Texte intégral
Q - Ça tourne ce soir à l'affrontement entre Donald Trump et les Européens et même plus particulièrement les Français. Puisque regardez, Donald Trump réfléchit à imposer 200% de taxes, 200% de droits de douane sur nos vins, nos champagnes qui arrivent aux États-Unis. "Si ces droits de douane ne sont partis immédiatement" - là il parle des droits imposés par l'Europe - "les États-Unis vont rapidement imposer des droits sur tous les vins, champagnes, produits alcoolisés venant de France." Il nous cite, et d'autres pays européens. Avec nous dans une seconde le ministre délégué chargé du commerce extérieur, Laurent Saint-Martin. Bonsoir Monsieur le Ministre.
R - Bonsoir.
Q - Merci d'être là.
(...)
Q - Laurent Saint-Martin, qu'est-ce que vous répondez ce soir à Donald Trump ?
R - D'abord, je dis que la représentante de la filière Champagne, et avec tous ses collègues vins et spiritueux, ont raison d'être attentifs. Et je dois dire d'abord que la priorité du Gouvernement est de soutenir la filière. Ensuite, l'enjeu, ce n'est pas les États-Unis et la France. C'est les États-Unis et l'Union européenne. Vous le savez, la politique commerciale, c'est un sujet de l'Union européenne.
Q - Il nous cite. Il ne cite pas d'autres pays. Il cite l'Union européenne, la France.
R - Il cite l'Union européenne. Pourquoi ? Il est important de comprendre ce qui s'est passé ces dernières semaines. C'est d'abord Donald Trump qui a déclenché, finalement, une agression commerciale, notamment à travers l'acier et l'aluminium qu'il a augmenté en termes de droits de douane à 25%. Qu'allait faire l'Union européenne dans ce cas-là ? Comme elle l'avait déjà fait pour le premier mandat de Donald Trump, c'est de dire : "Nous, on va répondre pour protéger nos filières."
Q - Donc on a répondu sur un certain nombre de produits.
R - Donc on a répondu, on a précisé qu'au 1er avril, il y avait une certaine série de produits américains qui pourraient voir effectivement les droits de douane augmenter en riposte. Parmi ceux-là, il y a le bourbon américain. Et donc c'est en réponse à cela que le président américain menace, parce que nous en sommes au stade de la menace, il n'y a rien aujourd'hui de concret, menace de taxer à hauteur de 200%. C'est important de repréciser ce contexte-là parce qu'il y a ce qui est réel, l'augmentation des droits de douane pour l'acier de l'aluminium. Ça existe depuis hier. Et il y a ce qui est de l'ordre, aujourd'hui, de la menace. C'est le cas pour le vin et les spiritueux, notamment.
Q - Vous parlez d'agression commerciale. Ce soir, François Bayrou, le Premier ministre, on l'a entendu tout à l'heure en direct sur BFM TV, dit : "On ne peut pas se laisser terrasser par des menaces de cet ordre."
R - Ecoutez, nous n'avons jamais voulu, jamais voulu qu'il y ait une augmentation des droits de douane. Aucun pays européen ne l'a souhaité. Et nous sommes dans le dialogue avec les États-Unis, et nous devons continuer à être dans le dialogue pour convaincre que c'est marche arrière qu'il faut faire là-dessus. C'est tout l'inverse qu'il faut faire. L'Europe et les États-Unis, la France et les États-Unis ont des liens commerciaux et d'investissement historiquement puissants. Nous n'avons jamais considéré que l'augmentation des droits de douane était positive pour quiconque. Je dirais même pire : une guerre commerciale, c'est néfaste pour tout le monde. C'est néfaste pour nos produits, c'est néfaste aussi pour les États-Unis, pour l'effet inflationniste que ça va avoir.
Q - Mais donc, Monsieur le Ministre, vous dites ce soir : "Il faut que tout le monde se calme. Mais si ça ne se calme pas, vous nous trouverez sur votre chemin." C'est ce que vous dites ?
R - Je dis : l'important, c'est la désescalade là-dessus, et de ne pas avoir un effet inflationniste qui irait impacter les produits européens, de la même façon que nous ne souhaitons pas impacter les produits américains. Nous ne voulons pas d'une guerre commerciale. Il faut que ce soit très clair. Mais l'Europe ne va pas se laisser faire si les États-Unis continuent à menacer les exportations européennes. C'est un rapport de force naturel. C'est ça que dit le Premier ministre.
Q - Mais ça peut aller jusqu'où ? Parce que là, on est passé de 25% puis à 50%. Maintenant, c'est 200% de menaces sur certains produits, en l'occurrence le vin de Champagne. Ça peut aller jusqu'où, comme ça ?
