Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à BFM TV le 8 avril 2025, sur l'incendie d'un centre de tri de déchets à Paris et le débat autour des zones à faible émission.

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Média : BFM TV

Texte intégral

ADELINE FRANÇOIS
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

ADELINE FRANÇOIS
Merci d'être là ce matin. Vous êtes la ministre en charge de la Transition écologique. On va parler des zones à faible émission dans un instant mais d'abord un mot sur l'incendie spectaculaire de ce centre de tri de déchets hier soir à Paris. Les habitants sont particulièrement inquiets de ce nuage de fumée noire au-dessus de la capitale hier soir avec une odeur de plastique brûlé qui persiste ce matin. Est-ce que vous dites que ce matin, il ne faut pas être inquiet, que ce n'est pas toxique ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors c'est une déchetterie et ce qui n'est pas tout à fait la même chose qu'un centre de déchets. Et je veux vous dire qu'à cette heure, il n'y a pas de toxicité dans toutes les analyses que nous avons pu faire. Moi, je suis, heure par heure, cette situation. On est dans un sujet de qualité de l'air et nous avons des protocoles pour pouvoir suivre ce type de situation et prendre toutes les mesures, le cas échéant s'il s'était avéré qu'il y avait une toxicité dans l'air et nous allons continuer à suivre cela.

ADELINE FRANÇOIS
Hasard de l'actualité, c'est donc aujourd'hui que les députés se penchent sur une éventuelle abrogation des zones à faible émission. Les ZFE, vous savez, c'est ce système qui interdit progressivement les véhicules les plus polluants dans certaines villes. Elles sont critiquées, accusées d'exclure les classes populaires. Si ce soir, l'Assemblée vote l'abrogation, Agnès PANNIER-RUNACHER, que fera le Gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord, je veux dire de quoi il s'agit. Il s'agit d'un sujet de santé publique majeur. Il s'agit de 48 000 décès. Ce sont des chiffres de janvier 2025 de Santé publique France. Les meilleures appréciations de Santé publique France sur la base d'études de ces 5 dernières années. Il s'agit de 9 mois en moyenne d'espérance de vie pour nous tous autour de cette table. Et tous ceux qui nous écoutent. Il s'agit d'infarctus. Il s'agit de maladies cardiovasculaires. Donc c'est un sujet de santé publique qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main. La pollution de l'air a un impact majeur sur notre santé. Ces zones à faible émission, c'est un des outils dont nous disposons, parmi d'autres, puisque nous agissons sur tous les fronts - on parlait à l'instant de cet incendie - pour baisser la pollution de l'air parce qu'aujourd'hui, à Lyon, à Paris, on est au-dessus des seuils réglementaires. On est deux fois au-dessus des seuils de l'Organisation mondiale de la santé. Alors je veux aussi rassurer parce qu'on a entendu beaucoup de choses sur ce dispositif. Il n'y a aujourd'hui que l'agglomération de Lyon et que l'agglomération de Paris qui font l'objet de restrictions de circulation de par la loi pour les voitures Crit'Air 3, c'est-à-dire que ça concerne 650 000 véhicules. Ça ne concerne pas les millions qui ont été envoyés comme ça à la face des Français. Et je comprends que ça les inquiète.

ADELINE FRANÇOIS
Mais parce que vous considérez que les 600 000 véhicules, c'est les 600 000 véhicules des personnes qui habitent à Lyon ou à Paris. Vous ne prenez pas en considération les voitures des habitants des autres villes qui, éventuellement, pourraient venir à Paris ou à Lyon. C'est là qu'on arrive à des millions de voitures.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je précise une chose, c'est que quand vous traversez parce que vous allez voir votre fille ou vous allez faire du tourisme, vous avez le droit de circuler avec votre voiture quand bien même elle serait Crit'Air 3. Ce sont pour les gens qui font des déplacements réguliers aux horaires où se concentre la pollution. Et rappelons une chose, ces impacts sur la santé, c'est les plus précaires qui sont impactés les premiers, c'est les plus vulnérables, c'est ceux qui habitent en proximité des axes routiers, ce sont notamment les logements sociaux, les habitants des logements sociaux.

ADELINE FRANÇOIS
Mais sauf que ceux qui doivent changer de voiture, ce sont aussi les moins riches.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord, les moins riches n'ont pas de voiture ; ce sont ceux qui sont le moins équipés en voiture.

ADELINE FRANÇOIS
Mais ceux qui ont une voiture ont une vieille voiture.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et pour ceux qui sont équipés en voiture, vous avez raison de le souligner, il faut les accompagner. Et il faut concentrer les aides pour leur permettre de changer de véhicule. Par exemple, sur la métropole du Grand Paris, vous avez des aides de plusieurs milliers d'euros pour acheter des voitures d'occasion.

MATTHIEU CROISSANDEAU
Tout le monde aimerait changer de voiture. S'ils ne changent pas de voiture, c'est qu'ils n'ont pas les moyens même avec des aides.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Plus simplement, on les a tellement paniqués sur ce dispositif qui rentre à peine en vigueur et on ne leur a tellement pas parlé des aides que je comprends qu'il y ait ce sentiment d'assignation à résidence et il est insupportable. Et moi, je partage le fait qu'il est insupportable d'assigner des gens et de leur empêcher de se déplacer. Et donc, c'est pour ça que je vais réunir très prochainement, je vais lancer un reclore de la qualité de l'air avec toutes les grandes agglomérations. Parce que toutes les grandes agglomérations de plus de 150 000 habitants qui sont concernés plus largement par ce dispositif mais qui n'ont pas de restrictions sur les voitures Crit'Air 3, il faut qu'on soit tous très attentifs à la qualité de l'air mais surtout qu'on travaille ensemble pour avoir des aides et avoir une communication qui permettent aux Français qui en ont besoin de changer de mode de transport.

CHRISTOPHE DELAY
Pour reprendre la première question, si l'Assemblée vote l'abrogation, que fera le Gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, aujourd'hui, la commission a voté l'abrogation et je présenterai un amendement, ou mes collègues du Gouvernement, puisque vous savez que c'est le Gouvernement qui va faire cette proposition, pour clarifier les choses. Dire de manière très claire, pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté, pour ne pas qu'il y ait d'inquiétude, que les deux seules agglomérations qui sont concernées par ces restrictions de circulation pour les voitures Crit'Air 3, ce sont bien celles de Lyon et bien celles de Paris et pas les autres, pour ensuite laisser la liberté aux communes de mettre en place les dispositifs qu'elles souhaitent pour la qualité de l'air. Parce que moi, j'ai des maires qui me disent : « j'ai mis en place des mesures, ça fonctionne. J'ai baissé la pollution de manière significative. » Vous savez qu'à Paris, par exemple, c'est moins 42% de pollution en dioxyde d'azote, donc faites-moi confiance, laissez-moi faire. Et puis, on va regarder les aides - ça c'est en dehors de la loi - on va regarder les aides pour s'assurer qu'elles viennent bien vers ceux qui en ont le plus besoin. Je pense notamment au dispositif de leasing, vous savez que j'ai annoncé il y a quelques jours qu'on le relançait au mois de septembre. Eh bien, je souhaiterais qu'on puisse en faire bénéficier notamment les habitants qui sont en attente de pouvoir changer leur voiture.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 avril 2025