Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Commission,
Mesdames et Messieurs les chefs d'État et de gouvernement,
Mesdames, Messieurs les ministres, Ambassadeurs,
Monsieur le Maire de Nice, merci encore pour l'accueil,
Chers amis,
Je me réjouis en effet que ce sommet, j'ai déjà dit beaucoup de choses ce matin, donc je vais tâcher de ne pas les répéter, permette cette étape qu'est le Pacte européen pour l'océan. Merci, Madame la Présidente de la Commission, d'avoir amené ces éléments de fond et aussi les premiers financements que vous avez exposés avec ce milliard d'euros. Et vous avez raison aussi de dire que nous aurons maintenant le travail dans le cadre des perspectives financières à conduire tous ensemble pour être cohérents avec ces engagements. Mais je crois que l'Europe, comme elle a su le faire sur la réduction des émissions, a une capacité véritablement de prescription lorsqu'il s'agit de nos océans, parce que l'Union européenne est la première puissance maritime mondiale.
Je rappelais ce matin que la France était en effet la deuxième zone économique exclusive et que si les États-Unis d'Amérique sont la première, l'Europe, elle, rassemblée toute entière avec tous ses États membres, elle dispose du premier domaine maritime mondial de 25 millions de kilomètres carrés. Et donc ce Pacte européen a quelque chose en effet de très prescripteur pour pouvoir avancer et, je dirais, changer véritablement le destin de nos océans et mettre en pratique tout ce qui a été dit ce matin, ce qui a été demandé par nos scientifiques, nos ONG, notre jeunesse, tout ce sur quoi nous voulons nous engager. Alors, je vais juste dire pour moi quelques éléments clés.
Le premier, j'y revenais ce matin, c'est la science. Vous avez annoncé 300 millions d'euros dans le cadre de Choose Europe for Science sur les sujets maritimes, mais je pense qu'il est absolument essentiel, et le président Costa vient de le rappeler à l'instant, il est absolument essentiel de poursuivre cette ambition. Et en effet, notre Europe a beaucoup à faire en termes de financement de la recherche. D'abord parce qu'il y a un désengagement américain sur ces sujets, la NOAA, les systèmes d'observation, les grandes missions. Et donc, c'est à nous, Européens, de regarder partout où les éléments sont stratégiques et de nous engager. Et donc, c'est d'abord nous engager pour permettre à des chercheuses et des chercheurs qui, aujourd'hui, voient leurs laboratoires, leurs chaires de recherche menacées, de les accueillir en Europe dans des écosystèmes de recherche où ils vont pouvoir poursuivre leurs travaux. Donc la première chose, ce sont les personnes.
La deuxième, c'est nous assurer que dans tous les programmes, les séries longues de recherche qui sont menacées par le désengagement américain, nous, Européens, on arrive à sécuriser, eh bien, la possibilité de maintenir ces données de manière ouverte et déconsolidée. Ça, c'est ce que j'appellerais les infrastructures de recherche. On a deux éléments clés, les bases de données et les infrastructures d'observation et donc ce sont toutes les missions d'observation et le lien qu'il y a entre la recherche sur les océans et le spatial. À cet égard, le Président vient d'y faire allusion et vous en avez parlé, Madame la Présidente, Cette mission Neptune est un élément clé et le pacte doit nous permettre de poursuivre, en effet, ces programmes qui vont nous permettre d'avancer sur l'innovation et l'exploration océanographique et sous-marine.
