Déclaration de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit à Gaza et la reconnaissance de l'État palestinien, Paris le 13 juin 2025.

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Circonstance : Clôture de la conférence de la société civile pour la solution à deux États, accueillie par le Forum de Paris sur la paix

Texte intégral

Monsieur le président du Conseil économique, social et environnemental,
Monsieur le Premier ministre,
Messieurs, Mesdames les ministres, les parlementaires, les élus, les membres du corps diplomatique du Forum de Paris sur la paix,
Mesdames et Messieurs les militants de la paix, représentants d'organisations de la société civile,
Mesdames et Messieurs,
Chère Daniel, chère Rita,

Je vous prie d'excuser le Président de la République qui, compte tenu des derniers développements au Moyen-Orient, a dû annuler sa venue devant vous. Il me charge de vous livrer ce message et de vous transmettre une invitation de sa part. Vous êtes toutes et tous invités à l'Élysée, à l'issue de cette journée, pour assister à la conférence de presse qu'il y tiendra. Des bus vous y conduiront.

Mesdames et Messieurs et chers amis,

C'est avec gravité, gratitude et espoir que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Gravité car à l'heure où nous parlons, trop de civils paient encore le prix d'une guerre qui n'a que trop durée. Qu'il s'agisse de ceux qui souffrent ou meurent chaque jour à Gaza, des humanitaires, des otages retenus depuis plus de 600 jours ou des familles de toutes ces victimes, nous leur devons notre compassion et d'oeuvrer chaque minute à ce que le cessez-le-feu intervienne.

Gratitude, car le Forum de Paris pour la paix, en s'appuyant sur les organisations de la société civile, a relevé le défi d'organiser en un temps record ce forum et que vous avez répondu présent, malgré bien des contraintes, je le sais, des polémiques, voire des attaques et quelques frustrations devant des obstacles que nous n'avons pas pu franchir, mais la volonté et la ténacité ont payé. Vous êtes là, dans ce Conseil économique, social et environnemental qui nous accueille gracieusement, ce dont je lui suis aussi très reconnaissant. Vous êtes là car votre courage n'est plus à démontrer ; celui de vos combats pour la paix dans une région trop meurtrie par les conflits.

Espoir enfin, car vos échanges d'aujourd'hui et l'appel pour la paix qui en résulte vont nourrir ceux de la conférence pour la solution à deux États qui s'ouvrira prochainement à New York, et l'enrichir des voix de la société civile, car pour être viable, cette solution à deux États doit être aussi portée par les peuples et par leur jeunesse, comme l'a rappelé Rita. Et à New York, j'en suis persuadé, les États porteront eux aussi un message de paix, de courage et d'espoir. Nous y oeuvrons sans relâche.

Et pourtant. Les menaces sont plus lourdes que jamais sur l'espoir d'une paix durable. La solution des deux États, à laquelle notre attachement est constant et est une condition de la paix et de la sécurité dans la région, en plus d'être une exigence du droit international, fait aujourd'hui face à des menaces existentielles, avec la multiplication des mesures unilatérales sur le terrain, l'accélération de la colonisation et la perspective d'annexion, l'enracinement de la haine, et l'effondrement du processus de paix. Cela nous place à la croisée de deux chemins qui se dessinent devant nous. Nous pouvons décider de rester piégés dans un interminable cycle de guerres, de destruction et de souffrances humaines. Nous pouvons aussi décider d'y mettre fin en refusant la logique de vengeance et en reconnaissant la dignité et les aspirations légitimes de chacun : l'aspiration du peuple israélien à la sécurité, et celle du peuple palestinien à un État souverain et reconnu.

Votre présence ici témoigne de votre conviction que la souffrance n'est pas une fatalité. La guerre entre les Israéliens et les Palestiniens n'est pas une fatalité et la France partage cette conviction.

Il faut que ce cercle infernal cesse. Y mettre fin demande à tous du courage et de la mobilisation. Elle exige du courage et une forte mobilisation de la communauté internationale, qui doit changer d'approche et imposer aux parties la voie de la paix. La France, comme l'écrasante majorité des États membres des Nations unies et à l'unisson des principales organisations et juridictions internationales, appelle à un cessez-le-feu immédiat, à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et à l'acheminement massif et sans entrave de l'aide humanitaire à Gaza. Nous devons obtenir des résultats.

La France, là encore, comme l'écrasante majorité de ses partenaires, estime qu'il est temps d'apporter une solution politique aux Palestiniens. Et c'est ce à quoi s'emploiera la conférence de New York. Cette solution politique implique la réalisation d'un État palestinien viable, avec une gouvernance renouvelée, de solides garanties de sécurité pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, ce qui implique le désarmement du Hamas et d'une intégration régionale d'Israël. Là aussi, nous devons obtenir des résultats. Mais c'est la seule solution possible.

Prendre la voie de la paix exige aussi du courage des responsables politiques de part et d'autre, qui doivent oser l'emprunter malgré les incertitudes. Et je salue à cet égard les engagements majeurs pris par Mahmoud Abbas dans une lettre qu'il a adressée à la France et à l'Arabie saoudite dans le cadre de la conférence de New York. Il s'agit d'engagements majeurs, dont vous serez également les témoins et les garants. Elle exigera aussi, je l'ai dit, du courage aux sociétés, prises dans cet engrenage. Vous êtes aujourd'hui des centaines, venues d'horizons divers, mais tous unis par un profond désir de paix et de reconnaissance mutuelle, et cela nous donne la force, la force d'avancer.

Alors, chers amis, aujourd'hui, vous avez contribué de manière essentielle à la conférence internationale de haut niveau que la France coprésidera avec l'Arabie saoudite à New York. Cette conférence est une opportunité unique pour faire avancer le règlement pacifique du conflit israélo-palestinien et nous devons la saisir. Je tiens à vous remercier de tout coeur pour avoir accepté de nourrir les contributions des groupes de travail à New York par vos travaux aujourd'hui.

Enfin, je veux vous dire que votre appel à agir a été entendu. Et si je dois en résumer l'essence, je retiens deux demandes fortes et unanimes que vous formulez aujourd'hui à la communauté internationale.

La première consiste à répondre aux droits du peuple palestinien à l'autodétermination, en reconnaissant l'Etat de Palestine. Et je vous le redis ici, quels que soient les développements récents dans la région, la France est déterminée à le faire.

Votre deuxième demande est celle de garantir la sécurité d'Israël et de travailler à son intégration régionale. C'est aussi le sens de notre action, et je m'engage devant vous aujourd'hui à continuer à oeuvrer en ce sens.

Je me chargerai également de transmettre cet appel à l'ensemble de la communauté internationale, à l'occasion de la conférence à New York. Vous pouvez compter sur la France, qui continuera de porter sans relâche la voix de la paix, du dialogue et de la coexistence, la voix de Rita, la voix de Daniel, la voix de la jeunesse qui doit être entendue, la voix des artisans de la paix.

Alors pour votre présence aujourd'hui et pour votre engagement, soyez très sincèrement remerciés.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 juin 2025