Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue sur RTL, Éric LOMBARD.
ÉRIC LOMBARD
Bonjour Thomas SOTTO.
THOMAS SOTTO
Les bonnes nouvelles ne sont pas si fréquentes en économie. Et tout à l'heure avec la 8e édition de Choose France donc au Château de Versailles, on va pouvoir se réjouir des investissements d'entreprises étrangères en France. L'an dernier, 15 milliards de projets y avaient été annoncés. Cette année, ce sera combien ? On entend 20 milliards, c'est dans ces eaux-là ?
ÉRIC LOMBARD
En fait, ce sera 37 milliards. Donc c'est un record. C'est 20 milliards de projets totalement nouveaux. Vous vous souvenez, il y a quelques semaines, le Président de la République avait reçu à l'Élysée les investisseurs de l'intelligence artificielle et des data centers. Et là, on a 17 milliards d'euros qui avaient été promis dans le cadre des 109 milliards de l'époque qui vont atterrir. Je vais signer d'ailleurs à Bercy avec MGX, un grand investisseur des Emirats Arabes Unis, un projet de campus IA en Ile-de-France.
THOMAS SOTTO
Donc 17 milliards qui avaient déjà été promis et 20 milliards de frais en quelque sorte, ce qui fait 37 milliards au total. Combien d'emplois vont créer ces investissements ? Est-ce qu'on le sait ?
ÉRIC LOMBARD
Ça participe du redéploiement d'une puissance industrielle française. Alors le nombre d'emplois n'est pas chiffré. Mais je veux dire que dans une période de difficultés économiques relatives, l'emploi se tient.
THOMAS SOTTO
Et un chiffre qui circule, c'est environ 30 000. C'est dans ces eaux-là ?
ÉRIC LOMBARD
Oui, mais après, il y a l'effet d'enchaînement. Ce que nous pensons, c'est qu'avec ces investissements, on peut redevenir offensif sur l'emploi. Et il se trouve que nous avons des jeunes de talent qui cherchent un emploi. Le taux d'emploi des jeunes est insuffisant, même s'il remonte. Et puis il y a aussi les seniors que nous aimerions garder plus longtemps au travail. Donc ça va être une des réponses au sujet du chômage. Je rappelle d'ailleurs que le chômage n'a jamais été aussi bas depuis 30 ans.
THOMAS SOTTO
On va reparler du chômage dans un instant.
ÉRIC LOMBARD
La question du chômage, ça contribue à la résoudre.
THOMAS SOTTO
On va en reparler, mais je voudrais quand même qu'on souligne un paradoxe. C'est qu'on a des entreprises étrangères qui misent sur la France. Et dans le même temps, on a des géants français qui regardent ailleurs. Je pense à SANOFI, champion tricolore de l'industrie pharmaceutique, qui a décidé d'investir au moins 20 milliards aux États-Unis d'ici 2030. Est-ce que SANOFI joue contre les intérêts de la France ? Est-ce que c'est de l'antipatriotisme économique de faire ça ?
ÉRIC LOMBARD
Alors je veux rappeler, j'ai parlé au président Paul HUDSON, qui est le directeur général, le patron de SANOFI. C'est que SANOFI continue à produire en France un tiers de sa production mondiale, et que le rythme des investissements en France va rester tout aussi élevé. Je vais laisser l'entreprise, naturellement, le moment venu, faire ses annonces. Mais il y a un engagement de SANOFI aux États-Unis où ils produisent…
THOMAS SOTTO
SANOFI va annoncer l'équivalent de 20 milliards en France ?
ÉRIC LOMBARD
On peut penser que ce sera un montant de même importance sur un rythme de plusieurs années.
THOMAS SOTTO
Prochainement ?
ÉRIC LOMBARD
C'est en discussion. Et donc, c'est logique qu'une entreprise investisse dans le monde comme c'est une entreprise mondiale. Ce que nous souhaitons, et c'est ce que fait SANOFI, c'est qu'ils ne se désengagent pas de France et ils n'ont pas du tout l'intention de le faire, parce que la France est un lieu de production qui reste compétitif et qui reste rentable.
