Texte intégral
La ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, et la ministre auprès de la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, chargée du Travail et de l'Emploi, ont présenté une communication sur l'adaptation de notre appareil de formation aux besoins de l'économie.
Le renforcement de notre économie passe par des filières scientifiques plus solides, plus attractives, et plus inclusives. Nous devons former davantage de techniciens, d'ingénieurs, de scientifiques, et mieux attirer les jeunes filles vers ces métiers. C'est un chantier essentiel.
Il y a d'autres sujets, tout aussi cruciaux.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a profondément transformé le système de formation professionnelle, en lui permettant de mieux répondre aux enjeux du marché du travail.
Elle a permis une véritable révolution de l'apprentissage qui s'est développé à tous les niveaux de qualification, et a permis à la France de rattraper son retard.
Elle a également accéléré le développement du compte personnel de formation, qui permet aux actifs d'être à l'initiative de leur projet de formation pour évoluer professionnellement, sécuriser leur emploi, et se reconvertir.
Enfin, la réforme du lycée du professionnel initiée en 2023 a réinterrogé en profondeur le lien entre école et marché du travail, afin de permettre une insertion professionnelle de qualité aux jeunes.
Malgré ces transformations profondes, le système de formation professionnelle initiale et continue doit franchir une nouvelle étape et répondre aux nouveaux enjeux liés aux grandes transitions numériques, environnementales, démographique et industrielles que nous connaissons.
L'ambition doit être maintenue pour permettre une insertion plus rapide et durable des jeunes sur le marché du travail, notamment pour les moins qualifiés.
Il nous faut aussi lutter contre le poids important du chômage de longue durée, particulièrement en fin de carrière, et contre l'insuffisance des reconversions professionnelles, malgré les aspirations des actifs à évoluer.
Concernant plus particulièrement les jeunes, leur taux de chômage est en hausse de 1,4 point en 2024.
Deux ans après la fin de leurs études, ceux qui ont quitté le système scolaire à 18 ans présentent un taux d'emploi inférieur de 15 points à celui de l'Allemagne, et de 30 points à celui du Royaume-Uni.
Cette situation reflète un paradoxe : en 2024, 480 000 postes sont restés vacants, alors même que 28 % des entreprises du bâtiment et 12 % des entreprises industrielles ont été contraintes de ralentir leur activité, sans compter les restaurateurs, faute de pouvoir recruter suffisamment de personnel.
L'enjeu est donc de mieux rapprocher l'offre de formation initiale et continue des besoins en compétences en faisant évoluer cette offre, mais aussi de mieux orienter les jeunes et les publics adultes.
Sur le contenu, comme sur la répartition territoriale, il nous faut donc mieux coordonner les différents dispositifs portés par les pouvoirs publics.
1. Renforcer l'adaptation des formations aux besoins du marché du travail et leur qualité
Il est constaté une inadéquation des certifications professionnelles aux besoins du marché du travail. La transformation amorcée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est incomplète, avec un retard plus prononcé du système public, globalement peu réactif et insuffisamment professionnalisé.
Le ministère du Travail, de la Santé, de la Solidarité, et des familles en lien avec le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, porte une réforme du système de certification par voie réglementaire. Elle augmentera l'exigence sur l'adaptation du contenu des diplômes aux besoins, l'attention sur les publics accueillis, les résultats d'insertion et l'association des acteurs économiques.
L'État doit garantir aux jeunes et aux actifs la qualité des formations. Outre une action mieux coordonnée et plus exigeante des services de l'État sur les pratiques les plus dysfonctionnelles, la certification Qualiopi sera remise à plat car elle n'assure pas la fonction qui lui était conférée de garantir un standard de qualité pour les formations en apprentissage et pour les publics adultes.
2. Mieux flécher les financements de l'apprentissage sur les besoins en compétences et les métiers en tension
La révolution opérée en matière d'apprentissage a contribué à renforcer l'insertion des jeunes sur le marché du travail. Elle a également permis de faire des entreprises un acteur à part entière du système de formation initiale.
Cependant, une partie des flux d'entrées en apprentissage ne se fait pas suffisamment en fonction des besoins en compétences du marché du travail en raison de considérations économiques de certains acteurs de la formation.
La réforme du financement des centres de formation des apprentis va ainsi introduire une logique de priorisation des financements en fonction des besoins en compétences. Ainsi, certaines formations doivent être moins financées et devront faire la démonstration de leur utilité économique, tandis que d'autres doivent être encouragées pour correspondre aux besoins de l'économie.
