Texte intégral
Bonjour Mesdames et Messieurs.
Merci, Monsieur le Préfet, Madame de nous accueillir.
Monsieur le ministre d'État,
Madame, Monsieur le ministre,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Madame la Présidente BELLO,
Monsieur le Président MELCHIOR,
Madame la maire de Saint-Denis,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs, en vos grades et qualités, chers amis.
Je suis très heureux de vous retrouver en cette fin de journée et après cette journée passée avec nos ministres à vos côtés, de l'agriculture aux urgences sanitaires, en allant jusqu'aux différentes filières économiques. Et je sais que nous vous retrouvons dans un moment, qui est toujours un moment de joie quand on est là et qu'on se retrouve tous ensemble avec les femmes et des hommes qui font vivre La Réunion, et donc notre Nation, et en même temps après des temps si difficiles.
Et j'ai bien conscience que je vous parle quelques semaines à peine après un épisode terrible, le passage de Garance, et au cœur même d'une épidémie qui a encore touché si cruellement une famille aujourd'hui et ce qui se passe avec le chikungunya. Et vous savez, la mobilisation du Gouvernement, de vos ministres, de l'ensemble des services de l'État et de tous à vos côtés, une fois encore, durant cette crise. Mais au-delà de la réponse aux crises, ce que nous avons voulu faire à vos côtés en étant là, c'est aussi dire la confiance que nous avons dans l'avenir de La Réunion, confiance dans son potentiel économique, social, climatique, la force de son modèle, et notre volonté de l'inscrire dans l'océan Indien et dans toute cette région et d'ouvrir aussi des chapitres qu'on avait commencés ensemble à esquisser avec Choose La Réunion, plusieurs projets qui avaient commencé à être lancés. Mais donc à regarder devant, dans une géopolitique, certes, incertaine, dans un environnement régional, certes, contesté, ô combien, mais où nous avons décidé de réinvestir dans tous les domaines. Et nous le savons avec l'importance que les FAZSOI revêtent pour La Réunion.
La loi de programmation militaire, et je veux ici vous confirmer, le repréciser, est une loi qui réinvestit dans La Réunion et l'océan Indien, qui augmente de plus de 15% nos effectifs et qui va faire passer nos militaires d'environ 1 600 à 1 800 avec des équipements nouveaux, avec des moyens nouveaux, réaffirmant notre souveraineté, notre volonté de porter un discours de sécurité et de stabilité dans tout l'océan Indien par La Réunion. En tout cas, cette manière d'être là avec vous, et je voulais simplement avoir ces quelques mots de projection, c'était aussi récompenser quelques destins singuliers qui font La Réunion aujourd'hui, et cette manière si spéciale, si singulière de vivre ensemble, de réussir à tresser l'ambition pour un territoire et la solidarité, d'être follement français et terriblement réunionnais. Mais avant de m'incliner et de tresser, si je puis dire, les mérites de chacune et chacun d'entre vous au moment d'ici célébrer et reconnaître vos mérites dans la République et la Nation, Mesdames et Messieurs, je voudrais m'incliner devant le parcours exemplaire d'un d'entre vous qui n'est plus, mais à qui nous pensons ce soir, qui est Michel FONTAINE, évidemment, qui laisse derrière lui le souvenir d'un grand serviteur de l'État, d'un amoureux de La Réunion, profondément engagé dans la vie locale. Je veux m'incliner devant sa femme Lolita, sa fille Émilie, son fils Nicolas, dont la peine nous touche profondément, et devant tous les amis qu'il a ici, dans cette salle. C'est en effet pour servir les autres que Michel avait choisi la voie de la médecine. Il l'étudia à Grenoble, puis à Marseille, devint radiologue, et dès 1983 revint exercer à La Réunion, son île de cœur. L'engagement politique n'était pas très loin. Dès 1993, il est élu au Conseil régional, mène une vie locale ardente. Je sais qu'il a ici plusieurs compagnons de route qui pensent à lui et continuent ce combat. Il devient sénateur de 2011 à 2017, Président de la Civis, capitaine de la droite locale, marquant les mémoires à jamais aussi comme maire de Saint-Pierre, de 2001 à sa mort. Maire bâtisseur, il s'attela au chantier de l'eau, à la rénovation de sa ville, créé la gare Citalis, la ZAC Canabady, transforma le quartier de la Ravine Blanche, développa l'IUT, la Faculté de médecine, changea l'ancienne usine sucrière de Grands-Bois en centre culturel et littéraire.