THOMAS SOTTO
Mais ils sont atteints de surdité partielle, parce qu'il y a quelques jours, Emmanuel MACRON avait appelé les entreprises françaises à geler leurs projets américains, au moins le temps que les discussions sur les droits de douane avec Donald TRUMP retombent. Ça, ils n'en ont rien à faire, SANOFI ?
ÉRIC LOMBARD
Eh bien, clairement, les discussions qui étaient engagées…
THOMAS SOTTO
C'est un problème ou pas, ça ?
ÉRIC LOMBARD
Dans les 20 milliards annoncés, ce que nous disent les dirigeants de SANOFI, c'est que ce sont des discussions qui avaient été déjà engagées et qui se confirment. Donc, on est dans une concurrence mondiale. J'ai déjà eu l'occasion de dire que j'aurais préféré que le moment de cette annonce soit retardé, parce qu'effectivement, nous sommes en négociation avec les Américains. Maintenant, c'est aussi la liberté des entreprises.
THOMAS SOTTO
Vous n'avez pas l'impression un peu qu'ils veulent le beurre, l'argent du beurre et la vertu de la crémière ? Ils prennent les aides, ils prennent le crédit impôt recherche, ils écoutent d'une oreille distraite le chef de l'État, et ils mènent leur vie, ils investissent leurs 20 milliards au moment où stratégiquement, économiquement, ça desserre la France.
ÉRIC LOMBARD
Mais c'est exactement ça, Thomas SOTTO. Nous sommes dans une concurrence mondiale qui est très dure pour attirer les investissements. La semaine dernière, j'ai passé 6 heures avec monsieur He LIFENG, les Français ne le connaissent pas. C'est le vice-premier ministre qui est le patron de l'économie chinoise. Et pendant 6 heures, nous avons discuté pied à pied, investissement, entreprises. Évidemment, les Chinois ont envie que les Européens continuent à investir chez eux, et réciproquement. Et c'est pareil avec les États-Unis. Je me rends en G7 demain - ça sera au Canada - pour veiller à ce qu'il y ait un minimum de coordination mondiale. Mais la réalité, c'est que nous sommes en concurrence. Et Choose France montre que dans cette concurrence mondiale, la France a des armes, la France est à l'offensive pour attirer les capitaux.
THOMAS SOTTO
Il y a Choose France, c'est la partie qui va bien. Et puis on a quelques questions économiquement concrètes à vous poser sur ce qui inquiète un peu plus les Français. Le budget, on a eu un tout petit 0,1% de croissance au premier trimestre. On sait que le budget 2025 est bâti sur une croissance, une prévision de 0,7%. Est-ce que cette prévision ne doit pas être revue à la baisse dès maintenant ? Est-ce qu'on va tenir ces prévisions de 0,7% de croissance en 2025 ?
ÉRIC LOMBARD
La prévision de 0,7%, elle partait d'un 0,1% au premier trimestre. On est en ligne avec ce qui était prévu. Et elle donnait compte aussi des hausses de tarifs aux États-Unis d'Amérique.
THOMAS SOTTO
Donc c'est tenable.
ÉRIC LOMBARD
Donc aujourd'hui, cette prévision est tenable. On suit cela de façon très précise. Tous les mois, avec la ministre des Comptes publics, Amélie De MONTCHALIN, on regarde l'exécution budgétaire. Et d'ailleurs, comme on craignait de décaler un peu, on a gelé 5 milliards d'euros de crédits. Et donc on va continuer à faire un pilotage très fin pour tenir notre objectif.
THOMAS SOTTO
Les 40 milliards, c'est tenable ?
