Interview de M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, à LCP le 12 juin 2025, sur la violence des mineurs, le budget, la fiscalité, les entreprises en difficulté, le secteur de l'automobile et la réindustrialisation.

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Intervenant(s) : 

Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Bonjour Marc FERRACCI.

MARC FERRACCI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale, représentée par Julien LECUYER de La Voix du Nord. Bonjour Julien.

JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane. Bonjour Monsieur le Ministre.

MARC FERRACCI
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Marc FERRACCI, avant d'en venir à vos dossiers, l'actualité, ce sont les suites du meurtre de cette surveillante poignardée par un adolescent de quatorze ans. Avant d'en venir aux mesures, un mot peut-être sur ce qu'on a appris hier sur le profil de cet adolescent. Quand vous avez entendu hier le procureur dire qu'il reconnaît les faits, mais qu'il n'a ni compassion, ni regret, qu'il ne sent pas d'attaché, attaché d'importance à la vie humaine, qu'il a voulu s'en prendre à une surveillante car il ne supportait pas le comportement des surveillantes en général. Comment vous avez réagi ?

MARC FERRACCI
Avec beaucoup d'émotion, avec beaucoup de colère. En tant que père de famille, ce drame évidemment me touche comme il a touché tous nos concitoyens. Vous l'avez dit, le profil, les premiers mots, les premières paroles de l'agresseur sont évidemment glaçantes. On a besoin, au-delà des mesures qui ont été annoncées par le Premier ministre, on va peut-être en parler, des mesures d'urgence sur le contrôle des armes et en particulier des armes blanches dans les établissements scolaires. Je pense qu'on a besoin collectivement de prendre la mesure de la lame de fond qui est en train de constituer un changement de rapport à la violence au sein de la jeunesse. Vous l'avez dit, la banalisation de la violence, l'absence de respect pour la vie humaine, le fait de relativiser des actes aussi graves que ceux-là, je pense que ça doit nous interroger sur des causes et forcément sur des actions plus profondes à mener.

JULIEN LECUYER
Vous n'y voyez pas en fait un acte isolé mais plutôt un mouvement, un grisement de la société ?

MARC FERRACCI
C'est en tout cas quelque chose qu'il nous faut analyser collectivement. Je pense qu'on ne peut pas ici s'en tenir à l'analyse de ce qui s'est passé comme d'un simple fait divers. Je pense qu'il y a quelque chose qui est plus profond. Est-ce que, comme vous le dites, c'est une tendance de société ? Je ne saurais le dire. Mais en tout état de cause, nous savons que la jeunesse, aujourd'hui, connaît des difficultés. On le sait depuis l'époque du Covid. La santé mentale des jeunes est un problème qui est devenu plus prégnant. Et je pense que sur ce sujet, on a besoin, sans réagir de manière précipitée, d'envisager toutes les causes et toutes les actions.

JULIEN LECUYER
Des réactions précipitées, des mesures d'urgence. François Bayrou a d'ores et déjà annoncé sa volonté d'interdire les armes blanches pour les mineurs. Il y a une réflexion qui est encore faite sur les portiques de sécurité. Mais est-ce que c'est vraiment là que se situe " l'urgence " ? Puisqu'on le voit, le mineur en question a pris un couteau de cuisine. Interdire les armes blanches aux mineurs ne résoudra pas le fait qu'on puisse avoir accès à un couteau, quel qu'il soit.

MARC FERRACCI
Certes, mais on peut toujours limiter le risque que se produise ce genre d'événement en limitant l'accès. Je pense qu'il faut agir sur tous les leviers nécessaires, tous les leviers disponibles. Les mesures d'urgence, elles sont très importantes. Je pense que le contrôle en particulier des armes blanches à l'entrée des établissements est quelque chose qu'il faut intensifier. C'est le sens des annonces du Premier ministre. Mais comme je le disais, il faut aussi s'attaquer aux causes profondes. Je pense qu'il y a vis-à-vis de la violence une forme de banalisation au sens où il n'y a pas le contrôle social, c'est-à-dire la pression que peut exercer le groupe, la communauté sur le fait de commettre des actes violents, ou de ne pas les commettre justement, que l'on peut retrouver dans d'autres pays. Je pense qu'il y a, ici, quelque chose qui est véritablement très profond, qui peut être vient de loin. Mais en tout état de cause, on a besoin de prendre la mesure de cela et d'y apporter des réponses qui ne se limiteront pas aux mesures d'urgence qui ont été évoquées.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot là-dessus, Julien ?

