Déclaration à la presse de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur l'industrie spatiale, au Bourget le 20 juin 2025.

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Circonstance : Salon international de l'Aéronautique et de l'Espace (SIAE)

Texte intégral

Bravo. C'est parfaitement dit sur ce qu'est aussi l'espace et ce que sont ses missions. Donc on est hyper fiers d'avoir vu Epsilon. Et tout le monde est conquis et convaincu. Je voulais peut-être vous dire quelques mots sur, justement, le spatial et où on veut aller collectivement. Non, mais vous pouvez... moi, j'ai pas de problème, restez là, on est tous ensemble, et le faire, en effet, avec l'excellence de l'aéronautique, à la fois aux astronautes, on vient de le voir avec l'ensemble des contributeurs, et le faire dans ce salon du Bourget qui marque aussi l'excellence aéronautique, Airbus, Dassault, Thalès, Safran, MBDA, tous les équipementiers, les PME, les ETI, qui irriguent tous nos territoires.

Évidemment, toute la recherche qu'il y a derrière. Et donc, je veux ici redire combien c'est pour moi une grande fierté d'être là dans ce salon avec les ministres, dans un moment qui n'est pas simple, parce qu'on a à la fois une bataille féroce à l'international, commerciale, ce qui est normal. On a encore, depuis le Covid, des chaînes de production qu'il a fallu faire repartir avec des contraintes qui existent. On a la bataille de la décarbonation qu'il faut continuer de mener. Et on a aujourd'hui des tarifs, et je dirais une guerre commerciale qui vient un peu compliquer ce jeu, en plus des tensions géopolitiques. Mais tout ça, on l'aborde, je dirais, de manière très méthodique, là aussi, en regardant chaque Epsilon et en nous attachant, justement, à nous battre sur chacun de ces points.

Maintenant, c'était l'occasion, en effet, ici, de vous dire, dans ce Paris Space Hub, quelques mots sur notre stratégie spatiale, la manière dont on doit, je crois, ensemble essayer de regarder les choses, et ce, avant qu'on engage le travail avec nos partenaires européens, qu'on ait plusieurs rendez-vous entre l'automne et l'hiver prochain. Et je veux vraiment remercier tous les acteurs qui sont là, évidemment l'ESA, cher Joseph, évidemment le CNES, avec les deux patrons successifs qui sont là et qui ont beaucoup contribué à la vie de la recherche française, et puis remercier nos armées, qui sont des contributeurs importants, et tous nos industriels. Bon, si je regarde les choses sur le spatial, d'abord, le spatial a clairement investi tous les espaces, sans mauvais jeu de mots ; localisation GPS, changement climatique, rendement agricole, accès Internet haut débit, liaison téléphonique, et donc des communications à l'observation, à l'opérationnel, à des missions aussi fondamentales pour le changement climatique. On était ensemble avec Thomas pour parler des océans. On ne peut pas chercher et comprendre les océans sans le spatial. Et donc tous les espaces de compréhension, de suivi des transformations sont très clairement au cœur du spatial. Et donc il y a un élargissement, si je puis dire, du domaine de la lutte.

La deuxième chose, un deuxième mouvement qui s'est joué dans les mêmes années, c'est que le spatial s'est aussi beaucoup privatisé, avec parfois un retrait de certains États sur certains secteurs et des difficultés, il faut bien le dire, j'y reviendrai, de l'Europe, sur des tournants récents. Et ça, je crois qu'il faut qu'on soit lucides sur l'Europe de l'espace, qui est une des très grandes forces, une de nos fiertés historiques. Mais très clairement, SpaceX a bouleversé le marché. Amazon se lance aussi. La Chine n'est pas en reste. Et je pense qu'il faut qu'on soit très lucides tous ensemble. Je disais, c'est un moment de fierté, mais enfin, il faut qu'on ait aussi un moment de lucidité.

