Déclaration de M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, sur la politique de l'énergie, à l'Assemblée nationale le 28 avril 2025.

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  • Marc Ferracci - Ministre chargé de l'industrie et de l'énergie

Circonstance : Déclaration du gouvernement sur la souveraineté énergétique de la France, suivie d'un débat à l'Assemblée nationale

Texte intégral

(…)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie
Je souhaite remercier en mon nom et en celui du gouvernement tous les participants à ce débat nécessaire et utile qui sera doublé le 6 mai d'un second débat semblable tenu au Sénat. Ces échanges nous enseignent que nos positions divergent quant aux questions essentielles de la transition et de la souveraineté énergétiques et qu'il faut donc faire preuve de prudence, documenter ses arguments et faire confiance aux faits. C'est à eux que je reviendrai pour répondre aux critiques formulées par les différents intervenants.

Je relève cependant une convergence sinon totale, du moins réunissant la quasi-intégralité des bancs, quant à la nécessité de décarboner notre économie pour sortir d'une forme de dépendance, voire de soumission, aux énergies fossiles et aux États qui la produisent et l'exportent. C'est l'enjeu essentiel qui doit tous nous guider dans l'élaboration d'une stratégie énergétique.

Le but de ce débat est de nous doter d'une programmation susceptible de nous mener vers une énergie abondante, décarbonée et compétitive. Nous ne débattons pas pour le plaisir de débattre : comme l'a dit le premier ministre, la programmation pluriannuelle de l'énergie connaîtra des évolutions à la suite de nos débats et de l'examen de la proposition de loi du sénateur Gremillet qui aura lieu à l'Assemblée nationale en juin.

J'en viens aux propos tenus par les orateurs des différents groupes politiques.

Je commencerai par le Rassemblement national, qui s'est exprimé en premier. Mme Le Pen a parlé du " paradis énergétique " qui adviendrait si le Rassemblement national pouvait appliquer son programme. Je ne pense pas que ce terme soit le plus approprié. Ce n'est pas un paradis que de rester aussi dépendants des énergies fossiles que nous le sommes. Je rappelle que 60% de notre consommation énergétique est liée aux énergies fossiles, que nous importons 99% des énergies fossiles que nous consommons et qu'elles proviennent de pays qui ont fait, ces dernières années ou ces derniers mois, la preuve de leur instabilité voire de leur hostilité. Il est essentiel de nous défaire de cette dépendance. Nous ne devons pas aller vers un paradis où nous aurions pour interlocuteurs la Russie (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), les États-Unis d'Amérique et l'Arabie Saoudite, mais vers davantage d'autonomie et vers moins de dépendance.

Un élément du discours du Rassemblement national, d'ailleurs repris par d'autres, ne me semble pas correspondre à la réalité ; c'est l'idée selon laquelle la programmation pluriannuelle de l'énergie serait un texte de décroissance.

M. Jean-Philippe Tanguy
Lisez la programmation ! C'est marqué dedans !

M. Marc Ferracci, ministre
La consommation énergétique a vocation à baisser au cours des années. Cela signifie-t-il que nous imposons la décroissance à notre économie et à nos concitoyens ? Non.

M. Emeric Salmon
Si !

M. Marc Ferracci, ministre
Les deux piliers sur lesquels nous fondons cette trajectoire de diminution énergétique sont la sobriété et l'efficacité. Il est possible de continuer à produire autant, de maintenir nos usages et notre niveau de vie, en gagnant en sobriété et en efficacité. Décroissance ne signifie pas affaiblissement du niveau de vie ni de la compétitivité des entreprises.

M. Jean-Philippe Tanguy
Il faut arrêter le moulin à prières !

M. Marc Ferracci, ministre
Monsieur Tanguy, vous avez affirmé avoir eu raison avant tout le monde. Je me permets de nuancer votre propos ; le sujet du nucléaire n'est pas nouveau…

M. Jean-Philippe Tanguy
Oh là là !

M. Marc Ferracci, ministre
…et a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport du haut-commissariat au plan en mars 2021. À l'appui de votre stratégie du tout-nucléaire, vous avancez plusieurs arguments qui me semblent pour le moins fragiles. D'abord, les réacteurs nucléaires que nous allons commencer à construire ne seront disponibles qu'en 2038.

M. Jean-Philippe Tanguy
C'est de votre faute ! C'est parce que vous êtes nuls !

M. Marc Ferracci, ministre
D'ici là, monsieur Tanguy, il nous faut assurer aux entreprises, aux citoyens et aux ménages français le bénéfice d'une électricité à des prix compétitifs.

M. Jean-Philippe Tanguy
La nullité, ce n'est pas un argument !

M. Marc Ferracci, ministre
Pour cela, nous avons besoin du relais des énergies renouvelables, qui nous a été indispensable lorsqu'en 2022 et en 2023, notre parc nucléaire a connu de très graves difficultés,…

M. Jean-Philippe Tanguy
Par votre faute !

M. Marc Ferracci, ministre
…du fait de la corrosion sous contrainte (M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame),…

Mme Julie Laernoes
La corrosion sous contrainte, c'est un problème technique !

M. Marc Ferracci, ministre
…d'une vague de froid et de problèmes de nature industrielle, que tout peut…

M. Jean-Philippe Tanguy
C'est de votre faute, vous êtes des nuls !

Mme Julie Laernoes
Ça va pas la tête ?

Mme Dominique Voynet
Grossier personnage !

M. Marc Ferracci, ministre
Monsieur Tanguy !

Mme la présidente
Monsieur Tanguy, s'il vous plaît !

