Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations entre la France et l'Arménie, à Erevan le 26 mai 2025.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères et M. Ararat Mirzoyan, ministre des Affaires étrangères de la République d'Arménie

Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher Ararat,

Merci pour votre accueil.

Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs,

Merci beaucoup pour votre présence avec moi aujourd'hui ici, en Arménie.

Mesdames et Messieurs, chers amis arméniens,

Tout à l'heure, lorsque nous amorcions notre descente sur Erevan, sous le regard du mont Ararat, que nous reconnaissions à bâbord, je me disais qu'il était temps, cher Ararat, de répondre à votre invitation et de me rendre ici, à Erevan.

Et c'est une grande joie d'être ici, où j'effectue donc ma première visite. Une joie, il est vrai, teintée d'émotion, puisque nous marquons cette année le 110e anniversaire du génocide de 1915. Une joie mêlée de fierté, alors que les relations entre nos deux pays n'ont jamais été aussi intenses, ni aussi confiantes.

Parce qu'il y a une amitié particulière qui lie la France et l'Arménie, le peuple arménien et le peuple français. Une amitié qui plonge ses racines dans l'Histoire et qui trouve sa force dans la fidélité.

Fidélité à notre mémoire commune, et c'est pourquoi je suis très touché de prendre part tout à l'heure à l'hommage qui sera rendu, au Mémorial du Génocide, à l'amiral Louis Dartige du Fournet, qui, en 1915, a contribué avec ses marins au sauvetage de plus de 4000 résistants arméniens de Musa Ler promis à l'extermination.

Fidélité dans les moments de tragédie. C'est pourquoi la France continue de se tenir aux côtés des réfugiés arméniens du Haut-Karabakh et de l'Arménie qui les accueille. Comme je dis la France, je pense évidemment à son Gouvernement, mais aussi aux parlementaires, dont sept sont aujourd'hui avec moi à Erevan. Je tiens ici à saluer leur engagement, car la diplomatie parlementaire fait vivre elle aussi notre relation bilatérale. Je pense aussi aux collectivités territoriales et à l'ensemble des organisations de la société civile et de la diaspora qui se mobilisent pour l'Arménie. Ils nous alertent, ils nous aiguillonnent, ils nous soutiennent, alors qu'ils en soient remerciés.

En Arménie, je suis donc venu réaffirmer le soutien de la France, un soutien que le Président de la République a voulu "inconditionnel, entier et constant". Ce sont ses mots.

Soutien à la paix, d'abord. Le texte du traité de paix avec l'Azerbaïdjan a été finalisé. C'est le résultat d'une négociation difficile, menée avec ténacité par le Premier ministre Pachinian, dont je tiens ici à saluer le courage. Comme l'a écrit mon homologue américain, Marco Rubio, il est temps de le signer et de le ratifier. C'est ce qu'attendent la France, l'Europe et les États-Unis.

Soutien à l'indépendance, à l'intégralité territoriale et à la souveraineté de l'Arménie, ensuite. Cela passe par la poursuite résolue de notre coopération de défense avec l'Arménie, qu'il s'agisse de la fourniture d'équipements, de la formation des soldats arméniens ou du Conseil. Tout cela dans le seul but d'aider l'Arménie à acquérir les moyens de défendre sa population, son intégrité territoriale et sa souveraineté.

Soutien à la démocratie arménienne enfin, face aux tentatives d'ingérence, de désinformation et de déstabilisation. Nous aiderons l'Arménie à préserver l'intégrité de ses processus électoraux et à consolider son modèle démocratique.

Avec le Premier ministre et avec vous, cher Ararat, nous avons fait le point aujourd'hui sur nos coopérations, et elles sont nombreuses.

Coopération diplomatique, bien sûr. Nous avons conclu à l'instant une déclaration d'intention sur la coopération entre nos deux ministères pour mieux articuler nos diplomaties. Ensemble, nous préparons les grandes échéances multilatérales à venir : la Conférence des Nations Unies sur l'Océan qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin ; la COP 17 pour la biodiversité qu'accueillera l'Arménie l'année prochaine, en 2026 ; les Jeux de la Francophonie, qui seront organisés à Erevan en 2027, et en vue desquels nous partageons avec nos amis arméniens l'expérience des Jeux de Paris 2024. Et nous sommes heureux également que l'Arménie soit l'hôte du 8e Sommet de la Communauté politique européenne, ce qui a été rendu possible grâce au soutien croisé décidé entre les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises.