ÉRIC LOMBARD
Les 40 milliards, c'est pour le budget 2026. La réduction du déficit, pourquoi est-ce qu'elle est impérative ? Parce que le déficit, il produit de la dette. La dette, on doit payer des intérêts à nos créanciers. Cette année, c'est près de 60 milliards d'euros. C'est plus que le budget de la Défense. Et si on continue, ce sera 100 milliards d'euros dans 3 ans. Donc c'est vraiment d'intérêt général de baisser le déficit. Et c'est pour ça qu'on y travaille.
THOMAS SOTTO
En tout cas, pour l'instant, on ne change pas les indicateurs, si j'ai bien suivi. Est-ce que vous souhaitez, comme le Premier ministre en a évoqué l'idée, un référendum pour faire avaler aux Français la pilule de ce que sera le budget 2026 ?
ÉRIC LOMBARD
Le Président de la République s'est exprimé là-dessus. Ce qui est important - c'est pour ça que je vous remercie de m'inviter - …
THOMAS SOTTO
Vous êtes le bienvenu.
ÉRIC LOMBARD
… c'est que les Françaises et les Français comprennent que la bataille du budget, c'est une bataille pour tous. Parce qu'en réalité, qui va payer cette dette à l'avenir ? Ce sont nos enfants et nos petits-enfants. Donc il est impératif de maîtriser la dépense publique. Et en fait, le montant d'économie dont on parle, ce n'est pas tellement un montant d'économie, parce que ça se calcule par rapport à une tendance historique.
THOMAS SOTTO
Mais moi, ce que je comprends, c'est qu'on va tous devoir se serrer la ceinture.
ÉRIC LOMBARD
Alors, je ne le dirais pas comme ça. Nous dépensons 57% de la richesse nationale en dépenses publiques. Il faut que le niveau de la dépense publique soit stabilisé. Un ménage qui stabilise ses dépenses, parce que ses revenus n'évoluent pas, c'est quand même le cas de la plupart d'entre nous, dont les revenus n'évoluent pas d'une année sur l'autre. Et l'État devra faire pareil. La Sécurité Sociale devra faire pareil, ne pas dépenser plus l'année prochaine que cette année.
THOMAS SOTTO
Juste, le référendum s'est plié en oubli, si j'ai bien compris.
ÉRIC LOMBARD
Le Président de la République a dit que s'il y avait un sujet sur lequel on devait consulter les Français, parce qu'il y avait un désaccord, il le ferait. Je ne vais pas paraphraser ce qu'il a dit.
THOMAS SOTTO
Autre warning, le chômage. Le patron de la CPME est très inquiet. La CGT a listé 400 plans sociaux au moins. L'emploi industriel recule. Depuis l'été 2024, les fermetures d'usines sont plus nombreuses que les ouvertures. Est-ce que vous créez une inversion réelle de la courbe du chômage, le retour du chômage de masse ? Est-ce que c'est ça le risque aujourd'hui ?
ÉRIC LOMBARD
Pour le moment, les choses tiennent. On a eu une sorte de mise sous bulle à la suite des protections accordées pendant le Covid. Cette mise sous bulle s'est arrêtée. Des entreprises qui étaient fragiles ferment, malheureusement. C'est la vie économique. D'autres ouvrent. On parlait de Choose France et des investissements. Le taux de chômage est stabilisé autour de 7,3 ou 7,4…
THOMAS SOTTO
Avec quand même une tendance à la hausse.
ÉRIC LOMBARD
0,1%... Avec deux bonnes nouvelles : le chômage des jeunes se réduit. Ça fait partie des politiques publiques que nous menons depuis ces dernières années et aussi, le taux d'emploi des seniors a augmenté de deux points. On sait bien qu'un des problèmes budgétaires français, c'est un peu la dépense publique et c'est beaucoup le fait qu'il n'y a pas assez de Français au travail. Quand les Français sont au travail, ils travaillent. Ils sont efficaces, ils sont productifs, ils sont engagés. Mais on n'a pas assez de jeunes au travail mais les chiffres sont en train de s'améliorer.
