Déclarations à la presse de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur la protection des océans et la Flotille pour Gaza, à Nice le 10 juin 2025.

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Circonstance : Conférence des Nations unies sur l'Océan

Texte intégral

Q - Monsieur le Ministre, est-ce que l'une des difficultés de l'UNOC aujourd'hui, cette semaine, ce n'est pas que ce qui sera signé n'a pas de caractère contraignant ?

R - Je crois qu'au contraire, on a organisé la plus grande manifestation de l'histoire sur la préservation de l'océan. Le site sur lequel je me trouve aujourd'hui a été visité par plus de 20.000 personnes hier, et chaque jour qui passe, c'est une mobilisation de plus en plus grande. Quant aux engagements qui ont été pris, ils sont historiques, puisque nous avons acté hier l'entrée en vigueur, dès la fin de l'année, du traité sur la haute mer, qui va enfin permettre de réguler, de donner des règles à cet espace qui couvre 70% de l'océan, qui couvre 50% de la planète et qui jusqu'à présent n'était couvert par aucune loi ni aucun règlement. Et que ce soit sur la décarbonation du transport maritime, sur la lutte contre la pollution plastique, sur la science de l'océan, nous écrivons l'histoire ici à Nice et nous sommes très fiers de pouvoir accueillir une telle mobilisation, plus de 100.000 personnes sur l'ensemble de la semaine pour cette si noble cause.

Q - Il va y avoir un nouveau cycle de négociations cet été sur le traité plastique. Quel nouveau pas vous souhaitez... sur quelle piste vous souhaitez avancer, là-dessus ?

R - Pour les visiteurs de ce site, c'est l'évidence : l'océan est le miroir de nos excès, avec le déversement de tonnes, de centaines de tonnes de plastique sur les plages, sur les îles, qui endommagent notre patrimoine commun et qui menacent la biodiversité. Face à cela, nous agissons évidemment, d'abord avec la protection des aires marines, celles qui relèvent de notre domaine maritime, le deuxième du monde ; et puis la protection de la haute mer, dont je viens de parler. Mais aussi, en nous mobilisant au niveau international pour lutter contre la pollution plastique, pour traiter le mal à la racine. Et effectivement, dans quelques semaines, aura lieu à Genève une négociation très importante sur un traité international, dont nous voulons qu'il puisse conduire à une réduction de la production plastique à l'échelle planétaire. C'est dans ce sens-là que nous nous mobilisons, à la fois au niveau de la diplomatie, mais également des parlementaires, qui agissent et qui sont force de conviction pour obtenir des résultats très concrets.

Q - Vous avez parlé des problèmes de financement. Il y a des gros, gros problèmes dans les pays du Sud. C'est là où les plus gros problèmes se posent en matière de dégradation de l'océan. Comment aider ? Quel mécanisme de financement pour aider ces pays du Sud qui sont les plus impactés ?

R - Il est vrai que l'effort doit être équitablement réparti. C'est tout l'objet du Pacte de Paris pour les peuples et la planète que le Président de la République a lancé en 2023, qui rassemble plus de 70 pays convaincus que les pays du Sud, notamment les pays en développement, ne doivent pas avoir à choisir entre d'un côté, la lutte contre le dérèglement climatique, et de l'autre la lutte contre la pauvreté.

(...)

Q - Monsieur le Ministre, il y a six Français qui ont été arrêtés hier dans un bateau au large de Gaza. Est-ce que vous savez où ils sont, en ce moment ?

R - Sur ce sujet, je veux rappeler que la diplomatie française a joué tout son rôle. D'abord en alertant les participants à cette initiative des risques auxquels ils s'exposaient. En appelant les autorités israéliennes, bien avant l'arraisonnement du navire, à prévenir toute forme d'incident. Et puis dès que nos six ressortissants arrêtés par les autorités israéliennes sont arrivés en Israël, nos services ont assuré une présence consulaire pour qu'ils puissent rentrer en France dans les meilleurs délais. À ce jour, deux d'entre eux ont accepté de signer les papiers les expulsant du territoire israélien et leur permettant de rentrer dans notre pays. Quatre l'ont refusé à ce jour. Nous restons présents, puisque cette présence consulaire fait partie des missions du ministère des affaires étrangères et elle s'applique à toutes et tous, quelles que soient leurs opinions politiques, qu'on les approuve ou qu'on les réprouve.

