux hommes qui sont intelligents, que je connais bien, qui sont tous les deux des amis, pour que les choses se passent bien, parce que ce qui est en jeu, c'est l'avenir de la droite.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Bien évidemment. Alors j'ai une dernière question. On est un peu couverts par le bruit du... Mais j'ai une dernière question qui est importante, me semble-t-il. Le ramadan commence ce soir, Annie GENEVARD. Est-ce que vous êtes favorable à la fin de l'abattage rituel pour les viandes halal et kascher ?

ANNIE GENEVARD
Alors c'est une question extrêmement sensible, vous le savez.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ben oui. C'est pour ça que je vous la pose.

ANNIE GENEVARD
Les cultes eux-mêmes ne souhaitent pas qu'on tranche cette question comme ça au détour d'une émission. Moi, je vais rencontrer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez ouvrir un débat sur... Est-ce qu'Annie GENEVARD, vous êtes prête à ouvrir un débat sur l'abattage rituel ?

ANNIE GENEVARD
Un débat, sûrement pas. Une discussion, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Discussion pour…

ANNIE GENEVARD
Avec les cultes, pour faire un état des…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel objectif ?

ANNIE GENEVARD
L'objectif de savoir qu'est-ce qui est... Comment dirais-je ? Quelle est leur ligne rouge ? Quelles sont leurs lignes rouges en la matière ? On sent bien que la question du bien-être animal et du bien mourir – parce qu'au fond, c'est de ça que nous parlons – est une question qui est devenue sociétalement extrêmement sensible. Sur les réseaux sociaux, c'est probablement le plus grand nombre de messages que je reçois, mais qui traduit deux choses. Qui traduit d'abord une méconnaissance du lien tout à fait particulier qu'il y a entre l'éleveur et son bétail. Tous ceux qui pensent que parce qu'on élève du bétail, on le maltraite, c'est un pur scandale. Moi qui viens d'une région d'élevage, je peux vous dire que les éleveurs aiment leurs animaux à un point que beaucoup ne soupçonnent pas. Bien aimer ses animaux, c'est aussi veiller à ce que leur mise à mort soit respectueuse de l'animal.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes prête à ouvrir le débat sur l'abattage rituel ?

ANNIE GENEVARD
Oui. Mais il y a des règles. Oui. Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ou non ?

ANNIE GENEVARD
Non. Pas le débat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas un débat.

ANNIE GENEVARD
Non, mais ce n'est pas une question qu'on peut mettre en débat public comme ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les pays nordiques, le Luxembourg, la Suisse ont interdit l'abattage rituel.

ANNIE GENEVARD
Moi, ce que je veux, c'est qu'on puisse ouvrir une discussion. Elles ont commencé ces discussions avec les cultes, parce qu'il faut être respectueux des cultes. On ne peut pas jeter en pâture les modes d'abattage rituel qui existent depuis des centaines et des centaines d'années. Il faut pouvoir en discuter sereinement, mais à l'abri du débat public, parce que mettre ces choses dans le débat public, c'est forcément le condamner à toutes les outrances. Et ce n'est pas comme ça qu'on avance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup, Annie GENEVARD, d'être venue nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio et ici au Salon de l'agriculture. Vous êtes chez vous. Et nous allons…

ANNIE GENEVARD
Un beau salon qui se passe très bien.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai, qui se passe très bien. Et nous allons profiter un petit peu. Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mars 2025