Interview de M. François-Noël Buffet, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, à France Info le 28 février 2025, sur un cyclone à La Réunion, la réforme des retraites, les tensions avec l'Algérie, les questions d'autorité, la Nouvelle-Calédonie et Les Républicains.

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Média : France Info

Texte intégral

SERGE CIMINO
Bonjour, monsieur le ministre.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bonjour,

SERGE CIMINO
Alors, la première question d'actualité, c'est ce qui se passe, en ce moment, à La Réunion. Vous êtes, bien sûr, en charge au ministère de l'Intérieur de surveiller tout ce qui se passe. Nous sommes en alerte rouge, cette nuit, on est passé en alerte violette. Vous pouvez nous nous faire un point précis de ce qui se passe à la Réunion ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bien sûr, au moment où nous parlons, il y a trois heures de plus à La Réunion, l'alerte violette a été décidée par le préfet suffisamment tôt pour que tout le monde puisse rester confiné. En fait, il faut que nos compatriotes réunionnais restent chez eux, se protègent. Personne ne doit être dehors. Quand bien même les services de secours sont également confinés de façon à laisser passer, si je puis dire, ce cyclone Garance qui est puissant. Qui va traverser la… Va descendre La Réunion du nord au sud. Qui est puissant. On évalue la vitesse du vent à plus de 200 kilomètres/heure, ce qui est très important tout de même. Et donc, il faut attendre maintenant que ce passage. Et puis ensuite, évidemment, il sera temps de voir ce qu'il en est, au moment où je vous parle, en tous les cas, l'état de mes informations, il n'y a pas de victimes physiques, heureusement d'ailleurs, toutes les précautions ont été prises par le préfet sur place. Maintenant, il faut un peu de patience et attendre en réalité, mais nous avons prédisposé des personnels nécessaires pour aider le moment venu, lorsque ce cyclone sera passé.

SERGE CIMINO
Alors, nous suivrons ça, bien sûr, tout au long de nos éditions sur France info. Autres actualités, c'est le Premier ministre qui la provoque, si j'ose dire. Il a déclaré au Figaro autour de la négociation du conclave des retraites que s'il y avait un blocage, il pourrait se servir du référendum. Ce n'est pas un peu tôt alors que les négociations commencent à peine ? C'est quoi une pression, une menace ? Qu'est-ce que vous en pensez ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je pense que c'est un chemin. C'est un chemin qui est indiqué au moment où les discussions s'engagent entre les partenaires sociaux. Sachant que le principe est de faire confiance aux partenaires sociaux. C'est presque dire c'est leur job de trouver les solutions. J'ai cru comprendre que c'était un peu difficile au départ, mais espérons que dans le délai qui est imparti, tout cela soit possible. Et s'il advenait que bien évidemment, ils ne trouvent pas d'accord, on restera sur la situation actuelle ou alors le Premier ministre imagine un référendum consulter les Français sur leur système de retraite et pourquoi pas ? Ça paraît tout à fait intéressant car les enjeux sont forts.

SERGE CIMINO
Vous avez une idée de la question qui pourrait se poser ? Est-ce que ce serait sur, revoir l'âge de départ à la retraite ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est assez difficile à dire maintenant parce qu'il peut y avoir plusieurs questions sur l'âge de la retraite, sur la durée de cotisation et de l'augmentation de la cotisation. Donc, il faut être très prudent à ce stade. Mais l'idée de rendre la parole aux Français est aussi une très bonne idée sur un sujet de cette nature aussi important pour nous tous, j'allais dire pour tous les Français sans exception.

SERGE CIMINO
Alors, parlons de ce qui intéresse la France depuis plusieurs semaines, c'est les tensions avec l'Algérie. J'ai l'impression que le mot " Tension " est même un peu faible. Mercredi, vous assistez avec d'autres de vos collègues ministres au Comité interministériel de contrôle de l'immigration, ce qu'on appelle le CICI, qui était déjà prévu avant ce qui s'est passé à Mulhouse, on y reviendra, avec des décisions prises en particulier avec l'Algérie. Le choix du Gouvernement, c'est le rapport de force pour que l'Algérie récupère ses ressortissants sous obligation de quitter le territoire français. Le rapport de force plutôt que la diplomatie ? C'est votre ministre de tutelle, Bruno RETAILLEAU, qui l'a emporté.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est les deux en même temps, si je puis dire, parce que nous avons besoin face au comportement du Gouvernement algérien. Distinguons bien de la population. Nous avons besoin, aujourd'hui, de mettre les choses au clair. Imaginez que si l'auteur du crime de Mulhouse, attentat de Mulhouse, avait été repris par son pays d'origine et frappé quatorze fois, condamné, présenté quatorze fois, le drame de Mulhouse n'aurait pas eu lieu. Donc, il y a une part de responsabilité dans cette situation de la part du Gouvernement algérien dont il est temps de mettre les choses sur la table. Cela fait plusieurs mois déjà que les relations sont tendues. Disons les choses telles qu'elles sont. Nous n'avons pas d'ambassadeur d'Algérie à Paris, par exemple, depuis six mois. C'est un problème. Les relations sont tendues. Cela veut dire que le Premier ministre a donné six semaines pour mettre les choses sur la table, clairement, et que le Gouvernement algérien accepte de reprendre des ressortissants sous OQTF actuellement retenus chez nous et que les choses, chacun respectent la règle.