Et puis, troisièmement, le spatial est devenu un segment à part entière de la défense, je le disais. La défense elle-même repose maintenant plus que jamais sur l'industrie spatiale. On était avec Eutelsat, on le voit bien sur le théâtre ukrainien, où très clairement, la capacité à obtenir de l'imagerie permanente avec une latence très faible est absolument clé. C'est aussi pour ça que la Chine y investit. La Russie, si je puis dire, a signalé stratégiquement l'importance de ce sujet pour elle. Et elle est à peine derrière, d'ailleurs, Washington et Pékin. Et donc c'est un espace qui est de plus en plus contesté, instable, offensif. Et donc très clairement, nous-mêmes, quand on a vu bâtir la dernière loi de programmation militaire, quand on a parlé des espaces qui étaient les plus contestés et les plus stratégiques à venir, on dit : le maritime, le cyber et le spatial. Et donc ça, c'est un phénomène très clair qui nous a d'ailleurs conduits à bâtir en 2020 un nouveau commandement intégré, la transformation de notre armée de l'air en armée de l'air et de l'espace. Et je suis très heureux, en octobre prochain, de pouvoir aller faire quelques inaugurations en ce sens. À la croisée donc de tous ces enjeux, publics et privés, civils et militaires, scientifiques et industriels, le spatial, je dirais, est en quelque sorte une vraie jauge des puissances internationales. Et c'est aussi pour ça que vous m'avez autant entendu ces dernières semaines en parler et que je voulais dire quelques mots ici, parce que, très clairement, notre capacité dans tout le domaine à être aux avant-postes sur le spatial, à récupérer ce qu'on a pu perdre, à aussi préparer les batailles de demain sera clé si on veut rester dans le jeu des grandes puissances internationales : puissance de recherche, puissance civile et puissance militaire. C'est fondamental. Et je le disais, l'Europe a, malgré tout, si on est lucide, manqué plusieurs tournants. La réduction du coût des lanceurs et de la modularité. Le seul SpaceX se résume à elle seule.

Je pense qu'il faut aussi comprendre pourquoi on s'est trompé, qu'on n'a pas, nous, cru aux petits lanceurs, à la modularité, etc. Et on fait très attention, là, sur le caractère réutilisable. Je pense que c'est une bataille où on peut encore revenir dans la course, mais elle n'est pas gagnée, cette course. Et donc, il faut qu'on accélère. Sur les constellations satellites, pareil. Heureusement qu'on a racheté, il y a quelques années, OneWeb. Je dirais coup de chance, malentendu, vision de dernier moment. Mais enfin, on était à deux doigts d'être totalement sortis du jeu des constellations LEO et on est encore très fragiles sur le sujet, là aussi, soyons clairs. Et donc c'est pour ça que l'annonce faite de jour est fondamentale, mais qu'elle marque que le début d'une reconquête à marche forcée qu'on doit faire. Et donc là aussi, c'est lié tout ça au fait qu'on n'a pas de vision assez claire, ou parfois qu'on s'est trompé, qu'on n'a pas assez cru dans l'innovation privée, y compris d'acteurs émergents. Et ça, je pense qu'il faut retenir la leçon, c'est-à-dire que l'innovation peut venir du privé, en tout cas, elle vient à coup sûr de la collaboration publique-privée, et elle peut venir d'acteurs, justement, très émergents, et puis l'effort budgétaire n'est pas homogène. Il faut être lucide.

