Entretien de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec BFM TV et RMC le 6 mars 2025, sur les tensions avec la Russie, la défense européenne et la dissuasion nucléaire.

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Média : BFM TV

Texte intégral

Q - 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Jean-Noël Barrot.

R - Bonjour.

Q - Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Elles sont particulièrement nombreuses au lendemain de la déclaration très solennelle d'Emmanuel Macron hier. Vous êtes à la tête du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Est-ce que vous diriez que, quelque part, on est en guerre ?

R - Je dirais que nous vivons un moment historique et que nous vivons un moment grave. Et c'est la raison pour laquelle il était important, après des semaines d'efforts diplomatiques, que le Président de la République puisse rendre compte aux Français de la situation et de l'horizon qui est devant nous.

Q - On va essayer de le dessiner ensemble et de comprendre justement de quel horizon on parle. Mais si je vous dis ça comme ça, et avec ces mots-là, "eh bien, quelque part, on est en guerre", c'est parce que ce sont les mots qu'avait prononcé Emmanuel Macron le 20 février dernier, lorsqu'il avait fait ce live sur les réseaux sociaux pour répondre aux questions des Français. Il l'a dit plus clairement ce jour-là qu'il ne l'a dit hier. Mais est-ce qu'il faudrait avoir la franchise qu'il a eue sur les réseaux sociaux, qu'il a peut-être eu un peu moins dans cette expression hier, où il a prononcé ce mot : "eh bien, quelque part, on est en guerre" ?

R - Ce qu'il a dit hier, le Président de la République, c'est que la ligne de front ne cesse de se rapprocher de nous, que la menace est devenue existentielle. Pourquoi ? Parce que la Russie d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a 15 ans et que Vladimir Poutine aujourd'hui n'est pas le Vladimir Poutine que le président Chirac ou que le président Hollande ont connu. Depuis trois ans et le début de cette guerre d'agression, la menace a pris une forme nouvelle. D'abord celle d'une invasion à grande échelle. Ensuite elle s'est mondialisée, avec l'arrivée sur le sol européen de soldats nord-coréens. Et puis elle a pris des formes nouvelles, y compris des campagnes de désinformation qui ont perturbé des élections dans l'Union européenne, des campagnes cyber, des actes de sabotage avec des colis piégés en Allemagne et l'assassinat d'opposants politiques à l'étranger. Et donc cette agressivité redoublée de Vladimir Poutine ne connaît pas les frontières et se rapproche sans cesse de nous. Si nous restons aveugles à cette transformation de la menace, nous serons, oui, un jour ou l'autre, entraînés vers la guerre.

Q - Vers une guerre mondiale. Le mot de mondialisation de cette guerre a été prononcé. Vous le disiez, d'abord par l'implication de ces soldats, y compris nord-coréens, aux côtés des troupes russes. Aujourd'hui, sur quelle alliance pouvons-nous nous reposer ? Il y a la réponse européenne, il y a la réponse américaine, il y a la question de l'OTAN. D'abord l'Europe, puisque c'est là que ça va se jouer cet après-midi, avec cette réunion des chefs d'Etat. Est-ce qu'ils sont tous d'accord ?

R - Vous avez posé la question : sur qui pouvons-nous nous reposer ? Eh bien, nous ne pouvons nous reposer que sur nous-mêmes. Et c'est le moment, après des décennies d'insouciance pendant lesquelles nous, les Européens, avons vécu, je dirais, sous la protection américaine, de reprendre notre destin en main et en particulier, et c'est le plus fondamental, notre sécurité et notre défense. C'est tout l'enjeu de la réunion de cet après-midi.

Q - On a été très naïfs ?

R - En tout cas, on a trouvé ça confortable. Et vous voyez bien que, cependant que nous vivions sous la protection américaine, la menace se rapprochait de nous. Et nous nous trouvons aujourd'hui à la croisée des chemins. Alors évidemment, c'est un peu différent pour la France. On en reparlera sans doute.

Q - Avec la dissuasion nucléaire.

R - Oui, la dissuasion nucléaire. Et puis parce que depuis huit ans, nous avons relevé considérablement nos moyens militaires. Et donc nous avons pris de l'avance sur un certain nombre de partenaires européens. Mais clairement, il faut changer d'échelle. Je rappelle, simplement pour ceux qui s'intéressent aux chiffres, que depuis les années 1950, nous avons fait diminuer par trois, nous avons divisé par trois la part de nos dépenses militaires dans la richesse nationale. Nous étions aux alentours de 6 à 7%. Et là, grâce aux efforts consentis depuis huit ans, nous sommes remontés à 2%. Mais ça n'est pas suffisant. Et c'est pourquoi, avec l'effort européen qui sera décidé aujourd'hui à Bruxelles, nous allons pouvoir nous donner les moyens de notre indépendance.