J'aurais du mal à égrener ici tous les chantiers qu'il a portés et surtout ce style inimitable qui était le sien pour les défendre quand un ministre ou un Président venaient à fouler le sol de La Réunion. C'était une organisation méthodique où il avait plusieurs alliés qui venaient enserrer la personne et nul ne ressortait avant d'avoir dit oui et cédé à la réalisation des projets. Je vous rassure, il ne s'arrêtait pas à La Réunion et il continuait dans ses heures parisiennes. Il était en tout cas d'une efficacité qui n'avait d'égal que son amour pour La Réunion. Un maire à la croisée des horizons qui mit le sud au centre, si je puis dire, ancrant à Saint-Pierre le départ du Grand Raid, le festival de musique Sakifo, un maire qui fit corps avec sa ville.
Je sais combien les habitants le savaient, eux, qui le réélurent 3 fois. Ils avaient reconnu en leur maire cette étoffe très rare d'hommes qui rêvent haut, mais aussi et surtout qui rêvent en actes. Michel FONTAINE a fermé les yeux à Madagascar, la grande voisine, à qui il avait tant donné de lui-même au fil de ses décennies et surtout des nombreux chantiers humanitaires qu'il menait, en plus de ses engagements d'élu, y compris sur ses propres deniers, lançant dispensaire, multipliant les lieux de soins. Trois jours avant sa mort, cela dit beaucoup de lui, il venait à nouveau de donner des fonds pour ouvrir 3 classes d'école. Jusqu'au bout, il aura agi. Je voulais en tout cas avoir ces mots et évoquer sa mémoire devant vous et pour ses proches, parce que je sais combien il a compté et continue de compter pour La Réunion et beaucoup d'entre vous, d'entre nous. Mais le flambeau ne doit jamais retomber et La Réunion compte aussi sur vous, sur les talents d'aujourd'hui et qui ont déjà un parcours remarquable. Et je vais donc maintenant dire quelques mots sur chacun d'entre vous, puis vous décorer.
Madame Sophie BOUJU-CLEMENTE, il est des destins qui avancent à bonne foulée, si je puis dire, avec endurance et ténacité, c'est vous. Votre parcours est celui d'une coureuse de fonds infatigable, engagée de terrain, dévouée au monde associatif et aux autres. Et cette carrière, vous la commencez comme conseillère en création d'entreprises en 1987 au sein de l'association BGE, anciennement Boutique de gestion, dans le Lot-et-Garonne. Et armée de ce pragmatisme, de cette efficacité de grande gestionnaire, rodée lors de vos études à Montpellier et Bordeaux, vous prenez rapidement du galon. À partir de 1991, vous passez directrice de votre antenne, puis prenez pendant 16 années la tête de celle du Gard avant d'entamer la décennie 2010 comme responsable d'activité développement du BGE de La Réunion où vous déménagez. Sur ces presque trois décennies d'engagement, vous avez constamment montré une implication sans faille, reconnue d'ailleurs par tout le réseau, dans le conseil en création, en développement d'entreprises, d'abord avec un portefeuille de pas moins de 400 entreprises et 250 jeunes entrepreneurs, et ne cessant de multiplier les expériences et d'accompagner partout où votre passage vous a conduit cette excellence. Tout au long de votre riche parcours, vous avez fait bénéficier de nombreux étudiants de vos qualités, de votre expertise, donnant des cours aux étudiants des universités de Bordeaux, de Nîmes et de La Réunion, en plus de l'accompagnement des entrepreneurs : combatives, efficaces, vous êtes de ces citoyens qui, en effet, renforcent le tissu économique de notre pays sur tous les territoires, de celles et ceux qui croient dans une France qui innove, entreprend, ose. En 2014, vous avez ajouté un engagement à tout ceci, ceux d'enseignants et d'accompagnantes en entreprise, à travers une cause que nous étions en train d'évoquer avec le ministre d'État et vos