Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Il est 8h13. Merci Annie GENEVARD d'être avec nous ce matin sur CNews et Europe 1 pour la grande interview.
ANNIE GENEVARD
Bonjour.
ROMAIN DESARBRES
Annie GENEVARD, ministre de l'Agriculture, évidemment. On va parler de nombreux sujets. Je voulais qu'on commence par ce rapport qui fait beaucoup parler de lui et qui inquiète les Français. Rapport sur les frères musulmans. Comment est-ce que vous avez réagi en découvrant ce rapport, en découvrant les objectifs des frères musulmans, en découvrant leur méthode ?
ANNIE GENEVARD
Sans surprise, ça fait des années que nous dénonçons aux Républicains cette mouvance extrêmement insidieuse qui s'infiltre dans tous les rouages de la vie quotidienne des populations en proposant des services, du soutien scolaire, des activités sportives, infiltrer parfois même dans certains conseils municipaux. Et donc, ce qui est à l'oeuvre, c'est une destruction de notre modèle démocratique. Et c'est extrêmement dangereux. L'idéologie frériste est un poison lent qui infiltre la société et qui la menace dans ses fondamentaux.
ROMAIN DESARBRES
Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
ANNIE GENEVARD
Alors maintenant, il faut une lutte absolument résolue. Du reste, au Conseil de défense, cette semaine, le président de la République a appelé à des mesures déterminées. Voilà. Maintenant, c'est la lucidité qui s'impose. Le mal est connu, il est identifié, il est dénombré.
ROMAIN DESARBRES
On a manqué de lucidité jusqu'ici ?
ANNIE GENEVARD
Je pense qu'on n'a en tout cas pas apporté les réponses que le danger appelle. Et que maintenant, on ne peut pas reculer. Ce rapport, il est accablant. Il a été demandé par de précédents Gouvernements. Aujourd'hui, les conclusions sont connues. On sait le nombre d'associations. On sait le nombre de personnes qui sont touchées. On connaît le projet, détruire les fondements de l'État démocratique. Eh bien, il faut évidemment regarder en face le danger qui nous menace.
ROMAIN DESARBRES
Vous avez probablement entendu certaines voix à gauche qui disent que ce rapport stigmatise les musulmans. Or, il n'est question dans ce rapport que des extrémistes, de ceux qui obligent les femmes à se voiler, de ceux qui refusent les autres religions, des monstres qui appellent à jeter les homosexuels des toits, qui appellent à taper les femmes désobéissantes. Il y a un intérêt à gauche à victimiser tous les musulmans ?
ANNIE GENEVARD
Moi, je dirais à ceux à gauche qui pensent qu'il y a un risque de stigmatisation des musulmans, qu'ils se demandent pourquoi des pays musulmans ont interdit l'idéologie frériste. Pourquoi l'ont-ils interdit ? Parce qu'ils y voient bien un danger majeur pour tous les musulmans qui veulent vivre paisiblement leur foi. Donc, si les pays musulmans interdisent le frérisme et que nous, nous l'acceptons, enfin il faut être un peu lucide et raisonnable et ne pas tomber dans le motif facile de l'islamophobie prétendue non. Quand on combat le frérisme, l'idéologie frériste, on ne fait pas preuve d'islamophobie. On dit simplement qu'il y a un danger pour notre société et il faut le combattre avec lucidité. Et tous ceux qui s'aveuglent dans de faux prétextes sont coupables d'inaction. Et on leur demandera des comptes.
ROMAIN DESARBRES
Comment ?
ANNIE GENEVARD
Si on ne met pas un frein à la propagation de cette idéologie qui est dangereuse pour notre pays, eh bien les Français demanderont des comptes à leurs hommes et à leurs femmes politiques. Et ils auront raison
ROMAIN DESARBRES
Gabriel ATTAL, Annie GENEVARD, propose d'interdire le voile islamique pour les filles de moins de 15 ans dans l'espace public. Qu'est-ce que vous en pensez ?
ANNIE GENEVARD
Alors bon Gabriel ATTAL, sauf erreur de ma part, n'a pas encore déposé son texte de loi, donc il faut voir ce qu'il y a dedans. Mais sur le principe…
ROMAIN DESARBRES
... les médias. Voilà.