THOMAS SOTTO
Pardon mais le spectre du chômage de masse est d'actualité ou pas ?
ÉRIC LOMBARD
Nous sommes à la bataille pour l'éviter. On ne voit pas dans les tendances de court terme d'inquiétude sur le fait qu'il y aurait le chômage de masse dont vous parlez.
THOMAS SOTTO
Une proposition de loi propose d'interdire les licenciements aux entreprises qui font des bénéfices. Vous y êtes favorable ? Le Gouvernement y est favorable ?
ÉRIC LOMBARD
On l'a testé dans les années 80, où il y avait une autorisation préalable aux licenciements. Quelle était la conséquence ? Le chômage a explosé. Parce que les entreprises ont arrêté de…
THOMAS SOTTO
Donc c'est non.
ÉRIC LOMBARD
Donc je n'y suis pas favorable.
THOMAS SOTTO
Le Chef de l'État qui veut lancer une conférence sociale sur le financement de notre modèle social, ce sera quand ?
ÉRIC LOMBARD
La conférence sociale dépend largement des partenaires sociaux avec lesquels nous parlons. C'est évidemment Catherine VAUTRIN, Astrid PANOSYAN-BOUVET qui en ont la responsabilité. Mais c'est vrai que les partenaires sociaux se sont saisis avec énergie du sujet des retraites, puisqu'on leur a confié… Et ils souhaitent même continuer à travailler parce qu'ils n'ont pas encore conclu. Ce qui me paraît bon signe.
THOMAS SOTTO
Ça serait dans la foulée selon vous ?
ÉRIC LOMBARD
Ça pourrait être dans la foulée ?
THOMAS SOTTO
Avant la fin de l'année ?
ÉRIC LOMBARD
Il faut que ce soit avant la fin de l'année, puisque ça peut avoir des conséquences, y compris dans la préparation du budget de 2026.
THOMAS SOTTO
Emmanuel MACRON qui a aussi ressuscité l'idée d'une TVA sociale. Il l'a sous-entendu ; il ne l'a pas dit aussi clairement mais l'idée étant de transférer sur la TVA une partie du financement de la Sécu. Ça, c'est une idée lancée comme ça ? C'est un ballon d'essai ? C'est une piste parmi d'autres ? C'est un projet ? C'est quoi la TVA sociale ?
ÉRIC LOMBARD
Pardon monsieur SOTTO, même le mot TVA n'a pas été prononcé. Ce qu'a dit le Président, et c'est une idée qui, effectivement, mérite d'être regardée attentivement. Aujourd'hui, la protection sociale, la retraite, la santé, la famille, reposent essentiellement sur le travail, raison pour laquelle les charges sur le travail sont importantes, ce qui pèse sur les salaires et sur les entreprises. Et donc l'idée de trouver une base plus large et plus équitable pour financer le modèle social est une idée qui est dans l'air, ça relève vraiment des partenaires sociaux. Ne comptez pas sur moi pour vous dire quelle façon de faire, c'est à eux de nous le dire.
THOMAS SOTTO
Il faut arriver aux résultats, mais c'est à eux de voir comment on y arrive, c'est ça ?
ÉRIC LOMBARD
Il y a beaucoup de résultats possibles, puisqu'il y a beaucoup de façons de financer la protection sociale.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Éric LOMBARD. Vous avez envoyé quoi comme message à Bruno RETAILLEAU hier soir pour le féliciter ?
ÉRIC LOMBARD
Eh bien, je lui ai envoyé un message de félicitation immédiatement, puisque c'est un collègue du Gouvernement avec lequel nous avons des désaccords, mais nous sommes dans une coalition et c'est logique que dans une coalition tout le monde n'ait pas le même avis. Et il m'a répondu chaleureusement. Nous allons continuer à travailler ensemble et à régler à l'intérieur du Gouvernement des désaccords que nous pourrons avoir ici et là.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mai 2025