élus, celle des violences intrafamiliales. En effet, en 2014, vous prenez la direction de l'association Réseau VIF à La Réunion. Et cela, là aussi, continue des initiatives que vous aviez pu prendre dans le Gard et partout dans l'Hexagone, car je sais que c'est un engagement qui vous tient ô combien à cœur. Ces 3 lettres, VIF, pour Violence Intrafamiliale, avec un seul but, améliorer la prise en charge tout en luttant contre les violences faites aux femmes à La Réunion, accompagner aussi les enfants, souvent premières victimes de ces situations terribles. Vous sensibilisez, vous contribuez à la prévention, mais aussi à la protection, et en lien très étroit avec les forces de sécurité intérieure et les magistrats, à la répression. Dans cet engagement associatif, encore, chacun reconnaît votre ténacité. Vous ne lâchez rien. Et celle-ci force le respect de tous. Bourreaux de travail, vous êtes sur tous les fronts, avec la justice, avec l'administration, interlocutrice précieuse des pouvoirs publics, déterminée à faire bouger les lignes, vous êtes à proprement parler ce qu'on peut appeler une femme de bonne volonté cherchant à accompagner nos étudiants, aidant celles et ceux qui entreprennent, protégeant celles qui sont plongées parfois dans le cauchemar d'une vie familiale qui est devenue une vie de souffrance. Vous avez, au milieu de cette vie d'engagement, quelques loisirs. Je sais que parfois, il vous arrive de fouler les sentiers et les chemins de randonnée de l'île. C'est celle-ci que vous avez choisie. Et ce choix de La Réunion, c'était aussi un peu pour vous l'appel du large. Vous travaillez depuis votre jeunesse d'expatrié au Maroc, aux côtés de vos parents. Et soyons honnêtes, vous vous êtes, je crois, parfaitement acclimaté à l'air réunionnais. Votre époux aussi devenu adjoint au maire de Saint-Paul, qui s'est pleinement engagé dans la vie de la cité. La Réunion était pour vous comme une évidence, avec cette culture du vivre ensemble, ce souci du partage, et je sais que c'est aussi aujourd'hui la terre de souvenirs familiaux heureux avec votre époux, mais également votre fille Marion, et ce que vous commencez à fabriquer avec votre petit-fils Achille. Alors, pour cette carrière au service de notre promesse républicaine, pour votre engagement aux côtés des victimes de violences dans les familles et les couples, pour cet engagement au cœur de la vie économique et estudiantine, j'ai le plaisir ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de la Légion d'honneur. Bravo.
Monsieur Christian PAILLER, " seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde y parviennent. " Cette phrase, je la dérobe à Henry DUNANT, fondateur de la Croix-Rouge. Elle vous va bien à bien des égards et elle dit quelque chose de votre tempérament. Dès avant de changer le monde, vous avez commencé par parcourir la France. « Petit gars de Barbezieux », selon vos propres mots, enfant de la Charente, vous suivez les cours de l'école hôtelière à Poitiers avant de fonder votre entreprise de transport dans les Alpes-Maritimes. Oui, dès le début, vous décidez de voyager, prenant tous les sentiers, même les plus improbables, et en 1990, vous plaquez tout et prenez une année sabbatique, et vous vous engagez à la Croix-Rouge. Je crois que je peux dire ce soir que ce sera la passion d'une vie. Tant et si bien que deux ans plus tard, vous partez en mission, et pas n'importe où. Nous sommes en 92, la Croix-Rouge française vous confie la gestion d'un centre d'accueil de réfugiés en Slovénie, cette terre de l'ex-Yougoslavie, donc au cœur de la mêlée et de l'histoire. Engagé par la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, vous partez l'année suivante en Guinée forestière, et cette fois-ci, vous êtes délégué administrateur secours pour