Interview de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à France 2 le 5 juin 2025, sur le budget pour 2026, la TVA sociale, la fusion d'un tiers des opérateurs ou des agences de l'État, les droits de douane américains et MaPrimeRénov'.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Éric Lombard - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;
  • Julien Arnaud - Journaliste

Média : France 2

Texte intégral

JULIEN ARNAUD
Et c'est vrai que votre parole est attendue, monsieur le ministre. Bonjour.

ÉRIC LOMBARD
Bonjour Julien ARNAUD. Quel teasing !

JULIEN ARNAUD
Merci d'être là. Ben oui, vous voyez. Mais parce qu'encore une fois, on a envie d'avoir des réponses, parce que c'est vrai qu'il n'y a plus beaucoup d'argent dans les caisses. On vient de le voir, vous travaillez sur le budget pour 2026. Et François BAYROU donnera les pistes avant le 14 juillet. Mais on a vu ce que dit Le Monde sur la préparation des esprits à une hausse des impôts. Est-ce que vous assumez cette phrase ou pas ? C'est ce que dit l'article. Bercy assume.

ÉRIC LOMBARD
Alors il n'y a pas de guillemets. Je n'assume pas cette phrase. Ce n'est pas ce que nous avons en tête. Nous voulons la stabilité fiscale. Nous voulons la stabilité des prélèvements obligatoires, dont je rappelle d'ailleurs qu'ils sont redescendus en France au niveau où ils étaient en 2012. Donc en fait, ce que nous avons en France, ce n'est pas un problème de prélèvements obligatoires, de niveaux d'impôts. Il ne s'agit pas de les augmenter. C'est un problème de dépenses publiques, vous l'avez dit vous-même, 1 700 milliards. Et ce qu'il faut effectivement, c'est stabiliser la dépense publique. Alors Axel DE TARLÉ a été très clair. Cela ne peut pas être uniforme. Par exemple, en matière de défense, il y a une loi de programmation militaire, eh bien tout le monde devient plus dangereux. Et donc la loi de programmation militaire sera respectée. Elle le sera aussi dans les affaires de souveraineté, de sécurité, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice.

JULIEN ARNAUD
Mais donc ce matin, vous nous dites : " Non, il n'y aura pas de hausse d'impôts dans le budget 2026, point final. " 

ÉRIC LOMBARD
Il n'y aura pas de hausse d'impôts d'ensemble.

JULIEN ARNAUD
Donc pas de TVA sociale.

ÉRIC LOMBARD
Ça, c'est un autre sujet. C'est le Parlement qui fait la loi. Donc le Parlement pourra après faire évoluer la copie. Ce qu'on appelle la TVA sociale, je rappelle que la TVA sociale n'a été proposée par personne. Ni par le président République, ni par le Gouvernement. Le président de la République a dit : " Nous avons un sujet sur le financement de la sécurité sociale qui repose très largement sur le travail . C'est-à-dire ce sont les cotisations versées par les entreprises et par les salariés.

JULIEN ARNAUD
Et pas assez sur la consommation.

ÉRIC LOMBARD
Et il y a d'autres supports. Et donc le président de la République a souhaité qu'avec les partenaires sociaux, on ouvre une réflexion pour qu'une partie des charges qui repose sur le travail puisse porter sur autre chose.

JULIEN ARNAUD
Mais pas forcément la consommation.

ÉRIC LOMBARD
Pas forcément la consommation. Et le sujet est complètement ouvert. Et moi, je fais partie de ceux qui pensent que quand on ouvre une concertation, il faut d'abord écouter ceux qui sont les premiers concernés. Donc Qu'en pensent les syndicats de salariés, qu'en pensent les représentants des entreprises ?

JULIEN ARNAUD
Moi, je vous le dis à leur place, même les autres partis, la TVA, la hausse de la TVA sociale ou pas, ils sont contre.

ÉRIC LOMBARD
Et bien s'il n'y a pas d'accord, dans ces cas-là, on n'ira pas très loin sur cette piste-là. Moi, je n'entends pas forcément les mêmes commentaires. D'ailleurs tout à l'heure à Bercy, on reçoit pour la énième fois le Conseil des entreprises qu'on a voulu instituer avec les ministres de Bercy. On va recevoir les représentants de toutes les entreprises, les grandes, les petites. Puis on va recevoir bientôt aussi les représentants des salariés et puis on écoutera ce qu'ils nous disent.

JULIEN ARNAUD
Alors c'est vrai que le Medef, évidemment, de son côté est pour. L'année blanche, on l'a vu, c'est en une de la presse ce matin, Les Échos, L'Opinion. On a expliqué, on ne va pas revenir dessus, ça rapporterait entre 15 et 25 milliards en gros. Est-ce qu'effectivement, c'est une piste que vous pourriez retenir ?