M. Marc Ferracci, ministre
Je pense que ce débat a été digne. Sachez que la vocifération ne rend pas vos arguments plus convaincants.
Tout le monde a pu constater que, lorsque notre parc nucléaire rencontre des difficultés,…

M. Emeric Salmon
Par votre faute !

M. Marc Ferracci, ministre
…nous avons besoin des renouvelables pour en assurer le relais. C'est ce qui s'est passé en 2022 et en 2023, et je pense que la nécessité de garantir la sécurité et la responsabilité nous imposent de prendre des marges.

M. Jean-Philippe Tanguy
C'est faux !

M. Marc Ferracci, ministre
Nous n'aurions à aucun moment parlé du coût de la transition énergétique. (M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame.) C'est ce que vous avez dit, monsieur Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy
Ce n'est pas possible de mentir comme ça !

Mme la présidente
Monsieur Tanguy, s'il vous plaît !

M. Jean-Philippe Tanguy
Mais il ment !

M. Marc Ferracci, ministre
Monsieur Tanguy, vous pouvez avoir des difficultés à reconnaître les faits mais ils sont têtus. En 2022 et en 2023, tout le monde a constaté ce qui est arrivé.

Vous avez donc prétendu que nous n'avions à aucun moment évoqué le prix de la transition, mais le premier ministre l'a fait dans son propos liminaire. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

Vous avez estimé qu'en raison du niveau trop élevé des prix de l'énergie, il n'y aurait bientôt plus d'industrie en France. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons fait le choix de proposer aux industriels –? les négociations afférentes se concrétiseront d'ici au 1er janvier 2026 – une électricité sur des horizons temporels suffisamment longs et à des prix compétitifs, en particulier pour les industriels électro-intensifs. C'est pour cela que le taux d'accise applicable aux plus intensifs s'élève à 50 centimes d'euro par mégawattheure. Notre système prévoit déjà des aménagements et il y en aura plus encore demain. Ces aménagements permettent et permettront à nos industriels de bénéficier d'une électricité décarbonée telle qu'ils luttent à armes égales avec leurs concurrents internationaux. À cet égard, il faut également étudier ce qu'il est possible de faire et ce qu'il sera possible de faire dans l'avenir.

Monsieur Amblard, vous avez évoqué l'idée d'un moratoire sur les ENR. Je ne reviens pas sur ce que je viens de dire. Très concrètement, un tel moratoire nous conduirait tout droit vers ce que les députés Armand et Schellenberger ont appelé un " effet falaise " dans le rapport fait au nom de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France. Nous avons besoin du relais des ENR et le moratoire que vous proposez garantirait un blackout, c'est-à-dire l'indisponibilité d'un certain nombre de consommations énergétiques dans les plus brefs délais.

M. Maxime Amblard
Répéter des mensonges n'en fera pas des vérités !

M. Jean-Philippe Tanguy
Et en Espagne, il se passe quoi, là ?

M. Marc Ferracci, ministre
Vous avez dit, monsieur Amblard, l'importance de la recherche et appelé de vos vœux la mise en service, à l'horizon 2030, de petits réacteurs nucléaires modulaires calogènes.

Il se trouve qu'une décision a précisément été prise en ce sens lors de la réunion, le 17 mars, du quatrième Conseil de politique nucléaire, présidé par le président de la République. Il s'agit donc d'un point de convergence entre nous –? c'est suffisamment rare pour que je me permette de le signaler. Vous appelez de vos vœux quelque chose qui existe déjà : des projets financés par France 2030 devraient, de fait, trouver leur application industrielle à l'horizon 2030.

Vous avez en outre souhaité que soient menées des recherches sur la gestion des déchets, la fermeture du cycle du combustible nucléaire. Le Conseil de politique nucléaire a également pris des décisions en ce sens.

Vous avez demandé le développement de la cogénération. Or notre parc nucléaire historique n'a pas été conçu pour la cogénération.

M. Maxime Amblard
Je parle des nouveaux réacteurs !

M. Marc Ferracci, ministre
Je vous réponds à ce sujet : il se trouve que la conception des réacteurs de type EPR ne prévoit pas non plus la cogénération. Il faut donc que nous disposions de réacteurs calogènes, de réacteurs qui produisent de l'électricité. C'est justement ce en vue de quoi nous travaillons.

Enfin –? et je crois que cela résume assez bien le positionnement du Rassemblement national sur l'énergie, fait de nombreux vœux pieux et d'ambitions déraisonnables et irréalisables –, vous avez appelé de vos vœux la multiplication par dix de la capacité de stockage hydraulique. Très sincèrement, pour qui s'intéresse à nos capacités de production hydraulique,…

M. Maxime Amblard et M. Jean-Philippe Tanguy
Nous parlons des Step !

M. Jean-Philippe Tanguy
Ce n'est pas possible !

M. Marc Ferracci, ministre
…aujourd'hui, il s'agit d'un objectif inatteignable…

M. Jean-Philippe Tanguy
Apprends à lire !

M. Marc Ferracci, ministre
…et déraisonnable. Vous pouvez me tutoyer, monsieur Tanguy. Je n'en resterai pas moins serein et courtois, comme vous n'ignorez pas que je sais l'être.

M. Jean-Philippe Tanguy
Ça ne sert à rien d'être courtois si vous mentez !

M. Marc Ferracci, ministre
J'en viens aux prises de parole du groupe EPR. Monsieur Fugit, vous avez eu raison d'indiquer que la souveraineté énergétique constituait le sujet essentiel de notre débat. Vous défendez cet objectif de souveraineté en tant que président du Conseil supérieur de l'énergie et je sais votre engagement à cet égard.