un programme d'aide alimentaire à destination des réfugiés libériens à la frontière entre Libéria et Sierra Leone. Autre théâtre de conflit, zone terrible où plus de 700 000 personnes sont déplacées. Premières expériences rudes aussi, qui vous confrontent à l'atrocité. Vous vacillez un peu, vous doutez peut-être, puis un haut-commissaire aux réfugiés de l'ONU vous lance : « Si tu n'es pas là, qui va les aider ? » Alors, vous vous accrochez et vous ne doutez plus jamais. Ce qui était votre premier séjour en Afrique, c'est de fait redoublé de tant d'autres. J'aurais du mal à être, là aussi, exhaustif. En 94, vous rejoignez Madagascar où vous intervenez à la suite des cyclones Daisy et Geralda. On compte 500 000 sinistrés à l'époque. En 95 et 96, vous coordonnez les opérations d'assistances aux réfugiés kabindais, angolais au Congo, vous illustrant à nouveau dans tous les domaines de l'urgence humanitaire à l'éducation. En 97, vous entrez à la Direction des relations et des opérations internationales de la Croix-Rouge française, êtes nommé délégué développement auprès des Croix-Rouge nigériennes et tchadiennes, puis à partir de 98, auprès du Croissant-Rouge comorien, et œuvrez de ce fait à son rapprochement avec la Croix-Rouge française, partout, toujours, en équipe. Puis arrive 2001. 2001, vous vous installez à La Réunion, pas vraiment pour laisser libre cours à votre passion pour la pêche à la mouche, non. Vous contribuez plutôt à la création, ce qui est une vraie fierté, de la Plateforme d'Intervention Régionale de l'océan Indien de la Croix-Rouge française, PIROI. Contribuant d'ailleurs à cette plateforme que nous soutenons et à laquelle nous tenons ô combien, nous aurons l'occasion de la défendre demain et après-demain, Madagascar et dans le cadre de la COI, et vous mettez en place des programmes de gestion de risques et de catastrophes avec Les Comores, Madagascar, Maurice, Les Seychelles, le Mozambique, la Tanzanie, et pour la France, La Réunion et Mayotte, menant une très importante campagne de prévention. Je pense, entre autres, parmi tous les projets que vous avez eus à conduire ces dernières décennies, à travers ces fonctions, au projet qui a vu le jour en 2011, sous votre impulsion « Paré pas Paré » qui vise à sensibiliser la population réunionnaise au risque de catastrophes naturelles affectant l'île. Depuis sa création, 150 000 élèves réunionnais de CM1, CM2, 6ème ont été ainsi sensibilisés au risque des cyclones, volcans, vagues et inondations. Et je crois que l'expérience récente a montré combien celle-ci était importante. À cet égard, le PIROI Center, tout juste inauguré, partenaire précieux des services de l'État et de La Réunion, participe ainsi pleinement du rayonnement et de la stratégie régionale de la France dans l'océan Indien. Et je sais, là aussi, combien chacun sait pouvoir compter sur vous dans cet engagement. Voilà, Christian PAILLER, c'est tout cela ; de l'audace, de la débrouillardise, un esprit visionnaire à la fois, un engagement sans faille depuis ces années 90 où vous avez rejoint les combats humanitaires et les situations les plus difficiles. Un homme d'action dont chacun reconnaît le calme légendaire, la très grande diplomatie, l'humilité, qui fait la fierté de ses deux fils, Adrien et Théo, et de sa compagne Fabienne, et qui, quand il ne gère pas une crise naturelle, rêve, je crois, jardinage ou pense aux hélicoptères qu'il se prépare à bientôt piloter. Il faut continuer d'avoir des rêves. Cher Christian, pour cet engagement sans faille dans l'humanitaire, cette vie au service de celle des autres, à braver tous les dangers, et depuis plus de 20 ans à La Réunion au service de chacune et chacun, j'ai le plaisir de vous remettre les insignes de chevalier de la Légion d'honneur.