ÉRIC LOMBARD
Alors on ne va pas jouer, pardon, au jeu de quelles pistes on va retenir parce qu'on est en phase de concertation. Hier soir, j'avais un dîner avec des députés. J'ai été interrogé par la commission des affaires économiques du Sénat et on est toujours dans une phase de construction. Et le Premier ministre, sur la base de ce qui sera proposé par les uns et par les autres, rendra ses arbitrages mi-juillet.

JULIEN ARNAUD
Donc vous ne retenez pas, mais vous n'écartez pas non plus.

ÉRIC LOMBARD
Aujourd'hui, nous regardons la façon dont nous pouvons faire baisser le déficit et il y a plusieurs façons pour cela. Mais la question a été posée, pourquoi est-ce que c'est important ? Et malgré l'encouragement de Bruxelles, que je remercie, c'est important, mais ce n'est pas facile parce que le déficit, c'est de la dette supplémentaire. La dette, on la paie. Cette année, 67 milliards d'euros versés à nos créanciers, c'est plus que le budget de la défense. Et si on y prend garde, dans trois ans, ce sera 100 milliards d'euros, plus que le budget de l'Education nationale. Donc il faut absolument maîtriser notre dette. C'est une question de souveraineté pour l'ensemble des Françaises et des Français, et c'est ça qui redonnera des marges de manoeuvre pour faire d'autres choses dans les années qui viennent.

JULIEN ARNAUD
Maîtriser la dette sans augmenter les impôts, le taux de prélèvements, il est à 43,5% du PIB, c'était moins l'année dernière, 42,8, est-ce que ce sera plus l'année prochaine ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
Alors je l'ai dit tout à l'heure, nous souhaitons le maintenir autour de 43%. Il ne faut pas que le niveau de prélèvements obligatoires soit trop élevé. Il faut que l'argent soit dans l'économie et puis aille aussi aux Françaises et aux Français.

JULIEN ARNAUD
Ça va se coupler avec des économies. On dit que vous pourriez supprimer ou fusionner un tiers des opérateurs ou des agences de l'État. C'est vrai ou pas ? C'est un bon objectif que vous confirmez ce matin ?

ÉRIC LOMBARD
Ça me paraît un objectif élevé. Je vais rappeler que ces opérateurs ont un rôle utile. Regardez FRANCE TRAVAIL, l'ADEME qui est décriée mais qui fait beaucoup sur la transformation écologique. Donc effectivement, il y a des simplifications, il y a des rapprochements, on y travaille. Encore une fois, un tiers me paraît un objectif ambitieux.

JULIEN ARNAUD
D'accord. Plutôt un cinquième.

ÉRIC LOMBARD
Nous verrons. C'est du cas par cas. Moi, je n'oublie pas que derrière chacun de ces opérateurs, il y a des fonctionnaires, il y a des contractuels. Il faut aussi faire cela dans le respect des personnes.

JULIEN ARNAUD
Les rentrées d'argent vont dépendre évidemment de la croissance. On est à 0,7% officiellement, mais l'OCDE vient de passer à 0,6. Est-ce que vous vous alignez sur ce chiffre ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
Ça dépendra beaucoup d'une discussion importante qui a lieu en ce moment sur les tarifs douaniers avec les États-Unis. En réalité, je trouve que l'économie française résiste très bien et le moral des entrepreneurs d'ailleurs est bon. Ce qui prouve que quand il y a une politique économique qui s'engage à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, ça favorise l'investissement. Simplement il y a une grande incertitude sur les tarifs. La négociation est enfin nouée entre la Commission européenne et les autorités américaines.

JULIEN ARNAUD
Elle avance bien. Vous êtes optimiste ?

ÉRIC LOMBARD
Elle avance.

JULIEN ARNAUD
Parce que la pause se termine courant juillet.

ÉRIC LOMBARD
Oui, absolument. Et donc on a encore quelques semaines. Et le représentant pour le commerce américain, Jamieson GREER, est en Europe. Il a vu notre représentant Maros SEFCOVIC. Ils ont tous les deux émis un communiqué disant que ça avançait. Et si on peut résoudre cette question, ça va franchement dégager le terrain. Parce que pour le reste, il y a beaucoup de nouvelles positives. Et si on réussit à se mettre d'accord dans ces cas-là, je suis confiant sur la croissance et donc ce sera bon pour les recettes. Sinon, effectivement, ça sera une difficulté supplémentaire.

JULIEN ARNAUD
Dans ce contexte, vous cherchez un moyen de convaincre les Français et l'ensemble des Européens de privilégier les placements européens pour financer l'économie européenne et vous lancez avec d'autres pays d'ailleurs un label européen. Expliquez-nous ce matin le principe de ce label.