Vous avez rappelé la nécessité de financer de manière ambitieuse la recherche et l'innovation. Je rappelle quelques chiffres –? je réponds également en cela aux remarques précédentes –? : les investissements consentis au titre du programme France 2030 s'élèvent en 2024, en cumulé, à 626 millions d'euros pour les petits réacteurs modulaires, à 1,476 milliard pour l'hydrogène –? je sais que vous y êtes particulièrement sensible – et les ENR, et à plusieurs centaines de million pour la production de chaleur bas-carbone.

Vous avez eu raison de rappeler que notre système doit faire face aux enjeux de la résilience, qui réclame de la flexibilité, suivant différentes modalités –? interconnexions et capacités de stockage. Je pense que c'est à ce prix que nous atteindrons la souveraineté énergétique.

Madame Givernet, je veux d'abord saluer votre action en tant que ministre de l'énergie, en particulier le fait que vous ayez mené à son terme le travail de réflexion et de concertation relatif à la troisième PPE. Cela permet de répondre à un certain nombre de critiques : il y a eu de la concertation et de la consultation, pendant deux ans. Plusieurs institutions ont notamment été consultées, où siègent d'ailleurs des parlementaires, tel le Conseil supérieur de l'énergie.

Vous avez indiqué à raison que nous avions besoin de maîtriser nos consommations. C'est pourquoi l'objectif de consommation en 2035 s'élève à 1 100 térawattheures par an, contre 1 500 aujourd'hui. J'y insiste encore : cela n'implique pas la décroissance, mais la sobriété et l'efficacité.

Vous avez ouvert une réflexion, dont je pense que le gouvernement peut se saisir, même si je n'en garantis pas l'aboutissement et l'atterrissage, sur l'idée que la fiscalité de l'électricité ne doit pas être moins avantageuse que celle qui s'applique aux énergies fossiles. Il s'agit à mon sens d'un sujet susceptible de faire l'objet, dans les prochains mois, d'une discussion entre le gouvernement et le Parlement. J'appelle cette discussion de mes vœux.

Vous avez enfin évoqué, au sujet de l'électrification des usages –? j'y reviendrai de manière plus exhaustive car nombre d'intervenants y ont fait référence –, la nécessité de développer, notamment, des bornes de recharge. Sachez que le ministre Éric Lombard et moi-même avons préparé des annonces, qui seront faites dans les prochaines semaines, visant à donner un nouvel élan à la croissance de notre parc de bornes de recharge électrique et à l'appropriation de ces bornes par les citoyens.

Mme Klinkert a abordé la relance politique et les occasions que le nouveau gouvernement allemand nous permet peut-être de saisir. Je pense en effet qu'une fenêtre d'opportunité s'ouvre pour agir à l'échelon européen suivant l'agenda de la France et en particulier soutenir l'énergie nucléaire, discuter des interconnexions et de la flexibilité au niveau transfrontalier. Nous aurons l'occasion de reparler de cette occasion d'agir.

Monsieur Le Gac, vous avez évoqué les énergies marines. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble de votre propos mais je dirai que nous estimons également nécessaire de lancer des appels à projets, en particulier s'agissant de l'éolien en mer, qui a atteint, dans certaines configurations, un haut niveau de compétitivité économique. C'est particulièrement vrai pour l'éolien posé, moins pour le flottant, et nous devons le garder en tête. En tout état de cause, le dixième appel d'offres pour l'éolien en mer est conditionné à la publication de la PPE, dont j'espère qu'elle sera publiée dans quelques mois.

Je rappelle également, puisque vous avec parlé de l'hydrolien, que la PPE mentionne le lancement d'un appel à projets relatif à cette technologie qui en est encore au stade expérimental, à hauteur de 250 mégawatts. Nous observerons la réaction des acteurs.

Je me tourne vers le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire. Monsieur Laisney, vous avez prophétisé…

M. Maxime Laisney
Démontré !

M. Marc Ferracci, ministre
…qu'auraient lieu une pénurie d'électricité dans les quinze ans et une explosion des prix dès maintenant. Je vous rappelle seulement que toute notre stratégie est conçue pour éviter la pénurie d'électricité. Si nous développons les ENR, si nous projetons de construire des EPR, c'est précisément à cette fin. S'agissant de l'explosion des prix, je ne citerai qu'un chiffre : les tarifs réglementés ont connu en moyenne, au 1er février, une baisse de 15%, en conséquence des choix qui ont été faits. (M. Maxime Laisney s'exclame.)

Vous évoquez le risque de disparition des tarifs réglementés de vente (TRV) de l'électricité. J'ai eu l'occasion de répondre dans cet hémicycle à certaines interpellations à ce sujet. Il se trouve que la France, à l'échelon européen, défend les TRV. J'ai moi-même adressé à la Commission européenne, il y a quelques semaines, un rapport où sont formulés tous les arguments nécessaires au maintien des TRV. Je pense que, de ce point de vue, vous êtes à côté de la réalité : nous sommes attachés à ces tarifs réglementés et le resterons.

Vous citez l'étude de l'UFC-Que choisir qui anticipe une hausse des prix de l'électricité. Je veux dire très clairement –? je m'en suis expliqué avec la présidente de l'UFC, que j'ai rencontrée il y a quelques semaines – que cette étude, d'un point de vue méthodologique, ne permet en aucune manière de démontrer que les prix de l'électricité augmenteront l'année prochaine. Au titre des tarifs réglementés, une telle augmentation n'aura pas lieu. Cette étude applique le cadre post-Arenh, qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2026, à des données passées. L'UFC en a convenu : il s'agit d'une étude prospective, qui n'est pas en mesure d'anticiper l'évolution des prix. (M. Maxime Laisney s'exclame.) Il faut être très clair à ce sujet, car nos concitoyens y sont évidemment très sensibles.