L'apprentissage doit également venir en appui de la réforme du lycée professionnel, en permettant des parcours mixtes (statut scolaire, puis apprentissage). Il doit faciliter le recours à davantage de parcours de spécialisation des élèves en sortie de lycée professionnel, avec des formations courtes, dont on sait qu'elles améliorent l'insertion de l'ordre de 20 points.
Plus globalement, il est nécessaire de renforcer le poids de l'apprentissage dans les premiers niveaux de qualification, notamment dans les filières où la voie scolaire est la moins efficiente ainsi les écarts sont particulièrement significatifs pour les CAP (27 % d'insertion à 6 mois, contre 59 % en apprentissage) et en bac professionnel (43 %, contre 68 %).
La transformation de la carte des formations de l'enseignement professionnel, conduites avec les Régions, doit ainsi intégrer une logique de développement de l'apprentissage.
3. Déployer la réforme du lycée professionnel
Depuis de trop nombreuses années, le lycée professionnel cumule les difficultés, accueille les élèves les plus fragiles, et n'est pas suffisamment articulé avec les besoins de l'économie.
Trop de jeunes issus du lycée professionnel peinent à trouver leur place sur le marché du travail, malgré l'obtention de leur diplôme, quand ils ne décrochent pas avant la fin de leur formation. Quant à ceux qui poursuivent des études, ils y échouent trop souvent.
Les métiers les plus recherchés par les employeurs aujourd'hui nécessitent pourtant quasi tous un diplôme de l'enseignement professionnel.
Dans les quinze métiers qui recruteront le plus d'ici à 2030, dix correspondent à des métiers de la voie professionnelle.
La transformation des lycées professionnels est donc impérative, pour que la voie professionnelle redevienne un véritable tremplin vers la réussite, et pour que notre économie dispose des compétences dont elle a besoin.
Pour que des jeunes acceptent de s'insérer tôt dans la vie professionnelle, il faut qu'ils aient la garantie que leur niveau de qualification puisse s'élever tout au long de leur carrière, grâce à la formation continue.
Nous ne sommes pas encore au rendez-vous de la promesse républicaine que nous devons aux 650 000 élèves des lycées professionnels.
Et parce que nous ne pouvons pas nous priver de leurs talents, le Président de la République avait fait des lycéens professionnels l'une de ses priorités en 2023, et engagé une réforme d'ampleur, pour mieux les accompagner et répondre aux besoins des entreprises comme aux grands défis de demain.
Grâce à un investissement conjoint de l'État, avec la mobilisation du plan France 2030, des régions, et des entreprises qui le souhaitent, nous devons ouvrir de nouvelles formations vers les métiers porteurs et les filières d'avenir, mais aussi fermer ou transformer celles qui ne permettent ni poursuite d'études, ni insertion professionnelle, afin d'offrir des perspectives à chaque élève.
Pour accompagner chaque jeune dans son parcours vers l'emploi, les conseillers France Travail et des missions locales, à travers le dispositif « Avenir pro », interviennent désormais aux côtés des équipes éducatives, au cours de sa dernière année de scolarité et dans les mois qui suivent si nécessaire.
Un bureau des entreprises a par ailleurs ouvert ses portes dans chaque lycée professionnel à la rentrée scolaire 2023, pour que chacun puisse être accompagné dans ses recherches de stages, d'alternance ou d'emploi, et pour développer des partenariats avec les acteurs économiques locaux.
Ces mesures ne seront utiles qu'à la condition d'accélérer la transformation de l'offre de formation proposée en lycée professionnel et de favoriser les liens entre les lycées et les entreprises.
4. Territorialiser l'offre de formation dans l'enseignement supérieur
S'agissant de l'offre de formation dans le supérieur, des travaux sont engagés sur les formations post bac qui ne font pas l'objet d'une reconnaissance ou d'une évaluation de leur qualité. Elles se sont en effet fortement développées, sans que des leviers de régulation suffisants aient été conçus.
S'agissant de l'accès à cette offre, la fracture territoriale constitue un frein majeur à l'adéquation entre les compétences disponibles et les besoins économiques locaux.
Cette situation pénalise tant les jeunes et adultes, qui ne peuvent accéder aux formations correspondant aux emplois de leur bassin de vie, que les entreprises qui peinent à recruter les compétences nécessaires à leur développement.
Pour garantir l'adéquation permanente entre formation et besoins économiques, nous souhaitons renforcer la gouvernance partenariale territoriale en associant pleinement les acteurs locaux, aux décisions stratégiques concernant l'offre de formation des universités.
Cette association se concrétisera par leur intégration aux nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) conclus entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur.