La dépense spatiale par habitant, c'est 200 euros par habitant aux États-Unis, c'est 32 euros en Europe, 46 en France. Donc là, on doit vraiment réussir à monter notre effort collectif d'investissement. Alors face à ça, je pense que rien n'est irrémédiable, et de toute façon, on n'a pas le droit, face à ce constat lucide, d'en rester là. Pourquoi ? Parce que je vous l'ai dit, c'est la jauge de puissance. Donc il est absolument indispensable que nous avancions, nous accélérions, et je pense qu'il est absolument indispensable qu'on le fasse en Européens. Et c'est pour moi cette vision européenne que je veux ici promouvoir avant de prendre mon bâton de pèlerin, si je puis dire, parce que c'est l'Europe qui a permis de bâtir le programme Ariane, Galileo, GPS. Et donc l'Europe sait mener des grands programmes et les faire. Et c'est en Européens qu'on pourra y arriver et revenir dans le jeu des puissances. Avec un premier point qui est que notre Europe doit donc décider de redevenir une puissance spatiale, et la France en étant au cœur, et d'abord militaire. Ce qui implique de nous doter, en Européens, de capacités de surveillance de l'espace, de commandement des opérations, de réactivité, de découragement de l'ennemi, avec une plus grande résilience de nos capacités souveraines. Et là-dessus, on en parlait encore hier avec le ministre, le DGA et le CEMA, on doit aller encore plus vite et plus fort. Et donc, dans la revisite qu'on fait de notre LPM, et j'aurai l'occasion d'en reparler le 13 juillet prochain, dans la posture qu'on doit changer, et fort du fait que j'ai expliqué aux Françaises et aux Français, ce que je crois profond : la Russie est devenue une menace existentielle pour nous, Européens, et on doit revisiter nos règles aujourd'hui de sécurité, eh bien, on doit monter l'investissement sur le spatial.

Et donc, on va faire plus vite, plus fort sur le spatial en matière de défense. Et là aussi, nous attendons de l'innovation. Et c'est tout le sens du projet d'avion spatial porté par Dassault, baptisé vortex, véhicule orbital réutilisable de transport et d'exploration. Il porte des possibilités d'avant-garde pour notre défense. Et ce qui a été signé là pendant ce salon est fondamental. Et c'est pour moi une avancée importante. Innover, c'est aussi savoir opérer dans la très haute altitude. C'est de voler 20 km, 100 km pour ne pas laisser nos compétiteurs le prendre. Et donc les opérations de l'armée de l'Air et de l'Espace, là aussi, vont continuer de monter, si je puis dire, et elles ne s'arrêtent plus au niveau du vol 500, mais au niveau du vol 3300. Et on va continuer, là aussi, de monter pour, je le dis très clairement, gagner cette très haute altitude qui, on le sait, est la nouvelle frontière sur ce volet. Et puis, ce sera le Centre de commandement militaire de l'espace que j'inaugurerai à Toulouse à l'automne, mais qui est un point important.

Je ne veux pas être ici plus long et plus exhaustif, mais France et Europe, puissances spatiales de défense, c'est absolument clé. Et puis si l'Europe veut gagner ses galons de puissance spatiale, elle doit aussi être présente sur toute la chaîne. Et c'est ça qu'il nous faut reconquérir, combler, densifier pour, justement, revenir totalement dans le jeu. D'abord, dès l'amont, et je veux insister à cet égard sur l'importance de notre recherche. Évidemment, le CNES, qui est un atout majeur dans ce domaine, pour construire des missions d'observation, d'exploration, pour développer nos outils industriels, valoriser le spatial comme outil international aussi, je l'évoquais, au service de l'environnement. C'est ce qu'on avait pu lancer avec le Space for Climate Observatory, que j'avais inauguré ici en 2019, et plus récemment l'Alliance des agences spatiale pour les océans, Space for Ocean, lancée dans le cadre de l'UNOC à Nice il y a donc quelques jours. Et donc je veux ici redire que nous croyons et nous continuerons d'investir, et donc c'est pour ça aussi que je tiens aux différents pas de temps de notre loi de programmation en matière de recherche et d'enseignement supérieur, et que le rôle du CNES, avec les autres agences et les laboratoires et universités qui sont ses partenaires, continuera d'être clé, mais aussi que nos partenariats européens sont très importants, cher Joseph, évidemment, le rôle de l'ESA, mais tous nos partenaires dans les pays européens. C'est aussi pour ça que nous voulons, en particulier en matière spatiale, accueillir davantage de chercheurs. Et donc il y a un volet spatial dédié à notre programme Choose Europe for Science, que nous avons lancé avec la présidente Von der Leyen, Alan en est l'exemple vivant.

