Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la protection des océans et l'Afrique, à Nice le 9 juin 2025.

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Circonstance : Discours d'ouverture du panel " l'Afrique pour l'Océan " à la Conférence des Nations unies sur l'océan

Texte intégral

Votre Altesse royale, Princesse Lalla Hasnaa,
Mesdames et Messieurs les chefs d'État et de gouvernement,
Chers amis,
Monsieur le Secrétaire général des Nations unies, cher António Guterres,
Mesdames et Messieurs, les représentants d'organisations internationales, d'organisations régionales, d'institutions financières,
Mesdames, Messieurs les ministres, ambassadeurs, chers amis,


Je suis très heureux que Sa Majesté, le Roi Mohammed VI, représenté par Son Altesse royale, Lalla Hasnaa, organise ce sommet dédié à l'Afrique pour l'océan. Je tiens également à remercier le Royaume du Maroc de nous avoir associés à cette initiative sur des enjeux essentiels pour le continent africain et pour nous tous. Et merci, Votre Altesse royale, des mots que vous venez d'avoir au nom de Sa Majesté le Roi, qui, je crois, sont tout à la fois forts et clairs sur la stratégie à conduire. Et je dois dire que nous la partageons.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ce matin, les discours, en ouverture de cette conférence le montraient, le rappelaient : le réchauffement climatique a accru la température moyenne des eaux sur le continent africain de 0,6 degré depuis 1982, d'ores et déjà. L'érosion côtière menace déjà plus de 56% des zones côtières d'Afrique de l'Ouest qui sont les plus exposés du continent. La pollution plastique continue de faire des ravages, plus de 11 millions de tonnes chaque année dans le monde, dont une part croissante vient asphyxier les rivages africains. C'est pourquoi il est urgent d'agir et protéger nos océans et, en effet, protéger tout à la fois notre climat, notre biodiversité et notre propre santé.

Là aussi, l'Afrique a un rôle unique à jouer. 70% des populations africaines vivent dans des pays côtiers. L'océan, c'est la pêche artisanale au Sénégal, le tourisme balnéaire à Maurice, au Mozambique, c'est la biodiversité unique du canal du Mozambique, la sécurité alimentaire, les emplois, les identités. Et qui mieux que vous pour porter des solutions et inventer une économie bleue résiliente ?

Je pense à tout ce qui a déjà été entrepris par beaucoup de pays autour de cette table. L'initiative de surveillance satellite des pêches lancée par les Seychelles, la Côte d'Ivoire qui interdit les sacs plastiques, la stratégie bleue du Gabon qui a fait de ce pays un leader africain en matière de préservation marine, protégeant plus de 26 % de ses eaux territoriales. Je pense au Kenya qui a accueilli la première conférence mondiale sur l'économie bleue en 2018, posant les bases d'un dialogue Sud-Sud ambitieux. Je pense au Sénégal, au Cap-Vert, à la Mauritanie, au Mozambique, à Madagascar, au Bénin, à tant d'autres encore qui développent des politiques de lutte contre la pêche illégale, de protection des mangroves, de promotion d'une pêche artisanale durable qui ont été très avant-gardistes. Et je pense bien sûr au Maroc, dont les efforts constants dans la gouvernance océanique, dans la lutte contre la pollution plastique et pour la coopération régionale font figure de référence sur le continent.

En effet, et vous venez de l'évoquer, Votre Altesse royale, l'initiative atlantique de Sa Majesté le Roi du Maroc, pour un accès à l'océan des pays africains enclavés, témoigne de cette vision. Il y a 20 ans, Sa Majesté lançait le projet de Tanger Med, qui est aujourd'hui le port le plus important de la Méditerranée. L'année prochaine, les travaux du port de Dakhla inaugureront une nouvelle ère pour l'océan Atlantique et cette volonté de faire accéder tout le continent à cet océan et à cette ouverture. C'est pourquoi ce n'est pas un hasard si ce sommet se tient sous la double bannière du Maroc et de la France, deux nations qui partagent une rive, un dialogue millénaire, une histoire commune et l'envie d'un cap commun et d'un monde mieux amarré à l'essentiel. Nous sommes là et nous serons là pour apprendre de vous, pour vous appuyer quand vous nous y invitez, car l'océan est une histoire partagée.

Et pour reprendre ce que vous venez d'évoquer, Votre Majesté, la France, comme l'Europe, souhaitent être des partenaires de confiance de cette économie bleue que vous avez appelée de vos vœux. Oui, il faut continuer de développer des infrastructures durables partout sur le continent africain, ports, structures fluviales, qui, électrifiés ou fonctionnant à l'hydrogène vert, permettront de décarboner ce qui représente 20% de la pollution du transport maritime, c'est-à-dire le moment où nos bateaux sont à quai. Renouvellement des flottes, qu'il s'agisse des flottes de transport, de pêche ou d'activité de tourisme. Pour tous ces sujets, nous souhaitons être à vos côtés pour pouvoir accompagner ces transitions. Et les 4 dernières années, les projets de l'Agence française de développement pour l'océan en Afrique s'élèvent ainsi à 1,128 milliard d'euros, et ont permis une augmentation forte, accompagnant plusieurs projets de modernisation des économies allant en ce sens. L'économie bleue, ce sont aussi les interconnexions électriques, vous en avez rappelé l'importance, et nous souhaitons être partenaires et accompagner ces mouvements.

