Texte intégral
Monsieur le Député, je tiens vraiment à vous remercier pour cette question et pour ce débat, qui est l'occasion d'une discussion saine entre nous et va me permettre de battre en brèche quelques contre-vérités, dans un contexte international où nos concitoyens nous écoutent pour mieux saisir ce qui se passe. Il est très important pour moi de recueillir la parole et l'avis des parlementaires, et je souhaite partager avec vous trois fondamentaux.
Premièrement, dans un contexte international brutal et inquiétant, devenu à juste titre la première préoccupation des Français, notre politique de développement est plus que jamais indispensable. Les pandémies et les phénomènes météorologiques extrêmes ne connaissent pas de frontières -? nous l'avons vu à Mayotte, puis à La Réunion. La réponse ne peut être qu'internationale et ambitieuse. C'est une responsabilité de notre pays, puissance d'équilibre -? voilà ce que je crois. C'est une fierté pour nos compatriotes. C'est un positionnement politique, que nous assumons. Notre aide est profondément politique.
Deuxièmement, notre politique vise notamment à protéger les Français, leur sécurité, leur prospérité. Nos actions concrétisent des partenariats à l'appui de nos intérêts stratégiques, économiques ou migratoires. Les entreprises françaises bénéficient d'un nombre considérable de nos projets.
Troisièmement, notre politique est contrôlée et évaluée, comme toutes les politiques publiques, et même davantage -? j'y reviendrai au cours de ce débat.
(...)
Commençons par une chose très claire : les Chinois ne reçoivent aucun euro qui sorte de la poche des contribuables français. Ils peuvent bénéficier de prêts de l'AFD, financés sur le marché. Ils les remboursent, donc l'AFD y gagne. Aucun don ne leur est versé.
En cohérence avec les recommandations de l'OCDE sur l'efficacité de l'aide publique au développement, l'AFD dispose d'un mandat d'aide déliée. L'aide liée n'est possible qu'à certaines conditions. En France, elle prend surtout la forme de prêts concessionnels du Trésor à des Etats partenaires pour des projets non rentables, la part française étant de 70%.
L'aide déliée représente 87% des engagements de l'APD bilatérale de la France. Au demeurant, le déliement de l'aide n'est pas incompatible avec la promotion des intérêts économiques. Il est d'autant plus légitime que nos entreprises sont mondialement reconnues dans le domaine du développement durable. Citons à cet égard Suez, Veolia, Saint-Gobain, Alstom ou la RATP. Je pense aussi aux grandes entreprises du bâtiment et travaux publics (BTP) -? entre autres, Vinci, Colas, Razel-Bec - et aux nombreux bureaux d'études qui font rayonner l'ingénierie française.
Le Conseil présidentiel du développement (CPD) a réaffirmé en 2023 l'objectif de promotion de nos intérêts économiques. Le Conseil présidentiel des partenariats internationaux, qui se réunira en avril, renforcera cette dimension. Nous avons ainsi identifié sept filières stratégiques dans lesquelles l'offre française est compétitive à l'échelle mondiale : la ville durable, la santé, l'agriculture, les transports, le numérique, l'énergie, les industries culturelles et créatives. Telle est la réalité ; elle tranche avec les contre-vérités assénées régulièrement dans les médias.
(...)
À vous entendre, notre politique de développement manquerait de pilotage. Je dirais plutôt que nos efforts en la matière sont mal connus. Mener une politique publique efficace suppose d'avoir défini des objectifs clairs et mesurables et de conduire des évaluations rigoureuses. Or nous avons ces deux éléments.
La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, que vous avez adoptée ici à l'unanimité, a doté notre politique de priorités claires. Le Conseil présidentiel du développement a fixé en 2023 dix objectifs prioritaires mesurables. L'atteinte de ces objectifs est évaluée à tous les niveaux de manière rigoureuse.
Ainsi, un service spécifique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) est chargé de l'évaluation et de la mesure de l'impact, y compris au moyen d'audits externes. De même, l'AFD dispose d'équipes dédiées pour évaluer et faire évaluer ses interventions : 100% des projets font l'objet d'une évaluation technique de fin de projet et d'une analyse des résultats ex post ; 50% des projets font l'objet d'une évaluation indépendante externe ; des dispositifs complets sont évalués. Chaque année, l'AFD publie un rapport de synthèse de ces évaluations. Chaque année, elle organise une dizaine de réunions de son conseil d'administration, où les parlementaires sont présents. Chaque année, elle rend compte au cours d'une centaine d'auditions.
Les outils sont là. L'évaluation scientifique de l'impact est également au coeur du mandat du fonds d'innovation pour le développement (FID). Enfin, une commission d'évaluation de l'aide publique au développement, qui contribuera à cet effort, verra bientôt le jour.
(...)
Votre question fait écho à d'autres voix qui, ces dernières semaines, ont remis en cause l'utilité et les fondements de notre politique de partenariats internationaux. La suppression de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), qui sauvait pourtant des vies, a suscité ici des vocations. On s'en prend ainsi à une politique à laquelle les Français sont pourtant attachés.
Face aux désordres du monde, jamais ce que nous faisons n'a été aussi nécessaire. Récentes catastrophes climatiques à Mayotte et à La Réunion, pandémie, guerres, drames migratoires dans un monde globalisé : rares sont les défis qui connaissent des frontières. Pour y faire face, il n'y a pas d'autre solution que de mener une action globale et coordonnée. Certains marchands de doutes voudraient nous faire croire que les problèmes du monde s'arrêtent à nos portes : c'est oublier que si, le monde brûle, nous brûlerons aussi !
Les Français ne doutent pas de l'utilité de notre action et ils sont fiers quand la France tient son rang sur la scène internationale.
Il est légitime en revanche de s'assurer que cette action soit à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi je souhaite recentrer le débat sur le terrain de l'efficacité de notre politique. L'efficacité est notre boussole et il est toujours possible d'améliorer une politique. Le gouvernement y travaille activement depuis de nombreuses années, plus particulièrement depuis 2017 sous l'impulsion du président de la République.