Enfin, je reprends votre propos, selon lequel la sobriété et l'efficacité auraient été « snobées » –? c'est le terme que vous avez employé.

M. Maxime Laisney
Tout à fait !

M. Marc Ferracci, ministre
Or le fait que nous nous soyons donné pour objectif de faire passer notre consommation annuelle de 1 500 à 1 100 térawattheures ne justifie pas une telle affirmation –? ou alors, si vous le pensez, c'est que nous n'avons pas tout à fait la même conception des chiffres.

Monsieur Tavel, vous avez également parlé de la sobriété et de l'efficacité ; je n'y reviens pas. Vous avez estimé que le nouveau nucléaire français (NNF) arriverait trop tard. C'est pour cette raison que notre stratégie marche sur deux jambes et que nous souhaitons soutenir la production d'électricité lors des prochaines années au moyen des ENR.

Selon vous, nous avons, ou aurions –? je ne sais pas si vous parlez au conditionnel –, le projet de privatiser les barrages pour faire plaisir à la Commission européenne.

M. Matthias Tavel
En effet !

M. Marc Ferracci, ministre
Mais, comme le sait Mme Battistel, qui connaît très bien ce sujet, un contentieux nous oppose depuis 2015 à la Commission européenne, précisément parce que la France refuse de mettre en concurrence ses concessions hydroélectriques. C'est la position que nous maintenons et que nous maintiendrons. Si, donc, il y a un pays auquel on ne peut faire le grief que vous lui faites, c'est bien la France.

M. Matthias Tavel
J'ai parlé de la propriété des barrages !

M. Marc Ferracci, ministre
J'en viens au groupe Socialistes et apparentés. La position du gouvernement s'accorde avec celle de Mme Pic sur un grand nombre de points : il n'est pas possible de se passer du nucléaire pilotable ; il est urgent de publier la PPE ; il faut développer les énergies marines, marémoteur et hydrolien –? je ne reviens pas sur la nécessité de publier la PPE pour lancer les appels d'offres relatifs à l'éolien en mer et sur le fait que nous préparons un appel à projets s'agissant de l'éolien dans le cadre de la PPE.

Madame Battistel, vous avez évoqué un certain nombre de manques, qui feraient l'objet d'un avis, qui n'est pas un rapport –? il ne compte que quelques pages –, de l'Académie des sciences. Je rappelle que cette dernière s'est prononcée fin 2024 au sujet de la PPE, pour souligner qu'elle présentait un important " point fort " : le nucléaire.

M. Jean-Luc Fugit
C'est vrai !

M. Marc Ferracci, ministre
Vous avancez l'idée selon laquelle la PPE serait déséquilibrée en faveur des renouvelables et au détriment du nucléaire. Je le rappelle, car la relance du nucléaire n'est pas pleinement prise en compte par l'avis de l'Académie publié le 8 avril dernier. Il faut dire que l'Académie a mis en avant les points forts de la PPE.

Je tiens à saluer le travail que vous menez avec le député Philippe Bolo. Nous nous sommes entretenus au sujet du point de sortie que nous pourrions trouver sur le contentieux des barrages. Comme vous l'avez dit, c'est un élément très important.

Nous avons un potentiel de développement de l'hydroélectricité à installations existantes : si nous faisons les investissements nécessaires pour améliorer la productivité des barrages, il s'établit à environ 3 gigawatts. En effet, d'après la PPE, nos installations ont actuellement une capacité de 26 gigawatts et pourraient passer à 29 gigawatts en 2035, sans construction de nouveaux barrages. Ces investissements sont donc absolument nécessaires. Nous devons créer les conditions juridiques pour résoudre ce problème avec la Commission européenne.

Je me tourne vers le groupe de la Droite républicaine. Monsieur Nury, vous avez dit que les énergies renouvelables intermittentes étaient une folie, un gouffre financier. Permettez-moi de vous rappeler que, dans le cadre d'un contrat pour différence, le prix annoncé n'est pas forcément le prix qui sera pratiqué.

Comme l'a dit le premier ministre, le tarif de base prévu dans le schéma de financement du nouveau nucléaire est de 100 euros par mégawattheure. À ce prix-là, certaines énergies renouvelables intermittentes sont déjà beaucoup plus compétitives. Je pense en particulier à l'éolien posé ou aux grandes installations photovoltaïques.

M. Jérôme Nury
Ce sont des prix sortis du chapeau !

M. Marc Ferracci, ministre
Non, ce ne sont pas des prix sortis du chapeau. L'appel d'offres qui a été lancé pour des installations d'éolien posé dans la Manche donne le tarif de 45 euros par mégawattheure. Cette annonce sera la base du contrat pour différence dans le schéma de financement du nouveau nucléaire. Documentons la situation, prenons un peu de recul et ne confondons pas les a priori avec la vérité : quand on regarde le détail des chiffres, on est parfois surpris.

Selon vous, à cause des énergies intermittentes, nous serions obligés d'arrêter des centrales. M. Alfandari a également abordé ce sujet et nous avons pu en discuter. Il importe de rappeler que la modulation de notre parc nucléaire n'est pas quelque chose de nouveau : elle existe depuis la création de ce dernier.

M. Jean-Philippe Tanguy
C'est faux !

M. Marc Ferracci, ministre
L'utilisation des réacteurs doit varier, non seulement parce qu'ils sont parfois en maintenance, mais aussi parce que c'est dans l'intérêt économique d'EDF, qui choisit de produire quand les prix de vente sont les plus favorables.

