Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en réponse à deux questions sur les réponses française et européenne aux droits de douane américains, au Sénat le 9 avril 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Questions d'actualité au Gouvernement, en séance publique, au Sénat

Texte intégral

Madame la présidente [Dominique Estrosi Sassone],

Non, nous ne considérons pas que le mot "droit de douane" est le plus beau du dictionnaire, puisqu'il est synonyme d'impôt sur les classes moyennes, à commencer par les classes moyennes américaines, qui vont considérablement s'appauvrir avec les décisions qui ont été prises par le président Trump. D'ailleurs, il n'y a qu'à consulter les résultats des sondages d'opinion réalisés aujourd'hui aux Etats-Unis pour s'apercevoir que les Américains sont parfaitement conscients de l'impact que ces décisions désastreuses vont avoir sur leur pouvoir d'achat.

Face à cela, ce que nous disons, c'est bien évidemment que ces décisions sont mauvaises, et nous espérons vivement qu'elles puissent être revues. Nous disons également que nous ne les avons pas provoquées, et que si le président Trump ne revenait pas sur ces décisions, eh bien que nous nous tenons prêts, en Européens, à riposter en mobilisant toute la palette des instruments à notre disposition, qu'ils soient tarifaires ou non tarifaires. Au niveau européen, c'est d'ailleurs la première salve de contre-mesure qui a été adoptée ce matin et qui frappera 22 milliards d'exportations américaines vers l'Europe d'un droit de douane de 25%. Et puis la Commission européenne a initié un travail qui va conduire à une deuxième salve de mesures. En attendant, le Président de la République a réuni avec le Premier ministre et les membres du Gouvernement les filières concernées dès jeudi dernier. Hier, c'est le ministre de l'industrie qui a réuni le Conseil national de l'industrie. Et aujourd'hui, c'est le ministre de l'économie et des finances qui consultera l'ensemble des représentants de filières ainsi que les syndicats, sur les impacts attendus par l'ensemble des parties prenantes de ces décisions dévastatrices.

Donc vous le voyez, le Gouvernement est mobilisé aux côtés des filières pour préparer une réponse qui permette de défendre les intérêts français et les intérêts européens. Plus généralement, puisque nous avons à répondre en européen, c'est la Commission européenne qui dispose de la compétence, ce que nous préconisons, ce que nous prescrivons, c'est du calme, de la détermination et de l'unité. Et c'est dans cet esprit-là que nous échangeons avec nos interlocuteurs, dans les capitales européennes et avec la Commission européenne.


Monsieur le sénateur [Christian Redon-Sarrazy],

Vous l'avez entendu tout à l'heure de la part du ministre de l'économie et des finances : évidemment que nous allons veiller à ce que les décisions qui ont été prises et dont nous considérons qu'elles vont appauvrir les États-Unis, leur classe moyenne, leurs entreprises, qu'elles vont appauvrir aussi les partenaires des États-Unis, au premier rang desquels l'Europe... Eh bien qu'elles puissent être revues. Sans quoi, nous n'aurions d'autre choix que de riposter en mobilisant l'ensemble de la palette des instruments qui sont à notre disposition, avec des droits de douane comme ceux qui ont été adoptés ce matin pour l'Europe, 25% sur l'équivalent de 22 milliards d'exportations américaines vers l'Europe ; soit des mesures non tarifaires - vous avez cité les services, et nous disposons depuis 2023 d'instruments qui permettent à la Commission européenne, lorsque les intérêts européens sont en jeu, de s'en prendre, si je puis dire, à l'accès au marché public, à l'accès de certains services sur le marché unique européen.

Mais je crois que vous avez raison de rappeler que nous ne devons pas nous contenter de répondre ou de réagir à l'administration américaine. Nous devons nous poser des questions sur nous-mêmes, en commençant par nous apercevoir que le marché unique n'a sans doute et jamais été aussi important pour permettre à nos entreprises de se diversifier. On estime que les barrières qui se dressent entre pays de l'UE représentent un droit de douane d'environ 45%. Si nous approfondissons le marché unique, si nous levons les barrières, nous permettrons à nos entreprises de compenser une partie de l'impact des droits de douane extravagants de l'administration Trump.

Et puis ensuite, comme vous l'avez dit, puisque nous entrons dans une époque de guerre commerciale, alors il faut nous y préparer en gagnant en compétitivité, en retirant la chape de plomb qui empêche aujourd'hui les entreprises françaises de pouvoir livrer bataille sur les marchés internationaux, je dirais sur un pied d'égalité avec leurs concurrents étrangers. Et de ce point de vue-là, les annonces de ces derniers mois faites par la Commission européenne vont dans le bon sens. Maintenant, il faut accélérer pour être en mesure, non pas seulement de défendre nos intérêts, mais aussi, dans cette période de tension commerciale, d'aller prendre des parts de marché.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 avril 2025