L'efficacité de nos actions peut être appréciée au regard des objectifs clairs qui ont été fixés par la loi du 4 août 2021 dont je rappelle qu'elle fut votée à l'unanimité... Ces objectifs seront révisés à l'aune du contexte international lors du prochain conseil présidentiel pour les partenariats internationaux.
L'efficacité de nos actions se mesure à l'évaluation qui doit en être faite, aussi avons-nous prévu des indicateurs à cette fin. Par ailleurs, une commission d'évaluation de l'APD est en cours de constitution.
En bref, nous tenons compte de vos idées et l'efficacité demeure la boussole de notre action.
(...)
On raconte beaucoup de choses sur notre relation avec l'Algérie pour instrumentaliser la crise actuelle !
S'agissant de notre APD, revenons aux faits. Si l'APD bilatérale avec l'Algérie s'est élevée à 136 millions d'euros en 2023, 94% de ce montant correspond à des bourses à destination d'étudiants algériens qui étudient en France. Aucune aide à destination du territoire algérien n'est programmée en 2025, ni sur les crédits de l'Etat, ni via l'AFD. Pour être plus précis, l'OCDE comptabilise les bourses versées au bénéfice de citoyens de pays en développement au titre de l'APD. C'est en raison de ces règles de valorisation des dépenses dans les classements OCDE que les bourses apparaissent mais elles ne représentent pas un soutien financier à l'Algérie.
Les bourses sont inscrites dans les programmes budgétaires du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et non de la mission APD. Elles relèvent de notre politique d'attractivité et nous permettent d'attirer les bons étudiants dans nos universités, ce qui est essentiel pour l'économie, la recherche française et l'emploi. Les futurs médecins, ingénieurs, entrepreneurs qui étudient en France y apprennent notre langue et nos valeurs : les bourses nous permettent ainsi de consolider nos liens avec les élites algériennes de demain. Or si nous entretenons des liens complexes avec l'Algérie, ils sont d'une densité sans équivalent, bâtis sur des intérêts partagés.
En ce qui concerne nos relations avec l'Algérie, nous avons eu l'occasion de le dire : nous sommes fermes sur les principes mais il n'y a pas d'avantage à nous enfermer dans un bras de fer stérile. Sortons du ring, s'il vous plaît ! Nous ne sommes pas à l'origine des tensions actuelles qui ne sont dans l'intérêt de personne et nous voulons en sortir par le haut, dans le respect, l'exigence et la franchise en cherchant des points de convergence et en rappelant les leviers dont nous disposons. Telle est notre politique !
(...)
J'entends souvent dire que l'AFD, notre principal opérateur, serait insuffisamment pilotée par l'Etat et le Parlement. Permettez-moi de rappeler ici quelques faits qui démontreront tout le contraire.
L'Etat, unique actionnaire de l'AFD, exerce un contrôle strict sur cette agence, en particulier par l'intermédiaire des ministères des affaires étrangères d'une part, de l'économie et des finances, d'autre part, qui pilotent les crédits votés par le Parlement pour la mission APD. Chaque année, le ministère des affaires étrangères arrête le programme des projets financés par le programme 209. Ces crédits sont ensuite utilisés conformément aux objectifs que l'Etat assigne à ces opérateurs, reflétés dans les COM dont le Parlement est saisi pour avis. Dans le cas de l'AFD, 95% des objectifs du dernier COM, que je m'engage à actualiser, sont atteints.
L'Etat exerce aussi un droit de regard sur tous les projets de l'AFD : chacun d'entre eux est soumis à l'ambassadeur de France concerné qui rend un avis au début et à la fin de l'instruction du projet et suit son évolution. Les projets sont approuvés par le conseil d'administration de l'agence au sein duquel siègent des parlementaires. Le Parlement exerce ainsi un rôle clé en matière de gouvernance de l'AFD ! Je ne dis pas que tout va bien mais, s'il y a des choses à améliorer, ce qui est certain, nous y travaillons. Par ailleurs, je m'engage à ce qu'une mission de contrôle soit prévue dans le COM qui sera bientôt signé.
(...)
Je vous remercie pour cette question qui touche un point essentiel : en matière d'aide au développement comme pour toute politique publique, faire ne suffit jamais et il faut aussi faire savoir !
L'enjeu est double : sur le terrain, les bénéficiaires de nos projets doivent savoir qu'ils sont aidés par la France. Je vous annonce que nous avons mis en place un logo "France" unique avec notre drapeau que nous imposerons partout où nos projets se déploient, quel que soit l'opérateur. Ainsi notre action participera-t-elle au rayonnement de la France partout dans le monde ; nos projets seront plus visibles et plus lisibles et appuieront notre diplomatie.
Deuxièmement, en France même, nous devons mieux faire connaître à nos concitoyens le sens concret et le fonctionnement de nos actions internationales. Par exemple, l'AFD opère principalement sous forme de prêts : ils représentent 85% de son activité. Cette donnée simple et vérifiable est pourtant déformée. J'ai pris l'initiative de lancer de courtes vidéos hebdomadaires sur les réseaux sociaux : les #DiploDev -? que vous avez peut-être vues - afin de présenter concrètement un projet sur le terrain et d'exposer à quels besoins il répond et comment il sert les intérêts de la France.
Nous devons aussi communiquer sur l'impact de notre action. En 2023, grâce à l'AFD, pour ne citer que quelques exemples, 1,5 million de femmes ont vu leur situation améliorée, 59 millions de personnes ont bénéficié d'un accès amélioré à des services essentiels et 12 millions de personnes ont accédé à l'eau potable.
Ainsi, nous nous attachons à mieux communiquer pour que nos concitoyens et ceux des autres pays sachent que la France participe à l'équilibre du monde.
(...)
Face à l'importance des enjeux, l'efficacité doit être la boussole de nos actions. C'est une préoccupation de longue date puisque nous célébrons les vingt ans de la déclaration de Paris de 2005 sur l'efficacité de l'aide publique au développement.