M. Jérôme Nury
Sauf si la corrosion vient de là !

M. Marc Ferracci, ministre
La modulation a-t-elle augmenté en même temps que les capacités de production d'énergies renouvelables ? Non.

M. Jean-Philippe Tanguy
C'est faux !

M. Marc Ferracci, ministre
Voici les chiffres d'EDF et de RTE : entre 1990 et 1999, le volume en moyenne annuelle de modulation s'élevait à 26,5 térawatts ; entre 2000 et 2010, à 20,7 térawatts ; entre 2010 et 2020, à 16,8 térawatts ; et depuis 2020, à 21,9 térawatts. Il est donc compris entre 26 térawatts au début et 21 térawatts aujourd'hui.

M. Jérôme Nury
Vos chiffres prouvent le contraire ! Cela augmente !

M. Marc Ferracci, ministre
Si vous regardez la tendance, ces chiffres prouvent précisément qu'il n'y a pas d'augmentation de la modulation liée aux énergies renouvelables, quelle que soit l'approche statistique que l'on adopte. (M. Henri Alfandari fait un signe de dénégation.) Nous pouvons en débattre, monsieur Alfandari. Ces chiffres sont à votre disposition.

Enfin, monsieur Nury, vous appelez au retrait du décret de la PPE. Il me semble pourtant que vous défendez le nucléaire.

M. Jérôme Nury
Nous défendons les Français !

M. Marc Ferracci, ministre
Nous avons le même objectif. Si nous faisons ce que vous demandez, c'est le régime de la PPE adoptée en 2020 qui continuera de s'appliquer. Or cette dernière prévoyait la fermeture de quatorze réacteurs –? deux ont déjà fermé.

M. Fabrice Brun
Fermetures jupitériennes !

M. Jérôme Nury
Ce n'est pas nous !

M. Marc Ferracci, ministre
Ce n'est pas moi non plus !

M. Jérôme Nury
C'étaient vos acolytes !

M. Marc Ferracci, ministre
Ce n'est pas le sujet. Demandons-nous plutôt quel horizon nous devons nous donner et reconnaissons que celui qui est proposé par la PPE est raisonnable. Je pense que nous pouvons être d'accord sur ce point.
Madame Gruet, vous avez évoqué un passage en force à propos de l'adoption par décret de la PPE.

M. Matthias Tavel
C'est quand ça les arrange !

M. Marc Ferracci, ministre
Celui-ci est quand même prévu par la loi et le code de l'énergie.

Vous avez dit que le nucléaire serait relégué au rôle d'énergie intermittente. Nous passons pourtant d'une PPE qui prévoit de fermer douze réacteurs supplémentaires à une PPE qui prévoit d'en construire six, peut-être quatorze.

Le nucléaire n'est pas une énergie intermittente : c'est la base de production de notre système électrique. En cela, il est absolument essentiel. C'est un argument pour celles et ceux qui souhaiteraient remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables. Nous avons besoin d'énergies pilotables.

Mme Justine Gruet
Décarbonées !

M. Marc Ferracci, ministre
Le nucléaire n'est pas la seule énergie pilotable, mais il est la seule qui le soit dans des volumes suffisants.

Enfin, vous avez cité un chiffre, repris dans des termes différents par M. Ciotti : les investissements, en particulier dans les énergies renouvelables, représenteraient 300 à 400 milliards d'euros. Il faut avoir en tête que ce chiffre s'étale sur quinze ans. Il mêle de l'argent public et des investissements privés, …

M. Éric Ciotti
Et les subventions !

M. Marc Ferracci, ministre
… de même qu'il amalgame les dépenses concernant les énergies renouvelables et celles relatives au nucléaire.

Mme Justine Gruet
C'est pour remonter en compétences !

M. Marc Ferracci, ministre
Je ne suis pas hostile au fait que vous lanciez des chiffres dans le débat, car il faut documenter les enjeux, notamment ceux relatifs au financement ; mais il faut savoir les disséquer. Je livre ces informations à la représentation nationale et aux Français qui nous écoutent –? je ne sais pas s'ils sont très nombreux à cette heure-ci.

Monsieur Brun, beaucoup a été dit au sujet de la stratégie nationale hydrogène et de ses résultats, qui peuvent sembler décevants. J'ai compris que le sujet était important pour vous.

Il y a quelques jours, je me suis rendu à Allenjoie pour annoncer la nouvelle stratégie, destinée à renouveler la précédente –? qui datait de 2020. J'ai aussi rappelé le soutien de l'État aux acteurs de la filière, dont la France peut être fière. Elle est en effet le seul pays à disposer sur son sol des quatre technologies d'électrolyse existantes.

M. Fabrice Brun
C'est vrai.

M. Marc Ferracci, ministre
Nous soutenons cette filière tout en assumant de tenir compte, depuis 2020, de l'évolution du marché de l'hydrogène : nous identifions les usages qui sont peut-être moins pertinents que d'autres d'un point de vue économique afin de recalibrer la stratégie.

Pour en avoir beaucoup discuté en amont avec les acteurs, je ne pense pas que cette stratégie soit décevante. J'en ai aussi parlé avec le député Fugit, très investi sur le sujet : ce dont a besoin la filière hydrogène, c'est d'une plus grande visibilité et d'une trajectoire claire. Je pense que ce qui a été annoncé répond aux attentes et a été plutôt salué.