Voilà, on est très heureux d'avoir un jeune chercheur français qui avait été rejoindre la NASA. Il adore les États-Unis, mais il va revenir travailler avec super-héros et l'ESA, sur son PhD. Et ensuite, c'est ce qu'on souhaite, pouvoir, justement, participer à nos grands programmes de recherche et d'industrie européens. Et donc la recherche est clé. On va continuer à renforcer, accélérer dans ce domaine. Et puis, évidemment, on a aussi la question de l'exploration. On doit continuer d'avoir cette audace et d'explorer. Les stations spatiales privées se multiplient. Construire des stations spatiales est devenu plus accessible que jamais, et on ne doit pas sortir de cette compétition, parce qu'il y a aujourd'hui une innovation qui est en train de faire baisser les coûts, et au moment où on sait qu'on a une fin de délai pour l'ISS, on doit, là aussi, réussir à innover, pousser nos industriels à prendre du risque, pousser les financements privés à se mobiliser, parce qu'on aura aussi des éléments d'arbitrage à faire, mais stations spatiales, l'emport de cargos, tous ces éléments sont clés dans les missions d'exploration, vols habités et autres, sont absolument fondamentaux, et l'Europe a une place à y jouer. On a des acteurs du New Space français qui sont devenus européens, qui y jouent un rôle central. Et donc on doit réussir, là, à accélérer ce mouvement. Ensuite, si je rentre dans la part industrielle, on a évidemment l'enjeu des lanceurs. L'Europe commence à rattraper son retard.

Merci d'avoir tous tenu. Et on l'a fait parce qu'on est resté Européen. Et je me souviens très bien où nous étions il y a 18 mois ou 24 mois, où on avait quand même un grand risque. On a, si je puis dire, sauvé notre capacité de maintenir un accès européen à l'espace. Pour autant, on n'est pas au bout du chemin, mais on commence à rattraper le grand retard avec le retour en vol de Vega-C, bien sûr, les deux premiers vols d'Ariane 6 qui sont un très grand succès. On attend la version prochaine qui sera encore plus performante et qui arrive. Mais c'est absolument fondamental. Maintenant, on a stabilisé, on est passé au bord d'un très grand problème et surtout d'une perte de cet accès. Maintenant, on doit accélérer, accélérer avec des programmes historiques, de nouvelles initiatives qui ont éclos. France 2030 et des projets tous très ambitieux de mini ou micro lanceurs, sur lesquels je veux ici ré-insister. Ils sont fondamentaux. Et donc, on va continuer avec France 2030, avec les grands opérateurs que j'évoquais, et je ne veux absolument qu'on ne lâche rien sur ce volet.

Le challenge européen des lanceurs, organisé par l'ESA, est à cet égard important. Il sélectionnera les projets les plus prometteurs pour répondre à ses besoins, et la France y prendra toute sa part, assumant aussi une logique de concentration vers les meilleurs. Et la logique dans laquelle on croit, c'est qu'on veut qu'il y ait une multiplication de projets, on fait confiance aux acteurs les plus émergents, les plus ambitieux, mais après, c'est normal. Il y a une phase où on doit concentrer les financements si on veut réussir à gagner la bataille et qu'on doit accélérer et passer à l'échelle. Et il faut l'assumer. Il s'agit aussi de disposer d'une base de lancement européenne, après que je parle des lanceurs, qui est incontestée à la pointe. Avec le CNES, faisons de Kourou le port spatial le plus avancé d'Europe en toute transparence avec nos autres partenaires. Et là-dessus, je veux ici le redire, mais évidemment, on tient beaucoup à Kourou, on tient beaucoup aussi à ce que tous nos partenaires européens l'utilisent à plein. Et je veux ici dire l'importance sur là aussi les questions de souveraineté les plus sensibles, d'avoir Kourou et de continuer à avancer.