La mission Neptune va nous permettre, en quelque sorte, de mettre un chapeau à beaucoup de contributions nationales qui existent d'ores et déjà aujourd'hui. On était hier avec nos amis de l'Ifremer. Mais beaucoup de pays ont leurs propres organismes de recherche marine et ont fait tous des choses qui sont très utiles. La mission Neptune va nous permettre de consolider tout cela et de pouvoir en particulier avancer sur les explorations des fonds marins et de la colonne d'eau. Parce qu'il y a évidemment l'exploration des fonds marins, mais il ne faut pas aller que sur les fonds, il faut regarder et pouvoir analyser toute la colonne d'eau et pouvoir aussi consolider l'observation de nos océans dans la durée avec, là aussi, des moyens qu'on va donner sur le plan satellitaire et de l'observation. Et donc, nous le faisons également avec le CERN, si je puis dire, si je puis prendre cette comparaison. Et je pense que ça a beaucoup de synergie avec ce que nous voulons aussi faire en matière de spatial au niveau européen. La mission Neptune, vous l'avez donc compris, c'est pour nous, en quelque sorte, ce chapeau d'une ambition de recherche sur les grands programmes. Et donc on a ce triptyque qui va maintenant fonctionner avec la matière, le spatial et les océans, et avec là aussi beaucoup de synergie entre ces trois grandes volontés.
L'autre point que le pacte va permettre de faire avancer, c'est là aussi la nouvelle organisation intergouvernementale internationale pour les prévisions océaniques, le Centre international Mercator pour l'océan. Elle sera hébergée en France, mais je veux ici saluer ceux qui ont beaucoup fait pour pousser cette idée, cher Pascal, et vous êtes quelques-uns dans cette salle. En effet, quand on nous présentait il y a 5 ans, c'était donc presque hier, l'idée d'avoir un jumeau numérique des océans, beaucoup nous disaient que ce serait impossible, mais avec le jumeau numérique de l'océan, c'est le meilleur moyen de combattre la pêche illégale, de lutter contre la hausse du niveau des mers, d'aider, là aussi, tous les acteurs de la mer à être plus écologiques et plus performants parce qu'on visualise en temps réel les impacts et qu'on peut donc changer les comportements. Et donc, en se nourrissant de la science, très clairement, Mercator va permettre d'avancer, et en le construisant comme organisation intergouvernementale internationale, nous lui donnons une visibilité et une force beaucoup plus importantes. Donc ça, pour moi, c'est le premier point. Je pourrais citer Starfish, que j'évoquais également ce matin, et beaucoup d'autres initiatives. Nous avons ce volet recherche, jumeau numérique de l'océan avec Mercator, qui est un pilier absolument fondamental de ce que nous, Européens, nous devons continuer de faire avancer, c'est-à-dire une science libre, ouverte, une aide à la décision et une capacité à comprendre nos océans et à avancer.
Le deuxième élément, c'est évidemment la réduction des émissions de CO2 et la protection de nos océans. Et là, l'engagement de l'Union européenne dans la ratification de BBNG, merci, Président, des mots que vous venez d'avoir, dans la préservation de 30% de nos aires marines, de nos mers, en en faisant des aires marines protégées, c'est un élément de profond changement, car, comme je le disais, notre Europe représente le premier espace maritime. Et je veux remercier tous les collègues qui se sont engagés justement cette avancée, tous les collègues qui ont décidé de porter cette ambition, parce que c'est le meilleur moyen d'arriver à notre engagement collectif de 30% en 2030. Et la ministre a pu présenter la carte aussi que la France a voulu porter à votre connaissance. Nous avons maintenant dépassé les 30%, mais surtout, nous avons fait plus que doubler la très forte protection qui passe de 4% à plus de 10% dans notre zone économique exclusive. Mais l'Europe doit véritablement continuer ce combat de la préservation et continuer aussi l'accompagnement de tous les acteurs. Donc, je voulais insister sur quelques points qui sont au cœur des politiques européennes et que vous avez évoquées dans votre discours et l'un et l'autre.
