Extraits d'un entretien de M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger, avec TF1 le 15 avril 2025, sur les droits de douane américains, l'augmentation des recettes liées à la croissance et la politique économique.

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Intervenant(s) : 
  • Laurent Saint-Martin - Ministre délégué, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Média : TF1

Texte intégral

Q - Bonjour, Laurent Saint-Martin.

R - Bonjour à vous.

(...)

Q - Il se trouve que vous êtes en charge du commerce extérieur. Ça fait des semaines qu'on chronique les droits de douane de Donald Trump. Espérer - comme l'a dit d'ailleurs votre collègue de l'économie Eric Lombard - une augmentation des recettes liées à la croissance, c'est réaliste dans une telle incertitude mondiale ?

R - D'abord, il faut toujours faire le choix de la croissance.

Q - Ça s'appelle un pari, dans ce cas-là.

R - Non, ça s'appelle le choix de la croissance, c'est-à-dire mettre les investissements au bon endroit pour s'assurer, effectivement, que nous avons les meilleures conditions de croissance possibles dans notre pays. La France a un taux de croissance supérieur à ses voisins européens depuis sept ans, et notamment depuis la crise Covid. Effectivement, si votre question, c'est est-ce que la conjoncture mondiale - notamment liée à la guerre commerciale initiée par les États-Unis - est de nature à fragiliser notre croissance ? La réponse est oui. Comme les autres pays, et comme les Américains eux-mêmes. C'est pour ça que nous avons une position très hostile à toute guerre commerciale et que nous, notre objectif avec la Commission européenne, c'est bien de ramener à la raison une situation qui aujourd'hui a des effets inflationnistes et surtout des effets récessifs. Et donc nous ne voulons pas, effectivement, qu'il puisse y avoir plus de révisions de croissance à la baisse. Nous voulons au contraire qu'on puisse la consolider. Ça sera aussi une des conditions nécessaires de la réduction de notre déficit.

Q - Il y a la croissance et puis il y a donc, effectivement, les économies. Je disais, vous êtes en charge du commerce extérieur : ça comprend aussi l'attractivité. Dans les sources d'économies ou de gains possibles, il y a la taxation des plus hauts revenus, les aides aux entreprises. Est-ce que ça, c'est possible dans le contexte actuel ? On entend parfois dire : "Non, non, ça va faire fuir les investisseurs, ça va faire fuir des fortunes". Alors, pour poser la question très clairement : peut-on pérenniser la taxation des plus hauts revenus en France ?

(...)

R - Ça, ce n'est pas quelque chose qui fait fuir les investisseurs, pour répondre à votre question. En revanche, là où il faut faire attention, c'est l'impôt sur les sociétés, c'est ce qu'on appelle la flat tax, c'est-à-dire la fiscalité sur les revenus du capital, tout ce qui permet l'investissement productif dans notre pays. Ça, il ne faut pas revenir en arrière. Parce que si la France est devenue le pays le plus attractif d'Europe depuis maintenant cinq ans, et peut-être pour une sixième année en 2025, c'est parce qu'on a enfin mis un environnement fiscal... Ce n'est pas un paradis fiscal la France, loin s'en faut, mais on a mis un environnement fiscal et réglementaire à peu près standard par rapport aux autres grandes nations du monde. Et donc il faut continuer sur ce chemin-là.

Q - Rogner sur les aides aux entreprises, pour vous, c'est non ?

R - Optimiser les aides aux entreprises, moi je suis toujours pour. Par contre, revenir sur une politique de l'offre qui permet d'avoir de l'investissement sur nos territoires et qui permet d'avoir de l'emploi, qui permet d'avoir aujourd'hui le chômage le plus bas depuis maintenant près de 40 ans, notamment celui des jeunes, je crois que c'est quand même quelque chose qu'il faut non seulement saluer, mais préserver. Donc attention à l'outil fiscal. On a déjà eu ce débat à de multiples reprises dans ce pays. Attention à l'outil fiscal. Je comprends que, par moments, on demande des efforts de contribution exceptionnels. Cela a été fait notamment sur le budget 2025. Mais je sais qu'Eric Lombard y est particulièrement attentif, on ne doit pas non plus casser une politique d'attractivité qui a permis de créer de l'emploi dans notre pays depuis cinq ans.

(...)

R - Je crois que la pire des erreurs dans la période que nous vivons aujourd'hui serait l'instabilité politique ajoutée à l'instabilité économique et commerciale. Nous avons besoin, dans notre pays, de stabilité. Nous avons besoin de stabilité institutionnelle, nous avons besoin de stabilité économique, nous avons besoin de stabilité fiscale. Nous avons besoin de montrer que pour les deux ans qui viennent, que jusqu'en 2027, ce Gouvernement non seulement s'occupe des finances publiques, mais aussi soutient la Commission européenne dans un rapport de force qui se construit avec les autres grandes nations du monde sur un sujet commercial que sont les droits de douane. Et pour cela, nous ne pouvons pas changer de gouvernement tous les deux à trois mois.

(...)

Q - Merci beaucoup, Laurent Saint-Martin.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 avril 2025