Madame Jasmine LATCHIMY-DIJOUX. Défense et illustration de la langue française, si je puis dire. C'est ainsi qu'on pourrait nommer votre parcours en plagiant du Bellay. Illustration d'abord, parce que, outre les paysages de Saint-Paul où vous êtes nés et des Hauts où vous avez grandi, entourés de vos deux frères et sœurs, c'est la littérature qui vous a façonnés. Des heures passées dans la bibliothèque municipale au prix littéraire du collège que vous rafliez systématiquement. Après un bac littéraire, une licence de lettres modernes à l'Université de La Réunion, vous êtes diplômés au CAPES dans cette même discipline et enseignez pendant 8 ans le français et le créole au lycée. Vous quittez l'estrade du professeur pour rentrer à nouveau dans la peau d'un élève en 2006 quand vous entreprenez un master interculturalité océan Indien. Vous couronnez ce parcours par votre thèse en langue et culture régionale et vous y menez une enquête linguistique sur des élèves de maternelles créolophones en situation d'illettrisme et de décrochage scolaire. Défense de notre culture, telle est l'illustration, oui. Défense de notre langue, ensuite. Depuis plus de 20 ans, vous promouvez l'apprentissage de la langue française et tout spécialement la lutte contre l'illettrisme. Vous êtes une professeure passionnée, vous avez rejoint l'Institut universitaire de formation des maîtres de La Réunion de 2006 à 2009. En 2009, vous rejoignez le département d'études créoles du lycée général et technologiste Évariste de Parny, où vous enseignez jusqu'en 2011. Et en parallèle de ces classes, vous intervenez de 2009 à 2011 auprès de l'Observatoire de l'illettrisme, puis de 2012 à 2018 auprès de la Direction d'orientation et d'insertion professionnelle, avec toujours la même obsession, défendre notre langue, et aller chercher les plus jeunes qui n'ont pas eu le droit parfois à la meilleure éducation et qui n'ont pas accès à celle-ci. Allez aussi chercher toutes celles et ceux qui, dans la région, connaissent une autre langue, mais n'ont pas encore accès au français. Et ce faisant, vous êtes tout à la fois, l'une de celle qui a façonné la meilleure intégration régionale de La Réunion, qui ne peut passer que par le multilinguisme et qui ne vous est jamais résolue devant l'assignation à résidence et les inégalités de départ. En 2018, vous devenez professeur à l'Institut de l'illettrisme, un département de l'Université de La Réunion qui a pour vocation la recherche et la formation dans le domaine de la construction des apprentissages et des savoirs élémentaires. Vous proposez alors de mener des recherches axées sur le langage oral des élèves qui apprennent à déchiffrer, encore et toujours. Professeure, chercheure, vous êtes au cœur de tant et tant d'initiatives. Entre 2018 et 2019, alors que vous êtes administratrice provisoire de l'Institut de l'Illettrisme, nommé Illett, vous multipliez les partenariats comme des traits d'union. Et c'est ainsi qu'en toute logique, vous êtes nommée directrice de l'Illett en 2019. Les travaux linguistiques que vous y avez menés, que vous continuez, portent encore davantage le travail contre l'illettrisme, mais aussi les échanges avec les différentes langues de l'océan Indien. Là aussi, j'aurais bien du mal à citer toutes les initiatives. La recherche, l'outillage scolaire, l'éducation, la lutte contre l'illettrisme, l'innumérisme, l'illectronisme et le décrochage scolaire, vous êtes au cœur de tous ces combats. Votre grand-mère était matrone, c'est-à-dire accoucheuse à domicile. Vous avez un peu une forme de fidélité à cette vocation. Vous accouchez les esprits, y compris en allant les chercher chez eux. Et au milieu de toutes ces mises au monde, saluons celles de vos trois filles, Lola, Jade et Surya, et du soutien constant de votre mari, Patrice-Joseph, durant tous ces combats. Vous avez grandi sur un volcan toujours en activité, et c'est sûrement de lui que vous tirez l'énergie permanente qui caractérise votre capacité d'entreprendre. Chère Jasmine, parce que vous êtes la porte-parole de notre langue française, parce que vous êtes aussi le porte-drapeau d'une France au milieu de l'océan Indien, que vous êtes cette femme de lettres engagée pour la transmission, pilier de l'égalité des chances promues par la République, je suis très heureux et très fier ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de l'Ordre national du Mérite.