Q - Cet effort européen, comme vous dites, en vrai, il n'a d'européen que le nom. C'est-à-dire que ce sera quand même des efforts surtout individuels de chacun des Etats. Ce n'est pas l'Europe qui va nous donner de l'argent pour acheter les missiles. C'est la France qui va investir. Et simplement, l'Europe sera un peu moins regardante sur la rigueur budgétaire habituelle.

R - C'est un peu réducteur parce qu'en effet, ce que nous allons obtenir aujourd'hui, c'est que l'Europe nous permette effectivement de faire des dépenses militaires sans que ce soit décompté dans les critères comptables européens. Et puis l'Europe va se mettre en situation d'emprunter pour pouvoir faire des prêts aux Etats européens qui en ont besoin. Mais quel est l'enjeu, je dirais presque principal, de cette réunion, au-delà des 800 milliards qui vont nous permettre, si tout cet argent est bien mis à profit, de relever considérablement nos défenses ? Eh bien, c'est de passer un message clair et simple : nous voulons produire et acheter en Europe. Nous ne supportons plus d'être dépendants, pour nos approvisionnements militaires et pour notre armement, de dépendre des Etats-Unis, de la Corée du Sud ou d'autres pays du monde. Parce que nous ne voulons pas que nos choix en matière de politique et de politique internationale soient conditionnés par une dépendance excessive, par un asservissement à d'autres pays du monde.

Q - Quand vous dites "nous", "nous ne supportons plus d'être dans cet asservissement". Mais que ne l'avez-vous pas dit à nos partenaires plus tôt ?

R - Oh mais nous l'avons dit !

Q - Ce que je trouve incroyable, c'est que quand on regarde effectivement les chiffres entre 2019 et 2023, 55% des importations d'armes de nos voisins européens venaient des États-Unis, alors qu'on sait faire. On sait faire en France en particulier, où on a un certain nombre de champions en matière d'armement. Mais on sait faire globalement en Europe. 13 pays européens qui ont acheté ou commandé des avions de combat américains F35. L'Allemagne qui a acheté des F35 au détriment du Rafale français. L'an dernier, c'est la Pologne qui a acheté des missiles de longue portée aux États-Unis pour une valeur de 677 millions d'euros. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? C'est-à-dire que, quand on dit qu'on ne supporte plus, ils avaient le choix.

R - C'est une situation qui est inacceptable. C'est une situation dans laquelle nous ne voulons plus jamais nous retrouver.

Q - Mais quand vous dites "nous", est-ce que vous avez convaincu l'Allemagne, la Pologne qui, il y a encore quelques mois, faisaient des commandes américaines ?

R - Je vous parle au nom de la France. Et c'est le message que nous martelons avec le Président de la République depuis 2017, depuis son premier discours sur l'Europe. Depuis huit ans, certains pays européens avaient commencé à tendre l'oreille, à s'apercevoir, avec la Covid, avec le déclenchement de la guerre d'agression, que quelque chose clochait. Mais aujourd'hui, tout le monde se rallie à cette idée. Et maintenant, il faut passer aux actes, parce qu'il est inacceptable que l'argent des contribuables européens, que l'argent des budgets européens viennent financer de l'industrie d'armement ailleurs qu'en Europe. Nous avons besoin de produire et d'acheter en Europe. C'est la condition nécessaire de notre indépendance. Et puis c'est aussi une manière de relancer notre économie, notre industrie et l'emploi en France et en Europe.

Q - Notre industrie est-elle prête à livrer, à produire avec une suffisante rapidité ? Si en effet une préférence européenne était actée, ce que vous avez l'air de dire cet après-midi, ça pourrait être vraiment dans la loi ? On pourrait dire qu'il y a une préférence européenne en matière d'achat d'armements ?

R - Nous exigeons une préférence européenne très forte, parce que c'est la condition de notre indépendance et de notre prospérité.

Q - Est-ce qu'il pourrait y avoir une contrainte ? Est-ce que ça pourrait être vraiment inscrit dans la loi, comme il y a dans les questions de commandes publiques ou un certain nombre de règlements ?