D'abord, on doit continuer d'accompagner le transporteur maritime et les grandes infrastructures maritimes en Europe pour se décarboner. Les acteurs du transport maritime européen ont engagé eux-mêmes des réformes très profondes. Il y a ici des pays qui sont très importants sur ce sujet, je salue Kyriákos qui est là à nos côtés. Mais ils ont commencé à faire une révolution en décarbonant leur flotte. Et je veux saluer vraiment nos grands transporteurs qui ont pris des décisions fortes. Nous les accompagnons et nous devons continuer de les accompagner pour favoriser la composante vélique dans ces transports, ce qu'on a fait par exemple avec Canopée. Auparavant nous transportions les composantes d'un autre champion européen, qui est Arianespace, eh bien, d'un bout à l'autre de l'océan, on le transportait avec des bateaux qui étaient très polluants. Avec Canopée, on a réduit de 30 % les émissions de CO2 parce qu'on a mis une composante voile et qu'on a allégé le bateau. Toutes ces innovations, c'est de la réduction de CO2. Et donc, notre Europe doit s'engager à travers le pacte pour favoriser, justement, la transformation de nos modes de transport, plus d'hydrogène, plus de transport vélique, un allègement des bateaux et réussir à avoir, là aussi, une réduction de nos émissions de CO2.
Ensuite, c'est la transformation de nos ports. Ce que nous sommes en train de faire et qu'accompagne l'Europe, et il faut continuer, c'est l'électrification des ports et de toutes les pratiques. 20% de ce qui est émis par nos flottes est émis dans nos ports. Et c'est exactement ce sur quoi on travaille et qui est très cohérent avec ce qu'on mène, d'ailleurs, avec Pedro et Luis, qui va avec la promotion de l'hydrogène vert dans les ports de la Méditerranée et du flanc océanique, et qui permet véritablement de réduire cela. Et tout ce qui est fait par les pays, en particulier de la péninsule ibérique, en matière de production d'hydrogène vert, c'est un élément de transformation pour aller vers des carburants, justement, substituables et beaucoup moins polluants, là aussi, pour notre marine, c'est absolument clé. Et puis, derrière, c'est aussi le renouvellement de notre flotte. Si nous voulons avoir des activités de pêche qui polluent moins, il faut avoir une flotte qu'on renouvelle beaucoup plus fortement. Et Madame la Présidente sait combien elle est attendue à cet égard par tous les pêcheurs européens, et en particulier les pêcheurs ultramarins de France qui souhaitent renouveler leur flotte beaucoup plus rapidement pour avoir des bateaux, justement, qui sont beaucoup moins émetteurs, qui sont aux normes environnementales que nous proposons et qui leur permettent d'avoir une pêche dans les meilleures conditions et qui se conforment aux obligations que nous leur donnons. Et donc cet accompagnement, là aussi, de nos pêcheurs, pour aider à moderniser leur flotte, pour justement, leur permettre de traduire nos décisions en actes, est absolument clé. Et ce Pacte va nous permettre d'aller en ce sens.
Je veux redire ici la cohérence que nous devons avoir pour gérer nos stocks comme il se doit et accompagner nos pêcheurs dans le renouvellement de leur flotte. Grâce à l'Europe, nos stocks de poissons sont parmi les mieux gérés au monde. Désormais, grâce à l'Europe, nous devons proposer à nos jeunes pêcheurs un projet de vie qui allie leur passion de l'océan à la protection du climat et de la biodiversité. C'est ce sujet clé du renouvellement des flottes sur lesquelles nous avons besoin de vous. Et en retour, nous devons les aider, investir avec eux, parce que ce sont les premiers remparts de la pêche illégale. Partout où on a de la pêche, dans des bonnes conditions, dans des bonnes règles, on n'a pas de pêche illégale, on n'a pas de prédation. Et donc, c'est aussi le fer de lance de notre résilience et de notre capacité à agir.
Pour tenir ces équilibres, et donc, il y a la science, il y a la transformation de nos comportements, notre transport maritime, nos ports, nos pêcheurs, et puis, il y a la capacité prescriptive que l'Europe peut avoir. Quand l'Union européenne s'engage, on est 27 plus la Commission, eh bien, on a la possibilité de changer les choses. Et en particulier, ça doit être un élément clé de ce Pacte d'océan que vous avez présenté, Madame la Présidente, et qui doit impulser toutes nos négociations commerciales, notre géopolitique. C'est la lutte contre la pêche illégale, non traçable, non documentée, et donc, cette pêche INN, qui est une piraterie moderne, c'est véritablement un sujet que nous portons ensemble. Et d'ailleurs, la Commission est très exigeante à juste titre à cet égard. Et à chaque fois, d'ailleurs, qu'on dit à un pays : " vous avez de la pêche INN ", ça nous aide beaucoup pour faire changer les pratiques. Mais c'est le seul moyen d'embarquer nos pêcheurs partout en Europe pour transformer les leurs.