Nous souhaitons que cette nouvelle approche contractuelle s'accompagne de deux innovations majeures :
- une accréditation globale de l'offre de formation qui pourrait remplacer l'accréditation formation par formation, donnant ainsi plus de souplesse aux établissements pour adapter leurs cursus aux besoins évolutifs des bassins d'emploi ;
- la possibilité de contractualiser une trajectoire d'évolution des capacités d'accueil des établissements, permettant ainsi d'ajuster les flux de formation aux besoins en compétences identifiés localement. L'orientation efficace de l'offre de formation s'appuiera sur les données, nouvellement développées, d'insertion professionnelles des sortants de l'enseignement supérieur (Insersup).
Les discussions préalables à la signature d'un COMP seront désormais pilotées par les recteurs de région académique et recteurs délégués à l'Enseignement supérieur, la Recherche et l'Innovation, pour assurer, dans la prise en compte des priorités nationales portées par le ministère, une vision au plus près de la réalité des territoires.
Le dispositif permettra de mettre en place une logique de contractualisation plus territorialisée, prenant notamment en compte les bassins d'emploi, en incluant dans la discussion stratégique les partenaires locaux des universités, à commencer par les collectivités territoriales. Il serait important d'y associer, suivant les cas, les acteurs du marché du travail, au premier rang desquels les représentants des entreprises du territoire, les organismes nationaux de recherche, ou encore les acteurs de la vie étudiante.
La négociation de ces nouveaux COMP est lancée dès 2025 dans 10 universités des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle-Aquitaine. Le dispositif sera généralisé à l'ensemble du territoire à partir de l'année 2026.
Le pilotage de l'offre de formation des établissements pourra s'appuyer sur les données InserSup, nouvellement développées, qui permettent d'avoir une vision fine de l'insertion professionnelle pour chaque formation, à chaque niveau de l'enseignement supérieur.
5. Adapter les dispositifs à destination des adultes pour une meilleure adéquation aux besoins du marché du travail
Pour répondre aux transformations rapides du marché du travail, et lutter contre les situations de sous-activité, nous devons agir pour les actifs à travers :
- les droits acquis à la formation avec la mobilisation du CPF ;
- la validation des acquis de l'expérience qui est indispensable pour faciliter les reconversions et réduire les tensions de recrutement ;
- l'accès ou le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi étrangers, notamment en renforçant le lien entre la formation linguistique et la formation au métier ;
- les dispositifs de reconversion professionnelle.
Pour ces derniers, les salariés doivent être les acteurs des transformations et non les subir.
C'est l'objet de la négociation proposée par courrier en date du 10 avril dernier aux partenaires sociaux pour simplifier les dispositifs existants afin de répondre aux besoins des entreprises et des salariés.
Cette simplification doit permettre d'orienter plus de salariés reconversions vers les métiers en tension, mais aussi plus largement vers l'acquisition des compétences qui nous seront nécessaires pour faire face aux quatre transitions (démographique, numérique, écologique et stratégique).
Concernant le compte personnel de formation (CPF), il faut développer la co-construction des parcours par les entreprises avec leurs salariés. Le CPF reste l'outil du droit individuel à la formation, mais les salariés, les entreprises, les branches et les collectivités territoriales peuvent l'inscrire dans une logique plus collective.
La formation doit tout à la fois être adaptée aux caractéristiques des étrangers – en y intégrant de la formation linguistique – et aux compétences professionnelles requises pour les secteurs et métiers visés.
Concernant les demandeurs d'emploi, la mobilisation des formations au sein de France travail doit impliquer plus fortement les entreprises :
- en rendant beaucoup plus systématique le recours à l'immersion professionnelle ;
- en développant l'utilisation du "former-recruter" via la préparation opérationnelle à l'emploi.
Cette démarche partagée avec l'entreprise a démontré son efficacité et sera déployée sur tous les territoires.
Enfin, le plan d'investissement dans les compétences (PIC) pour les demandeurs d'emploi doit également être mieux orienté vers les besoins collectifs et les secteurs qui recrutent. Les conventions financières en cours de négociation avec les Régions intégreront une plus forte priorisation vers les métiers en tension.
Ces actions de nos ministères partagent le même objectif d'une meilleure efficience du système de formation. Elles visent à lutter contre les situations de sous-activité et permettre la montée en gamme de l'économie.
La coordination et la mise en cohérence de nos actions permettra d'atteindre les objectifs de cette feuille de route commune. Cela se traduira notamment à l'été, après la première brique de la réforme du financement de l'apprentissage, par l'établissement d'une stratégie commune sur l'emploi des jeunes.