Texte intégral
Bonjour à toutes et tous,
Je suis avec Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé des Français de l'étranger, et Philippe Lalliot, directeur du centre de crise et de soutien du ministère des affaires étrangères.
Vendredi dernier, le 13 juin, Israël a lancé une vaste offensive militaire contre l'Iran. Dans ce contexte, notre priorité absolue depuis le début des opérations, c'est la sécurité des Françaises et des Français dans la région.
Je veux d'ailleurs commencer par rendre hommage aux agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui exercent leur mission, qui servent dans des conditions extrêmement difficiles. Cette nuit encore à Tel Aviv, une frappe a été menée à quelques dizaines de mètres de l'ambassade de France, et plusieurs logements d'agents ont été endommagés ces derniers jours. Certains pays ont décidé d'évacuer leur dispositif diplomatique. Ce n'est pas le choix que nous avons fait, parce que c'est l'honneur des agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères que d'accompagner les communautés françaises, en Israël comme en Iran, dans la période éprouvante qu'elles traversent.
Pour la deuxième fois cette semaine, je viens de présider une réunion de crise en format interministériel, avec l'ensemble des ambassades, consulats et services de l'État concernés, avec une priorité absolue : assurer la sécurité de nos ressortissants, en Israël, en Iran et dans la région, et mettre en place des solutions adaptées à chacun.
Conformément aux orientations du Conseil de sécurité et de défense nationale convoqué hier par le Président de la République, j'ai pris les décisions suivantes.
En Iran, tous les Français qui souhaitent quitter le pays et qui ne se sont pas encore fait connaître auprès de nos services sont invités à se signaler dès que possible à notre ambassade. Le passage est possible sans visa vers l'Arménie et la Turquie, dont les frontières sont ouvertes. Les personnes s'étant signalées et ne pouvant pas gagner la frontière arménienne ou la frontière turque par leurs propres moyens seront acheminées par convoi d'ici la fin de semaine. Des équipes sont déployées ce jour aux deux frontières, la frontière turque et la frontière arménienne, pour accueillir nos ressortissants et faciliter les éventuelles démarches consulaires. Ils seront ensuite invités à rejoindre les aéroports turcs ou arméniens, où les espaces aériens sont ouverts et des vols commerciaux sont assurés pour regagner le territoire français.
En Israël, j'appelle tous nos compatriotes à la plus grande prudence, à se conformer aux consignes de sécurité des autorités locales, relayées par les réseaux sociaux de notre ambassade et de nos consulats. Les Français qui souhaitent rentrer en France peuvent continuer à le faire en gagnant par la route la Jordanie et l'Égypte, pays depuis lesquels des vols continuent d'être opérés, notamment à Amman, en Jordanie, et Charm el-Cheikh, en Égypte. Des équipes sont déployées ce jour aux deux frontières pour accueillir nos ressortissants et faciliter leurs éventuelles démarches consulaires. Des bus seront mis en place dès demain matin pour acheminer nos ressortissants du point de frontière - avec la Jordanie ou l'Égypte - vers les aéroports d'Amman et de Charm el-Cheikh. Un vol sera affrété au départ d'Amman d'ici la fin de semaine, en fonction de l'ouverture des points de passage, pour faciliter le retour des Français de passage, des personnes vulnérables ou dans une situation d'urgence qui se sont signalées à nous. Les personnes les plus en difficulté seront accompagnées pour parvenir jusqu'à la frontière jordanienne. J'ai demandé au centre de crise et de soutien, en lien avec le ministère des armées, d'évaluer la possibilité logistique, les délais et les risques associés à une solution de sortie du territoire israélien par la voie maritime, ainsi que sa sécurisation, et de m'en faire rapport d'ici ce soir.
Ces dispositifs seront évidemment ajustés en fonction de l'évaluation de la situation.
Les numéros d'urgence mis en place depuis le 13 juin restent accessibles à toute heure. Ils sont affichés sur les sites [Internet] de nos ambassades et de nos consulats. Nos équipes sont pleinement mobilisées pour accompagner nos ressortissants et trouver une solution adaptée à chacun.
Je salue la mobilisation des parlementaires et des élus des Français de l'étranger dans la période.
Dans cette situation, la voix de la France est claire : c'est la paix et la sécurité pour tous. Et cette position repose sur un double refus.
Le refus de voir Gaza occupée, la Cisjordanie colonisée, le Hamas continuer à détenir des otages dans les tunnels de Gaza, et l'aide humanitaire bloquée à l'entrée de Gaza, avec une population affamée. Et c'est pourquoi, même si nous avons dû la reporter pour des raisons logistiques et sécuritaires, nous restons déterminés à tenir la conférence des Nations unies pour la solution à deux États, qui a engagé une dynamique désormais inarrêtable qui doit nous conduire dans un mouvement collectif à reconnaître l'État de Palestine.