Ensuite, on a évidemment la partie satellite à proprement parler. Et je veux remercier nos industriels qui sont là, parce que le mouvement qui a été lancé par Airbus avec Thalès et Leonardo est absolument essentiel. Ils travaillent ardemment pour construire un champion européen des satellites compétitif, avec une vision d'avenir. Pour moi, c'est évidemment le sens de l'histoire. Je veux ici dire qu'ils ont notre plein soutien, notre confiance, et j'ai la volonté qu'on arrive le plus vite possible à bâtir ce champion. C'est ce qui nous permettra, en Européens, d'avoir la taille critique, de gagner en compétitivité, de gagner en volume, et c'est une consolidation sectorielle en la matière. Et puis, enfin, pas enfin, mais ensuite, il y a l'enjeu, évidemment, des services, des télécommunications spatiales.

Parmi les satellites de communication et de navigation, là aussi, je le disais rapidement, on doit avoir notre constellation européenne, et ça, c'est l'importance qu'a Eutelsat aujourd'hui. C'est notre opérateur européen avec, justement, une constellation LEO. Je disais combien on voyait en Ukraine l'importance de celle-ci. Parce que les constellations en orbite basse sont un segment décisif pour les télécommunications de demain, promis à une forte croissance, et parce que, là aussi, on ne peut pas accepter que nous, nos partenaires, devions passer ou dépendre de constellations non européennes en orbite basse. Et ça, je pense, c'est une folie. Et donc aujourd'hui, nous avons, avec Eutelsat et OneWeb, le monopole de la constellation LEO, ni américaine, ni chinoise. C'est un trésor stratégique. Je pèse mes mots, un trésor stratégique. Et donc, on doit, pas simplement la préserver, on doit la passer à l'échelle, c'est-à-dire, on doit absolument accélérer les déploiements de satellites, densifier notre constellation, déployer encore plus vite et plus fort, évidemment, l'ensemble de nos systèmes d'antenne en baisser le coût unitaire pour rattraper le retard, mettre surtout cette solution.

Qu'attendent nos partenaires ? Et donc, nous soutenons pleinement l'augmentation de capital massive qui a été annoncée. Je suis très heureux que tous les autres actionnaires, et je les en remercie, souscrivent et suivent celle-ci. Et évidemment, l'État la suivra. Mais surtout, on a besoin de faire rentrer des nouveaux actionnaires et des nouveaux clients. Ça doit être la solution de tous les Européens. Ça doit être la solution de nos grands partenaires stratégiques, golfiques, indiens, canadiens, brésiliens, … Tous ceux qui ne veulent pas dépendre, rejoignez Eutelsat et sa constellation LEO, et soyez-en partenaire, pas simplement client. Parce que la force du modèle de cette troisième voie que nous ouvrons, c'est aussi un modèle de partenariat ouvert. Et c'est le cœur de la méthode qui va nous permettre de revenir, justement, dans cette compétition. En tout cas, pour moi, c'est clé. Et cela, avec les lancements que nous avons prévus, très vite. Et d'ailleurs, c'est ce qui va nous permettre de densifier notre constellation avec deux vagues de lancements que nous avons décidées, avec nos armées aussi, qui, comme clients et partenaires, font confiance à Eutelsat. C'est ce qui va nous permettre d'arriver jusqu'à Iris², qui est un programme fondamental.