JULIEN LECUYER
Oui, puisque Emmanuel MACRON a fait un lien, même s'il n'est pas prouvé à l'heure actuelle, avec les réseaux sociaux, en parlant à nouveau d'une interdiction des réseaux sociaux à partir de quinze ans, est-ce que selon vous c'est une mesure qui est nécessaire et aussi faisable ?

MARC FERRACCI
Écoutez, ça, c'est une discussion qui a lieu et va avoir lieu dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, et qui sera je pense très riche, très fertile. Les réseaux sociaux sont un symptôme. Ils sont un symptôme de ce qui se passe dans la société. Ils sont une caisse de résonance de ce qui se passe dans la société. Les réseaux sociaux donnent le sentiment, à des jeunes ou des moins jeunes d'ailleurs, que la vie se déroule par écran interposé. La réalité c'est qu'on met à distance la réalité à travers les écrans. On met à distance la réalité, on met à distance la gravité des faits et c'est cette prise de conscience, quand j'évoquais tout à l'heure la nécessité de prendre conscience, d'arrêter de banaliser, c'est aussi percevoir qu'on ne se met pas à distance de la réalité à travers les écrans, que la violence, quand elle a lieu sur les réseaux sociaux, elle fait parfois irruption dans la vraie vie. Et c'est cette passerelle qu'il nous faut absolument déminer, qu'il nous faut absolument couper, entre une violence qui peut apparaître symbolique à certains, virtuelle à certains sur les réseaux sociaux, qui ensuite, psychologiquement, fait que les gens passent à l'acte.

ORIANE MANCINI
Julien, on va parler du budget.

JULIEN LECUYER
Oui, sans transition aucune, évidemment. Pour trouver les quarante milliards d'économies nécessaires, on a vu ressurgir l'idée d'une année blanche, c'est-à-dire le gel du budget pendant un an. Ça ferait partie des pistes du Gouvernement. C'est une bonne idée, selon vous ?

MARC FERRACCI
En tout état de cause, on a besoin de trouver ces quarante milliards d'efforts, qui doivent d'abord passer par des économies. Je le dis parce que la ligne du Gouvernement, et c'est la ligne de tous les Gouvernements qui se sont succédé depuis 2017, c'est la stabilité fiscale, c'est la baisse des impôts qui a été introduite au départ et qui doit maintenant être préservée. Donc j'insiste vraiment là-dessus. L'année blanche, ça signifie geler un certain nombre de prestations, un certain nombre de barèmes.

JULIEN LECUYER
Ce qui revient à augmenter la pression fiscale. En gelant tout, s'il y a la moindre inflation, vous augmentez la pression sur les gens.

MARC FERRACCI
Concrètement, ça signifie ralentir la progression des dépenses publiques au sens large. Parce que vous le savez, une grande partie de la dépense et des dérapages de nos finances publiques provient des dépenses sociales. Donc, je pense qu'on a évidemment besoin d'avoir une approche large. Ce sont les dépenses de l'État, ce sont les dépenses sociales. Je veux quand même signaler que l'État, pour le budget de 2025, a consenti la majeure partie de l'effort. Les dépenses de l'État représentent à peu près 20% de la dépense publique globale, mais représentent 73% de l'effort budgétaire qui a été fait pour 2025. Donc je pense qu'il faut avoir un effort qui soit réparti sur l'ensemble de la sphère publique. Ça inclut les dépenses sociales et ça inclut peut-être, mais c'est une piste parmi d'autres. Vous le savez, le Premier ministre va faire des annonces à la mi-juillet. Il ne m'appartient pas de préempter ces annonces.

JULIEN LECYER
… Préempter, c'était votre avis qui m'importait. C'était de savoir, si pour vous, encore une fois, le gel était nécessaire.