Maintenant, je veux aussi dénoncer l'attitude inqualifiable qui a été celle de certains dans cette affaire qui ont, si je veux dire, limité la capacité, ou en tout cas qui ont tenté d'entraver la capacité d'action du ministère des affaires étrangères. D'abord, pendant des jours et des jours, en harcelant par centaines et par milliers de mails le centre de crise et de soutien du ministère des affaires étrangères. Ce centre a la responsabilité de la protection de nos compatriotes à l'étranger. C'est lui qui est au contact des populations ou des ressortissants français lorsqu'ils sont confrontés à des catastrophes naturelles ou à des risques géopolitiques. C'est lui qui est au contact des familles de nos otages, des Français qui sont dépendus arbitrairement. Et c'est lui qui a vu son activité, si je puis dire, thrombosée par un déluge de mails concernant cette expédition. Et puis je veux aussi dénoncer les manoeuvres de désinformation auxquelles se sont prêtés un certain nombre de responsables politiques critiquant les agents du Quai d'Orsay, les agents de notre ambassade sur place, alors même qu'ils exercent leur mission avec beaucoup de professionnalisme, de dévouement et de courage, dans des conditions extrêmement difficiles.

Q - Les Insoumis parlent aujourd'hui de détention illégale, notamment de la députée européenne Rima Hassan.

R - Il a été proposé à Rima Hassan de signer le papier lui permettant de rentrer en France. Et à ce stade, elle a refusé.

Q - Est-ce que vous savez ce qui est compris dans ce papier ? Les conditions qui sont demandées pour libérer ces personnes ?

R - Je crois que c'est tout simple. Il suffit pour les personnes concernées, c'est le cas d'autres ressortissants européens d'ailleurs, de signer ce papier d'exclusion pour rentrer sur le territoire national.

Q - Est-ce que le consulat a pu observer les conditions de détention des Français sur place ? Est-ce que vous avez des informations là-dessus ?

R - Le consul est au contact de nos ressortissants. Il a pu prendre l'attache de leurs proches pour leur donner toutes les informations nécessaires.

Q - Est-ce que vous en savez plus sur la légalité de l'interception du navire ? Est-ce qu'on était bien en eaux territoriales ? Et dans ce cas-là, est-ce que c'était une intervention légale ou illégale ?

R - Lorsque nous aurons qualifié la licéité ou non de cette intervention, nous le ferons connaître nous-même.

Q - Une question concernant le deep-sea mining. Que souhaitez-vous voir figurer dans le document final de cette conférence concernant le deep-sea mining ?

R - D'abord nous faisons confiance à l'agence internationale qui est chargée d'établir un droit minier pour fixer les principes qui éviteront que les grands fonds marins puissent être exploités avant même que nous en ayons connaissance. Nous sommes à l'initiative, le Président de la République l'a rappelé hier, d'une grande coalition qui a grandi d'ailleurs ici à Nice, de pays qui s'opposent à une exploitation, avant même que l'exploration puisse avoir lieu. Nous aurons l'occasion dans l'après-midi de rassembler ces pays pour réaffirmer publiquement et de manière très visible notre attachement à un principe de précaution s'agissant de ce patrimoine commun de l'humanité.

Q - Avez-vous une réaction à l'envoi par Donald Trump de l'armée en Californie, suite à des manifestations ?

R - Si vous voulez, on est à Nice, pour parler de l'océan. Je peux répondre éventuellement sur la réaction qui a été celle, depuis des jours, du réseau diplomatique s'agissant de la situation de nos ressortissants qui ont embarqué à destination de Gaza, la manière dont nous facilitons le retour en France. Pour le reste... Je m'en arrêterai là.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 juin 2025