J'en viens au groupe écologiste. Madame Laernoes, je ne peux que vous rejoindre : la meilleure énergie est celle que nous ne consommons pas. Cette affirmation fait référence aux enjeux de sobriété et d'efficacité énergétique. Il est explicitement inscrit dans la PPE que nous souhaitons réduire notre consommation de 1 500 à 1 100 térawattheures. Nous assumons cet objectif, qui est l'un des piliers du discours de Belfort.

M. Jérôme Nury
C'est plutôt la conversion de Belfort !

M. Marc Ferracci, ministre
En revanche, quand vous dites que nous concentrerions tout sur une énergie unique, le nucléaire, je ne peux plus vous suivre. La PPE qui a été mise en consultation prévoit une multiplication par cinq des capacités de production d'énergie photovoltaïque et un doublement des capacités de production de chaleur renouvelable à l'horizon 2035.

Mme Julie Laernoes
Il s'agit plutôt d'une baisse des subventions des pompes à chaleur ! Nous en voyons déjà les conséquences dans nos territoires !

M. Marc Ferracci, ministre
Nous ne faisons donc pas le choix d'une énergie unique : nous assumons de marcher sur nos deux jambes.

Madame Voynet, vous avez évoqué un premier pari hasardeux, pour reprendre vos mots, consistant à allonger jusqu'à soixante ans la durée de vie des centrales et des réacteurs nucléaires. D'abord, cette décision ne serait prise qu'après un travail scientifique et industriel parfaitement documenté et, surtout, mené de manière indépendante. RTE fournira des études sur la capacité à maintenir les réacteurs en activité. Ensuite, ces études seront validées par l'ASNR. Ce n'est qu'au terme de ce processus qu'une décision serait prise. Je tiens à vous rassurer, ainsi que ceux qui nous écoutent : nous ne prenons pas ce type de décisions à la légère.

Mme Dominique Voynet
Pourquoi RTE ?

M. Marc Ferracci, ministre
Second pari hasardeux, selon vous : construire six EPR de plus. Nous l'assumons. Le schéma de financement inclut un prêt garanti par l'État à un tarif préférentiel.

M. Matthias Tavel
Pourquoi pas un prêt à taux zéro ?

M. Marc Ferracci, ministre
Le schéma de financement qui a servi de base au nouveau nucléaire est le même que celui qui a été validé par la République tchèque –? et par la Commission européenne – pour le réacteur de Dukovany. Ce n'est donc nullement une invention : nous ne sommes pas seuls sur ce sujet.

Une partie du financement repose sur le prêt garanti, une autre sur un contrat pour différence, à hauteur de 100 euros par mégawatt, ce qui permet d'amortir les investissements sur la longue durée, c'est-à-dire sur toute la durée d'utilisation des réacteurs. Du point de vue de la compétitivité, ce tarif est dans l'épure de ce que l'on trouve pour d'autres énergies, en particulier les énergies renouvelables –? dont certaines sont plus compétitives.

Enfin, nous serions les seuls en Europe à défendre le nucléaire.

Mme Dominique Voynet
Je n'ai pas dit cela !

Mme Julie Laernoes
Nous sommes les seuls à ne pas produire d'énergies renouvelables !

M. Marc Ferracci, ministre
En tout cas, vous avez dit que nous étions isolés. Ma collègue Agnès Pannier-Runacher, à l'époque ministre de l'énergie, a lancé une alliance du nucléaire, qui regroupe huit ou neuf pays européens. Un certain nombre de pays sont donc attachés au développement du nucléaire.

M. Fabrice Brun
Il faut y inviter Mme Voynet !

M. Marc Ferracci, ministre
Nous défendons à Bruxelles le statut de l'énergie nucléaire au regard de la taxonomie et du régime des aides d'État, parce que nous y croyons. Nous le faisons de manière collective, avec d'autres partenaires européens.

Monsieur Bolo, je salue le travail sur l'hydroélectricité que vous conduisez avec Mme Battistel. Vous avez raison d'insister sur les réseaux : nous devons faire progresser la capacité de production, les usages et ce qui est entre les deux, c'est-à-dire la capacité de raccordement.

Cela tombe sous le sens : ce triangle doit progresser de manière homogène et régulière, sans quoi nous rencontrerons des difficultés. La planification est indispensable. C'est précisément le sens des annonces qui ont été faites par RTE et par Enedis, qui ont chacun prévu des investissements à hauteur de 100 milliards d'euros à l'horizon 2040.

Un tel investissement n'est pas uniquement nécessaire pour raccorder les énergies renouvelables, mais aussi pour renforcer les réseaux, en raison de l'installation de nouveaux réacteurs nucléaires, et pour raccorder de nouveaux clients. Comme cela a été annoncé lors du sommet sur l'intelligence artificielle, nous avons l'ambition d'installer un grand nombre de data centers sur notre territoire, afin de répondre à un enjeu de souveraineté.

Un data center de 1 gigawatt –? c'est la capacité des plus importants – consomme 8 térawattheures par an. Il est évident que les réseaux doivent être adaptés, renforcés et raccordés à ces nouveaux clients. Vous avez raison d'insister sur ce sujet. Rappelons que dans le plan de 100 milliards d'euros de RTE, moins de 50% de ces investissements concernent le raccordement de nouvelles capacités en énergies renouvelables.

Monsieur Petit, vous avez évoqué, et j'y souscris pleinement, la nécessité de penser dans le cadre de la coopération franco-allemande et de joindre les initiatives parlementaires aux initiatives gouvernementales. J'y suis prêt ; nous aurons l'occasion d'en discuter dans les prochaines semaines.