MARC FERRACCI
Moi, je pense que nous avons besoin, en matière de dépenses sociales, de ralentir la machine…

ORIANE MANCINI
Mais de quelle manière ?

MARC FERRACCI
Ça fait partie des pistes. Je pense qu'il y a deux principes. Le principe consistant à ralentir la machine en limitant l'indexation de certaines prestations, c'est un principe, vous l'avez dit, qui comporte des effets sociaux parce qu'effectivement, un certain nombre de citoyens peuvent être affectés. Il y a un autre principe que je souhaiterais voir mis en oeuvre de manière beaucoup plus systématique et sur lequel j'ai fait des propositions ces derniers mois, ces dernières années, quand j'étais parlementaire et même dans ma vie d'avant, quand j'étais universitaire. C'est un principe d'évaluation systématique des dépenses publiques. Moi, j'ai proposé un principe consistant à mettre en place ce qu'on appelle des clauses d'extinction. C'est quoi une clause d'extinction ? C'est de dire que certaines dépenses, certaines niches fiscales, certaines niches sociales, ont une durée de vie limitée et elles ne deviennent pérennes que si une évaluation faite par des chercheurs indépendants et rigoureuses a montré leur efficacité. Ça, c'est un principe très puissant qui doit nous permettre de supprimer les dépenses inefficaces. Voilà ce que moi, je préconise. Je pense que c'est un principe très général de régulation de la dépense publique qui gagnerait à être mis en oeuvre dès les prochains textes…

ORIANE MANCINI
Le Sénat examine aujourd'hui la taxe Zucman, cet impôt sur les ultra-riches, ceux qui ont plus de cent millions de patrimoine. Pourquoi le gouvernement ferme la porte à cette taxation ?

MARC FERRACCI
Vous savez, sur cette taxe, il y a eu beaucoup de débats. Il y a eu des débats au Parlement. Il y a des débats qui traversent la société. Le sujet, c'est de trouver le bon point d'équilibre. On a aujourd'hui un impôt sur la fortune immobilière. On a fait le choix au début du premier quinquennat d'Emmanuel MACRON de transformer l'impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière dans le but de renforcer l'attractivité de notre pays, dans le but de donner une visibilité à ceux qui investissent, et en particulier à ceux qui investissent dans les valeurs qu'on appelle les valeurs mobilières. Et tout cela produit des résultats. Moi, je pense qu'il faut faire attention à ne pas envoyer de signaux qui mettraient en péril les résultats qui ont été obtenus. Et quand je parle de résultats, ce sont des résultats très concrets. Je suis ministre de l'Industrie et de l'Énergie. Je constate, dès que je me déplace, que je vais sur le terrain, dans les territoires, que les investisseurs qui, lors du sommet de Choose France, annoncent des milliards d'euros, ça se traduit très concrètement par des usines qui ouvrent, par des emplois qui se créent. Et donc je pense que ce cadre…

ORIANE MANCINI
Et donc, cette taxe Zucman, elle coûterait des emplois, selon vous ?

MARC FERRACCI
Ce cadre, je ne me prononce pas sur la taxe en elle-même. Je me prononce sur la nécessaire stabilité fiscale. Et c'est ça qui me semble l'élément le plus important. Les entreprises, et plus largement ceux qui prennent des décisions économiques, qui se traduisent par des investissements, par des créations d'emplois, ils ont besoin de visibilité et de stabilité.

ORIANE MANCINI
On va parler des entreprises. Alors il y a les bonnes nouvelles de Choose France et puis il y a les mauvaises nouvelles. On a appris hier, par exemple, que CASA, l'enseigne d'ameublement, a annoncé sa probable liquidation judiciaire. Il y a 700 emplois en jeu. Est-ce que le gouvernement peut faire quelque chose ?