Cette exigence est d'autant plus forte que la situation budgétaire impose de faire mieux avec des moyens contraints. Beaucoup a été accompli -? je tiens à le souligner - pour renforcer l'efficacité des projets au niveau national, européen et international. En 2023, le Conseil présidentiel du développement a fixé dix objectifs sectoriels prioritaires, auxquels s'ajoute un objectif géographique : consacrer 50% de notre aide aux pays les moins avancés. Sur le terrain, les conseils locaux de développement et les stratégies d'investissement solidaire sont pilotés par les ambassades.
Chaque année, l'AFD fait évaluer un grand nombre de ses interventions, avant, pendant et à la fin de celles-ci. Chaque projet fait l'objet d'une étude d'impact avec des indicateurs de résultats. S'y ajoute une évaluation indépendante externe. C'est ainsi que nous avons appris, par exemple, que 59 millions de personnes avaient eu accès, grâce à nous, à des services essentiels -? en plus des exemples que vous avez cités.
L'évaluation scientifique de l'impact est aussi au coeur du mandat du fonds d'innovation pour le développement, hébergé à l'AFD et présidé par Esther Duflo, prix Nobel d'économie.
Vous l'avez dit, une commission d'évaluation, indépendante, de l'APD a par ailleurs été créée, conformément à la demande que vous avez formulée en 2021. Nous visons la même efficacité au niveau européen pour que les financements soient alignés avec nos priorités et que les actions soient bien coordonnées. C'est l'objet des négociations que nous menons en vue du prochain cadre financier pluriannuel.
L'efficacité guide enfin nos contributions aux organisations multilatérales pour que leur impact soit plus fort.
(...)
Le coût de notre politique d'aide au développement doit être apprécié à la hauteur de son rôle stabilisateur dans le monde et de ses bénéfices pour les Français. Avec l'impératif de solidarité qui fait l'honneur de la France, l'APD nous protège des crises qui -? faut-il le rappeler ? - méconnaissent les frontières.
Cette politique sert aussi nos intérêts stratégiques en répondant aux besoins de nos partenaires. Quand l'AFD soutient la Jordanie, c'est le témoignage d'une alliance qui contribue aussi à ce que ce pays accueille 600 de nos soldats pour lutter contre le terrorisme.
Enfin, j'aimerais rappeler que l'APD permet de générer 3 milliards d'euros de retombées économiques pour les entreprises françaises. Elle ouvre de nouveaux marchés et contribue à sécuriser les chaînes d'approvisionnement de minerais critiques pour notre transition écologique. Les entreprises françaises qui se positionnent remportent nos appels d'offres huit fois sur dix.
Ces résultats sont notamment le fruit de la mission budgétaire Aide publique au développement, que vous avez dotée cette année de crédits représentant moins de 1% du budget de l'Etat, mais aussi de l'engagement de l'AFD qui, avec des crédits de moins de 2 milliards, génère 4 milliards d'APD et 12 milliards d'euros de projets.
Ces sommes sont des investissements solidaires, car déployés au bénéfice mutuel de la France et de ses partenaires en réponse à des défis communs, et durables, car ils contribuent à rendre le monde plus stable sur le long terme.
Les investissements dans les biens publics mondiaux que sont le climat, la santé ou la biodiversité préparent et protègent notre avenir, a fortiori quand ils servent nos intérêts. J'ajoute que leur coût ne représente rien face au celui de l'inaction, qui est à la fois financier et humain -? vous connaissez les chiffres.
(...)
Je vous remercie pour cette question qui porte sur la solidarité internationale. Je suis fier de défendre une politique dont l'un des objectifs majeurs est la solidarité avec les pays en développement -? tel est d'ailleurs le nom d'un programme budgétaire que vous, parlementaires, votez et contrôlez.
C'est l'honneur et la responsabilité de la France que de protéger les populations les plus vulnérables et d'oeuvrer pour la stabilité internationale. Je rappelle que l'AFD a été créée par le général de Gaulle. C'est un devoir, en accord avec nos valeurs humanistes, mais aussi une responsabilité pour une puissance d'équilibre comme la France.
Grâce à nos engagements en matière de santé, nous avons contribué à diviser par deux, depuis 2000, le taux de mortalité infantile, et à éradiquer presque totalement des maladies comme la polio.
En soutenant Gavi, l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation, depuis 2000, nous avons contribué à faire vacciner 65 millions d'enfants dans le monde et à sauver 1 million de vies. Qui, parmi vous, peut le regretter ? Une vie humaine vaut-elle moins parce qu'elle est loin ?
Les Françaises et les Français sont fiers de notre action en la matière d'autant plus qu'au-delà de sa dimension solidaire, cette politique sert aussi directement l'intérêt de nos concitoyens.
Je veux répéter avec force que, face aux crises qui ne connaissent pas de frontières, il n'y a pas d'autre option que la solidarité internationale. La bataille contre le changement climatique, de même que la lutte contre les pandémies ou contre les flux migratoires, se joue en grande partie en dehors de notre territoire.
L'USAID vient d'interrompre ses programmes de surveillance d'Ebola, ce qui crée un danger pour l'humanité. Est-ce le chemin que nous voulons prendre ? Soyons lucides : la tentation du repli est un leurre. Nos compatriotes ne veulent pas d'une France recroquevillée, en marge des défis de notre siècle. Ils ne veulent pas d'une France qui détourne le regard et laisse le monde brûler. Nous agissons pour éviter que la situation ne s'aggrave encore.
(...)
Permettez-moi tout d'abord de rappeler certains fondamentaux. Je veux clarifier ce qu'est l'aide publique au développement. Selon l'OCDE, elle comprend des projets bilatéraux dans les pays partenaires mais aussi des contributions aux organisations internationales et à l'Union européenne et des frais de formation des étudiants étrangers ou d'accueil des réfugiés en France. Au total, vingt-quatre programmes budgétaires y contribuent, bien au-delà de la mission budgétaire APD.