Coopération économique, autour de projets phares. L'Arménie a confié à la société française Idemia la production et la gestion de ses documents d'identité. C'est une marque de confiance et un signal fort envoyé aux entreprises françaises. Et cette confiance est réciproque. J'ai le plaisir de vous annoncer que l'AFD a souscrit à hauteur de 26 millions d'euros la première obligation verte arménienne émise par la National Mortgage Company. Et Proparco, la branche de l'AFD qui intervient dans le secteur privé, est entrée à hauteur de 22,5 millions d'euros au capital de la banque arménienne Acba. Et puis tout récemment, le 22 mai dernier, l'AFD a approuvé un nouveau projet de développement dans le secteur de l'eau et de l'agriculture en Arménie, qui sera soutenu par un prêt de 100 millions d'euros.

Coopération décentralisée également, alors que se tiendront dans quelques jours à Goris, dans le Syunik, les assises franco-arméniennes de la coopération décentralisée. C'est l'expression d'une diplomatie des territoires, centrale dans les rapports entre nos deux pays, et qui précède d'ailleurs l'établissement de nos relations diplomatiques. C'est aussi un signal politique, compte tenu des enjeux qui sont ceux du Syunik. À cette occasion, la France ouvrira à Goris une agence consulaire.

Et puisqu'avec l'Arménie la France s'engage dans la durée, nous allons conclure aujourd'hui plusieurs accords qui seront le socle de nos coopérations futures : la déclaration d'intention sur la coopération entre nos deux ministères, où j'ai dit quelques mots ; l'accord entre Business France et son homologue arménien, Enterprise Armenia, pour accompagner les entreprises de nos deux pays dans leurs projets, en France comme en Arménie ; et puis l'accord qui acte l'installation en Arménie d'Expertise France, grâce auquel nous avons d'ores et déjà déployé plusieurs experts dans les administrations arméniennes, au service des réformes qui sont chères au Premier ministre Nikol Pachinian.

La France, enfin, continuera d'oeuvrer activement à l'intensification des relations entre l'Arménie et l'Union européenne. Qu'il s'agisse de la Facilité européenne de paix, du dialogue sur la libéralisation des visas de court séjour, de projets d'investissements dans les infrastructures ou la connectivité, La France sera toujours promotrice d'un haut niveau d'ambition et de réalisation, pour une relation qui a vocation à devenir de plus en plus structurante.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les sujets dont je suis venu m'entretenir en confiance avec le Premier ministre Pachinian et le ministre des affaires étrangères, cher Ararat, que je remercie de leur accueil amical et chaleureux.

Je ne voudrais pas terminer ce propos sans saluer la remarquable tenue politique et intellectuelle du Yerevan Dialogue, du Dialogue d'Erevan, auquel j'aurai tout à l'heure l'honneur de participer. Cette seconde édition le consolide comme un rendez-vous incontournable pour les décideurs, les penseurs et les chercheurs de la région, et bien au-delà.

Merci beaucoup, cher Ararat.

(...)

R - La relation entre nos deux pays, entre nos deux peuples, est déjà très largement stratégique, du fait de toutes les coopérations que j'ai eu l'occasion de rappeler à l'instant et qui vont du soutien au développement des infrastructures, que ce soit celles qui touchent à la mobilité ou au réseau d'eau par exemple, jusqu'à la technologie, avec l'arrivée d'Idemia, en passant par les multiples projets développés par les collectivités territoriales françaises qui seront valorisés dans quelques jours, lors de la cinquième édition des Assises de la coopération décentralisée.

Je veux d'ailleurs, à ce sujet, signaler que la présence de Florence Provandier, qui est présente aujourd'hui avec moi, et que mon ministère a appelée, de manière totalement inédite, à venir contribuer à resserrer tous les liens entre collectivités, société civile, associations, pour faire en sorte que la relation stratégique que nous appelons de nos voeux soit toujours plus étroite à tous les niveaux.