R - Oui, nous avons réussi ces derniers mois, avant l'annonce du jour qui est de 800 milliards d'euros, nous avons réussi, la France et quelques pays qui avaient déjà cette conscience aiguë de l'exigence d'indépendance, à inscrire dans certains programmes européens la préférence européenne. Maintenant, elle doit s'appliquer pleinement pour que nous reprenions le contrôle de notre destin.

Q - La question, c'est aussi de savoir si nous sommes prêts à le faire. Un grand nombre d'experts estiment que si les budgets de défense augmentent et sont immédiatement tournés vers une commande européenne, l'Europe n'a pas encore suffisamment de moyens, parce qu'un certain nombre d'usines de production ne sont pas en train de tourner à plein régime, de répondre à cette commande. Est-ce qu'on peut se mettre en ordre de bataille ? C'est le cas de le dire.

R - C'est un défi, il ne faut pas se le cacher. Ce n'est pas facile de passer brutalement d'une situation où, en quelque sorte, on faisait augmenter progressivement nos dépenses militaires à une situation où on se retrouve à gérer notre propre défense. Le ministre des armées a déjà incité très fortement les industriels français à se mettre en ordre de marche. Et le Président de la République l'a dit hier, il réunira dans quelques jours tous les industriels de la défense pour qu'ils se mettent en situation non seulement de répondre aux commandes françaises, mais aussi aux commandes européennes qui vont augmenter très fortement dans les mois qui viennent.

Q - Jean-Noël Barrot, il y a l'aspect économie de guerre, ou effort de guerre au minimum. Il y a aussi la question de la diplomatie. Hier soir, juste après cette déclaration, Emmanuel Macron a reçu à l'Elysée Viktor Orbán. Viktor Orbán, qui pour le coup est une voix dissonante au sein des pays de l'Union européenne. Il accuse l'Europe de vouloir, je cite, prolonger la guerre. Est-ce que cette visite a pu donner quelque chose ?

R - Nous verrons à l'issue du Conseil européen extraordinaire qui se tient à Bruxelles. Mais je crois que le Président de la République aura convaincu Viktor Orbán que, y compris pour la Hongrie, qui est parfois très critique de la politique que nous menons pour l'Ukraine, il est indispensable que cette souveraineté en matière de défense, que cette réappropriation de notre sécurité puisse se faire. Et de ce point de vue-là, je crois que Viktor Orbán se ralliera aux ambitions nouvelles qui sont celles de l'Europe. À condition, bien sûr, mais c'est une exigence, même si nous ne la formulons pas de la même manière, que nous partageons, que ce réarmement européen n'échappe pas aux Etats membres qui restent, je dirais, les maîtres en matière de sécurité nationale. La Commission met sur la table, propose des dispositifs européens, notamment pour financer cet effort des Etats membres. Et tout cela est prévu.

Q - Et tout cela est très joliment dit, j'essaye de comprendre ce qu'il y a derrière le vocabulaire du diplomate. Quand vous dites "je crois que Viktor Orbán se ralliera", en avez-vous un début d'indice ?

R - Vous savez, dans ce genre de discussions, de sommets, de conférences, il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Donc attendons la fin de cette réunion. Ce que je sais, c'est que les arguments du Président de la République ont été entendus.

Q - Donald Trump est-il toujours notre allié ?

R - Le Président de la République l'a dit, les États-Unis sont nos alliés. Mais clairement, s'agissant de la guerre d'agression russe en Ukraine, qui est un sujet de sécurité majeur pour la France et pour l'Europe, les États-Unis ont changé de position. Alors, il semble vouloir oeuvrer au service d'une paix. On ne va pas les décourager, c'est plutôt une bonne nouvelle. Mais comme nous l'avons dit depuis des semaines et des mois maintenant, la paix doit être une paix juste et une paix durable. Une paix qui dissuade définitivement la menace. Parce qu'un simple cessez-le-feu, nous connaissons, nous l'avons déjà fait. C'était il y a 10 ans, jour pour jour. C'était à Minsk, en Biélorussie, que ça a été signé, entre l'Ukraine et la Russie. Et ça n'a pas empêché la Russie de violer ce cessez-le-feu par 20 fois avant de lancer son invasion de l'Ukraine il y a trois ans.

Q - Jean-Noël Barrot, vous êtes le ministre des affaires étrangères de la France. En d'autres temps, c'est au sein du Conseil de sécurité de l'ONU que vous vous seriez exprimé ce matin, hier, demain. L'ONU n'existe plus aujourd'hui, elle est hors-jeu ?

R - Non, je crois qu'elle existe, mais je crois qu'elle est menacée par le réveil des empires, qui considèrent qu'il n'y a plus de frontières et qu'on peut impunément violer l'intégrité de son voisin. Ce viol de l'intégrité territoriale, c'est une renonciation au principe fondateur des Nations unies, qui est le respect de l'intangibilité des frontières.

