Interview de M. Benjamin Haddad, ministre délégué, chargé de l'Europe, à LCI le 27 mars 2025, sur les négociations pour arrêter la guerre en Ukraine.

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Média : LCI

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Il est 7 h 19, je vais maintenant rejoindre notre invité qui est membre du Gouvernement de François BAYROU, ministre délégué en charge de l'Europe. Bonjour Benjamin HADDAD.

BENJAMIN HADDAD
Bonjour.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci d'être avec nous ce matin en direct sur LCI. Vous allez retourner, j'imagine, à l'Élysée pour participer au sommet autour d'Emmanuel MACRON, de Volodymyr ZELENSKY sur ces pays qui sont prêts à aider l'Ukraine avec une volonté assez nette affichée de participer, je vais dire de façon active. Le Président a dit hier : «"Nos soldats sont formés pour riposter ", ce qui veut dire qu'en fait la France, comme ses alliés, est prête à déployer des hommes non pas au front, non pas sur le terrain, mais peut-être en Pologne, peut-être dans certaines grandes villes ukrainiennes, qui riposteraient s'il y avait par exemple des bombardements, c'est ça que ça veut dire ?

BENJAMIN HADDAD
Bon, expliquons le but de ce sommet. Le but de ce sommet c'est de réaffirmer de façon collective notre soutien à l'Ukraine. Déjà, notre soutien là, à court terme, parce que la guerre continue, et je vous rappelle que la Russie continue de fermer le dos à la diplomatie, à des avancées sérieuses dans la négociation, elle choisit toujours la guerre, les bombardements sur le terrain. Donc, on a eu hier soir, vous avez vu avec le président de la République, de nouvelles annonces de soutien militaire à l'Ukraine, de milliards d'euros de matériel, de munitions, de capacités satellitaires, il y aura des annonces des pays réunis aujourd'hui, et après, effectivement, réfléchir, pour mettre d'abord l'Ukraine dans les meilleures conditions de rapport de force pour aboutir à une négociation, et puis après réfléchir à des garanties de sécurité pour avoir une paix durable et juste, pour faire en sorte que le cessez-le-feu qu'il pourrait y avoir demain, ce ne soit pas juste une parenthèse pour que… réarmée attaquée.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc en gros, je reviens à ma question, Monsieur HADDAD. Imaginons que vous ayez un des Français, on le défonce d'Odessa, je prends un exemple au hasard, si les Russes envoyaient un drone sur Odessa, nos soldats, à nous, riposteraient ?

BENJAMIN HADDAD
On va parler de toutes les options aujourd'hui pour pouvoir garantir la sécurité de l'Ukraine. Je voudrais dire, la première garantie de sécurité, c'est d'avoir une armée ukrainienne forte, et donc, de voir comment on peut renforcer l'armée ukrainienne, et après réfléchir au rôle que les Européens et leurs partenaires, les pays comme le Canada par exemple, pour jouer effectivement pour garantir la sécurité de l'Ukraine, avec, parmi les options qui ont été discutées, des forces qui ne seraient pas effectivement sur la ligne de front, mais qui pourraient sécuriser des points d'une Ukraine en paix. Encore une fois, le but, c'est de dissuader une agression future de la Russie, de protéger l'Ukraine et de protéger les Européens. Mais d'abord, je le dis, c'est vraiment de renforcer l'Ukraine pour pouvoir obtenir un cessez-le-feu, pour la renforcer dans la négociation.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Justement, Monsieur le Ministre, est-ce que cette trêve en mer Noire, c'est quelque chose de sérieux ? On a l'impression que c'est une capitulation obligatoire pour l'Ukraine, qui dominait la situation en mer Noire. Aujourd'hui, on présente ça comme un accord à égalité, alors que la Russie était dans les pires difficultés dans cette zone.

BENJAMIN HADDAD
Non mais, tout ce qui peut nous amener vers la paix, vers la cessation des hostilités, nous le soutenons. Et c'est pour ça, d'ailleurs, que le Président l'a dit.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Il a dit que ça allait dans la bonne direction.

