Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en réponse à deux questions sur la reconnaissance d'un État de Palestine, au Sénat le 11 juin 2025.

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Circonstance : Questions d'actualité au Gouvernement, en séance publique, au Sénat

Texte intégral

Monsieur le sénateur Roger Karoutchi,

La France, on a déjà eu l'occasion de se le dire, est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël. Elle l'a démontré en mobilisant par deux fois ses moyens militaires l'année dernière pour soutenir Israël et lui permettre de parer les attaques balistiques iraniennes. Elle le démontre en étant en première ligne des efforts visant à contrer l'Iran nucléaire, à empêcher l'Iran d'accéder à cette arme. Et nous sommes convaincus, et ce n'est pas ce Gouvernement, ce Président de la République, ça fait bien longtemps que cette idée est une idée française, qu'à terme, la sécurité israélienne, la sécurité des Israéliens ne sera assurée que par une solution politique reposant sur deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité. Et à condition, bien évidemment, que l'ensemble des pays de la région consentent, d'une part, à normaliser leur relation avec Israël, mais aussi à apporter des garanties de sécurité à Israël.

Et il y a bientôt deux ans, nous y étions presque. Parce que, comme l'a rappelé le Premier ministre hier à l'Assemblée nationale, l'Arabie saoudite, les États-Unis et Israël s'apprêtaient, en vertu de la logique des accords d'Abraham, à faire aboutir cette perspective. Mais voilà que par le massacre antisémite du 7 octobre, le Hamas s'est rendu responsable d'une très grande et très profonde fragilisation de cette perspective.

Alors soit nous nous résignons à cette fragilisation, mais alors nous prenons le risque que cette région s'enfonce durablement dans une instabilité qui nuira à la sécurité d'Israël. Soit nous prenons l'initiative de créer un mouvement qui s'appuiera sur la reconnaissance de la France et d'autres pays, qui s'appuiera aussi par des engagements très fermes venant de l'Autorité palestinienne et venant des pays arabes de la région, pour dépasser ce que le Hamas a provoqué, c'est-à-dire une menace sur cette perspective, et réenclencher un mouvement conduisant vers cette solution politique qui est la seule soutenable dans l'intérêt d'Israël et du peuple israélien.


Madame la sénatrice Gisèle Jourda,

En effet, il n'y a que deux chemins possibles : l'état de guerre permanent d'un côté, et la solution politique, qui est plus exigeante, qui est plus difficile, celle que la France défend depuis toujours ; celle qui, comme je le disais tout à l'heure, était en passe d'aboutir il y a un peu moins de deux ans avant que le Hamas ne se rende coupable du plus grand massacre antisémite de notre histoire depuis la Shoah.

Et donc face à cette situation, comme je le disais, soit nous nous résignons, et j'ai cru comprendre que Roger Karoutchi tout à l'heure semblait prescrire, mais je dois avoir mal compris, l'inaction. Mais je crois que cette option-là est porteuse de grands risques. Parce que si nous ne faisons rien, alors nous risquons de faire que cette perspective soit définitivement écartée, parce qu'elle est déjà plus lointaine, plus fragilisée qu'elle ne l'a jamais été depuis 1993 et les accords d'Oslo.

Et donc l'autre chemin, c'est la solution politique. Et oui, dans un moment où Gaza est quasiment détruit, où la colonisation s'accélère en Cisjordanie, où les États-Unis semblent se désintéresser de la question et où on ressent une forme de résignation dans un grand nombre de pays arabes, alors notre rôle et notre place est de reprendre l'initiative. C'est tout l'objectif de cette conférence que nous avons préparé en disant que nous serions déterminés à reconnaître l'État de Palestine pour enclencher un mouvement qui implique et qui engage la Palestine, ou en tout cas l'Autorité palestinienne et les pays arabes, qui doivent eux aussi faire et prendre des engagements, faire des déclarations qui dénoncent ce qui s'est passé le 7 octobre et le Hamas pour ce qu'il est, un mouvement terroriste : qui s'engagent à contribuer et concourir à la sécurité d'Israël, au redressement de Gaza et au redressement à venir de cet État de Palestine. Sans quoi, la reconnaissance d'un pays comme la France sonnerait creux.

C'est cette dynamique collective que nous voulons susciter à New York et c'est dans cet esprit que nous travaillons.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 juin 2025