Q - Mais les Nations unies ne réagissent pas ?

R - Mais nous, les Européens, n'allons pas changer pour autant notre vision du monde. Et si nous voulons défendre nos intérêts, et justement cette vision du monde qui repose sur la justice et sur le droit, parce que c'est au fond la seule manière de garantir la paix, eh bien il nous faudra être beaucoup plus forts et beaucoup plus indépendants.

Q - Jean-Noël Barrot, ça passe aussi par la question de la dissuasion nucléaire. Emmanuel Macron qui parle d'un débat sur la question de la protection nucléaire, non pas sur la question du partage de la décision nucléaire. On est bien d'accord ?

R - Aucun partage de la décision. Le Président l'a rappelé. Tous les présidents avant lui l'avaient fait. Et le général de Gaulle, le premier, avait évoqué cette dimension européenne des intérêts vitaux de la France et donc de la dissuasion nucléaire. Ce que le Président a dit et qui est historique, c'est qu'il consentait à ouvrir un dialogue stratégique à la demande du nouveau chancelier allemand sur cette dimension européenne de la dissuasion.

Q - Ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qu'il faut comprendre ?

R - Pourquoi est-ce que c'est très utile, sans rentrer dans le détail d'une science qui est entourée d'une forme d'ambiguïté et de secret qui garantit son effectivité ? Nous avons, avec le Royaume-Unis, non seulement le siège de membre permanent du Conseil de sécurité, mais aussi la dissuasion nucléaire. La dimension européenne de notre dissuasion suggère que dans certaines situations où des pays voisins, le général de Gaulle avait parlé du Benelux, seraient menacé, la dissuasion...

Q - En quoi le débat aujourd'hui est-il différent ? Puisqu'au fond, le général de Gaulle, vous le disiez, il y avait le Benelux, il y avait l'Allemagne de l'Ouest...

R - Oui, mais il n'y a jamais vraiment eu de discussion, de dialogue stratégique avec nos partenaires, si bien que nos partenaires...

Q - C'est-à-dire que nous, nous disions, "on est là pour vous, mais on n'en avait jamais parlé avec vous".

R - Et puis surtout, qu'est-ce que ça signifie vraiment ? Parce qu'au moment où l'Allemagne décide de consacrer plusieurs centaines de milliards d'euros à sa défense, il va bien falloir qu'elle décide comment l'employer. Et la manière de décider de comment l'employer dépend de ce dialogue stratégique sur la dissuasion.

Q - Est-ce que ça veut dire aussi qu'il pourrait y avoir une sorte de partage du fardeau ? C'est-à-dire, on est là, pas de partage de la décision...

R - Pas de partage envisagé à ce stade.

Q - Pas de partage de la décision, mais si l'on va jusqu'à dire : "Stratégiquement, désormais nous sommes aussi une forme de parapluie pour vous, mais prenez une part du financement". Est-ce que l'Allemagne pourrait participer au financement de notre bombe atomique ?

R - Le Président de la République a parlé d'un dialogue stratégique. C'est une décision historique qui ne remet en rien la responsabilité qui est la sienne, exclusive, s'agissant de la décision.

Q - De la décision, mais du financement ?

R - Ce n'est pas ce qui est abordé à ce stade, ce n'est pas ce qui est envisagé par le Président de la République.

Q - Il y a aussi la question effectivement de l'arme atomique, qui est, du début à la fin, exclusivement française. C'est ce qu'a dit Emmanuel Macron hier. Pour ça, il faut aussi garder en notre possession les moyens industriels de tout fabriquer pour cela. Je voudrais que vous écoutiez la question qui s'adresse à vous de Manuel Bompard. Il l'a posé ce matin à mon micro, il était sur RMC à 7h40.

Q - Il y a une entreprise dans la région de Grenoble qui s'appelle Vencorex, qui est une entreprise de l'industrie chimique et qui est un sous-traitant indispensable à notre dissuasion nucléaire. Aujourd'hui, il va y avoir une décision judiciaire sur cette entreprise qui est menacée de liquidation judiciaire. Les salariés de cette entreprise disent "Il faut la protéger, cette entreprise, elle est indispensable à notre dissuasion nucléaire, il faut une nationalisation partielle." Est-ce que le Gouvernement est prêt à nationaliser Vencorex pour qu'on soit effectivement indépendant dans le cadre de notre dissuasion nucléaire ?