En 2023, notre APD s'élevait à 13,9 milliards, ce qui nous place au cinquième rang mondial des bailleurs internationaux.
L'APD passe par quatre canaux : 4 milliards proviennent de crédits de la mission Aide publique au développement, employés d'un côté par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour l'action humanitaire, les contributions aux organisations internationales, les fonds équipe France et l'enseignement français à l'étranger, et de l'autre par le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à travers les prêts du Trésor et l'aide budgétaire.
L'AFD génère 4 milliards d'euros, avec une contribution de l'Etat de 2 milliards tandis que 3,4 milliards passent par d'autres administrations et opérateurs. La contribution française à l'APD de l'Union européenne s'élève à 2,5 milliards d'euros.
Je rappelle enfin quelques éléments relatifs à la répartition de l'APD en 2023. Sa part bilatérale a atteint 7,8 milliards d'euros, soit 57% du total, tandis que sa part multilatérale, qui inclut la contribution à l'APD de l'Union européenne, s'élevait à 6,1 milliards d'euros. S'agissant de la répartition géographique de notre aide bilatérale, l'Afrique demeure le premier continent à en bénéficier. Les secteurs d'intervention bilatérale les plus importants sont la santé, l'éducation, la lutte contre le changement climatique et la protection de l'environnement.
(...)
D'un côté, nous en ferions trop, de l'autre, pas assez... Je ne sais plus à quel saint me vouer !
Madame la Députée, c'est la représentation nationale qui a voté la baisse des crédits de la mission APD de 37% par rapport à 2024, dans un esprit de responsabilité budgétaire qui nous honore, quoiqu'il nous éloigne de l'atteinte des objectifs de la loi de 2021. Cet éloignement est inévitable mais le niveau de notre APD demeure historiquement élevé et notre effort de redressement des comptes publics n'efface pas le bilan de la politique que nous menons depuis 2017 : je rappelle que les sommes que nous consacrons à l'APD ont augmenté de plus de 35% et que les crédits des programmes 110 et 209 ont doublé entre 2017 et 2023. Cet effort sans précédent continuera de porter ses fruits.
En somme, nous partons de très haut et continuons de consacrer d'importants moyens à l'APD, tout en travaillant à la nécessaire redéfinition de nos priorités face aux choix qui s'imposent à nous. Nous voulons notamment préserver l'action bilatérale financée par les programmes 110 et 209 et mettre l'accent sur l'action multilatérale dans le cadre du programme 384. Les moyens humanitaires permettront le maintien d'une capacité d'action forte en vue de répondre aux crises, notamment en Ukraine.
Outre nos crédits nationaux, nous chercherons à démultiplier l'impact de nos actions en mobilisant des fonds européens, des dispositifs de cofinancement et de nouvelles ressources, en particulier privées.
Enfin, le chantier de l'efficacité, auquel nous consacrons des efforts considérables, doit nous permettre de continuer de faire mieux avec moins. Nous travaillons depuis plusieurs mois, sur les plans national, européen et international, à rendre l'APD plus efficace, en cohérence avec les priorités des Français. La commission d'évaluation de l'aide publique au développement permettra d'affiner ce travail.
(...)
Notre politique a en effet pour double ambition de participer à la solidarité internationale et à la défense essentielle de nos intérêts. Ces deux objectifs se nourrissent l'un l'autre. Ils contribuent tous deux à faire de la France une puissance d'équilibre, dont la voix porte dans le monde. Parler de solidarité internationale, c'est parler de ne pas laisser des enfants mourir de faim, d'assumer un devoir de responsabilité, en accord avec nos valeurs humanistes et notre histoire.
En votant la loi du 4 août 2021, vous, parlementaires, avez affirmé à l'unanimité que la lutte contre les inégalités constituait l'une des finalités premières de l'APD. Le Conseil présidentiel du développement en a pris acte en 2023 et a fixé un objectif : consacrer 50% de notre appui aux pays les plus pauvres de la planète. Je suis heureux que nous atteignions cette cible et nous continuerons d'agir en ce sens.
La loi de 2021 avait aussi rappelé la nécessité de protéger les biens publics mondiaux, en particulier la planète. Le pacte de Paris pour les peuples et la planète a réaffirmé qu'aucun pays ne devrait avoir à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la préservation de la planète. Soixante-douze pays partenaires ont déjà adhéré à cette vision et à un agenda commun. Cet agenda est nécessaire : en luttant contre la pauvreté, en soutenant la santé mondiale et en protégeant l'environnement, nous protégeons les intérêts des Français.
En soutenant l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation depuis l'an 2000, nous avons sauvé 17 millions de vies et évité des pandémies. En aidant l'Afrique du Sud à sortir du charbon, nous avons un impact décisif sur le réchauffement climatique, bien plus que si nous nous bornions à réduire nos propres émissions. En accompagnant la construction d'infrastructures durables, nous répondons aux besoins essentiels des populations tout en faisant rayonner nos entreprises et notre savoir-faire.
(...)
Les organisations de la société civile (OSC) et les ONG sont des acteurs essentiels de notre politique. Elles contribuent à la définition de ses orientations, à son application et à sa valorisation. Leur apport premier réside dans leur expérience du terrain, complémentaire de l'action diplomatique. Le Conseil présidentiel du développement a réaffirmé leur importance en 2023.
Les financements du MEAE dans le cadre du programme 209, consacrés en particulier à l'aide humanitaire, sont largement dirigés vers les ONG et ont connu une augmentation depuis 2017, atteignant 890 millions d'euros en 2023 contre 310 millions en 2017. En 2023, le groupe AFD a confié 365 millions aux OSC, notamment en application du dispositif Initiatives OSC.
Ce rôle central des OSC se reflète dans la très précieuse enceinte du dialogue que l'Etat entretient avec les OSC : le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI). À l'occasion de la célébration, ce mois-ci, des dix ans de cette structure, des recommandations très concrètes visant à renforcer son agilité et son rôle ont été émises et d'ores et déjà intégrées.