SERGE CIMINO
Mais ça veut dire quoi, mettre les choses sur la table ? Il a été évoqué les accords de 68 qui, je le rappelle, donne certain avantages aux Algériens en termes de circulation, de travail et de séjour. Mais ces accords-là, les remettre en cause, cela veut dire quoi ? Que l'Algérie ne respectant pas ce que vous appelez le contrôle migratoire, pourrait être victime du Gouvernement français sur ces accords ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Nous sommes dans une relation exceptionnelle avec l'Algérie qui est liée à l'histoire et ce n'est pas discutable. Mais à partir du moment où le partenaire ne respecte pas les règles qu'ils se sont fixées et qu'il s'est fixées notamment à un autre endroit, eh bien on est en droit de dire « Revenons à une situation de relation d'État à État, j'allais dire, normale et pas exceptionnelle comme elle l'est, aujourd'hui, pour l'égard de notre histoire ».

SERGE CIMINO
On parle des dignitaires ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, il y a plusieurs hypothèses.

SERGE CIMINO
Ça ne risque pas de brusquer un peu les ressortissants qui sont en France, qu'ils soient algériens ou d'origine algérienne ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a été très prudent en disant " C'est bien avec le Gouvernement qu'il y a une difficulté, pas avec nos compatriotes d'origine algérienne ou avec la population algérienne elle-même ". Mais il y a un moment, à l'égard de ce Gouvernement, il faut quand même tenir des propos de fermeté. Et je crois que c'est nécessaire. Le ministre des Affaires étrangères a 6 semaines, si je puis dire, pour pouvoir renouer le dialogue, essayer de renouer le dialogue si tant est qu'il soit accepté, pour qu'on ait une solution sérieuse, raisonnable et qu'un État responsable, comme doit l'être l'État algérien, reprenne ses ressortissants, parce que ce sont ses ressortissants.

SERGE CIMINO
Alors, il y a une liste d'une trentaine de ressortissants prioritaires que la France va donner à l'Algérie. Ce sera un peu le baromètre de la réaction algérienne. Mais qui dit, ce matin, qu'elle rejette les ultimatums et les menaces de la France, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est mal parti.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui. Il y a les positions... Enfin, je pense qu'il y a les positions officielles. Et puis, il y a les discussions sérieuses qui vont s'engager maintenant…

SERGE CIMINO
Il y a des discussions plus souterraines ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
... De façon beaucoup plus confidentielle, beaucoup plus discrète, parce que c'est le rôle de la diplomatie de les mener. Donc, ne renonçons à rien et avançons sereinement. Mais clairement, je crois que c'est nécessaire.

SERGE CIMINO
La situation de l'écrivain Boualem SANSAL est aussi de manière souterraine dans la discussion avec l'Algérie.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bien sûr, ça a été évoqué par le Premier ministre. Et personne ne comprend la situation de cet homme qui est âgé, malade, à qui, on empêche d'ailleurs d'avoir un avocat parce qu'il est de confession juive. Tout ça est sur la table. Bien sûr, il faut discuter.

SERGE CIMINO
Alors un petit mot rapide. Vous avez une réunion, tout-à-l ‘heure, à Matignon autour... On va dire une réunion de travail dont le titre est " Restaurer l'autorité ". Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Est-ce que ça a un lien avec une proposition de loi qu'a fait l'ancien Premier ministre Gabriel ATTAL ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est une réunion de caractère général qui se veut effectivement, vous avez raison, une réunion de travail pour savoir comment, dans notre pays, on remet en place, j'allais dire, le respect de l'autorité. Elle a diverses formes, l'autorité, naturellement. Il n'y a pas d'ordre du jour à ce stade.