C'est le programme européen le plus ambitieux jamais réalisé dans ce domaine stratégique. 10,5 milliards d'euros. Simplement, ce programme, je vais être simple avec vous, on doit l'accélérer, on doit le simplifier, mais surtout, on ne doit pas l'attendre. Il faut le préparer. Mais nous-mêmes, on doit revenir dans la compétition par la transformation que je viens d'évoquer. Donc en fait, il faut complètement changer l'approche qu'on avait jusque-là, parce qu'il y a six mois, on a failli tout perdre, et parce que pour moi, ce qui s'est passé en Ukraine, ce qui s'est passé pour nous à Mayotte, ça doit être un réveil stratégique dont on tire toutes les conséquences. La nouvelle, évidemment aussi, on doit investir sur le segment sol, les communications dans l'espace et tous les autres domaines. Et il faut traiter de manière méthodique tous les blocs de recherche ou industriels sur lesquels nous avons encore des dépendances. La nouvelle phase sera aussi celle du numérique spatial et de l'intelligence artificielle qui doit être déployée dans les satellites au plus près des capteurs, qui doit intégrer toutes les phases de définition, de construction et d'opération de la filière.

Le spatial, aujourd'hui, est en quelque sorte une infrastructure numérique qui génère, transporte des données de grande valeur. Et il faut aussi le penser en synergie avec le numérique. Et on voit bien d'ailleurs combien les Amazon ou les SpaceX procèdent ainsi. Eh bien, nous, on a des acteurs émergents, je sais, qui ont déjà cette approche, mais nous-mêmes, on doit le penser comme tel dans nos programmes, dans l'organisation de notre recherche, dans l'organisation de nos développements industriels. Je pense aussi à l'observation spatiale, savoir-faire de l'excellence française civile de recherche communautaire une force. Et donc là, on ne doit pas oublier ce volet. Et enfin, pensons stratégiquement l'avenir, justement, de l'exploration que j'évoquais tout à l'heure. Les stations spatiales privées se multiplient. Et donc là-dessus, on doit plus que jamais réussir à l'emporter. Alors tout ça, évidemment, ce sont des combats clés. Et cette conquête de l'espace, elle implique une nouvelle méthode. La nouvelle méthode, c'est de choisir nos combats.

Notre souveraineté est donc d'identifier partout où on a des dépendances et de les prioriser. C'est le but de la revue stratégique que j'ai commandée, qu'on va finaliser dans les mois à venir et qui doit être finalisée avec tous les acteurs. C'est comme ça que le SGDSN l'a conduite. Mais au fond, moi, ce qui m'importe, c'est de se dire, il y a des secteurs où nous sommes en risque, il y a des secteurs où il est clé pour notre souveraineté qu'on les consolide. Là, on doit jouer Européen, ce qui est fait en ce moment sur le satellite, ce qui est fait sur d'autres sujets. Et puis il y a des secteurs, on est plusieurs à être bons en Europe, on n'a pas de danger de risque de souveraineté, à ce moment-là, on doit assumer la compétition. Mais la compétition partout sur des secteurs où on est en danger, c'est une faute stratégique. Parce qu'on l'a vu, on est presque sortis, mais pas totalement, sur les lanceurs, parce qu'on va encore avoir des copains qui vont utiliser des lanceurs non-européens. Ça, c'est une folie. Et on en est là parce qu'on a été mauvais et pas assez européens.

Donc voilà, on doit avoir une méthode simple. Il y a des endroits où on ne peut pas faire de la compétition, on doit jouer européen, et on doit s'améliorer en Européen. Il y a des endroits où il faut assumer la compétition, mais il faut une vision stratégique de cela. Ensuite, des investissements : les moyens publics sont très importants. France 2030, le CNES, BPI France. Et donc cela, avec ce que nos universités, nos organismes de recherche et le ministère portent, sont clés. En termes de moyens nationaux, on a la loi de programmation recherche, la loi de programmation militaire, France 2030. On préservera ces moyens dans les années à venir. Et je l'ai dit, on fera même un ressaut sur la LPM qui sera consacrée au spatial et qui sera d'ailleurs du dual sur beaucoup de sujets.

