Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Annie GENEVARD.
ANNIE GENEVARD
Bonjour
ALIX BOUILHAGUET
On va évoquer tout de suite vos sujets sur l'agriculture. Mais d'abord un mot de la situation internationale qui inquiète forcément les Français. Ce week-end, Israël a attaqué l'Iran. L'Iran commençait à représenter de votre point de vue, un réel danger. Je pense notamment à son programme nucléaire ?
ANNIE GENEVARD
Evidemment. Et d'ailleurs, c'est un danger sur lequel la France alerte depuis longtemps. Il y a un danger majeur à l'enrichissement de l'uranium. L'Iran est toute proche, de disposer de la bombe atomique. Et donc, comme l'a dit le Président de la République, on ne peut pas vivre dans un monde où l'Iran posséderait la bombe atomique. Il en va de la sécurité, non seulement d'Israël, qui a le droit de se protéger, d'assurer sa sécurité, mais de l'ensemble du monde. Donc aujourd'hui, la France appelle à un retour au calme, à la reprise du dialogue et des négociations pour éviter un embrasement régional qui peut avoir des conséquences absolument catastrophiques.
ALIX BOUILHAGUET
On a le sentiment que Benyamin NETANYAHOU, donc le Premier ministre israélien, est en train de décapiter le renseignement iranien, l'armée, les scientifiques. C'est le bon calcul, cette guerre préventive ?
ANNIE GENEVARD
En tout cas, il est clair qu'Israël doit lutter pour sa sécurité. L'objectif de l'Iran étant de porter atteinte à l'existence même d'Israël. Donc il y a un enjeu qui est existentiel pour Israël, mais néanmoins, on le voit bien, un risque d'embrasement, de déstabilisation. Et c'est la raison pour laquelle la France, soucieuse de la sécurité, d'abord de ses ressortissants et de ses agents, est en même temps soucieux de voir rétablir une forme de dialogue et de désescalade, parce qu'on ne sait pas jusqu'où peut aller ce conflit.
ALIX BOUILHAGUET
Vous parlez de désescalade. Est-ce que l'objectif politique, c'est l'effondrement du régime ?
ANNIE GENEVARD
En tout cas, la France n'a pas participé activement aux opérations israéliennes, elle n'a pas été sollicitée. Il est clair que le jour où l'Iran retrouvera un fonctionnement démocratique, le jour où l'Iran respectera le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes, le jour où l'Iran offrira à sa population davantage de démocratie sera un beau jour pour les Iraniens. Mais voilà, ça, c'est l'affaire de l'autodétermination des peuples.
ALIX BOUILHAGUET
La future PAC, Politique agricole commune, entrera en vigueur en 2027. On sait que les discussions ont déjà commencé. On sait aussi que l'Union européenne veut monter en puissance sur la défense. Est-ce que ça veut dire qu'à ce stade, il y a une menace sur le budget de la PAC ?
ANNIE GENEVARD
Il faut sauver la PAC. La PAC aujourd'hui, objectivement, est menacée par les objectifs de la Commission. D'abord, sauver la PAC, ça veut dire un budget à la mesure des enjeux pour..
ALIX BOUILHAGUET
Et ça, vous en êtes assuré ou c'est quelque chose que vous êtes en train de négocier de pied ferme en ce moment ?
ANNIE GENEVARD
Alors on va avoir les propositions de la Commission. Elles vont arriver avant l'été et puis s'engagera une longue phase de discussion et de négociation. C'est toujours comme ça que les choses se passent. Mais l'autre menace sur la PAC, c'est le risque de renationalisation des crédits de la PAC, ce qui tuerait finalement une des politiques les plus emblématiques de l'Union européenne, qui est la politique agricole commune. Il faut garder une dimension commune, sinon, chaque État aidera son agriculture à la mesure de ses moyens et on perdra cette dynamique agricole qui fait la force du continent. Donc oui, il faut sauver la PAC. Aujourd'hui, il y a objectivement des menaces avec les projets de la Commission. Et nous sommes 20 pays sur 27 à nous opposer à ces orientations.
ALIX BOUILHAGUET
Il y a aujourd'hui, toujours posé sur la table, le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur. Le Mercosur, c'est l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay. Vous y êtes opposé, comme la France depuis très longtemps. Mais la plupart des pays européens, y sont favorables, notamment l'Allemagne, qui plaide pour une ratification rapide. Est-ce que la France, elle a vraiment raison contre tous ?
ANNIE GENEVARD
Alors notre objectif, c'est de protéger nos agriculteurs. D'ailleurs, le Président de la République l'a dit au Président Lula lorsqu'il est venu en visite d'État tout récemment. L'idée n'est pas de s'opposer aux accords de libre-échange. La France commerce avec le monde, et c'est sa force. Mais il faut des accords qui soient équitables. Or, aujourd'hui, rendez-vous compte, le Brésil a été capable d'introduire dans ce projet d'accord une clause de sauvegarde pour son industrie automobile. Et nous, nous ne le demanderions pas pour nos produits agricoles ? Donc ça, ça n'est pas possible. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a dit très clairement : « pas d'opposition de principe à un accord sous la condition de l'ouverture d'un protocole additionnel qui permette des clauses de sauvegarde, des clauses miroirs solides. On a le devoir de ne pas soumettre nos agriculteurs à une concurrence déloyale. Il faut protéger nos agriculteurs, tout en s'ouvrant naturellement au commerce international.