BENJAMIN HADDAD
L'approche de la paix par la force, qui est celle que promeut l'administration TRUMP, on soutient. Moi, ce que je constate, en revanche, c'est que les Ukrainiens, il y a déjà plus de dix jours, à Djedda, lors d'un dérame de négociation, on dit qu'ils étaient prêts à une trêve totale des combats pendant trente jours. La Russie n'a toujours pas répondu. On a eu là, à Riyad peut-être, des avancées sur les frappes contre les infrastructures énergétiques en Ukraine et une trêve en mer Noire. Mais on voit que la Russie continue de se perdre dans des manoeuvres dilatoires, à rajouter des conditions, à demander la levée des sanctions. Donc, une fois de plus, on voit que Vladimir POUTINE n'a pas une attitude sérieuse dans ses négociations. Donc, nous devons continuer à maintenir et à accroître la pression sur le plan économique comme sur le plan militaire pour pouvoir obtenir la fin des combats. Mais tout ce qui ira dans le sens de la paix, la France le soutiendra.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Et sur Donald TRUMP, parce que c'est sans doute ça aussi qui permet à Vladimir POUTINE, aujourd'hui, d'être très à l'aise dans la façon dont il négocie. C'est que le président de la première puissance économique mondiale lui dit : " Très bien, allons-y. Oui, oui, on va lever les sanctions. Oui, oui, vous allez pouvoir vendre votre blé et vos engrais ".

BENJAMIN HADDAD
Les Européens sont réunis aujourd'hui précisément pour faire entendre leur voix et pour réaffirmer leur soutien à l'Ukraine dans cette négociation. Encore une fois, le président TRUMP dit qu'il veut la paix et qu'il veut la paix par la force. Et donc, ça veut dire accroître la pression sur la Russie. C'est la Russie qui est l'agresseur, c'est à la Russie qu'il faut faire comprendre qu'il n'y a pas de voie militaire.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais Monsieur HADDAD, ce sont les États-Unis qui sont à Riyad, vous l'évoquiez, ce n'est pas Madame von der LEYEN, ce n'est pas l'Europe, ce n'est pas Emmanuel MACRON qui va s'asseoir à la table des négociations.

BENJAMIN HADDAD
Mais vous voyez bien le rôle moteur que joue la France. Vous voyez bien que les Européens, aujourd'hui, sont réunis à Paris, que Vladimir ZELENSKY était hier à Paris, que nous échangeons régulièrement avec nos homologues européens, ukrainiens, américains. Le président français s'est rendu lui-même dans le bureau Ovale pour échanger avec le président TRUMP pour faire entendre la voix des Européens. Vous savez, moi, partout où je me rends en Europe, je voyage beaucoup, j'entends la reconnaissance pour le rôle qui est joué par la France, non seulement dans le soutien à l'Ukraine dans la diplomatie, mais aussi dans le renforcement des capacités européennes, parce que fondamentalement, l'enjeu aujourd'hui, c'est aussi de nous donner les moyens de nous défendre face à la menace que fait peser la Russie contre toutes les démocraties européennes, les ingérences, les sabotages, les déstabilisations, les attaques cyber. Tout le régime de Vladimir POUTINE s'est construit dans la révision de l'ordre de sécurité européen issu de la guerre froide, dans la révision des frontières, de la souveraineté de ses voisins. Et la France appelle au réveil stratégique des Européens, on voit les lignes qui poussent en front.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc vous pensez que, pour dire les choses simplement, vous pensez que Monsieur POUTINE veut reconstituer l'empire soviétique, c'est ça que vous nous dites ?

BENJAMIN HADDAD
Monsieur POUTINE avait dit que la chute de l'URSS était la plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle. Il a envahi la Géorgie, il a envahi l'Ukraine, il lance des attaques et des ingérences sur la Moldavie, sur la Roumanie, et il remet fondamentalement en cause les frontières de l'ordre européen.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
J'ai un tout dernier mot s'il vous plaît Monsieur HADDAD. Donald TRUMP menace à l'instant de droit de douane nouveau l'Europe, si jamais elle se coordonne avec le Canada, je le cite, au détriment des États-Unis. Est-ce que vous avez peur ? Est-ce que l'Europe va se coordonner avec le Canada ? Comment on fait face à ça ?

BENJAMIN HADDAD
Mais face au droit de douane américain, l'Europe ripostera, et ripostera de façon ferme et de façon proportionnée. C'était déjà arrivé lors du premier mandat de Donald TRUMP, on l'avait fait, on le fera à nouveau. On a des mesures, et d'ailleurs on est plus forts à l'époque, parce qu'on a de nouvelles mesures pour frapper l'économie américaine en retour, mais je voulais le dire, cette guerre tarifaire, ce protectionnisme, il n'est intérêt de personne. On voit les conséquences qu'il a aujourd'hui sur l'économie américaine, sur les entreprises américaines. Mais la seule façon de se faire entendre, c'est d'être capable de répondre.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci beaucoup Benjamin HADDAD d'avoir été avec nous.

BENJAMIN HADDAD
Merci.

JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Pendant quelques instants, les tout dernières informations dans l'enquête après la disparition du petit Émile en juillet 2003, les gardes à vue ont été levées, on y revient dans votre journal.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mars 2025