Nous sommes bien conscients des difficultés que les coupes américaines font peser sur les OSC, sur leurs actions et sur leurs 40 000 emplois et nous voulons préserver leurs financements autant que faire que se peut. Le prêt garanti par l'Etat, ou PGE, que vous demandez fait partie des solutions possibles. Nous travaillons également sur d'autres pistes de solution, notamment avec la Caisse des dépôts.
(...)
Merci pour cette question qui me donne l'occasion de parler du sommet Nutrition pour la croissance qui se déroule actuellement chez nous -? j'étais ce matin même, avec le premier ministre, à son ouverture. Je participe depuis le début de la semaine aux événements qui ont lieu en marge du sommet et je vous assure que la mobilisation est très palpable. Les échanges thématiques entre experts, société civile, ONG et décideurs politiques internationaux mettent notamment en lumière les défis auxquels nous confrontent la multiplication des crises et les recompositions géopolitiques.
Sans surprise, les premières victimes sont, encore une fois, les plus vulnérables : les femmes et les enfants, en particulier les enfants de moins de 2 ans ainsi que les femmes enceintes ou allaitantes. Des solutions existent et se dessinent, notamment autour du Village des solutions, où des exemples concrets sont donnés parce qu'au-delà de l'urgence, notre action s'inscrit dans le temps long, dans le cadre de la transition vers des systèmes alimentaires plus résilients et durables en soutenant l'agroécologie, l'alimentation scolaire, le développement rural et la souveraineté alimentaire.
La réussite du sommet et les engagements financiers ambitieux qui vont être pris sont la meilleure preuve de notre capacité à convaincre et à mobiliser nos partenaires internationaux, y compris le secteur privé. C'est cette nouvelle architecture de l'aide, dans l'esprit du pacte de Paris pour les peuples et la planète, que nous défendrons en vue des prochaines grandes échéances internationales au sein du G20, mais aussi du G7 dont notre pays assurera la présidence l'année prochaine, et quotidiennement au sein des Nations unies et de l'Union européenne car ce combat contre la malnutrition est nécessairement collectif puisque c'est un enjeu de dignité humaine et aussi un enjeu de paix, de stabilité et de justice.
(...)
Je partage à 200% ce que vous dites. Nous vivons des temps sombres qui nous obligent. Dans tant d'endroits, les droits des femmes reculent et je veux le dire ici avec force : la promotion des droits des femmes et de l'égalité femmes-hommes est une fierté ! Depuis quand le wokisme, qui consistait à l'origine en la promotion d'un vivre ensemble respectueux, est-il devenu un gros mot ? Rien n'avancera dans ce monde si nous laissons de côté la moitié de l'humanité ! En 2000, le Parlement a voté une loi imposant la parité hommes-femmes dans les élections politiques en France, et en 2014 une loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Doit-on regretter d'aider les pays partenaires à réduire leur inégalité de genre ? Ce combat est la grande cause, vous le savez, des deux quinquennats du président de la République. Cette action fait honneur à la France et elle est particulièrement nécessaire à un moment où, dans de nombreuses régions du monde, les droits des femmes reculent : en Iran, en Afghanistan et aussi dans d'autres pays, les femmes sont les premières victimes de l'obscurantisme, tandis que la montée des populismes et des mouvements réactionnaires remet en cause des décennies de progrès. Nous ne pouvons laisser faire ! Nous avons le devoir de ne pas l'accepter, mais aussi le pouvoir de changer les choses.
C'est exactement le sens de notre nouvelle stratégie internationale pour une diplomatie féministe, pour les droits des femmes, pour leur participation dans la société et pour la lutte contre les inégalités et les violences basées sur le genre. Je m'en félicite et me réjouis que plus de la moitié des projets que nous finançons concourent à l'égalité de genre, ce qui a un effet d'entraînement positif pour l'ensemble des secteurs de l'aide au développement en matière de santé, de malnutrition, d'éducation et de résolution des conflits. L'Albanie perd, par exemple, environ 20% de son potentiel de PIB en raison de l'accès limité des femmes au marché du travail. Doit-on refuser que son gouvernement fasse appel à notre expertise ? Je pense que non et nous allons aussi aider ce pays.
(...)
La malnutrition est l'un des enjeux de notre APD car elle touche un tiers de la population mondiale et je vous remercie d'avoir posé une question à ce sujet. Le succès du sommet Nutrition pour la croissance, qui se déroule en ce moment même et jusqu'à demain, montre que nous sommes capables de nous mobiliser pour trouver des idées et des financements. Le Conseil présidentiel de développement a ainsi réaffirmé en 2023 la priorité accordée à la souveraineté alimentaire, notamment en Afrique. C'est un puissant levier de développement qui entraîne des effets positifs en chaîne pour la santé, l'éducation, le changement climatique et l'égalité de genre.
Les engagements français en matière de lutte contre la malnutrition ont augmenté ces dernières années, dépassant 500 millions d'euros en 2023, notamment à travers le dispositif de l'aide alimentaire programmée. Les résultats sont très concrets : j'étais la semaine dernière à Madagascar où l'entreprise sociale Nutri'zaza distribue dans tout le pays des aliments fortifiés pour améliorer la nutrition des enfants vulnérables ; après un soutien initial de notre part, l'entreprise est aujourd'hui autonome et s'en sort toute seule. Et je peux vous assurer que ces projets sont indispensables. Je rappelle que dans le sud de l'île, la première famine climatique au monde avait été déclenchée en raison de la sécheresse intense. Aujourd'hui, plus que jamais, Etat, organisations internationales, banques de développement, acteurs privés, OSC et élus, nous sommes tous concernés et menons ensemble ce combat contre les fléaux de la malnutrition, d'autant plus que l'obésité ou la dénutrition des personnes âgées touchent aussi les pays développés, notamment la France.
(...)