ANNIE GENEVARD
Moi je vais vous dire. Les premières petites filles voilées que j'ai vues, c'était en Angleterre. Et ça me choquait beaucoup. Et aujourd'hui c'est dans notre pays. On voit de toutes petites filles qui sont voilées. Personnellement, je trouve ça très choquant. Qu'un jeune adulte, qu'un majeur choisisse le voilement par conviction, c'est une chose. Mais que l'on impose aux enfants de porter, pour les petits garçons, des kamis, et pour les petites filles, des voiles, je trouve ça profondément, mais vraiment profondément choquant. Donc légiférer sur ce point ne me paraît pas infondé. Mais à voir. Alors, après se posera la question de l'âge, à partir de quel âge. Vous voyez, on entre dans des débats qui sont compliqués, effectivement. Mais là, moi, je parle des enfants. Des petites filles de 2 ans, qu'on voit, donc qu'on conditionne.
ROMAIN DESARBRES
Moins de 15 ans, c'est 14 ans.
ANNIE GENEVARD
Des enfants qu'on conditionne dès le plus jeune âge, à l'idée qu'il faut qu'elles se dérobent au regard d'autrui, qu'elles sont infériorisées, qu'elles doivent, voilà, réfréner leur liberté, c'est tout le contraire de ce qui fait le fondement de notre société. L'égalité des femmes avec les hommes, la liberté des femmes. Enfin, il y a des femmes en Iran qui meurent pour leur liberté. Et nous, on tolérerait ça dans notre pays ?
ROMAIN DESARBRES
Annie GENEVARD, ministre de l'Agriculture, invitée de la grande interview CNews / Europe 1. Après l'attentat antisémite de Washington, qui a fait deux morts, la réaction d'Éric COQUEREL, député France Insoumise, a été très commentée quand on lui a demandé de réagir à cet attentat antisémite, à ce double assassinat antisémite. Il a répondu, je pense qu'il faut d'abord stopper le génocide à Gaza. Autre réaction d'un élu LFI, Thomas PORTES, qui a tweeté quelques instants après cet attentat antisémite, Free Palestine, comme l'a hurlé l'assassin de ces deux Israéliens, de ces deux agents de l'ambassade d'Israël. Comment qualifiez-vous ces réactions ?
ANNIE GENEVARD
Elles sont très choquantes, elles ne m'étonnent pas, puisque depuis des mois maintenant, LFI n'a jamais voulu dénoncer avec une clarté sans faille l'attentat du 7 octobre. Et qu'au fond, tout ce qui se passe, cet attentat épouvantable, cet assassinat commis à Washington sur ce couple de ressortissants israéliens au cri de Free Palestine, démontre que le fait générateur, quand même, c'est l'attentat du 7 octobre. Et il faut le mesurer. Alors bien sûr, chacun aspire à ce que les otages soient libérés, à ce que le conflit cesse. La France a toujours eu une position constante sur le sujet, c'est-à-dire deux États, mais le fait de justifier, parce qu'il y a une forme de justification, au fond, de la part de ces deux élus LFI, de dire, cet assassinat, il s'explique. Vous savez, expliquer, c'est déjà un peu être sur la voie de la justification. Que c'est à cause du conflit à Gaza, c'est éminemment choquant. Et on voit bien qu'entre l'antisémitisme et l'antisionisme, il n'y a qu'un pas, qui, une fois de plus, est franchi par les LFIstes
ROMAIN DESARBRES
Annie GENEVARD, je voulais vous entendre sur notre sondage qu'on révèle ce matin. Des maires se sentent très seuls. Et on comprend. Certains sont obligés de marier des OQTF. On marche sur la tête. Dans notre sondage CSA pour CNews / Europe 1 et le JDD, 73% des Français sont pour l'interdiction des mariages entre Français et étrangers en situation irrégulière. On pense bien sûr à ce qui s'est passé à Béziers avec Robert MENARD, mais il y a d'autres cas. Et vous, qu'en pensez-vous ? Est-ce qu'il faut interdire les mariages entre Français et OQTF ?
ANNIE GENEVARD
Clairement oui. Parce qu'on le sait, dans la plupart des cas, il y a, par le mariage, la voie de la régularisation. Je ne dis pas qu'il ne peut pas exister de véritable désir d'union sincère, mais enfin il ne faut pas être naïf. Il ne faut pas être naïf. Moi-même, j'ai été confrontée comme maire à cette situation.
ROMAIN DESARBRES
Et vous avez marié un OQTF ?