R - Ecoutez, j'ai eu cet après-midi au téléphone le vice-président de la Commission, Stéphane Séjourné, et le Commissaire européen, Maros Šefčovič, en charge du commerce. Maros Šefčovič aura demain en ligne le secrétaire au Commerce américain, qui s'appelle M. Lutnick. Ils auront, justement, un dialogue, enfin, pour regarder, est-ce qu'on peut apporter une solution là-dessus. Aujourd'hui, je crois qu'il faut qu'on se dise : on détend cette situation-là, ce n'est dans l'intérêt de personne, et on trouve des solutions pour, justement, ne pas mettre les menaces à exécution. C'est ça l'agenda dit "positif" français qui est porté. Et d'ailleurs, avec tous nos partenaires européens, on partage exactement la même chose.
Q - Avant de laisser la parole à Amélie, j'ai l'impression que vous avez un discours, ce soir, qui cherche à plus apaiser que ce que ne faisait tout à l'heure François Bayrou.
R - Non, le discours, c'est le même. On ne se laisse pas faire et on est capable de riposter si on nous agresse commercialement. Il faut qu'on montre que l'Europe est une puissance capable de réagir. C'est important aussi en crédibilité. Mais attention, on ne le souhaite pas. Et donc, si aujourd'hui il y a une capacité de dialogue pour changer d'orientation dans les relations commerciales entre l'Europe et les États-Unis, on est les premiers volontaires pour, justement, faire baisser plutôt cette tension-là plutôt que l'augmenter.
Q - Amélie.
Q - Monsieur le Ministre, vous ne le souhaitez pas, mais là, en l'occurrence, en tout cas dans la menace, on est dans une forme d'escalade de cette guerre commerciale. 200% de droits de douane, c'est tout simplement des tarifs prohibitifs, donc a priori, il n'y a pas besoin d'aller plus loin. La filière viticole est extrêmement inquiète, voire vous appelle à revenir sur les droits de douane imposés sur le bourbon, le whisky américain...
R - Qui ne sont pas en vigueur.
Q - ... - pas encore. Est-ce que vous seriez en capacité, est-ce que le Gouvernement serait en capacité de soutenir la filière viticole, si toutefois elle était impactée très largement par des tarifs prohibitifs, sachant que les États-Unis sont notre premier acheteur pour les vins français ?
R - Le Gouvernement soutient et soutiendra la filière. C'est vrai pour les États-Unis, c'est vrai aussi pour les sujets avec la Chine, notamment par exemple sur le cognac, vous savez ça. Et donc le Gouvernement soutient ces filières exportatrices, quelles qu'elles soient, particulièrement les vins et spiritueux, qui est une filière, effectivement, aujourd'hui, qui est prise dans un étau de guerre commerciale qu'elle ne mérite pas, parce que c'est une filière d'excellence. Donc c'est aussi notre devoir, au Gouvernement, de la défendre là-dessus. Et c'est extrêmement important. Mais encore une fois...
Q - Donc l'Etat sera au rendez-vous ?
R - Oui, mais surtout, la parole du Gouvernement, c'est de soutenir la Commission européenne dans une attitude de fermeté, dans ce dialogue-là, mais dans une attitude de dialogue et d'agenda positif. Ça veut dire quoi ? C'est que nous, notre objectif final, ce n'est pas qu'on ait pu dire "vous voyez, on sait réagir et on sait répondre". Nous, notre objectif final, c'est la désescalade globale et qu'il n'y ait pas d'inflation et qu'il n'y ait pas de pénalité sur les exportations.
Q - J'ai une toute dernière question, Laurent Saint-Martin : pour celles et ceux qui nous regardent ce soir, qu'est-ce que vous leur dites ? Il y a des prix qui vont augmenter, des prix de certains produits américains que l'on va taxer, qui arrivent chez nous, qui vont augmenter ?
R - Ce que je dis aujourd'hui, c'est que nous sommes dans un moment important...
Q - Nous allons payer, c'est ce que je veux dire.
R - On a besoin de poursuivre un dialogue important avec l'administration Trump, qui a aujourd'hui une difficulté avec nous, c'est qu'on ne se comprend pas sur certains aspects de ce qu'est un tarif douanier. Les Américains, par exemple, considèrent aujourd'hui que la TVA, qui est une taxe sur la consommation que tout le monde connaît ici, est une taxe à l'importation. On ne peut pas être d'accord avec ça. Et donc on a besoin de continuer à se parler pour se dire : finalement, est-ce que là, on n'est pas quand même sur un dialogue de sourds qu'il nous faut absolument dépasser ? Dans, vous l'avez compris depuis l'arrivée de Donald Trump pour son second mandat, un rapport de force qui dépasse le sujet commercial. Souvent, Donald Trump utilise la question douanière et commerciale dans un dialogue bien plus large. Ça peut être les sujets de sécurité, les sujets de drogue pour ses voisins limitrophes, etc. À nous de le comprendre, à nous d'être dans un dialogue intelligent avec lui, mais un dialogue de fermeté. C'est-à-dire que si les positions américaines restent ce qu'elles sont, il faut qu'on reste ferme.
Q - Merci Monsieur le Ministre d'avoir été avec nous ce soir en direct, dans ce 20h BFM.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mars 2025