Q - Que répondez-vous ?

R - Que, vous l'avez dit, notre dissuasion nucléaire est autonome de bout en bout. Et que Vencorex, il est malheureux que M. Bompard exploite, instrumentalise cette situation, ne conditionne pas l'autonomie de notre dissuasion stratégique. Ensuite, c'est une situation industrielle qui est préoccupante et qui mobilise pleinement le Gouvernement. Le Premier ministre a écrit à tous les élus de l'Isère et de Grenoble, la région de cette entreprise...

Q - Mais l'argument de la souveraineté...

R - Non. L'indépendance, l'autonomie de notre dissuasion nucléaire n'est pas...

Q - Les salariés de Vancorex disent qu'un des sous-traitants, Arkema, fabriquait chez eux le perchlorate d'ammonium, qui est nécessaire au combustible à la fois de la fusée Ariane mais aussi des missiles M51 qui sont à bord des sous-marins nucléaires.

R - Entendez-moi bien. Le Premier ministre a écrit aux élus de ce territoire pour leur dire que le Gouvernement serait pleinement mobilisé, Bercy ainsi que mon ministère, pour trouver des investisseurs qui viendraient sauver ou faire vivre ce site et ses savoir-faire. Mais cependant, il a aussi rappelé que Vancorex...

Q - On peut fabriquer du perchlorate d'ammonium ailleurs ? Autrement ?

R - La dissuasion nucléaire française n'est pas dépendante d'un seul fournisseur.

Q - Vous dites que c'est regrettable que M. Bompard fasse de l'exploitation politique de cette situation. Lui, à l'inverse, et la France insoumise avec lui, vous font reproche d'utiliser le prétexte, c'est le mot auquel il répondait à mon micro tout à l'heure, du choc et de la menace pour en réalité imposer aux Français de se serrer la ceinture.

R - Non, la France insoumise se prosterne devant Vladimir Poutine depuis trois ans maintenant et continue d'affirmer sur les plateaux, sur les réseaux sociaux et parfois à la tribune de l'Assemblée nationale que c'est l'Europe et les Etats-Unis qui ont provoqué cette guerre d'agression. Alors que c'est évidemment tout l'inverse. Vladimir Poutine porte une énorme responsabilité dans le sort qu'il a infligé au peuple ukrainien, dans les enfants ukrainiens qui ont été déportés, dans les opposants politiques qui ont été assassinés, etc. Il ne faut pas inverser les rôles.

Q - Vous estimez que la France insoumise aujourd'hui se couche devant Vladimir Poutine ?

R - Dans ses discours, elle le fait.

Q - Jean-Noël Barrot, est-ce que Volodymyr Zelensky peut rester à la tête de l'Ukraine ? Est-ce qu'il faut qu'il renoue un dialogue avec Donald Trump ? Est-ce que la lettre qu'il a envoyée va dans ce sens ?

R - Est-ce qu'il faut renouer un dialogue avec les Etats-Unis ? Bien évidemment, ça me semble très important. Et nous avons, avec le Président de la République, et je l'ai fait à mon niveau, suivi de l'action diplomatique menée par le Président, facilité ce dialogue.

Q - Est-ce que vous soutiendrez Volodymyr Zelensky pour qu'il reste à la tête de l'Ukraine ? Ou est-ce que vous estimez que le bon ordre, même démocratique demanderait, d'autres élections ?

R - On connaît les manoeuvres et les manigances de la Russie qui, à chaque fois qu'elle s'est présentée à une table des négociations, a conditionné la cessation des hostilités à des changements politiques. Parce que la Russie ne fait pas la guerre que sur le champ de bataille. Elle le fait aussi dans les urnes. On l'a vu en Roumanie, en Géorgie et en Moldavie. Ce que je veux dire, c'est que le seul dirigeant légitime pour représenter le peuple ukrainien aujourd'hui, c'est Volodymyr Zelensky. À l'unanimité, le Parlement ukrainien, il y a quelques jours, lui a réaffirmé cette légitimité. Et je le dis ici, la guerre que nous voulons éviter et la paix que nous voulons garantir, elle ne se jouera pas seulement dans nos dépenses militaires, elle se jouera aussi dans notre force d'âme, dans les esprits. Et c'est ce réarmement des esprits auquel il faut nous préparer.

Q - Merci Jean-Noël Barrot d'avoir répondu ce matin à mes questions. Vous êtes le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Cette réunion cruciale au sommet tout à l'heure à Bruxelles des différents chefs d'Etat. Il est 8h51 sur RMC et BFM TV.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2025