Je veux aussi qu'on continue, évidemment, les efforts européens, et je le dis très clairement, on va continuer, mais je sais que la présidente de la Commission n'est pas à convaincre, mais alors qu'on prépare notre cadre budgétaire à venir... le spatial doit être un enjeu clé et on doit mettre plus d'argent en européen sur le spatial. Et cette bataille, on va la mener dans les prochains mois. Et puis, on doit continuer de faire venir des capitaux privés. Plusieurs sont là, et je les en remercie, qui portent cette vision. Évidemment, l'union des marchés de capitaux est clé, la simplification du cadre réglementaire, de la prise de risque, mais le financement de la défense et du spatial est absolument clé et doit nous conduire à mieux mobiliser nos capitaux privés.

Donc je le disais, plus d'investissement, plus aussi de complémentarité publique et privée. Vous m'avez entendu le dire tout à l'heure, mais on doit réussir dans nos capacités à innover, avoir une capacité d'impulsion de l'État sur certains programmes très à risque, dans sa capacité à donner des commandes parfois dans le pilotage de certains axes, mais on doit aussi beaucoup plus faire confiance à l'innovation privée, à de la capacité à mener de la disruption profonde par des acteurs très innovants du privé. On voit combien nos grands groupes portent ces innovations, et ils ont raison, et combien aussi on a des start-ups et des PME et des ETI qui sont au cœur de cette bataille. Ensuite, en méthode, il nous faut résoudre la question fondamentale de la préférence européenne.

Cette bataille, j'en parle depuis plusieurs années, c'était un gros mot en Europe il y a quelques années. Je veux dire, on est le seul espace qui a continué jusqu'à aujourd'hui à se penser comme un marché, pas comme une puissance. On a mené des combats homériques, qu'on est en train de terminer, sur les mécaniques de nos programmes militaires, mais je me félicite de ce qu'on a réussi à faire sur le programme SAFE, comme sur le programme EDIP. Les négociations viennent de se terminer ces dernières heures, où on a sanctuarisé 65 % de parts européennes. Mais ça a été un combat, parce qu'il y a beaucoup de gens qui disent : non, non, nous, on veut continuer avec de l'argent européen à financer des Américains. Super, moi, je ne suis pas agressif. Mais enfin, si l'un d'entre vous, ici, a déjà accédé à un financement DOD ou DOI, qu'il lève le doigt. Ce n'est pas facile. Et en tout cas, ce n'est pas en hauteur de 35%, je peux vous le dire.

Donc, on doit mettre de la préférence européenne, beaucoup plus forte dans nos programmes. Et donc je souhaite qu'on aille plus loin, et on va se battre pour avoir cette préférence européenne qui est clé, mais l'avoir aussi dans les stratégies d'achat. Et donc, il faut qu'on ait cette discipline dans les stratégies d'achat. La France l'a, ce n'est pas le cas partout en Europe, et donc les autres États doivent l'avoir, et l'Europe elle-même. On doit aussi gagner en fluidité dans notre fonctionnement entre nos structures, faire évoluer nos règles, et en même temps qu'on a une ambition plus forte, je souhaite qu'on ait une Europe qui soutienne pleinement l'ESA, notre agence spatiale européenne, qui a fêté ses 50 ans –  encore bon anniversaire, cher Joseph – mais on doit continuer de faire ce travail absolument indispensable. Et avec la préférence européenne, ce qui doit aller, c'est une stratégie assumée, 1) de sélectionner le meilleur athlète européen, de là aussi faire des choix et de sortir progressivement de la logique mortifère du retour géographique. Le Geo-Return, alors, parfois, on a construit des programmes là-dessus, mais ça crée de la non-compétitivité. Je veux dire, on a mis un boulet au pied à Ariane avec le Geo-Return. On met un boulet au pied dans d'autres segments à MBDA avec le Geo-Return. Pourquoi ? Parce que là où nos compétiteurs font un produit dans un seul endroit, en cassant toutes les barrières, en devenant super compétitifs à moindre coût, et après, inondent notre marché. Pourquoi ils sont compétitifs ? Parce qu'ils ont des règles de production beaucoup plus simples. Nous, on fait traverser nos satellites, nos lanceurs, nos missiles 5 ou 6 fois la frontière. Eux, ils le font dans un endroit, cherchez l'erreur. Et puis, la deuxième, ils sont massivement aidés par des programmes d'État commun, et l'institutionnel finance le commercial. Nous, comme on n'est pas compétitifs, qu'on a le Geo-Return, et que parfois, on n'est pas coopératif en Européens, on a des Européens qui font l'institutionnel chez les autres. Ça ne marche pas.