L'enjeu est de défendre le nucléaire et de faire en sorte que l'Allemagne, qui n'a pas toujours été en faveur du nucléaire –? c'est un euphémisme –, adopte une posture plus favorable ou moins défavorable. Nous avons besoin de toutes les initiatives, celles des parlementaires comme celles des gouvernements, pour atteindre nos objectifs à l'échelle européenne.

Il s'agit aussi de renforcer les interconnexions et les partenariats. Vous avez cité le traité d'Aix-la-Chapelle. Nous sommes tout à fait prêts à continuer la discussion sur ces sujets.

À titre personnel, je suis opposé à l'idée d'une planification commune de la stratégie énergétique…

M. Frédéric Petit
Des réseaux !

M. Marc Ferracci, ministre
…ou des réseaux, pardonnez-moi, car elle se heurte au principe de subsidiarité inscrit dans le droit européen. Il faut donc faire attention. Il est important de laisser une marge de manœuvre aux pays qui accueillent les réseaux.

À l'occasion du sommet international sur la sécurité énergétique qui s'est tenu il y a quelques jours à Londres, j'ai encore eu la preuve qu'il est possible de coopérer avec nos partenaires européens – l'Espagne ou le Royaume-Uni, par exemple, sont très demandeurs d'interconnexions. Néanmoins, la décision concernant les réseaux de transport doit rester en France. C'est un sujet sur lequel nous reviendrons.

M. Alfandari est parti, c'est dommage, mais il a posé des questions absolument centrales, notamment sur la méthode. Il a déposé des amendements au projet de loi de simplification de la vie économique dont nous aurons l'occasion de discuter.

Je suis toutefois en désaccord avec certaines de ses déclarations, à commencer par l'idée selon laquelle la PPE serait décroissante. J'ai déjà répondu que ce n'est pas le cas. Les coûts de réseau d'Enedis et de RTE ne sont pas démesurés : j'ai expliqué qu'ils sont nécessaires et qu'ils ne sont pas seulement liés au raccordement des énergies renouvelables.

Je considère aussi qu'il faut démentir l'idée selon laquelle une puissance excédentaire serait dommageable. Dès lors que l'on dispose d'interconnexions, elle offre la possibilité d'exporter de l'énergie. L'année dernière, nous avons exporté 20 % de l'électricité que nous avions produite, soit 90 TWh, ce qui a eu un effet positif sur notre balance commerciale.

La puissance excédentaire nous permet aussi d'amortir les difficultés lorsqu'elles surviennent. En 2022 et en 2023, nous avons constaté que notre production, en particulier d'origine nucléaire, pouvait rencontrer des difficultés. Nous avons donc besoin de relais. Disposer de surcapacités, c'est permettre à notre production d'électricité d'assumer ses responsabilités.

En revanche, je souscris à l'idée selon laquelle il est urgent d'électrifier nos usages. Nous disposons d'un certain nombre de leviers pour ce faire, pas seulement budgétaires. Nous avons été à l'avant-garde en encourageant l'électrification des flottes d'entreprises, par le soutien à l'achat de véhicules électriques. En France, un véhicule neuf sur deux est acheté pour intégrer une flotte d'entreprise et trop peu d'entre eux sont électriques. Nous avons déposé un amendement en ce sens au PLF pour 2025 ; le principe en a été repris à l'échelle européenne et nous espérons que le verdissement des flottes professionnelles va se poursuivre.

Monsieur de Courson, vous avez affirmé que ce débat ne respectait pas la démocratie. J'ai déjà expliqué que la PPE a fait l'objet d'une longue consultation et que sa publication par décret est prévue par la loi.

Par ailleurs, le premier ministre l'a annoncé, nous examinerons une proposition de loi qui nous permettra non seulement de débattre, mais aussi de voter des amendements. Nous en tirerons les enseignements nécessaires quant au contenu de la PPE.

Vous avez affirmé que 100 à 150 milliards d'euros seraient dépensés pour renforcer le raccordement des EPR.

M. Charles de Courson
Non ! Pour la totalité du réseau !

M. Marc Ferracci, ministre
J'avais donc mal compris. Cela étant, je rappellerai que sur les 100 milliards prévus par la stratégie de RTE, seuls 250 millions d'euros sont liés au raccordement des EPR et que les 17 milliards liés au renforcement du réseau global peuvent en partie découler de la construction de nouveaux EPR.

Vous partagez l'avis du HCEA selon lequel le développement des énergies renouvelables pourrait entraîner des difficultés pour le nucléaire. J'ai déjà répondu au sujet de la modulation. Il est néanmoins nécessaire de vous répondre sur le sujet des risques. La production d'électricité renouvelable et son injection dans le réseau global pourraient-elles provoquer des dégradations du parc nucléaire ?

Sur ce sujet, je vous renvoie à l'audition de M. Cédric Lewandowski, directeur exécutif du groupe EDF en charge de la direction du parc nucléaire et thermique, par la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France. Face à son président M. Schellenberger et à son rapporteur M. Armand, il a affirmé qu'aucune anomalie liée à l'injection d'autres sources d'énergie n'avait été repérée sur les circuits primaires des réacteurs et que des études complémentaires devaient être menées sur les circuits secondaires. Voilà où nous en sommes : à ce jour, aucun risque technologique lié à la concurrence avec les énergies renouvelables n'a été scientifiquement identifié pour notre parc nucléaire.

Vous appelez de vos vœux la sécurisation du financement et un travail d'audit sur le nouveau nucléaire. Celui-ci est assuré depuis 2023 par la délégation interministérielle au nouveau nucléaire. Elle rend compte très régulièrement au ministère et elle est notamment intervenue dans le cadre du CPN.