SERGE CIMINO
On n'est pas sur les mineurs particulièrement ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Non, on est sur une discussion libre. Et c'est tout à fait d'ailleurs intéressant parce que ce sont des réunions de travail en général assez productives.

SERGE CIMINO
Donc, on ne peut pas forcément lier ça au drame du petit Elias qui avait été tué pour un portable qu'il n'a pas voulu donner par deux mineurs.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est un sujet extrêmement important. Ça fait partie des choses. Mais dans ce type de réunions qui sont thématiques et qui se tiennent de façon régulière, c'est la liberté de la discussion, les grands principes. Ils se mettent d'accord sur les grands principes pour ensuite les décliner par voie législative si nécessaire. Mais ça n'est pas spécialement lié à un événement particulier.

SERGE CIMINO
Donc, votre ministère est au coeur, je dirais, des deux pieds du Gouvernement. Il y a l'immigration. On le voit bien avec l'Algérie. Restaurer l'autorité, c'est…

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
L'autorité, c'est aussi l'autorité à l'école.

SERGE CIMINO
Oui, mais c'est aussi un des thèmes chers du ministre de l'Intérieur. Est-ce que c'est Bruno RETAILLEAU, le Premier ministre ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Non, bien sûr que non. Bruno RETAILLEAU, il est ministre de l'Intérieur, nous travaillons ensemble, évidemment. Et on a un Premier ministre, il y a un Gouvernement. Et c'est le Gouvernement qui travaille et le Premier ministre qui tranche quand c'est nécessaire. Et c'est bien ce qui a été fait à l'occasion de la réunion sur l'immigration notamment. C'est un exemple, mais il y en a d'autres.

SERGE CIMINO
Alors rapidement, un sujet qui vous tient à coeur. Vous étiez précédemment ministre des Outre-mer. Votre successeur, Manuel VALLS, est encore sur place pour tenter de renouer le dialogue. Votre regard là-dessus, est-ce qu'il est en train de réussir pour redonner une chance politique à la Nouvelle-Calédonie ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je souhaite qu'il réussisse. Il a pris le temps, cette semaine, d'être sur place, de rester, de discuter, peut-être même de prolonger son séjour. Il a raison de le faire. Et il faut que la Nouvelle-Calédonie retrouve un avenir. Elle ne retrouvera son avenir que dans la stabilité institutionnelle et la clarté de son organisation et du respect des uns et des autres. L'ensemble des Calédoniens ont besoin de cela. Mais la France a aussi besoin de cela, parce qu'elle aime la Nouvelle-Calédonie et que la Nouvelle-Calédonie a aussi besoin de la France.

SERGE CIMINO
Alors nous ferons le point à son retour.

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Donc, je pense qu'il faut qu'il réussisse, bien sûr.

SERGE CIMINO
Alors vous êtes un des membres des Républicains. Il y a une campagne en cours entre monsieur WAUQUIEZ et monsieur RETAILLEAU. Ça ne vous dérange pas, un ministre aussi important que monsieur RETAILLEAU qui fait en même temps campagne. Ça vous semble normal ? Est-ce que vous avez fait un choix, d'ailleurs ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il y en a eu d'autres qui ont fait campagne en occupant des fonctions. Là, ce n'est pas la question. Donc, je pense qu'il peut parfaitement faire campagne pendant qu'on dirige le ministère. Et d'ailleurs, on le fait. Et d'ailleurs, ça fonctionne. Il n'y a pas de difficultés là-dessus. Après, maintenant, il y a une compétition au sein des Républicains. Cette compétition, elle est claire. Elle ne doit pas être agressive. Ce n'est pas un pugilat qui doit être organisé pendant 2 mois, parce que nous nous apprécions les uns et les autres. Donc, il faut que les choses se fassent normalement et que le mouvement décide. Et puis voilà.

SERGE CIMINO
Vous avez fait votre choix, à titre personnel ?

FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je soutiendrai Bruno, parce que j'ai travaillé avec lui. Je le connais depuis longtemps. Mais en même temps, j'ai beaucoup d'amitié et de sympathie pour Laurent WAUQUIEZ. Donc, voilà. C'est toujours difficile. Mais bon, c'est comme ça.

SERGE CIMINO
Merci beaucoup, monsieur le ministre.

JOURNALISTE
Merci, Serge CIMINO. C'était, donc, l'interview politique dans la matinale, François-Noël BUFFET, fait ministre auprès du ministère de l'Intérieur.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mars 2025