Texte intégral
Q - Bonsoir Jean-Noël Barrot.
R - Bonsoir Gilles Bouleau.
Q - Vous êtes ministre des affaires étrangères. Merci d'avoir accepté notre invitation. Je voudrais vous poser quelques questions très précises. Il y a moins de dix jours, vous-même, vous disiez qu'il fallait tourner la page des tensions entre la France et l'Algérie. Ce soir, la France expulse douze agents algériens. Pourquoi avez-vous changé d'avis ?
R - Eh bien parce que les autorités algériennes ont fait le choix de l'escalade. Et donc, nous répliquons avec fermeté, comme nous l'avions annoncé. Avec fermeté, avec la plus stricte réciprocité : douze fonctionnaires français de notre ambassade à Alger ont été expulsés, nous expulsons 12 agents algériens de leur réseau diplomatique et consulaire.
Q - Vous les avez choisis au hasard pour faire nombre ou vous savez qu'ils ont fait des choses répréhensibles en France ?
R - Non, ce sont les autorités françaises compétentes qui les ont désignés, non pas en raison de faits qui leur seraient reprochés, mais dans une stricte logique de réciprocité.
Q - Vous avez aussi rappelé l'ambassadeur de France en Algérie, c'est sans précédent depuis l'indépendance de l'Algérie, 1962. C'est une rupture symbolique ?
R - C'est une mesure de protestation, d'opposition si l'on peut dire, à la mesure qui a été prise par l'Algérie et qui est très regrettable, parce qu'elle compromet le dialogue que nous avions réinitié. Et c'est dans ce cadre que nous le rappelons pour consultation. Il sera de retour à Paris dans les prochains jours.
Q - Il sera de retour assurément dans 15 jours ou dans trois semaines, assurément ?
R - Il sera de retour dans les prochains jours, et à mon avis sous 48 heures.
Q - Alors il existe une liste d'une soixantaine de ressortissants algériens sous OQTF qui devaient être expulsés vers l'Algérie. Vous aviez transmis cette liste aux autorités algériennes. Est-ce que c'est encore valable ? Est-ce que ce qui se passe aujourd'hui paralyse tout cela ?
R - Non, nous allons continuer à tenir les autorités algériennes à leurs obligations, l'obligation de respecter les accords qui régissent notre relation, en matière de coopération migratoire, mais aussi en matière de coopération sécuritaire.
Q - Et vous pensez que dans ce climat-là, les autorités algériennes vont vous faire ce cadeau ?
R - Vous savez, il y a des règles. Il faut les respecter. Et même si nous avons des différends, même si les autorités algériennes ont décidé de rompre le dialogue, elles doivent respecter les obligations qui leur incombent.
Q - Et dans quel délai vont-elles le faire ?
R - Ça, c'est à elles d'en décider. Quant à nous, nous serons très vigilants à ce que les accords que nous avons avec l'Algérie soient strictement respectés.
Q - Il y a quelques jours, il y a dix jours très précisément, il y a eu un appel assez long entre les deux présidents algérien et français, et on semblait tout près d'un accord pour la libération de l'écrivain franco-algérien, M. Boualem Sansal, qui est emprisonné en Algérie depuis cinq mois. Vous ne craignez pas que cette expulsion, aujourd'hui, ralentisse ou paralyse cette libération de Boualem Sansal ?
R - D'abord, Boualem Sansal ne doit en aucun cas faire les frais des divergences, des tensions entre nos deux gouvernements.
Q - De fait, ça sera peut être le cas ?
R - Sa détention est totalement infondée au regard des charges aberrantes qui pèsent sur lui au regard de son âge, mais aussi au regard de sa situation de santé. Et c'est pourquoi, comme le président de la République l'a fait, comme je l'ai fait moi-même à Alger, nous allons continuer à plaider pour un geste d'humanité le concernant.
Q - Mais vous avez un espoir réaliste que ça se fasse dans un délai très proche ?
R - Nous allons continuer à nous mobiliser pour obtenir sa libération.
Q - Vous avez entendu la peine de ces deux filles de Boualem Sansal qui disent : "Ne nous oubliez pas, ne l'oubliez pas, faites tout pour que notre père soit libéré." Il est l'otage de cette crise entre ces deux pays ?
R - Nous avons entendu, j'ai entendu l'appel de ses deux filles, j'entends aussi l'appel de ses amis, de ses lecteurs, de toutes les Françaises et les Français qui ont été meurtris par son arrestation et je veux les rassurer : nous ne relâcherons pas nos efforts tant qu'il n'aura pas été libéré.
Q - Merci beaucoup Jean-Noël Barrot d'avoir répondu à ces questions.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 avril 2025