Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-chinoises et les questions internationales, à Pékin le 27 mars 2025.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec M. Wang Yi, directeur du bureau de la Commission centrale des affaires étrangères du Parti communiste chinois et ministre des Affaires étrangères

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour votre accueil et pour les échanges approfondis, francs et constructifs que nous venons d'avoir.

C'est la troisième fois que nous nous rencontrons après nos échanges en marge de réunions internationales à New York en septembre dernier et à Munich en février dernier.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à des incertitudes internationales toujours plus fortes. Le nombre et l'intensité des conflits, tout comme l'affaiblissement de nos institutions multilatérales, menacent la stabilité du monde. Nous en sommes convenus, nos deux pays, membres permanents du Conseil de sécurité, ont la responsabilité toute particulière de trouver ensemble des réponses à apporter à la communauté internationale en dépassant les clivages qui opposeraient les pays occidentaux aux autres ou les pays développés, aux pays en développement.

La France et la Chine doivent en premier lieu se coordonner pour favoriser une paix juste et durable en Ukraine. Pour mettre un terme à cette guerre d'agression russe. La participation de l'Ukraine et de l'Europe aux pourparlers de paix est indispensable. Comme vous l'aviez justement souligné à Munich, Monsieur le Ministre, la Chine a aussi un rôle à jouer pour convaincre la Russie de venir s'asseoir à la table des négociations avec des propositions sérieuses et de bonne foi.

Je tiens à saluer le rôle responsable et la position de la Chine au Conseil de sécurité, notamment dans le cadre de sa présidence récente du Conseil. Nous avons également évoqué les préoccupations communes à la France et à la Chine quant au nécessaire retour de la paix au Moyen-Orient. La stabilité de la région passe par la recherche urgente de nouvelles solutions. Nous devons éviter le risque d'escalade suscitée par l'évolution préoccupante des activités nucléaires iraniennes et rétablir la confiance de la communauté internationale dans la finalité exclusivement pacifique du programme iranien.

Nous allons avoir un échange sur l'accroissement des tensions en Asie orientale, de la mer de Chine méridionale à la péninsule coréenne. La France est très attachée à la stabilité et à la paix dans cette région, sur la base du respect du droit international et du principe de règlement pacifique des conflits figurant dans la charte. Le monde ne peut se permettre de nouvelles crises.

Au-delà des différences d'analyse réelles que nous avons sur les crises potentielles ou actuelles. La France et la Chine souhaitent s'engager ensemble autour d'un agenda commun de maintien de la stabilité géopolitique. La responsabilité de nos deux pays, monsieur le ministre, est aussi de proposer ensemble des solutions aux défis globaux, comme nous avons su le faire il y a dix ans, pour contribuer à la conclusion des accords de Paris sur le climat. La déclaration conjointe sur le climat et la biodiversité que nous avons adoptée aujourd'hui réaffirme l'engagement conjoint de nos deux pays en faveur de l'avenir de notre planète. Cette déclaration marque notre volonté de continuer à exercer un leadership conjoint au sein des enceintes multilatérales, comme nous l'avons déjà fait par le passé.

La prochaine étape, vous l'avez citée, c'est la Conférence des Nations unies sur l'océan qui se tiendra à Nice au mois de juin. Nous comptons sur une participation chinoise de haut niveau afin de jouer à nos côtés un rôle moteur pour des engagements concrets et ambitieux en faveur des océans de la part de l'ensemble de la communauté internationale.

Au moment où les instances multilatérales sont remises en cause, il est essentiel que l'Europe et la Chine renforcent leur engagement. Notre tâche, monsieur le ministre, est immense. Nous sommes dans ce contexte absolument indispensable que la Chine et l'Union européenne puissent parvenir à rétablir une relation apaisée, stable et constructive, en cette année du 50? anniversaire de la relation. C'est particulièrement vrai dans le champ économique. L'Union européenne est l'un des marchés les plus ouverts du monde et nous sommes opposés à tout découplage. Mais cette ouverture suppose que soient assurés les conditions d'une concurrence équitable pour être bénéfique à tous.

Ces conditions sont prévues par le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, dont le respect des règles est le préalable indispensable à une prospérité partagée. La France est opposée à toute forme de guerre commerciale et préconise le dialogue sur les enjeux commerciaux, en particulier entre l'Union européenne et la Chine. Nous soutenons dans ce contexte, le dialogue conduit aujourd'hui même à Pékin par le commissaire européen Maros Sef?ovi? pour y contribuer.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, vous m'autoriserez à rappeler l'importance que les autorités françaises attachent à la défense de nos producteurs de cognac et d'Armagnac, qui sont sous le coup de mesures restrictives. Je sais que notre objectif commun est de parvenir à une solution rapide à ce dossier, permettrait de concentrer nos énergies et nos efforts vers la construction de partenariats et d'investissements d'avenir dans le cadre d'un agenda positif.

Je tiens à vous exprimer à nouveau mes remerciements, monsieur le ministre, pour votre accueil et pour nos échanges, aujourd'hui. Je vous donne rendez-vous d'ici à cet été pour tenir la septième session de notre dialogue de haut niveau sur les échanges humains en France. Depuis l'époque où Voltaire clamait son admiration pour le plus sage des empires et pousser sa passion jusqu'à écrire un opéra chinois, nos deux peuples ont noué une amitié profonde qui dépasse les vicissitudes politiques et donne son caractère unique à la relation franco-chinoise. Les échanges humains, et en particulier les échanges entre les jeunes de nos deux pays, les échanges culturels et éducatifs, linguistiques et touristiques sont et resteront au coeur de notre relation bilatérale. C'est notre richesse et c'est aussi notre avenir. Et je me réjouis de travailler avec vous à leur renforcement.

(...)

Q - On parle de réchauffement des relations sino-européennes. Mais quels changements concrets attendez-vous de la Chine sur les deux gros sujets qui sont les différents commerciaux et la guerre en Ukraine concrètement ?

R - Merci pour votre question. Nous échangeons sur nos relations qui répondent à nos intérêts propres dans un contexte qui ne nous a pas échappé et qui menace les cadres du multilatéralisme et les conditions dans lesquelles la Chine, comme la France et l'Union européenne, ont bâti leur puissance commerciale. Dans ce contexte, des échanges réguliers, étroits et au plus haut niveau sont plus que jamais nécessaires. C'est le sens de ma visite et c'est le sens des dialogues politiques qui se tiendront dans les prochains mois, à différents niveaux. Cette relation entre la France et la Chine sera d'autant plus productive, d'autant plus forte que seront prises en compte nos intérêts commerciaux et nos intérêts de sécurité, nos intérêts commerciaux de la France et la Commission européenne qui en a la responsabilité. C'est pourquoi je veux saluer le dialogue que le commissaire Maros Sef?ovi? est venu tenir ici à Pékin, avec ses interlocuteurs. Et s'agissant de nos intérêts de sécurité, ils seront au menu de nos échanges cet après-midi, vous les connaissez : il s'agit de mettre fin à la guerre d'agression en Ukraine en apportant à l'Ukraine les garanties nécessaires pour que la menace soit définitivement dissuadée, mais nos intérêts de sécurité vont au-delà. Je pense en particulier à la question de la prolifération ou du risque de prolifération, sujet sur lequel la France, comme la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité, ont une responsabilité toute particulière.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mars 2025