ANNIE GENEVARD
J'ai déjoué un mariage qui était manifestement un mariage blanc, qui n'était pas sincère. J'ai eu énormément de difficultés à le faire. Et j'ai dû, une autre fois, marier un OQTF à une Française, en effet.
ROMAIN DESARBRES
Qu'est-ce qu'un maire ressent quand il est obligé de marier quelqu'un à qui la France dit : " Vous devez quitter le territoire français " ?
ANNIE GENEVARD
C'est une insulte à son appréciation. Les maires devraient être reconnus dans leur fine connaissance qu'ils ont du terrain et des situations humaines. Vous savez, quand vous avez un mariage entre un étranger et un Français, vous devez conduire des questionnaires, un interrogatoire, pour apprécier... comment dirais-je ? La sincérité de la démarche. Donc le maire, on lui donne ce rôle-là. Et s'il pressent qu'il y a quelque chose d'insincère, on lui dit : " Ah ben non. On n'en tient pas compte, vous devez quand même les marier ". Comprenez que les maires se révoltent. Et c'est révoltant.
ROMAIN DESARBRES
On parlait de Robert MENARD à l'instant. Il a été interrogé de façon très serrée, le président de la République, sur cette question. À propos d'Emmanuel MACRON, la porte-parole du Gouvernement, Sophie PRIMAS, a provoqué un tollé, après avoir déclaré, ici même, sur le siège que vous occupez aujourd'hui, que le macronisme allait se finir d'ici quelques mois, affirmant qu'elle n'était pas macroniste. Hier, Gérard LARCHER, président Les Républicains du Sénat, a surenchéri, ça fait longtemps que j'estime qu'après Emmanuel MACRON, il n'y aura plus de macronisme. Il n'y a que le gaullisme qui a traversé les générations. Est-ce que, vous qui êtes proche de Bruno RETAILLEAU, est-ce que vous êtes macroniste ?
ANNIE GENEVARD
Alors, vous savez, c'est très clair. Quand nous sommes entrés au Gouvernement, quand les Républicains ont décidé, collectivement, d'ailleurs, en lien avec Bruno RETAILLEAU, Laurent WAUQUIEZ, notre famille politique, quand nous avons décidé d'entrer au Gouvernement, c'est avec ce que nous sommes, nos convictions, notre projet, nos valeurs, et nous n'y avons pas renoncé en étant au Gouvernement. La France connaît une situation atypique, il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale, ce n'est pas une cohabitation, ce n'est pas non plus véritablement une coalition, donc c'est une organisation un peu singulière, où chacun est venu avec un point commun, néanmoins, c'est la volonté d'apporter notre concours au redressement du pays. Donc je n'ai pas changé dans ce que je suis et dans les convictions qui sont les miennes, mais je travaille…
ROMAIN DESARBRES
Vous nous dites que vous n'avez jamais été macroniste ?
ANNIE GENEVARD
Non, je n'ai jamais fait partie du cercle du président de la République. Je n'ai jamais adhéré au parti du président de la République. Je suis une responsable politique des Républicains, je le demeure, mais je travaille, je dirais, avec loyauté au sein d'un Gouvernement qui veut redresser la France. Je pense que ce qui... comment dirais-je ? Énerve un peu tout le monde dans ce débat, c'est qu'on est déjà dans 2027. C'est dans deux ans ! La présidentielle, c'est dans deux ans.
ROMAIN DESARBRES
Ça va arriver vite.
ANNIE GENEVARD
Ça va arriver vite, mais dans un contexte qui est tellement instable, sur le plan géopolitique, sur le plan de la politique intérieure. N'allons pas trop vite en besogne. Et vous savez, ce qui survit au responsable politique, c'est l'histoire qui le dit.
ROMAIN DESARBRES
Annie GENEVARD, ministre de l'Agriculture, invitée de la grande interview CNews / Europe 1. Sarah KNAFO, députée européenne Reconquête ! a déclaré, chez nos confrères de Sud Radio, pouvoir tout à fait travailler avec Bruno RETAILLEAU, avec qui elle dit partager énormément de convictions. Est-ce que vous pourriez, vous, travailler avec Sarah KNAFO ?
ANNIE GENEVARD
Ceux avec qui nous voulons faire, c'est avec les électeurs de Reconquête !