Madame Maryse MOUNIER, vous faites flotter ce soir à travers le rang de nos invités comme un parfum de vanille. C'est une fierté pour toutes les réunionnaises et les réunionnais qui sont là. Le parfum de notre enfance, le parfum exotique des explorateurs de l'île Bourbon, le parfum des fins gourmets de l'île. Et pour vous, le parfum d'un succès que vous avez écrit de manière improbable. Oui, vous avez comme une vie embaumée de parfums. Parfums pourtant d'abord des fromages de l'Ariège, puisque c'est là que vous faites vos armes, si je puis dire, dans une fromagerie de l'Ariège qui porte le nom d'un de ses produits, le Bamalou. Vous passez un an entre les fumées de Bethmale et du Moulis, les fromages réputés de la région. Parfum des tropiques, ensuite, auxquels vous succombez. Après 8 ans comme responsable de rayon, vous vous envolez pour La Réunion. Parfum d'ailleurs, donc. Puisque responsable de magasins de la grande distribution, vous devenez responsable cuisine pour le restaurant Les Fins Gourmets à Saint-Denis. Et votre parcours sucré-salé ne manquait déjà pas de piment, mais vous avez décidé de l'épicer encore lorsqu'en 2003, vous passez le certificat d'aptitude professionnelle agricole. Ce monde agricole vous fascine, vous passionne, et vous avez raison, nous sommes plusieurs dans le même cas ici autour de vous. La culture, la récolte, le débroussaillage, l'entretien du matériel, plus rien n'a de secret pour vous. Maraîchage, verger de litchi, expérimentation sur la conduite de la vanille. Après avoir travaillé dans le monde des cordons bleus, vous passez à celui des mains vertes en touchant à peu près à tout parfum de terre battue, parfois aussi. De 2007 à 2010, vous vous investissez dans le Tennis Club Le Vacoas de Saint-Benoît, dans lequel chacun salue l'engagement remarquable, l'initiatrice, juge, arbitre, responsable du centre de formation, engagement en plus de toutes vos vocations agricoles. Mais surtout, durant ces années, vous allez créer votre propre plantation de vanille. Vous avez, en effet, réuni toutes les compétences pour créer cette exploitation. Et je dois le dire, cette réussite est reconnue de tous. En 2010, vous quittez la ville en direction de la forêt de Sainte-Rose où vous vous installez en milieu naturel avec une plantation de vanille de 5 hectares, 300m d'altitude. Et depuis Saint-Denis, il faut traverser un pont suspendu, dépasser le village de la rivière de l'Est pour découvrir les magnifiques paysages que vous avez su bâtir et auxquels vous contribuez. Tout cela, vous le faites avec une fidélité constante, au savoir-faire, mais aussi à l'histoire de La Réunion. Vous racontez volontiers que c'est en mémoire à un jeune esclave du XIXe siècle, nous l'évoquions d'ailleurs avec plusieurs élus tout à l'heure, Edmond ALBIUS qui, à 12 ans, découvrit ce procédé. Vous continuez avec fidélité ces pratiques culturales. Et du bourgeon floral aux gousses affinées, la vanille Bourbon réclame une attention de toutes les heures que vous lui accordez avec un savoir-faire qu'année après année, vous avez su bâtir. Entre 2014 et 2018, vous mettez en effet en place une parcelle expérimentale et variétale de vanille avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique, vous variez votre production, vous n'avez au fond jamais cessé d'avancer, d'inventer, et ce faisant, de signer votre amour pour La Réunion, la vanille, ses pratiques, et je sais combien, là aussi, votre époux, Guylain, vous accompagne sur ce chemin. Cette passion, vous aimez la partager en faisant visiter votre exploitation, et vous faites partie des quelques-unes et des quelques-uns qui avaient mis au cœur cet or noir de La Réunion en sachant lui donner un nouveau destin. Parce que vous alliez avec doigté la mise en valeur du parc national et la protection des espèces, parce que vous mariez dans les odeurs de la vanille écologie et économie, tradition et innovation, je suis très heureux ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de l'Ordre national du Mérite.
Enfin, Monsieur le Président, cher Cyrille MELCHIOR, cher Cyrille. Votre carrière, à vous, est une vie de temps long. Si je puis utiliser cette formule, " la force Cyrille, la force tranquille. " Ce temps long, celui du dévouement à la cité, qui, chez vous, devient principe de vie. D'abord dans la fonction publique territoriale, puisque vous la rejoignez en 1983, en tant que volontaire à l'aide technique auprès de la région Réunion, puis comme chef du service Budget et Finances. Passage ensuite en 1999 par la mairie, mairie de Salazie, comme directeur général des services. Puis à partir de 2004, dans les communautés de communes, vous êtes directeur général adjoint en charge des Finances de Réunion-Est, puis intégrez en 2009 le cabinet du Président de Villes solidaires. Avec votre sens du terrain, du terroir, votre engagement aussi, nous venons encore de l'évoquer à l'instant, au service de l'humain, vous vous donnez les moyens d'une belle