Texte intégral
Q - Laurent Saint-Martin, vous êtes le ministre délégué en charge du commerce extérieur. Bonjour et bienvenue.
R - Bonjour.
Q - L'objectif de Choose France, c'est évidemment d'accueillir des investisseurs, des patrons, des entreprises qui viennent à la fois investir et créer des emplois sur le sol français. D'abord un petit cocorico : on l'a dit la semaine dernière, la France est en tête des pays européens en termes d'investissement. Mais il y a un petit astérisque. Le petit astérisque, c'est que globalement, les investissements en Europe se sont affaiblis au profit notamment des États-Unis. On est bien d'accord ?
R - Oui, sur l'année 2024, il y a eu un ralentissement des investissements en général en Europe. C'est-à-dire que tous les pays ont eu moins de projets d'investissement. Mais dans cette compétition au sein de l'Europe, la France est restée leader. Et ça, c'est très important, parce que ça veut dire que la France reste attractive dans un contexte 2024 qui n'a pas toujours été simple pour notre pays, ni politiquement, ni évidemment globalement. Et on voit, sur ce début d'année 2025, que malgré un contexte commercial extrêmement tendu au niveau international, notamment sollicité par Donald Trump lui-même, la France continue à accueillir de nouvelles annonces. Et ça, c'est aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, c'est Choose France, et vous avez 53 nouvelles annonces pour 37 milliards.
Q - On parle entre 20 et 37 milliards.
R - 37 milliards au total. Vous avez 20 milliards de nouvelles annonces aujourd'hui, auxquelles vous ajoutez celles qui avaient été faites lors du Sommet pour l'intelligence artificielle au mois de février.
Q - Et une partie de ces milliards, ce seront les vôtres, si je puis me permettre, Emmanuel Bret, bonjour. Vous êtes le directeur général adjoint de BYD. Vous êtes d'ailleurs déjà, on le voit derrière vous, déjà sur place et déjà devant le château de Versailles où aura lieu ce sommet dans un instant. BYD, on a l'impression que c'est un très gros paradoxe, et le Ministre pourra dans un instant répondre à ce paradoxe. Au fond, c'est plébiscité par les consommateurs. Vous êtes aujourd'hui à la tête d'une des marques de voitures qui fait la plus grosse évolution en termes de vente de voitures. Mais au fond, on vous dit "venez investir". Mais vous, ce que vous dénoncez déjà, c'est une forme de paradoxe parce que les normes, les taxes qui vous sont imposées ne sont pas du tout en accord avec ce côté "bras ouverts" de la France ?
(...)
Et vous allez tout à l'heure rencontrer Emmanuel Macron qui arrivera peut-être à vous convaincre. En attendant, je propose que le ministre en charge du commerce extérieur commence à faire le boulot. Qu'est-ce que vous pouvez répondre au patron de BYD qui vous écoute et qui dit : "Moi, je veux bien investir, mais il faut aussi que vous fassiez un bout de chemin." Par ailleurs, je précise que le patron de BYD dit exactement la même chose que le patron de Renault et le patron de Stellantis, qui ont dit ensemble la même chose la semaine dernière dans les colonnes du Figaro.
R - Je crois qu'il faut bien séparer deux choses. Il y a ce qui relève de la réglementation européenne sur le marché du véhicule électrique, effectivement, et sur le marché automobile qui est effectivement un secteur en crise, je le concède bien volontiers - et pas qu'en France par ailleurs. Mais ce que je veux dire, c'est que la France, depuis plusieurs années, a fait du véhicule électrique et notamment du marché de la batterie un des vecteurs de sa réindustrialisation. C'est vrai, notamment sur le site de Dunkerque. Vous avez vu le nombre d'investissements étrangers et français, d'ailleurs, qui ont eu lieu sur le site de Dunkerque, sur le marché de la batterie.
Q - Mais vous pouvez lui répondre, il vous écoute. Qu'est-ce que vous lui dites sur les normes ?
R - Je lui réponds et je vous réponds en même temps. Regardez ce que l'investisseur chinois XTC a fait, par exemple, avec Orano sur le site de Dunkerque. C'est sur les sujets de batterie. Regardez ce que Envision a fait également dans le nord de la France. C'est sur les sujets de la batterie. Donc vous voyez que la France est une terre de plus en plus attractive aussi sur la chaîne de valeur du véhicule électrique. Mais c'est vrai de beaucoup d'autres secteurs d'activité. C'est vrai de la pharmacie. C'est vrai des dispositifs médicaux. C'est vrai de l'industrie plus traditionnelle. C'est vrai de la décarbonation industrielle...
Q - Vous avez face à vous, pardon, Monsieur le Ministre, un patron emblématique qui est prêt à venir...
R -... - je réponds, je réponds. Vous avez aujourd'hui 200 chefs d'entreprise qui viennent à Versailles sur des secteurs d'activité extrêmement divers. Si vous avez chaque année, de record en record, un nombre d'investissements toujours plus important dans notre pays, c'est que la France, évidemment, évolue dans sa capacité à attirer les investissements. Et je réponds à MBret. La fiscalité, en 10 ans, Emmanuel Lechypre, vous le savez mieux que quiconque, la fiscalité a été diminuée de façon à attirer ces investissements, et ça a marché. La réglementation, le droit du travail français a été flexibilisé pour attirer ces investissements. Et ça marche. Tous les investissements dont on parle là, et je concède volontiers qu'il reste beaucoup à faire pour attirer, BYD comme d'autres, et je sais que nous ne sommes pas encore arrivés au bout. Vous savez très bien qu'il y a 10 ans, tous les investissements dont nous parlons aujourd'hui n'auraient jamais eu lieu. Donc l'effort d'attractivité, cette politique de l'offre et de l'attractivité qui a été menée par Emmanuel Macron depuis maintenant près de 10 ans, elle fonctionne à plein, puisque sinon nous n'aurions pas eu justement, les plus de 150.000 emplois créés dans nos territoires là-dessus.