ALIX BOUILHAGUET
En attendant, est-ce que vous pensez arriver à constituer une minorité de blocage, c'est-à-dire au moins quatre États qui représentent plus de 35% de la population de l'Union européenne ? Et si oui, avec qui ? Parce qu'on a le sentiment que la France est quand même un peu isolée.
ANNIE GENEVARD
Moi, je me bats sans relâche, je multiplie les bilatérales et les voyages dans les capitales étrangères. Et ce que je constate, c'est que beaucoup de pays partagent les inquiétudes de la France et sont prêts soit à s'opposer, soit à s'abstenir. Donc à date, je dis bien à date, il n'y a pas de majorité de l'adoption du traité et la minorité de blocage n'est pas loin. Donc je pense que c'est un levier…
ALIX BOUILHAGUET
Avec qui ?
ANNIE GENEVARD
Il y a l'Autriche, il y a la Hongrie, il y a la Pologne. Beaucoup de pays font état de leurs réserves, qu'il s'agisse de l'Irlande, de la Grèce…
ALIX BOUILHAGUET
Vous avez atteint les fameux 35% de la population de l'Union européenne ?
ANNIE GENEVARD
En tout cas, ce qui est clair, c'est qu'il faut dire à la Commission qu'il y a un sujet d'inquiétude qui est légitime, qui est la protection de nos filières agricoles. Il n'y a pas d'opposition de principe à un accord, mais il y a la demande exigeante de protéger par des clauses de sauvegarde robustes, solides, nos filières agricoles qui sont objectivement menacées, qui risquent d'être déstabilisées par ce projet d'accord.
ALIX BOUILHAGUET
Semaine cruciale qui s'ouvre, encore une, pour François BAYROU. Demain, il devrait y avoir les conclusions sur le conclave des retraites. Est-ce que vous pensez qu'un accord est possible ?
ANNIE GENEVARD
Nous verrons bien. Des hypothèses sont sur la table sur la meilleure prise en compte de la retraite des femmes, de la pénibilité. En tout cas, le Premier ministre a fait le pari du dialogue social, qui n'est jamais un mauvais pari. Et moi, je salue tous ceux qui sont restés autour de la table pour continuer ce dialogue social. Nous verrons bien ce qu'il en ressortira.
ALIX BOUILHAGUET
François BAYROU va présenter les grandes lignes de son budget vers la mi-juillet, soit après la session extraordinaire au Parlement. C'est pour éviter toute censure possible, pour passer l'été ?
ANNIE GENEVARD
Je pense que ce n'est pas un calcul de cette nature qui motive le calendrier. Mais il ne faut pas que nous nous retrouvions dans la même situation que l'an dernier, où il y a eu toute cette période d'attentisme avant qu'on présente le budget et puis qui a conduit à la censure. Donc là, le Premier ministre a choisi d'anticiper le dialogue. Chaque ministre va rencontrer notre homologue ministre des Comptes publics, Amélie de MONTCHALIN, pour voir quels sont les domaines dans lesquels des économies pourraient être faites. On sait que si on ne fait rien, la France risque véritablement très gros. La crise financière serait calamiteuse pour tout le monde. Donc il faut qu'on trouve des économies de fonctionnement de notre État qui est beaucoup trop dépensier. Et c'est le travail que nous allons faire jusqu'à l'été.
ALIX BOUILHAGUET
Un tout dernier mot sur Nicolas SARKOZY. On l'a appris ce week-end, il a été exclu de la Légion d'honneur après sa condamnation définitive dans l'affaire des écoutes. C'est le deuxième chef d'État après le Maréchal PETAIN à perdre cette distinction. Qu'est-ce que ça vous évoque ? Vous dites que c'est mérité, c'est comme ça ou c'est regrettable ?
ANNIE GENEVARD
Le signe est terrible. Je suis profondément triste pour Nicolas SARKOZY. Son fils a eu des mots très touchants hier…
ALIX BOUILHAGUET
Louis SARKOZY.
ANNIE GENEVARD
…pour évoquer le courage de son père lorsqu'il a choisi de s'affronter à ce preneur d'otages qui menaçait des enfants.
ALIX BOUILHAGUET
À Neuilly, c'était à l'époque où on était maire de Neuilly, Nicolas SARKOZY.
ANNIE GENEVARD
Exactement. Je suis triste de la décision qui a été prise. Je ne la commente pas puisqu'elle est le fait d'une autorité indépendante, la grande chancellerie de la Légion d'honneur, mais profondément triste pour lui. Je trouve injuste que pour un homme qui a consacré sa vie à l'intérêt public, à la France, d'avoir à supporter cette décision affamante pour lui et sans doute largement imméritée. Mais voilà.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juin 2025