Texte intégral
Ce Conseil Agripêche est extrêmement important. Il abordera de nombreux sujets, parmi lesquels, évidemment, dans les relations commerciales, le sujet du Mercosur occupera une place importante. Je veux en dire quelques mots. Vous connaissez l'opposition de la France au projet d'accord tel qu'il a été signé à Montevideo, pour plusieurs raisons.
D'abord, parce que ce projet d'accord n'est absolument pas protecteur pour les filières agricoles. Je ne donnerai qu'un exemple. L'exemple du sucre. Vous le savez, les cours mondiaux sont en baisse. De nombreuses sucreries ont fermé en Europe. Et donc, c'est une filière qui aujourd'hui est grandement fragilisée. Importer des contingents de sucre par le projet d'accord du Mercosur emporterait une fragilisation supplémentaire de cette filière.
Deuxième exemple, celui de l'élevage. Tous les accords de libre-échange comportent un volet agricole, au sein duquel il y a la question de l'élevage, qui est concernée. Et le projet d'accord avec le Mercosur concerne la filière bovine, la filière volaille. Deux exemples qui montrent, à l'évidence, qu'il n'y a pas dans ce projet d'accord de clauses de sauvegarde robustes pour protéger l'agriculture. C'est un point, d'ailleurs, qui attire la vigilance de très nombreux pays qui ont exprimé les mêmes interrogations que la France. Je suis allée en Hongrie, en Autriche. Ces deux pays ont fait part de leurs inquiétudes. La Pologne, vous ne l'ignorez pas, et d'autres encore. La position de la France sera réitérée lors de ce Conseil.
Un deuxième point de vigilance, pour nous, sur le Mercosur est le rééquilibrage des concessions. C'est une première, qui crée un précédent tout à fait préoccupant, qui fait que les pays du Mercosur peuvent, s'ils considèrent que les conditions d'accès au marché par l'Europe portent atteinte à leur propre capacité d'exportation, rouvrir les termes de l'accord. C'est un point qui est à nos yeux extrêmement préoccupant et qui constitue une première dans un accord de libre-échange.
Le deuxième grand sujet qui sera abordé à l'occasion de ce Conseil, en tout cas dans les conversations que nous pouvons avoir avec nos homologues ministres de l'Agriculture, concerne naturellement le futur contour budgétaire de la PAC, le CFP, que nous voulons évidemment à la hauteur des enjeux que connaît l'Union européenne en matière agricole. Et puis, bien sûr, l'organisation de la PAC, à laquelle nous voulons conserver un caractère commun et un caractère communautaire, où le projet de fusion d'une partie des fonds communautaires et la renationalisation ne nous conviennent pas du tout. La politique agricole commune a montré, au fil des années, qu'elle était une politique d'avenir, qu'elle était une politique utile à l'agriculture européenne.
Il y a des sujets, à l'évidence, que nous ne pouvons traiter convenablement qu'à l'échelle de l'Union européenne, avec le réchauffement climatique, la multiplication des crises météorologiques. Il nous faut aborder les choses, la gestion des crises, à l'échelle européenne. Je donnerai un deuxième exemple. Vous savez que beaucoup de pays de l'Union européenne ont été touchés par les crises sanitaires qui affectent nos cheptels. Et, à l'évidence, là aussi, seule une gestion européenne, une mise en commun de la recherche, une approche concertée pour lutter contre ces épizooties peut faire ses preuves.
Donc, pour toutes ces raisons, il ne faut pas voir dans la politique agricole commune une politique du passé, mais tout au contraire, une politique d'avenir. Elle concerne tous les pays, elle concerne tous les Européens, et elle appelle à une gestion véritablement commune, renouvelée, et non pas un abandon de ce qui a fait vraiment l'essence même de la politique agricole de l'Union européenne. Voilà quelques-uns des sujets que nous aurons à traiter et puis, j'aurai également beaucoup d'entretiens bilatéraux avec les pays susceptibles de rejoindre la position française sur ces sujets.
Question : Madame la ministre, est-ce que vous attendez une nouvelle vague de manifestations des agriculteurs si le nouveau budget ne convient pas aux attentes des agriculteurs ?
Annie GENEVARD : Si j'en juge au contact que j'ai avec les agriculteurs français, qui sont constants, à l'évidence, les sujets de préoccupation sont internationaux. C'est le Mercosur, et c'est aussi la future PAC. Et je suis convaincue que c'est quelque chose qui peut, à nouveau, faire bouger les agriculteurs européens. Ils sont très attachés à la PAC. Ils sont très attachés à ce que nous ayons un budget digne de ce nom, capable de répondre aux enjeux du moment. Ils sont très attachés au caractère commun de la PAC. Et dans toutes les rencontres que j'ai avec eux, ce sujet de la PAC revient en permanence. Donc je suis convaincue que c'est possiblement un sujet qui activera des réactions de la part des agriculteurs français et probablement européens, puisque la COPA-COGECA a également réagi sur ce sujet.
Question : Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur ce protocole additionnel pour le Mercosur ? Est-ce que c'est une chose qui pourrait changer votre position ?
Annie GENEVARD : Il faut qu'il y ait des clauses de sauvegarde robustes et juridiquement opposables. Ça ne peut pas être simplement une déclaration d'intention. Il faut que ce soit véritablement quelque chose qui soit opérationnel, et qui donne la démonstration aux agriculteurs qu'ils sont véritablement protégés, que l'Union européenne n'est pas ouverte à tous les vents des relations commerciales. Parce qu'il faut bien prendre la mesure de l'effet cumulatif de ces différents projets d'accords commerciaux. Si on les prend isolément les uns des autres, on ne mesure pas le caractère cumulatif, qui peut emporter, effectivement, des conséquences préjudiciables. Donc on est très attentif à cela. Je pense que le temps de la conclusion de cet accord n'est pas venu, et qu'il faut véritablement que la Commission entende les agriculteurs. C'est très important. On ne peut pas décider d'accords comme celui-là. Dont, je rappelle qu'il est en gestation depuis 25 ans. C'est le plus gros accord de libre-échange jamais conclu. Donc les conséquences sont énormes. Il faut écouter les agriculteurs. En tout cas, nous, ministres de l'Agriculture, nous devons être, sur ce sujet leur voix.
Source https://ue.delegfrance.org, le 24 juin 2025