Ensuite, nous nous préparons, avec mon collègue Ararat, à coucher tout cela sur le papier, en préparant un véritable partenariat stratégique, qui viendra acter la profondeur de notre relation telle qu'elle existe aujourd'hui, mais aussi à la projeter dans les années et décennies qui viennent, avec d'autres projets de coopération dans tous les domaines, y compris celui de la défense, que nous évoquions.

Quant aux propos du ministre russe qui était présent à Erevan il y a quelques jours, je laisserai le Ministre y répondre. Ce que je peux simplement signaler, c'est ce que nous avons vu ces derniers jours en Ukraine, c'est-à-dire l'une des attaques les plus meurtrières depuis le début de la guerre d'agression russe en Ukraine. Pour notre part, nous avons un message très clair : nous voulons la paix, mais pour qu'une paix puisse advenir, il faut au préalable qu'un cessez-le-feu puisse intervenir, qui permette la tenue de négociations en bonne et due forme qui garantissent qu'au bout de ces négociations une paix juste et durable puisse advenir. C'est ce que nous appelons de nos voeux. L'Ukraine y est prête, puisque cela fait maintenant presque trois mois qu'elle a consenti à un cessez-le-feu de 30 jours sans conditions, pour que puissent s'amorcer des négociations de paix. Il appartient désormais à la Russie de démontrer si elle souhaite poursuivre sa guerre ou si, au contraire, elle est ouverte à des négociations de paix.

(...)

R - Nous avons soutenu les efforts des autorités arméniennes pour parvenir avec l'Azerbaïdjan à un traité de paix en bonne et due forme. Et lorsqu'un accord politique a été trouvé par les deux parties, nous l'avons salué. Nous encourageons désormais les deux parties, en particulier l'Azerbaïdjan, à signer ce traité de paix, pour qu'on puisse avancer dans une région qui est si importante, si centrale et - on aura l'occasion d'en parler lors du Dialogue d'Erevan - qui est un noeud de connectivités qui est essentiel pour l'Europe. Il est fondamental que ce traité puisse être signé.

Ensuite, lorsqu'il y a quelques semaines des tensions sont apparues, nous avons appelé à la retenue pour éviter l'escalade. On était si proche de la paix, il aurait été dramatique que cette paix puisse être remise en question par la violence. Je souhaite pour ma part, désormais qu'un accord politique a été trouvé, que l'on puisse aboutir rapidement à cette signature.

Je reviens à la question précédente qui était posée, sur l'animosité avec la Russie, en tout cas sur le thème sur lequel vous m'interrogiez. Nous - France, Europe -, nous ne sommes pas en guerre contre la Russie ou contre le peuple russe, mais nous sommes en résistance contre la "poutinisation" du monde, c'est-à-dire la redéfinition par la force des frontières sur le continent européen. C'est un principe que nous ne pouvons pas accepter et contre lequel nous résistons. Cette résistance se manifeste par notre soutien à l'indépendance, à l'intégrité territoriale, à la souveraineté de l'Ukraine, et donc à son effort militaire la guerre d'agression russe. Ni l'Ukraine, ni l'Europe, ni personne n'a de revendication territoriale sur la Russie. C'est la Russie de Vladimir Poutine aujourd'hui qui a des revendications territoriales sur l'Ukraine et peut-être sur d'autres pays.

Et puis notre résistance va continuer de se manifester avec des sanctions de plus en plus lourdes qui vont venir tenter de repousser ou, en tout cas, de rendre l'effort de guerre ou le coût de l'effort de guerre mené par Vladimir Poutine insoutenable pour la Russie, puisque ce que nous voulons c'est que le feu cesse pour que les négociations puissent s'engager. C'est également la volonté des Ukrainiens. Maintenant, à Vladimir Poutine d'en décider.

(...)

R - Je vais vous répondre, comme je l'ai dit tout à l'heure, que l'Union européenne, à travers cette discussion qui s'engage sur la libéralisation des visas de court séjour, à travers la Facilité européenne de paix, se tient aux côtés de l'Arménie. Et ces discussions qui se sont amorcées sur cette question des visas conduiront, je le souhaite, à créer de nouvelles opportunités au bénéfice des Arméniennes et des Arméniens, mais également de l'Union européenne.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mai 2025