J'ai eu l'occasion de souligner, dans mes réponses précédentes, combien il est important de maintenir une grande ambition pour notre politique grâce aux moyens que l'on peut mobiliser. Face à l'ampleur des enjeux, le gouvernement souhaite dès que possible retrouver la trajectoire financière dynamique que nous avions. En outre, au-delà des moyens alloués à notre politique d'aide au développement, nous nous employons à démultiplier son impact par l'effet de levier dont bénéficie l'AFD mais aussi en allant chercher les fonds européens de cofinancement et de nouvelles ressources, y compris privées. J'y travaille en ce moment.
Je tiens à rappeler que nos investissements solidaires et durables sont rentables sur le plan humain et financier, comme vous l'avez dit. Je vous remercie à ce titre d'avoir insisté sur le coût de l'inaction car, je le répète, le coût de notre politique s'apprécie au regard de ses résultats, de ses co-bénéfices, mais aussi au regard du coût qu'aurait notre immobilisme face aux défis globaux. Le coût de l'inaction est d'abord humain : 7 millions de vies auraient été perdues depuis vingt ans si nous ne soutenions pas le Fonds mondial et 3,3 millions sont menacées cette année à cause de la fermeture des programmes de l'USAID. Le coût de l'inaction est aussi financier car nous devons alors engager des financements pour répondre à des crises que l'on aurait pu prévenir. Ainsi, avec les 2% de PIB que nous avons collectivement dépensés pour faire face au Covid-19, nous pourrions prévenir les pandémies des dix prochaines années.
C'est pourquoi notre politique de partenariats internationaux doit être déployée avec force, pour investir dans les biens publics mondiaux et dans la consolidation de la paix. Je vous assure que nous travaillons en ce sens.
(...)
Je vous remercie pour votre question qui permet de revenir sur les différents outils de nos politiques.
Je souligne un point clé : 85% des 12 milliards d'euros que l'AFD consacre chaque année au financement de projets sont constitués de prêts. Le reste est financé grâce aux crédits de l'Etat français et de l'Union européenne. En revanche, selon les chiffres de l'OCDE, l'APD française, qui a représenté 13,9 milliards d'euros en 2023, est constituée à 87% de dons et agrège de nombreux éléments.
Prêts et dons sont deux outils complémentaires. Ce sont les deux jambes de nos politiques d'investissement et d'aide aux plus pauvres. Maintenir l'existence de ces deux outils au sein de notre agence permet de répondre au mieux à l'ensemble des besoins.
Nos subventions sont précieuses. Elles sont dirigées vers les populations les plus vulnérables, vers les pays trop pauvres pour bénéficier de prêts ou vers les secteurs qui ne reçoivent pas de financements privés. Dans les pays les plus pauvres, nos crédits budgétaires servent aussi à bonifier des prêts, par exemple pour que nos partenaires puissent financer des infrastructures.
Dans certains cas, prêts et dons peuvent être combinés. Il est par exemple possible de financer une infrastructure ferroviaire par un prêt, puis de subventionner l'accès au train pour les populations les plus défavorisées.
Qu'il s'agisse de prêts ou de dons, l'essentiel est de concentrer nos efforts sur ceux qui en ont le plus besoin. Depuis 2023, la France entend consacrer 50% de son effort financier bilatéral aux pays les moins avancés. Cet objectif, qui est tenu, restera un axe fort de notre politique. J'espère par ailleurs que, dans les années à venir, nous pourrons renforcer notre APD.
(...)
Nous sommes en train d'installer cette commission d'évaluation et toutes les bonnes idées, toutes les contributions, sont évidemment les bienvenues.
Votre question me permet aussi de dire que la décision des Etats-Unis de supprimer quasi intégralement leur aide leur appartient, même si nous ne pouvons en ignorer les conséquences, déjà dramatiques. Ainsi, au cours des quatre prochaines années, plus de 6 millions de vies seront menacées par la tuberculose, la malaria ou le VIH. Autre conséquence : certains projets d'ONG françaises sont stoppés. Par exemple, les coupes américaines entraînent l'arrêt d'une aide vitale apportée par Action contre la faim à 1,5 million de personnes, dont près de 800.000 enfants souffrant de malnutrition sévère. Des licenciements ne sont pas à exclure dans un écosystème qui emploie 40 000 personnes en France.
Face à l'urgence humanitaire, la France doit être au rendez-vous pour protéger les populations les plus vulnérables, car nous sommes convaincus qu'il n'y a pas d'autre solution que la solidarité internationale. Il s'agit d'un devoir mais aussi d'une nécessité pour protéger nos concitoyens. La gravité des enjeux oblige à une mobilisation à tous les niveaux.
La France continuera à consacrer plus de 50% de son aide bilatérale aux pays les moins avancés. S'agissant de la constitution de la commission d'évaluation, qui concourra à améliorer notre efficacité, nous sommes preneurs de toute contribution.
(...)
Merci d'être revenu sur ces contradictions, que j'ai également notées et auxquelles j'ai déjà apporté une réponse. Comme vous l'avez indiqué, il est positif de lutter contre le réchauffement climatique et contre les émissions de CO2, que ce soit en France ou en Chine. De plus, dans ce dernier cas, il s'agit d'un prêt qui est remboursé à l'AFD. Pour ce qui est de l'Algérie, comme je l'ai précisé plus tôt, l'essentiel de l'aide profite à des étudiants.
Vous m'avez questionné sur les conseils locaux de développement et sur la "stratégie pays". Les conseils de développement sont très efficaces. Nous avons une palette d'instruments au service de nos partenariats internationaux. L'Etat assure le pilotage d'ensemble de cette politique. Le MEAE met directement en oeuvre l'action humanitaire et le fonds équipe France. Le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique délivre des prêts du Trésor et des aides budgétaires. Des opérateurs, comme le groupe AFD, Proparco et Expertise France, déploient le reste de nos projets. L'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) contribuent à la recherche. Enfin, France Volontaires déploie des volontaires français à travers le monde.