MARC FERRACCI
Vous savez, le Gouvernement est mobilisé sur tous les dossiers, qu'il s'agisse des dossiers industriels qui sont particulièrement dans mon portefeuille ou des dossiers plus larges, des enseignes de commerce, des enseignes qui ne sont pas dans le secteur industriel, notre ligne, elle est toujours la même. Quand on a des dossiers d'entreprises en difficulté, de restructuration de procédures collectives, c'est-à-dire des redressements judiciaires, des sauvegardes, on cherche d'abord des solutions industrielles ou économiques. Ça, c'est la première chose. Et on a des services qui sont très mobilisés. On a les commissaires au redressement et la prévention des difficultés des entreprises. On a aujourd'hui une méthode qui est très claire et qui nous permet d'obtenir des résultats. Il y a des entreprises qui sont en difficulté. Il y a aussi des entreprises qu'on sauve. On a sauvé LA FONDERIE DE BRETAGNE avec l'intervention de l'État et des élus locaux il y a quelques semaines. On a sauvé ARC et 4 000 salariés par l'intervention de l'État il y a quelques mois. C'est un verrier, le plus gros site verrier du monde. Et vous le savez, c'est dans le Pas-de-Calais.

JULIEN LECUYER
Oui, on connaît bien.

MARC FERRACCI
Il y a des combats qu'on gagne, il y a des combats qu'on perd. On se mobilise systématiquement sur chaque dossier, c'est ça ce que je veux dire.

JULIEN LECUYER
Est-ce que le combat pour ARCELORMITTAL, est-ce qu'on va le gagner ?

MARC FERRACCI
Écoutez, sur ARCELORMITTAL, quelle est la nature du combat ? La nature du combat, c'est de préserver une production d'acier en France. C'est de faire en sorte que les sites ne ferment pas et qu'on continue à produire cet élément absolument fondamental qui est l'acier.

JULIEN LECUYER
Stratégique, oui.

MARC FERRACCI
C'est stratégique, la sidérurgie c'est l'industrie des industries. Parce que c'est une industrie dont on a besoin la défense, l'aéronautique, l'automobile en aval de la production d'acier. Donc on a besoin, pour des raisons de souveraineté, pour des raisons stratégiques, de continuer à produire de l'acier en France. Quelle est la meilleure manière de s'assurer de cela ? Pour moi, c'est de faire en sorte que des investissements soient consentis, soient engagés par ARCELOR, mais aussi par tous les autres acteurs de la sidérurgie.

JULIEN LECUYER
ARCELORMITTAL a confirmé la construction d'un premier four électrique sur le site de Dunkerque. Cela dit, ils n'ont pas encore prévu un deuxième four qui était prévu à l'origine. Ils n'ont pas prévu une unité de réduction des minerais qui est censée fonctionner avec ce four électrique. Est-ce qu'on est en droit de se poser des questions sur l'avenir du site ?

MARC FERRACCI
Moi je pense que si les investissements sont lancés et sont concrétisés suite aux annonces qui ont été faites sur le premier four électrique, c'est un très bon signal. C'est un très bon signal pour l'avenir parce que c'est un investissement de 1,2 milliard d'euros. C'est considérable.

JULIEN LECUYER
Enfin, avec combien de millions d'aides publiques ?

MARC FERRACCI
Et ça signifie que Arcelor croit dans la production d'acier en France. Maintenant, vous me parlez plus généralement des investissements qui pourraient être consentis au-delà. Il faut bien voir que le marché de l'acier aujourd'hui est un marché qui est en difficulté, qui est soumis à une concurrence chinoise surcapacitaire qui est massivement subventionnée. Et une partie des solutions pour la filière sidérurgique se situe dans plus de protection commerciale. C'est ce que nous essayons de faire et que nous avons réussi à obtenir de la part de la Commission européenne qui s'est engagée à apporter des réponses et en particulier à mettre en place ce qu'on appelle des clauses de sauvegarde plus importantes. Ces clauses de sauvegarde, c'est des quotas d'importation. Ça veut dire limiter l'entrée d'acier chinois en Europe, plus que ça ne l'est aujourd'hui. Ça, c'est ce que demande la filière sidérurgique, c'est ce que demande ARCELOR. C'est parce que nous avons agi au niveau européen, je parle de la France, et que nos propositions ont été reprises, que les investissements sont aujourd'hui envisagés.

ORIANE MANCINI
Sauf que dans le même temps, vous avez Donald TRUMP qui, la semaine dernière, double les droits de douane dans l'acier.