Donc voilà, la préférence européenne, c'est assez simple. C'est une Europe qui choisit l'Europe, préférence européenne, et puis c'est une Europe qui ne se tire pas une balle dans le pied, c'est-à-dire qui fait confiance à ses industriels, à ses équipes de recherche et qui fait simple, mais c'est une Europe qui fait des choix. C'est-à-dire qu'on ne va pas gagner toutes les batailles, mais on les gagnera en européen. Le risque étant qu'on perde toutes les batailles si nous sommes non coopératifs entre nous. Et donc ça, c'est absolument clé et il nous faut gagner une voix audible en la matière.

Voilà, je ne veux pas être plus long. Je pourrais vous dire beaucoup de choses. Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? On va bâtir notre stratégie spatiale nationale d'ici à fin octobre. Et donc moi, j'ai un objectif dans les prochaines semaines : c'est on va travailler, c'est le mandat que j'ai donné aux ministres, chacun dans leur segment, à mes équipes, et au SGDSN, c'est qu'on va travailler avec nos principaux partenaires : Allemagne, mais aussi l'Italie, les Britanniques, en Européens, pour avancer, faire converger nos stratégies spatiales, en particulier dans les segments où on est encore trop non coopératifs et où ça ne se justifie plus. On va aussi nourrir notre stratégie d'échange stratégique avec certains grands non-européens qui sont des partenaires de confiance. Je pense sans être exhaustif, mais exclusif, aux Émirats arabes unis et à l'Inde. Et puis, donc, je le disais, on aura le Conseil européen d'octobre, qui sera l'opportunité d'une déclaration commune sur les ambitions spatiales de l'Union européenne, qui va me permettre, là, d'enclencher les choses sur les questions budgétaires et qui constituera le point de référence pour la publication de notre stratégie spatiale nationale à fin octobre. Et donc, vous le voyez, les prochaines semaines et les prochains mois sont clés. Et l'idée, c'est vraiment de construire une ambition spatiale française et européenne articulée, parce que c'est ainsi que je la vois.

Nous aurons ensuite la conférence ministérielle de l'ESA, qui permettra de valoriser les engagements de tous. Et c'était aussi une des choses que je vous annonçais aujourd'hui pour conclure. Eh bien, vu le succès qu'on a avec le Sommet de Choose France, vu le succès de ce qu'on a réussi à faire sur l'intelligence artificielle en février dernier, fort, justement, de cette stratégie, de tout ce travail français et européen des prochains mois, en tout début d'année prochaine, nous allons bâtir un Sommet international sur l'espace en France où on réunira, public, privé, tous nos grands partenaires internationaux. Et donc on fera un Space Summit en France, début d'année 2026, pour consolider sur cette stratégie et mobiliser nos partenaires publics et privés à travers la planète.

Voilà, je ne veux pas être plus long, mais vous l'avez compris, je voulais d'abord vous dire mon soutien indéfectible pour la filière, je dirais même les filières, et cette ambition spatiale française et européenne. Vous dire que oui, il faut être lucide. On a des difficultés et des zones de risque, mais que fort de tout ce travail qui est engagé, on va gagner, parce qu'on ne lâchera rien. Donc, vous pouvez compter sur moi, mais moi, je compte surtout sur vous toutes et tous pour que cette stratégie française et européenne, pensée en même temps, nous permette de relever ces défis et aussi de gagner d'autres combats dans le civil, dans le militaire, dans les domaines matures comme dans la recherche. On en a besoin.


Vive l'espace, vive la République et vive la France !