carrière politique. Élu conseiller général de La Réunion en 2000, les urnes vous renouvellent par trois fois, en 2001, 2008, 2015 cette fois comme conseiller départemental. Avec ce même désir de faire et d'agir à l'échelle municipale, vous vous engagez, là aussi, dès 2014, et devenez deuxième adjoint du maire de Saint-Paul, chargé des Finances et du Budget, et dixième vice-Président de la communauté d'agglo Territoire de la Côte-Ouest. Et puis, en 2017, c'est pour vous un tournant. C'est arrivé à quelques autres dans cette salle. Vous accédez à la présidence du conseil départemental. Un choix qui sera renouvelé par les urnes en 2021. Reprenant le flambeau à Madame Nassimah DINDAR, à qui j'ai une pensée ce soir aussi, je lui dis mon amitié, vous poursuivez le travail pour l'épanouissement humain, le développement territorial, l'intelligence institutionnelle. Consécration de cet art du dialogue qui est le vôtre, de ce souci de toujours trouver des solutions équitables, de changer la vie des gens, de mener des projets ambitieux, porteurs pour le territoire, avec pragmatisme et lucidité. Et de fait, je pourrais égrener nombre, là aussi, de chantiers de ces dernières années, menés souvent ensemble avec ce souci du partenariat constant avec les préfets successifs, les services de l'État et des ministres, le travail de fond mené avec les communes autour du Pacte de solidarité territoriale, je salue les maires qui y ont ici beaucoup contribué à vos côtés, la recentralisation du RSA, et dans le contexte post-Covid, ce vaste plan départemental de relance économique et sociale chiffré à 570 millions d'euros. Je pourrais reparler de notre souveraineté agricole et, là aussi, du plan d'action conduit, bien avant beaucoup d'autres, qui a permis des résultats remarquables. Autant de sujets, autant de raisons de vous engager dans des dossiers avec zèle et persévérance comme vous l'avez fait durant toutes ces années. Et je sais, ô combien, cette persévérance est appréciable. J'ai pu, je dois le confier, moi-même, en bénéficier lors des campagnes aux européennes ou ailleurs. Et je sais votre sens de la constance et de l'engagement. Le temps long, c'est aussi celui que connaît tout homme, qui, comme vous, s'occupe assidûment de son jardin chaque matin, quitte à y prendre les premiers appels de ses collaborateurs, à y surveiller ses fruits, ses richesses, à être attaché aussi au bruit de son île et à tout ce qui la constitue. Je sais combien pour vous certaines richesses ne sauraient disparaître et débouquant de votre canton, ces aires créoles que vous attaquez parfois à la guitare les soirs de victoire électorale font partie de ce que vous préservez avec un soin extrême. Parce que le temps long, au fond, pour vous, c'est La Réunion. Un temps dont vous mesurez ce qu'il apporte de défis pour chaque génération : la départementalisation avec son changement de paradigme et ses opportunités, et demain l'avenir du territoire face aux effets du dérèglement climatique. Et face à cela, l'intranquillité d'un homme qui ne prend jamais une minute. Toujours, sans cesse, vous œuvrez, vous travaillez pour les autres, pour agir, pour vous préparer aux nouveaux enjeux de l'intelligence artificielle, de l'environnement, de la vitalité démocratique, tout ce que vous demande aussi votre travail de prospective à la tête de la Commission outre-mer de l'Assemblée des départements de France, cherchant sans cesse à innover, agir au service des autres, avec cette volonté d'efficacité économique, mais ce souci de la justice, de l'équité. Le temps long, toujours ambitieux, ambitieux bâtisseur en matière d'insertion, d'éducation, d'aménagement, d'agriculture. Et durant ces décennies de fonctionnaire territorial, d'élu, sous ces différentes fonctions que je viens de rappeler, vous avez servi votre territoire, vous avez servi les réunionnaises et les réunionnais, et vous l'avez fait constamment avec le soutien et la fierté indéfectibles de votre épouse Marie-Jo et de vos deux enfants, Émilie et Nicolas. Alors oui, cher Cyrille, vous êtes un homme de la terre avec une forme de sagesse voltairienne, et je sais combien vous continuerez d'agir avec ce même souci de l'intérêt général. Aussi pour cette vie d'engagement, pour ce dévouement à la chose publique et au territoire de La Réunion, j'ai le plaisir et l'honneur ce soir de vous remettre les insignes de chevalier de l'Ordre national du Mérite.
Madame Sophie BOUJU-CLEMENTE, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de la Légion d'honneur.
Monsieur CHRISTIAN PAILLER, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de la Légion d'honneur.
Madame Jasmine LATCHIMY-DIJOUX, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de l'Ordre national du Mérite.
Madame MARYSE MOUNIER, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de l'Ordre national du Mérite.
Monsieur CYRILLE MELCHIOR, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de l'Ordre national du Mérite.
Bravo à tous !