Le deuxième refus, c'est celui d'un Iran nucléaire, qui fait peser à un danger existentiel sur Israël, sur la région, mais aussi sur l'Europe. C'est un problème que l'on ne peut régler que par la négociation, comme nous l'avons fait il y a dix ans. La négociation reste encore aujourd'hui la seule manière d'aboutir à un retour en arrière durable du programme nucléaire et balistique iranien. C'est pourquoi nous appelons, comme le Président de la République l'a fait, à la retenue, à la désescalade et à l'arrêt des frappes des deux côtés. Et c'est pourquoi nous appelons au retour des négociations. De la même manière qu'il y a dix ans, ce sont les Français, les Anglais et les Britanniques qui avaient trouvé la solution, nous nous tenons prêts à apporter notre compétence, notre expérience sur ce sujet et notre constance, pour mener les discussions avec les parties prenantes.
Je vous remercie et suis à votre disposition pour toute question.
Q - Ce matin, l'ambassadeur israélien en France dit que les avions américains sont prêts, sur ordre de leur président. De quelles informations disposez-vous, en tout cas vous, au niveau des intentions américaines ?
R - Je vous laisse interroger les responsables américains en France pour obtenir ces informations.
Q - La France est impliquée historiquement dans les négociations avec l'Iran, tout comme les Allemands et les Britanniques. Confirmez-vous qu'une rencontre pourrait avoir lieu à Genève demain entre vous, Français, et Britanniques et Allemands, avec le ministre iranien des affaires étrangères ?
R - Je vous l'ai dit il y a quelques instants, nous avons marqué notre disponibilité pour participer à des négociations visant à obtenir de la part de l'Iran un retour en arrière durable de son programme nucléaire et de son programme balistique - son programme de missiles. Lorsque ces négociations se tiendront, lorsque nous y participerons, nous vous le ferons savoir.
Q - Que peuvent concrètement faire les Européens ? Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu plus sur cette initiative européenne ? N'y a-t-il pas des divisions au sein même de l'Europe ? On a entendu le chancelier allemand parler d'Israël qui "fait le sale boulot" avec ses opérations en Iran.
R - Au contraire, il y a une très forte unité entre ce groupe que, dans le jargon diplomatique, on appelle le groupe des E3 - les Britanniques, les Allemands et les Français - qui, il y a dix ans, a permis de faire aboutir la négociation sur le nucléaire iranien, négociation qui a abouti à un recul très net de l'enrichissement d'uranium, des capacités d'enrichissement installées, en bref du programme nucléaire iranien, dont on pouvait soupçonner qu'il avait une vocation militaire.
Malheureusement, les États-Unis ont choisi de quitter cet accord quelques années plus tard, ce qui a conduit le régime iranien à revoir sa position et ses engagements aux termes de cet accord. Nous avons, depuis de longues années, poursuivi ces négociations avec le régime iranien, discussions qui se sont intensifiées l'été dernier, alors que nous approchions - alors que nous approchons - de l'expiration de l'accord sur le nucléaire iranien d'il y a dix ans, qui avait donné un point de rendez-vous en 2025.
Nous avons bien informé les négociateurs américains, qui avaient ouvert une ligne de contact avec les Iraniens, sur l'importance cruciale, vitale, pour nous, d'obtenir un vrai retour en arrière durable du programme nucléaire, mais de même que nous cherchions à obtenir, pour tout accord, des garanties sur le programme balistique ainsi que sur les activités de déstabilisation du régime iranien.
Nous avons fait savoir aussi à l'Iran qu'il convenait, dans cette discussion qu'ils avaient souhaité ouvrir avec les États-Unis, de ne pas jouer la montre, puisque nous restons déterminés à obtenir un accord qui garantisse la sécurité de la France et de l'Europe, sans quoi, à l'expiration du délai des dix ans que nous nous étions donnés collectivement en 2015, nous n'aurions d'autre choix que de réappliquer toutes les sanctions qui avaient été levées.
Dans ce contexte, et dans le contexte nouveau provoqué par les opérations militaires en cours, nous nous tenons prêts, comme nous l'avons fait ces derniers mois et ces dernières années, à présenter une formule permettant de garantir les intérêts de sécurité d'Israël, de la région et de l'Europe, qui concerne à la fois le programme nucléaire iranien, son programme balistique, mais aussi ses activités de déstabilisation régionale. Et je le dis, dans ces discussions qui pourraient s'ouvrir, nous apporterons notre expérience, notre connaissance fine de ces trois sujets et notre constance dans notre résolution à trouver une solution définitive à ces questions, pour créer les conditions de la paix et de la stabilité durables dans la région.
Q - Je me permets de reposer la question, parce que l'agence officielle iranienne a annoncé que son ministre des affaires étrangères serait présent demain à Genève, a priori pour rencontrer ses homologues - c'est ce qu'il attend, en tout cas. Donc est-ce que vous pouvez nous dire si vous interprétez ça comme un signe de la part de l'Iran de prendre cette main tendue, peut-être, que constitue l'initiative européenne ?
R - Dans les échanges que nous avons pu avoir avec les autorités iraniennes, leur message a été relativement clair : il y a une volonté de reprendre les discussions, y compris avec les États-Unis, à condition qu'un cessez-le-feu puisse intervenir. De notre côté, il y a une volonté de reprendre les négociations, à condition que ces négociations puissent conduire à un retour en arrière durable, substantiel de l'Iran sur son programme nucléaire, sur son programme balistique et ses activités de déstabilisation régionale.
Merci à toutes et tous.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juin 2025