ÉRIC LOMBARD
Oui, c'est une belle journée pour l'Europe parce que beaucoup de mes collègues européens viennent à Paris pour lancer ce label. Il y a 35 000 milliards d'euros d'épargne en Europe. Et tenez-vous bien, un tiers va financer les États-Unis d'Amérique. Ça, ça ne va pas du tout. Il faut que notre épargne finance notre économie. Et donc nous lançons avec les autres pays européens, et on y travaille à Bruxelles depuis plusieurs semaines, c'est une initiative entre la France et l'Espagne au départ, un label européen pour que dans tous les pays d'Europe, les épargnants sachent que s'ils achètent un produit d'épargne qui peut être de l'assurance vie, qui peut être une SICAV, qui a ce label épargne européenne finance européenne, eh bien dans ces cas-là, ce seront des produits qui sont majoritairement investis en Europe pour le soutien de la croissance européenne.

JULIEN ARNAUD
Vous avez dit le chiffre, 35 000 milliards. Vous cherchez des ressources. Vous pourriez éventuellement taxer l'épargne des Français davantage ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
Non. Ce n'est pas du tout l'idée.

JULIEN ARNAUD
Ce n'est pas d'actualité.

ÉRIC LOMBARD
Encore une fois, l'idée n'est pas d'augmenter les impôts. Je veux maintenir les prélèvements obligatoires. Donc le label européen de l'épargne, ce serait vraiment une avancée importante.

JULIEN ARNAUD
Ça permettra aux gens de savoir aussi où est fléché leur argent parce qu'ils ne le savent pas forcément. Voilà. C'est un peu ça l'idée, on imagine.

ÉRIC LOMBARD
Alors normalement, il y a beaucoup d'informations puisque mes intermédiaires financiers doivent informer, mais ce sera un fléchage très simple. Si on achète produit européen, il finance l'économie européenne.

JULIEN ARNAUD
Deux autres questions d'actualité, si vous le voulez bien. D'abord, vous avez suspendu le système MaPrimeRénov' et vous dites que vous allez le reprendre d'ici à la fin de l'année mais en changeant quoi ?

ÉRIC LOMBARD
En fait, la question, c'est que MaPrimeRénov' est victime de deux choses. D'abord, on a eu la censure. Pendant la censure, les guichets étaient fermés. Et donc quand on a rouvert, parce que le budget a été voté, il y a eu une avalanche de demandes. Donc les agents qui s'en occupent sont simplement débordés. Il y a vraiment un encombrement. Et puis un deuxième sujet, c'est qu'on a vu que le niveau des fraudes augmentait. Il y a 16 000 dossiers, donc il faut vraiment qu'on remette ça au clair. Quand un vélo a une pédale cassée, on répare la pédale et après on repart. Donc la ministre du Logement, Valérie LETARD, prend ça très au sérieux. Elle met toute son énergie pour que cette période où on remet le fonctionnement au carré soit la plus brève possible. Et on espère le plus vite possible qu'on pourra rouvrir ce guichet. Parce que c'est très utile la rénovation thermique des bâtiments.

JULIEN ARNAUD
Et vous avez parlé de la censure. Vous êtes optimiste pour échapper à la censure ? Parce que les pistes qui sont mises sur la table pour l'instant, que soient au RN ou au Parti socialiste dont vous avez besoin de l'un ou de l'autre, ils disent : " ça, ce sera la censure. "

ÉRIC LOMBARD
Nous sommes dans la co-construction.

JULIEN ARNAUD
Oui, mais est ce que les autres le sont ?

ÉRIC LOMBARD
On invite. D'ailleurs, hier, à l'Assemblée nationale, j'ai invité tous les partis, à partir de maintenant, à la demande du Premier ministre, de venir rencontrer les ministres de Bercy en charge, Amélie DE MONTCHALIN et moi-même, pour construire ce budget afin qu'il puisse être voté par la majorité qui nous soutient et effectivement, espérons-nous, comme l'année dernière, ne pas être censuré par le Parti socialiste. Mais moi, j'espère aller au-delà parce qu'on a eu la dernière des discussions qui ont été fécondes avec le Parti communiste, avec les Verts. On invite tous les partis à venir élaborer ce budget avec nous pour que ce soit le budget de la Nation. Et dans la difficulté de la situation internationale, je pense que c'est important qu'on puisse le faire passer.

JULIEN ARNAUD
Le niveau moyen de prélèvement n'augmentera pas. C'est l'engagement pris et répété ce matin par le ministre de l'Economie dans les 4V. Merci beaucoup Éric LOMBARD.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juin 2025