MARC FERRACCI
Vous avez raison.

ORIANE MANCINI
Comment on répond aux mesures de rétorsion ?

MARC FERRACCI
Vous avez raison, c'est évidemment très préoccupant. Il y avait déjà 25 % de droits de douane sur l'acier. Donald TRUMP les a doublés à 50 % et c'est très préoccupant. Et la filière est évidemment très préoccupée de cela. Comment on fait ? D'abord, on reste unis et fermes au niveau européen. Parce que si on commence à avoir une approche bilatérale de la relation avec les États-Unis de l'Amérique sur les sujets commerciaux, évidemment, on perd le bénéfice du marché européen et de la force que nous donne ce marché. Il y a 450 millions de consommateurs dont les États-Unis ne peuvent pas se passer. Donc il faut construire la réforme. La réponse, elle est en train d'être construite au niveau européen. Le 9 juillet, nous saurons si les négociations avec les États-Unis sur tous les sujets, à la fois sur les sujets sectoriels comme l'acier, mais sur les sujets de droits qu'on appelle les droits réciproques qui ont été imposés par l'administration américaine, qui n'ont rien de réciproque parce que ce sont des droits unilatéraux. Si cette négociation aboutit à un accord satisfaisant, nous envisagerons de ne pas riposter. Mais en revanche, s'il n'y a pas d'accord satisfaisant, l'Europe ripostera de manière massive.

ORIANE MANCINI
Et le mois de juillet ?

MARC FERRACCI
C'est ce qui a été annoncé par la Commission européenne.

JULIEN LECUYER
Juste une petite question aussi sur le secteur de l'automobile puisque les entreprises sous-traitantes des constructeurs RENAULT et STELLANTIS seraient dans une situation assez critique, nous dit l'Association des industriels de l'automobile de notre région, Les-Hauts-de-France. Va-t-on vers une crise du secteur ? Vous savez, c'est un secteur qui est déjà en difficulté.

MARC FERRACCI
La production et les ventes de véhicules ont baissé assez massivement ces dernières années pour un certain nombre de raisons qui tiennent aux habitudes de consommation, qui tiennent à des problèmes de compétitivité de nos constructeurs par rapport à la concurrence chinoise, et en particulier à la concurrence dans l'électrique. Et effectivement, vous l'avez dit, il y a le sujet des constructeurs, il y a le sujet des équipementiers. Une grande partie des problèmes d'entreprises en difficulté, de restructuration de plans sociaux, touchent les équipementiers. Face à cela, il y a plusieurs réponses à apporter. Il y a des réponses qu'on a apportées au niveau européen. J'étais moi-même avec le commissaire SEJOURNE à Douai pour faire des annonces sur un plan de soutien à l'industrie automobile il y a quelques mois, qui aujourd'hui sont en train de se concrétiser. Qu'est-ce qu'on doit à nos équipementiers ? On doit d'abord de la protection, et en particulier la protection, on l'a dit, contre les importations qui sont massivement subventionnées, c'est les véhicules électriques chinois. Mais on doit également introduire des principes de préférences européens dans la fabrication. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'une partie de la valeur ajoutée d'une voiture, tous les composants, doit avoir été fabriquée en Europe. C'est ça qui protège nos équipementiers au-delà des constructeurs.

JULIEN LECUYER
Ça, le droit européen ne le permet pas à l'heure actuelle ?

MARC FERRACCI
Le droit européen ne le permet pas à l'heure actuelle. En revanche, la préférence européenne a été introduite dans les annonces qui ont été faites par le commissaire SEJOURNE. Maintenant, nous devons la concrétiser. Et c'est ça qui constitue, de mon point de vue, la voie de sortie et la voie de protection de notre filière automobile.

ORIANE MANCINI
Julien ?

JULIEN LECUYER
Oui, une autre question sur l'industrialisation, ou plutôt la désindustrialisation. Le président de la commission d'enquête sur ce sujet, Charles RODWELL, a dévoilé des pistes pour créer un choc d'attractivité. Il évoque par exemple, on en parlait quasiment, de réserver 100% des commandes publiques aux petites entreprises européennes sous un certain seuil. On parle d'élargir l'assiette de la taxe carbone aux frontières, de baisser les cotisations sociales sur les entreprises de vingt milliards. Est-ce que vous signez avec ce plan ?