Comment convaincre un pêcheur chypriote, croate, espagnol ou français de changer ses pratiques si, en même temps, on a des accords commerciaux qui font rentrer de la pêche INN ou qui ne la tracent plus ou mal ? L'Irlande a exactement le même problème que nous. Et donc, notre capacité à faire imposer partout dans le monde, par ce pouvoir de négociation dans nos accords, accords commerciaux, la prise en compte de la pêche illégale et de la pêche INN, c'est clé. Et c'est pour ça que l'Europe peut être l'élément transformant pour que ce qui a été décidé à la FAO, à l'Organisation mondiale du commerce, et qui est absolument fondamentale, soit vraiment appliqué par tous nos partenaires et que nous excluons ainsi de nos partenariats ceux qui ne se conforment pas à cela. Et donc ça, c'est aussi un élément clé sur lequel je voulais insister, c'est que l'Europe, par sa taille, par sa force, peut avoir une capacité prescriptrice et peut vraiment faire changer les comportements si elle impose, eh bien, cette meilleure traçabilité et qu'elle permet, justement, de faire respecter ces règles. Voilà les quelques mots que je voulais avoir.
Le dernier, c'est pour vous dire que tout ce dont on parle, a au fond une synergie complète avec les sujets de défense et de sécurité. Parce que si on veut préserver 30% avec nos aires marines protégées, si on veut lutter contre la pêche INN, si on veut défendre notre science, nous devons protéger nos zones économiques exclusives. Et donc, nous devons être intraitables quand la souveraineté territoriale de certains de nos partenaires est menacée. Je pense ici à nos amis grecs ou chypriotes. Nous devons protéger nos eaux territoriales et ces airs maritimes partout. Et donc, l'effort de sécurité et de défense qui est fait par tous les Européens, accompagné par la Commission, doit intégrer la composante océanique dans sa dimension. Aucun des engagements que nous sommes en train de tenir ne sera crédible si nous ne sommes pas capables de le faire vérifier. Et donc, nous devons, partout sur nos eaux, avec nos marines, faire vérifier les engagements que nous sommes en train de prendre. Et nous devons être aussi des partenaires crédibles quand des pays du monde entier viennent nous demander de les aider contre les pêcheurs illégaux, les prédateurs qui viennent dans leurs eaux. Combien de pays m'ont demandé notre aide pour venir lutter contre de la piraterie ? C'est aussi le rôle de l'Europe. Et donc, nous avons tous aussi cette nécessité de prendre en compte cet enjeu océanique dans nos efforts de défense pour pouvoir continuer d'avancer.
Voilà, mesdames et messieurs, ce que je souhaitais dire en ce début d'après-midi, en remerciant infiniment, Madame la Présidente de la Commission et Monsieur le président du Conseil, pas simplement de leur présence, mais de leurs mots, de la première impulsion que vous avez donnée, qui est inédite, d'avoir un tel pacte européen pour l'océan. Et maintenant, Madame la Présidente, je veux que vous sachiez qu'on sera à vos côtés lors des prochaines perspectives financières pour aussi, nous, prendre les décisions qui permettront d'être pleinement cohérents et de donner les moyens de financement pour que les ambitions scientifiques, opérationnelles, d'accompagnement de nos pêcheurs, de notre transport et de protection de ces zones, que nous vous donnions les moyens de tout cela.
En tout cas, nous croyons dans une Europe de la paix et de la prospérité, et ce Pacte européen pour les océans y contribue ô combien. Merci à toutes et tous.