Le deuxième élément, c'est la protection adaptée. Protection avec les 30% d'aires marines protégées à horizon 2030, mais la possibilité d'accompagner ces mécanismes, c'est-à-dire de les penser avec des scientifiques, de les rendre compatibles avec une pêche durable et des activités qui sont aussi bénéfiques pour les économies locales et qui viennent lutter et protéger vos eaux territoriales de la prédation de puissances étrangères non coopératives et la forte protection pour permettre de régénérer une partie de ces zones. Là-dessus aussi, nous souhaitons vous accompagner par l'expertise, les financements. C'est ce que nous avons commencé à faire, par exemple, avec la Mauritanie, pour préserver la biodiversité marine, aux côtés de Madagascar, pour des aires marines protégées, ou encore avec le Maroc, au service de la pêche durable. Cette protection adaptée est clé et elle a, pour contrepartie, la lutte sans relâche contre la pêche illégale ou la pêche dite INN, qui est un fléau pour le continent africain. Je donnais les chiffres internationaux ce matin. Un poisson sur 5 qui est consommé provient de la pêche dite INN.

Mais soyons clairs, c'est beaucoup plus dans les eaux des pays les plus modestes. Et combien de pays africains présents autour de cette table ont leurs côtes littéralement pillées par, il faut bien le dire, des bateaux de pêche qui n'ont plus rien de bateau, mais qui sont des véritables usines sur mer, qui, de manière industrielle, pillent les fonds marins et la colonne pélagique, transforment sur les bateaux et congèlent ces poissons pour ensuite les livrer parfois directement sur les marchés finaux. Cette pêche INN est un fléau pour le continent africain parce qu'elle pille votre biodiversité, elle empêche de vivre vos pêcheurs, elle est attentatoire à votre souveraineté, et elle est contraire à tout le projet qui nous lie aujourd'hui. C'est pourquoi, nous souhaitons, là aussi, former, accompagner sur ce volet.

Dans l'Océan Indien, l'Académie de l'Océan Indien forme, sous l'égide de la COI, des experts pour renforcer les centres nationaux qui luttent contre la pêche illégale. Dans le cadre du programme ECOFISH, financé par l'Union européenne, plus de 60 opérations communes regroupant de nombreux États de la zone ont été conduites, patrouillant justement dans les zones privilégiées par la pêche INN. Et nous avons multiplié les initiatives en ce sens pour aussi permettre les partenariats entre notre Marine et les vôtres partout où c'est souhaité.

Enfin, Votre Altesse royale, vous l'avez évoqué, c'est une intégration Sud-Sud et une gouvernance adaptée qui s'imposent pour gérer la question des océans. Il y a évidemment la nécessaire intégration régionale dont vous venez de poser parfaitement les termes et les enjeux. Et je veux ici simplement vous dire la disponibilité de la France et de l'Union européenne pour accompagner ce chemin de manière respectueuse, partenariale. La Présidente de la Commission européenne et le Président du Conseil ont tout à l'heure présenté le Pacte océan de l'Europe avec des ambitions nouvelles, une volonté nouvelle. La France a traduit aussi sa stratégie. Nous sommes disponibles pour être ces partenaires de confiance qui, aux côtés de l'Union africaine, des organisations régionales et de tous les pays présents, pourront aider à mieux protéger, à mieux accompagner ces transitions et à protéger nos océans dans vos eaux territoriales et au large de celles-ci. La volonté de la France et de l'Europe est d'être des partenaires de confiance tournées vers l'avenir, respectueux aussi de cette volonté qui est la vôtre, c'est-à-dire de pleinement récupérer la souveraineté, de protéger vos eaux et de permettre un développement harmonieux d'activités économiques indispensables.

Ce combat est au cœur de ce en quoi nous croyons et dans le cadre duquel nous sommes alliés, beaucoup d'entre nous autour de cette table, qui est ce pacte pour la prospérité des peuples et la planète, le 4P, qui conduit justement à associer tout à la fois l'investissement dans la lutte contre les inégalités et pour le climat et la biodiversité. Ce que nous sommes en train de nous dire pour nos océans, c'est exactement ce combat. Et je veux simplement vous dire notre volonté d'être à vos côtés pour cette coopération.

Voilà, Mesdames et Messieurs, chers collègues, Votre Altesse royale, ce que je souhaitais simplement ajouter, en vous remerciant à nouveau pour l'organisation de ce sommet Afrique pour l'océan et en vous remerciant de votre présence, de présider cette réunion et de l'engagement personnel de Sa Majesté le Roi Mohamed VI. Merci à tous.