MARC FERRACCI
J'ai été hier auditionné par la commission du président Charles RODWELL. J'ai partagé mes vues. D'abord, pardonnez-moi, vous avez introduit le terme de désindustrialisation. On continue à créer l'emploi industriel en termes nets.

ORIANE MANCINI
C'est le thème de la commission d'enquête.

MARC FERRACCI
Les freins à la réindustrialisation. C'est ça, le nom de la commission d'enquête. Je le sais parce que j'ai été auditionné par elle et moi, j'ai insisté aussi sur les leviers. Dire qu'en 2024, on a continué à créer de l'emploi industriel, plus 10 000 emplois, ça ralentit. Il y a un certain nombre de filières en difficulté, l'automobile, l'acier, la chimie. On voit qu'il y a des plans sociaux, des restructurations. Il faut agir. Nous agissons. Je viens de vous en parler. Maintenant, sur les pistes. Il faut évidemment agir sur la compétitivité, les coûts de l'énergie, le coût du travail. Ce sont des éléments dont nous avons discuté hier avec les députés et qui sont extrêmement importants. La taxation carbone aux frontières, c'est un élément très important. On impose à nos industriels des contraintes en matière de décarbonation. Ça veut dire produire moins de CO2, émettre moins de CO2 quand on produit. C'est le cas d'ARCELOR avec ses investissements dans le four électrique. Il faut que leurs concurrents, et en particulier les concurrents asiatiques, chinois, soient soumis aux mêmes règles. Ça, c'est le rôle de la taxation carbone aux frontières, un dispositif qui rentre en vigueur début 2026, mais dont nous considérons qu'il n'est aujourd'hui pas suffisant. Donc nous avons fait des propositions pour le réviser avant son entrée en vigueur et en particulier appliquer ça aux produits transformés, c'est-à-dire pas simplement taxer l'acier, mais taxer les poêles, les choses qui sont faites à partir de l'acier. Ça, c'est un élément très important. Nous avons fait d'autres propositions pour éviter les mécanismes de contournement. Donc, moi, je suis très en phase avec toutes les mesures qui visent à soutenir l'innovation, à soutenir la compétitivité, en particulier les prix de l'énergie, le coût du travail.

ORIANE MANCINI
Justement, est-ce que la réindustrialisation, elle passe par une politique énergétique plus ambitieuse ?

MARC FERRACCI
Bien sûr. Vous savez, ce n'est pas un hasard si mon portefeuille inclut l'industrie et l'énergie, parce que la compétitivité industrielle et la souveraineté énergétique sont les deux faces d'une même pièce.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous croyez que les deux sont en phase ?

MARC FERRACCI
Je le crois. En tout cas, nous sommes en train d'aligner notre politique énergétique avec les intérêts de nos industriels. Je vous donne un exemple. Nous avons aujourd'hui des négociations qui ont lieu entre EDF et un grand nombre d'industriels, notamment ceux qui utilisent beaucoup d'électricité. On les appelle les électro-intensifs. Ces négociations doivent aboutir, avant le 1er janvier 2026, à des contrats de long terme, c'est-à-dire des contrats qui, sur dix ans, quinze ans, donnent de l'électricité à bon prix à nos industriels. Ils vont se concrétiser. Certaines se sont déjà concrétisées avec ALUMINIUM DUNKERQUE, par exemple, mais d'autres vont se concrétiser dans les prochaines semaines. C'est comme ça, avec une feuille de route très claire pour EDF, que nous donnerons à nos industriels la capacité à se battre à armes égales avec leurs concurrents et moi, c'est mon travail de ministre de l'Industrie et de l'Énergie.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. Merci Marc FERRACCI d'avoir été avec nous, Julien. La Une de La Voix Du Nord, ce sont les incendies de trottinettes électriques.

JULIEN LECUYER
Oui, tout à fait, avec des drames qui se renouvellent, hélas.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2025 q