La richesse de notre dispositif est une force pour quadriller les sujets, mais elle constitue aussi un défi car elle suppose d'importants efforts de coordination. La coordination et les contrôles s'opèrent conformément à la loi du 4 août 2021. Les conseils locaux de développement se réunissent régulièrement et font un excellent travail.
(...)
La crise du covid-19 a démontré, s'il en était besoin, l'urgence d'inscrire la lutte contre les pandémies dans une approche globale, avec l'objectif de renforcer les systèmes de santé et de protection sociale. Dans les quatre prochaines années, ce sont plus de 6 millions de vies qui seront menacées à cause de la suppression de l'USAID. Il faut s'en rendre compte. Il est primordial d'investir dans la surveillance et dans la capacité des systèmes locaux de santé.
C'est également une question de sécurité nationale. C'est pourquoi nous avons investi 733 millions d'euros en 2023 dans la santé par le canal bilatéral : hôpitaux, vaccins, systèmes sanitaires, par exemple.
La France est aussi historiquement très active sur le plan multilatéral. Elle a contribué au lancement de fonds et les soutient résolument depuis des décennies. Cette année, trois fonds majeurs reconstituent leurs ressources : le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ; Gavi, l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation ; Unitaid.
Le Fonds mondial est le principal financeur multilatéral des systèmes de santé. Des milliers de professionnels de santé, de laboratoires d'analyse, de systèmes de surveillance en dépendent. Nos contributions à ce fonds ont permis de sauver 7 millions de vies en vingt ans ; celles au Gavi, qui vaccine directement les populations, de vacciner 65 millions d'enfants dans le monde et de sauver 1 million de vies. Enfin, l'action d'Unitaid, qui est une organisation complémentaire des deux autres, a contribué à faire baisser drastiquement le coût des traitements et à développer des innovations pour lutter contre les trois pandémies et améliorer la santé maternelle et infantile.
Vous le voyez, monsieur le Député : nous sommes dans l'action -? et nous allons continuer.
(...)
Merci beaucoup, monsieur le Député, pour cette question. L'architecture de l'APD est complexe, puisqu'elle fait intervenir divers instruments, programmes, missions budgétaires, ministères et opérateurs. Toutefois, la complexité du dispositif répond à la complexité du réel.
Les objectifs de l'APD sont clairs et encadrés. Le Conseil présidentiel de développement fixe le cap au plus haut niveau, en définissant dix objectifs prioritaires. Le Cicid, comité interministériel de la coopération internationale et du développement, se réunit chaque année sous la présidence du premier ministre. Deux à trois fois par an se réunit aussi le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale, qui est une instance de dialogue avec les OSC et que je préside. Enfin, je tiens régulièrement des comités de pilotage de la politique d'investissement solidaire et durable. Tout cela n'est pas simple, je vous l'accorde, mais c'est ainsi que cela est organisé, notamment par la loi.
Pour ce qui est de la transparence, les résultats de tous ces travaux sont publics et des étapes de consultation régulièrement ouvertes. L'ensemble des données relatives à l'APD sont disponibles sur les sites de l'AFD ou data.gouv.fr. Nous continuons à améliorer la lisibilité du dispositif grâce à une communication plus homogène. Nous allons déployer dans les prochaines semaines un logo unique France pour tous nos projets sur le terrain. J'ai prévu également de réaliser un tour de France pour aller à la rencontre des Français et des élus afin de répondre à leurs questions et de leur présenter notre politique. J'ai commencé à le faire, y compris à l'égard de nos concitoyens des territoires d'outre-mer. C'est très important et je vous invite à effectuer vous aussi ce travail.
(...)
Monsieur le Député, comme moi vous constatez que les besoins ne cessent d'augmenter et que, dans le même temps, les ressources sont menacées. La suppression brutale de l'USAID et la réduction de l'APD américaine, à hauteur de 65 milliards de dollars en 2023, vont projeter des pays dans l'abîme. Cela se fera au détriment des principaux bénéficiaires : l'Afrique, l'Ukraine et les plus vulnérables.
La politique de partenariats internationaux de l'Europe et de la France n'a pas vocation à se substituer aux Etats-Unis mais nous avons une responsabilité particulière : avec une APD de 96 milliards d'euros en 2023, l'Europe est, loin devant les Etats-Unis, le premier bailleur de fonds mondial.
La France se mobilise à deux niveaux.
Au niveau européen, nous souhaitons nous concentrer sur les enjeux prioritaires pour nos intérêts et les besoins de nos partenaires. Nous voulons cibler les zones géographiques les plus stratégiques pour l'Union européenne, telles que l'Afrique, l'Ukraine et le Moyen-Orient.
Au niveau international, la France et l'Europe feront des propositions ambitieuses lors de la prochaine conférence internationale sur le financement du développement, qui sera organisée à Séville en juin prochain. Cette conférence, qui se tient tous les dix ans, doit être un tournant : avec ou sans les Etats-Unis, les ressources publiques ne seront pas suffisantes pour relever les défis actuels. Ce constat est au coeur du pacte de Paris pour les peuples et la planète. Soixante-douze Etats ont déjà rejoint cette initiative qui vise à identifier de nouvelles ressources. Nous devrons en effet mobiliser toutes celles disponibles -? publiques et privées, internationales et domestiques - pour être à la hauteur des enjeux.
(...)
Le monde est confronté à une multiplication inédite de crises. Les Etats-Unis ont supprimé leur aide ; ce sont 50 milliards de dollars qui font défaut, ce qui projette des régions entières dans l'abîme. Dans ce contexte, les besoins de financement du développement n'ont jamais été aussi importants. Ne serait-ce que pour le climat, les besoins sont passés de 2 500 milliards de dollars par an en 2019 à plus de 4 000 milliards en 2024.