Q - Il y a quand même un défaut dans mon chiffre, c'est que la production industrielle en France, elle stagne. On attire des investissements, mais qui ne sont pas des activités pourvoyeuses d'emplois. Un investissement en Grande-Bretagne crée deux fois plus d'emplois. Ce sont des petits projets dans l'IA, dans le cloud, dans des choses très automatisées qui ne nécessitent pas d'avoir des usines parce que justement, la fiscalité française sur l'énergie est beaucoup trop lourde et que les vrais gros investissements pourvoyeurs d'emplois, la France ne les attire pas.
R - Vous en avez aussi en France. Regardez là où va le Président de la République ce matin. Dans la Meuse, ce sont 600 emplois nouveaux qui vont être créés sur 90 millions d'investissements. Donc vous voyez, le ratio sur l'emploi, là il est bon. Evidemment que vous avez des secteurs d'activité qui sont plus ou moins pourvoyeurs d'emplois. C'est vrai. Dans certains services, ça l'est moins que d'autres. C'est vrai. Bon, mais vous avez aussi beaucoup de nouveaux investissements dans notre pays qui ont créé [de l'emploi]. La France a réussi à inverser une courbe extrêmement importante qui est celle de la création nette d'emplois industriels. Est-ce vrai ou faux ?
Q - On parle de quelques dizaines d'emplois, même pas de quelques milliers, de quelques dizaines.
R - Regardez d'où nous venons ! Moi, je veux bien qu'on soit dans le regard...
Q - On ne peut pas se glorifier de créer 500 emplois. À un moment, c'est...
R - Je dis juste une chose assez factuelle. D'abord, ce n'est pas quelques emplois. Ce n'est pas quelques emplois.
Q - C'est peu, c'est faible.
R - 150 000 emplois créés sur les investissements directs étrangers depuis 2018 ? Non, je ne crois pas que ce soit faible pour ceux qui...
Q - Vous parliez des emplois industriels.
R - Ca va notamment dans des régions... Vous savez que les trois quarts des projets industriels issus des investissements étrangers vont dans des villes de moins de 20.000 habitants.
Q - Et puis, ce n'est pas 150.000 emplois sur les investissements directs étrangers.
R - Non, mais sur les annonces Choose France. Sur les annonces Choose France cumulées, vous en avez plus de 150.000. Donc déjà, ceux-là, ce sont des emplois concrets.
Q - Lesquels se sont concrétisés depuis 2017 ?
R - Mais la grande majorité. Si vous voulez, on les regarde ensemble. La très grande majorité. Ceux de l'an dernier, vous savez que c'est en général deux à trois ans pour qu'un projet puisse sortir de terre.
Q - En gros, il y a eu 150 projets. Il y en a une dizaine qui ne se sont pas concrétisés.
Q - Oui, mais combien d'emplois ?
R - Vous avez à peu près...
Q - On a les chiffres. C'est une trentaine d'emplois par projet. C'est peu. Ce n'est pas beaucoup.
R - Vous en avez au moins les trois quarts qui ont déjà été concrétisés puisque c'est glissant. C'est-à-dire que ceux des deux dernières années ne sont pas encore aujourd'hui sortis de terre. Ce que je veux vous dire par là, c'est qu'on peut effectivement essayer de regarder le verre à moitié vide là-dessus. L'attractivité de notre pays, la création nette d'emplois, l'ouverture nette d'usines dans notre pays. Bien sûr qu'il y a des usines qui ferment dans notre pays, je ne le nie pas. Il y en a plus qui ouvrent que des usines qui ferment. Ça fait combien de temps que vous ne l'aviez pas vu, ça ? Ça fait plus de 30 ans. Ça faisait 30 ans qu'on avait une courbe de destruction de valeur industrielle dans notre pays. Elle s'est inversée depuis maintenant sept ans. C'est une réalité chiffrée et factuelle. Je ne dis pas que tout va bien. Je ne dis pas qu'il ne faut pas se battre, notamment dans le secteur automobile. Je ne dis pas que notre pays ne fait pas face, avec l'Europe, à des défis considérables face aux plateformes américaines et chinoises. Je dis juste que notre pays est enfin redevenu attractif, que les investisseurs qui seront aujourd'hui à Versailles n'étaient pas là il y a 10 ans et que ça, c'est une politique économique qui marche et dont je crois qu'on pourrait collectivement se féliciter.
Q - On se réjouit évidemment. Mais je propose qu'on regarde pour demain les chiffres exacts. Et on vous donnera ces chiffres exacts d'emplois qui ont véritablement été créés. En tout cas, merci Laurent Saint-Martin.
R - Merci à vous.
Q - Et merci à Emmanuel Bret qui était donc déjà en direct de Versailles. Je ne sais pas si le Ministre aura réussi à vous convaincre avant le Président que vous rencontrez donc en particulier cet après-midi dans le cadre de Choose France.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mai 2025