Vous avez insisté sur l'incorporation des biocarburants. Je partage votre préoccupation. En réponse à la directive dite EnR2, qui vise à modifier les plafonds d'incorporation, le cadre fiscal évoluera –? d'un point de vue législatif, probablement par l'adoption d'un texte de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) en la matière.

Monsieur Ciotti, j'ai déjà répondu à certaines de vos interpellations. Pour évoquer notre indépendance énergétique, vous avez fait référence au général de Gaulle. Nul n'ignore que c'est sous sa présidence que le programme nucléaire a été lancé. Mais peut-on véritablement parler d'indépendance énergétique au vu des conséquences qu'a eues le choc pétrolier de 1973 pour la France ? Ce serait masquer ce qu'est la véritable indépendance énergétique : ne plus être dépendant aux énergies fossiles.

Mme Dominique Voynet
Le nucléaire n'est pas une énergie fossile ?

M. Marc Ferracci, ministre
L'expérience de 1973 montre que notre stratégie de décarbonation et de sortie de la dépendance aux énergies fossiles est la bonne.

Vous avez affirmé que la PPE 3 serait suicidaire. Dois-je encore répéter qu'elle inverse la tendance en préconisant la construction d'EPR et non leur fermeture ?

Pour illustrer le coût de l'éolien, vous avez évoqué le tarif de 180 euros pour 1 MWh produit par de l'éolien en mer. Mais il date d'appels d'offres qui remontent à 2012 et 2013.

M. François Bayrou, premier ministre
D'autant plus qu'il s'agissait d'éolien flottant !

M. Marc Ferracci, ministre
C'était il y a très longtemps. Désormais, les appels d'offres s'appuient sur des tarifs bien plus compétitifs, comme pour le parc éolien Centre Manche 1, tout simplement parce que les technologies se sont améliorées. Nous devons parier qu'elles continueront de le faire.

Je ne reviens pas sur l'idée que l'éolien posé est compétitif, contrairement à l'éolien flottant –? je l'ai dit à M. Le Gac. Encore une fois, de quels chiffres parle-t-on ?

Je rappelle d'ailleurs que le rachat de l'électricité produite par ces parcs éoliens permet à la collectivité de faire des bénéfices, puisque le tarif de rachat implique une compensation à la hausse ou à la baisse. Lorsque les prix de marché sont supérieurs au tarif de rachat, c'est de l'argent qui rentre dans les caisses.

RTE a ainsi calculé que sur la période 2032-2052 couverte par le contrat d'exploitation, le Centre Manche 1, auquel le gouvernement a alloué une capacité de 1 GW, avec un tarif de rachat de 45 euros le MWh, produirait un bénéfice de 3,4 milliards pour la collectivité, sur la base de projections raisonnables concernant les prix de marché. Ces appels d'offres généreront donc des gains pour la collectivité.

M. Jean-Philippe Tanguy
N'importe quoi !

M. Marc Ferracci, ministre
Monsieur Tanguy, vos vociférations ne font pas des arguments convaincants.

M. Jean-Philippe Tanguy
Elles valent toujours mieux que vos mensonges !

M. Marc Ferracci, ministre
Monsieur Schellenberger, je partage votre constat que la consommation d'électricité –? si l'on raisonne en part du mix énergétique – stagne depuis un certain temps. Retarder l'entrée en vigueur de certains éléments de la PPE tels que les appels d'offres pour l'éolien en mer, comme vous le proposez, n'est cependant pas la bonne solution. Toute une filière les attend, et il y a des emplois industriels à la clé dans nos territoires.

Il y a quelques semaines, j'étais au Havre pour inaugurer une nouvelle ligne de production de pales d'éoliennes de l'usine Siemens Gamesa, avec 450 emplois à la clé. Il s'agit d'emplois industriels qui résultent des perspectives offertes par la PPE, notamment en matière d'éolien en mer.

Certes, nous pouvons enclencher de nouvelles étapes, mais il faut d'abord clarifier le cadre juridique. Nous attendons les conclusions de Mme Battistel et M. Bolo, rapporteurs de la mission d'information consacrée aux modes de gestion et d'exploitation des installations hydroélectriques, afin de trouver une voie de passage avec la Commission européenne.

Madame la présidente Trouvé, j'ai déjà répondu à l'accusation d'anomalie démocratique concernant cette PPE. Nombre d'éléments me font penser qu'elle est loin d'en constituer une.

Je vous sais attachée au développement des énergies renouvelables : l'adoption de la PPE constitue une demande très explicite de toutes les filières d'énergies renouvelables. Retarder ou contester sa publication supposerait d'en discuter avec elles.

M. Matthias Tavel
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude…

M. Marc Ferracci, ministre
Nous avons défendu les tarifs réglementés et nous continuerons à le faire. À partir du 1er janvier 2026, ils s'inscriront dans le nouveau cadre juridique post-Arenh. Celui-ci transpose le règlement européen sur le marché intérieur de l'électricité, dit EMD, qui permettra un meilleur découplage des prix du gaz et de l'électricité. Quand les prix du marché sont trop élevés, ce nouveau dispositif écrêtera les revenus potentiels d'EDF pour les reverser aux consommateurs. C'est l'objectif de ce système, qui doit être protecteur pour les ménages comme pour les entreprises.

Je n'ai pas pu répondre à tout, mais le ministère de l'industrie et de l'énergie publiera dans les prochaines semaines, après le débat au Sénat, une réponse exhaustive à l'ensemble des critiques et interrogations soulevées lors des débats. Nous devons cette transparence à nos concitoyens.

Mme la présidente
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 30 avril 2025