Cette année aura lieu à Séville la quatrième conférence internationale sur le financement du développement -? ces conférences se tiennent tous les dix ans. Nous voulons qu'elle constitue un réel tournant. La France et l'Europe y défendront des propositions ambitieuses en vue de continuer de lutter contre le changement climatique -? c'était tout l'esprit de l'agenda de Paris pour les peuples et la planète : une réforme ambitieuse de l'architecture financière internationale donnant davantage de responsabilités et de représentativité aux pays en développement. Des solutions efficaces aux problèmes d'endettement devront également être trouvées. La mobilisation de financements innovants, qu'ils soient publics ou privés, internationaux ou domestiques, sera nécessaire.
Nous voulons aussi saisir cette occasion pour battre en brèche l'opposition caricaturale entre le Nord et le Sud. La France défend une troisième voie, celle du droit international, des règles multilatérales et de la justice sociale.
Lors de ce grand rendez-vous, nous proposerons donc de modifier l'architecture du financement de l'aide au développement.
Il existe aussi des solutions en interne : c'est vous, messieurs et mesdames les députés, qui votez le budget. Préparons donc le budget pour 2026.
Sur le plan international, instaurer de nouvelles taxes, notamment dirigées contre les plus pollueurs, est une autre piste que nous envisageons sérieusement.
(...)
En tant qu'ancien sénateur, je suis convaincu que le Parlement doit pleinement exercer son rôle d'orientation et d'évaluation de nos politiques publiques. Je rappelle à ce titre que notre action s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation du 4 août 2021, votée à l'unanimité des deux chambres. Ce message fort en faveur de la solidarité internationale nous oblige. Sur ce point, nous sommes d'accord. Il vous revient au premier chef de décider du niveau d'ambition de notre politique d'aide.
Qui plus est, certains d'entre vous siègent au conseil d'administration de l'AFD, notre principal opérateur, et la vie parlementaire offre de nombreuses occasions de vous saisir des orientations de notre action, d'auditionner ceux qui l'appliquent et de demander des comptes au gouvernement. Vous n'hésitez pas à le faire, comme en attestent la vingtaine d'auditions de l'AFD conduites chaque année au Parlement. J'espère d'ailleurs que nos échanges seront utiles, notamment pour les prochains débats budgétaires.
Au-delà des grandes orientations, le rôle du Parlement consiste aussi à contrôler l'action du gouvernement. À cet égard, je peux vous communiquer deux éléments. D'une part, le gouvernement a mis en ligne toutes les informations relatives à notre APD depuis 2022, comme la loi l'y invitait -? un tel effort de transparence est inédit. D'autre part, le Parlement ayant confié, en avril 2024, au ministère des affaires étrangères la tâche d'organiser une commission indépendante d'évaluation de l'aide publique au développement, le décret relatif à ses modalités de fonctionnement a été publié début février 2025. Je remercie l'Assemblée nationale d'avoir désigné les deux députés qui y siégeront.
(...)
Je ne dirai pas que vous manquez de hauteur, mais plutôt qu'en ne retenant que les éléments négatifs, vous faites hélas de la désinformation. Voici un exemple concret de réussites : le barrage de Nachtigal au Cameroun, dont les travaux, financés par l'AFD, ont débuté en 2019, fournira près de 30% de la production d'électricité du pays, contribuant massivement à sa transition bas-carbone ; 9,3 millions de Camerounais en bénéficieront directement et le projet crée 23 000 emplois sur place, créant de l'activité pour la population locale. Aux termes d'un partenariat public privé entre l'Etat camerounais et plusieurs entreprises, EDF participera à la construction et à l'exploitation du barrage, illustrant parfaitement l'ambition que nous défendons au travers de tels partenariats.
L'aide au développement sert également à lutter contre le crime organisé. À l'instar du réchauffement climatique ou des pandémies, il s'agit en effet d'un défi global : l'issue se joue en grande partie à l'extérieur de nos frontières. Au travers de notre opérateur Expertise France, nous appliquons le programme Europe-Amérique latine d'assistance contre la criminalité transnationale organisée (EL PAcCTO) ; financé par l'Union européenne, ce programme permet de renforcer les capacités de la chaîne pénale dans son ensemble. Je pourrais encore donner bien des exemples.
Tout à l'heure, l'un de vos collègues a pris celui des Comores en citant certains chiffres, mais en en oubliant d'autres : en France, quelque 60% des reconduites à la frontière concernent des ressortissants comoriens -? plus de 25 000 personnes chaque année. Nous avons donc tout intérêt à continuer ce genre de partenariat.
(...)
Il ne s'agit pas de répondre projet par projet. C'est pourquoi en regard de l'exemple que vous avez pris et des éléments -? ils mériteraient d'être précisés - que vous avez indiqués, je vous ai donné seulement quelques exemples de projets vertueux -? il en existe beaucoup d'autres.
Je ne prétends pas que tout va bien et qu'il ne faut rien faire. Au contraire ! Nous sommes d'ailleurs en train de mener le travail d'expertise et de contrôle que vous appelez de vos voeux. Nous le conduirons jusqu'à son terme afin de distinguer ce qui fonctionne et doit être poursuivi de ce qui ne fonctionne pas et doit s'arrêter.
Je profite de cette dernière réponse -? à ce qui n'était pas une question - pour élargir mon propos. Je vous remercie pour ce débat : il aura été utile à la représentation nationale comme aux Françaises et aux Français.
(...)
En guise de conclusion, je voudrais rappeler trois convictions.
La première, c'est que nos concitoyens sont fiers de cette politique gaulliste tout à l'honneur de la France. Notre pays est attendu dans le monde ; il doit être au rendez-vous.
Deuxièmement, je suis persuadé que ce que nous faisons pour répondre aux défis majeurs de notre siècle -? prévenir la guerre et lutter contre la désespérance - n'a jamais été aussi utile.
Troisièmement, je suis mobilisé pour que nous puissions, collectivement, faire mieux. En effet, l'efficacité constituera toujours la boussole de notre politique : partout, nous devons nous assurer que notre action est valorisée et comprise par nos concitoyens.
Pour finir, je reste à votre disposition pour avancer sur ces sujets majeurs -? ce n'est pas une clause de style, comme certains d'entre vous ont pu le constater.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mars 2025