ROMAIN DESARBRES
Oui. Mais pour diriger le pays, vous aurez besoin d'autres élus, de travailler avec d'autres hommes et femmes politiques. Est-ce que vous pourriez travailler avec Sarah KNAFO ?
ANNIE GENEVARD
Pour accéder aux responsabilités, il faudra convaincre plus de Français que ceux qui sont adhérents à LR. Donc voilà, il faut parler aux Français qui... Et je pense que la réussite…
ROMAIN DESARBRES
Donc vous ne fermez pas la porte, si je vous suis, au fait de pouvoir, je ne parle pas d'alliance, mais de travailler avec Reconquête !, de prendre quelques idées…
ANNIE GENEVARD
N'allez pas croire que les Français sont sensibles aux injonctions de vote des partis. Les Français sont d'une grande lucidité. Pourquoi reconnaissent-ils en Bruno RETAILLEAU une personnalité capable de les rassembler ? C'est parce qu'il a un discours clair, ferme, déterminé, qu'il n'élude pas les problèmes, et les Français s'y reconnaissent. Voilà. Ben c'est ça qu'il faut faire.
ROMAIN DESARBRES
Madame la ministre de l'Agriculture, on va parler d'agriculture.
ANNIE GENEVARD
Ah oui ! On va parler d'agriculture.
ROMAIN DESARBRES
La proposition de loi DUPLOMB qui vise à lever les contraintes dans le domaine agricole et notamment à réautoriser des néonicotinoïdes passe lundi à l'Assemblée nationale. Vous soutenez ce texte. Est-ce que c'est un texte dangereux ou pas ?
ANNIE GENEVARD
Le Gouvernement soutient ce texte. Le Gouvernement, avec lequel, évidemment, le dialogue a été constant…
ROMAIN DESARBRES
J'ajoute, excusez-moi, les agriculteurs le soutiennent également.
ANNIE GENEVARD
Les agriculteurs le soutiennent, je le soutiens, le Gouvernement le soutient. Donc nous avons été très clairs, ce texte est utile. Il est d'émanation sénatoriale, comme vous le savez. Laurent DUPLOMB et Franck MENONVILLE ont essayé, par ce texte, de répondre à tous les freins qui pèsent sur le métier d'agriculteur. Ce texte parle de l'accès à l'eau. Quand l'eau tombe en masse, comme dans le Tarn et dans le Tarn-et-Garonne, où je suis allée il y a peu, il faut pouvoir la stocker. Les écologistes veulent l'empêcher. Ça, ça n'est pas évidemment admissible. Ils veulent pouvoir construire des bâtiments d'élevage. On est en déficit de souveraineté alimentaire. Si on veut continuer à manger du poulet ukrainien, il faut empêcher les agriculteurs d'élever des poulets en France. Ils veulent que l'on puisse traiter les cultures lorsqu'il y a des impasses sanitaires. Il faut qu'on puisse restaurer l'usage de certaines substances. Voilà. C'est du bon sens. Et le Gouvernement soutient ce texte parce que ce texte est attendu par les agriculteurs et il leur est utile.
ROMAIN DESARBRES
Des agriculteurs sont violents, parfois, avec leurs députés. Il y a eu des messages sur des permanences. Qu'est-ce que vous leur dites ? Des députés qu'on peut suspecter de s'apprêter à voter contre la proposition de loi.
ANNIE GENEVARD
Je leur dis ce que je leur ai toujours dit pendant les manifestations. Pas de violence à l'égard des personnes et des biens. Les députés et les parlementaires sont libres de leur vote. Il n'y a pas de mandat impératif. Pour autant, ce qu'ils n'admettent pas, c'est l'obstruction. Vous savez que les écolos et les LFI ont déposé des milliers d'amendements pour empêcher le texte d'aller à son terme. Ce n'est pas acceptable.
ROMAIN DESARBRES
Vous nous dites ce matin, sur CNews et sur Europe 1, que c'est un texte qui n'est pas dangereux pour la santé des Français, des gens qui habitent près des champs.
ANNIE GENEVARD
Mais évidemment, il s'agit de restaurer dans ce texte, parmi les mesures, non pas les néonicotinoïdes, non pas les pesticides, mais une substance, pardonnez-moi, qui est autorisée partout en Europe.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup. Merci Madame la ministre de l'Agriculture, Annie GENEVARD, d'être venue ce matin sur CNews et Europe 1. Bonne journée à vous et à bientôt.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mai 2025