Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à France Info TV le 25 juin 2025, sur les discussions autour de la réforme des retraites, le rejet du texte concernant la programmation énergétique, les risques de sécheresse et le conflit israélo-iranien.

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Média : France Info TV

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Soyez la bienvenue. Ministre de la Transition écologique, vous êtes l'invitée politique de la matinale et vous répondez aux questions d'Alix BOUILHAGUET. C'est parti.

ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER. Avec l'échec du conclave hier soir, François BAYROU a réussi en quelque sorte le tour de force d'unifier la gauche. Après les Insoumis, les écologistes et les communistes, les socialistes ont décidé de déposer à leur tour leur propre motion de censure. Ça signe clairement l'échec de la méthode BAYROU ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je ne crois pas. D'abord, parce que le Premier ministre a remis tout le monde autour de la table hier et donc il y a des discussions qui se poursuivent et en fait on ne comprend pas pourquoi tout d'un coup il faudrait qu'il y ait une motion de censure alors qu'il y a un chemin et qu'on sait que les partenaires sociaux étaient tout près d'un accord.

ALIX BOUILHAGUET
Vous dites qu'il y a un chemin, ils n'ont pas réussi à se mettre d'accord au bout de quatre mois et 18 réunions. Pourquoi est-ce que François BAYROU, avec ses discussions à Matignon, réussirait à faire ce qui n'a pas été possible jusqu'à présent ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce qu'on est passé très près d'un accord et que tout le monde le sait et que c'est justement la négociation, elle est nécessairement difficile. L'équation, elle est difficile puisqu'on sait que notre régime de retraite, nous ne pouvons pas nous permettre de le mettre en danger par des décisions qui seraient des décisions court-termistes et qui empêcheraient les plus jeunes d'entre nous d'avoir accès à une retraite. Mais on est passé tout près d'un accord. Les gens reviennent à la table de négociation. Et en fait, ce que fait le parti socialiste aujourd'hui, c'est de déposer une motion de censure sans avoir la moindre idée de ce que vont donner ces discussions. Donc c'est un geste politique où ils font allégeance à La France insoumise. Et comme par hasard, ça se passe au moment où on négocie sur les municipales. Donc je pense que personne n'est dupe et personne ne doit être dupe de ce mouvement politique qui n'a rien à voir avec le fond du sujet.

ALIX BOUILHAGUET
Mais la conséquence, c'est que François BAYROU se remet à nouveau entre les mains du Rassemblement national. Ils sont 123 députés, ils sont à nouveau les faiseurs de rois.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Écoutez, je ne crois pas, mais c'est aussi une question de responsabilité de la part…

ALIX BOUILHAGUET
C'est mathématique, s'ils votent, BAYROU tombe.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, mais c'est une question de responsabilité de la part de la gauche… Et enfin de la gauche d'ailleurs, ce n'est pas la gauche, parce qu'il y a une partie de la gauche qui est dans le bloc central, mais c'est une question de responsabilité du Parti socialiste qui dépose une motion de censure, alors même que la conclusion de la discussion n'a pas eu lieu, et ça témoigne de cette politique politicienne qui malheureusement affaiblit notre pays au moment où on doit traiter des sujets importants : les retraites, mais pas seulement la question du budget, évidemment la situation internationale.

ALIX BOUILHAGUET
François BAYROU dit espérer un accord peut-être en fin de semaine. Est-ce que ça veut dire que la censure devrait être votée lundi, quelque chose peut intervenir d'ici lundi, il pourrait y avoir un accord qui pourrait changer la donne ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait, nous pensons qu'il peut y avoir un chemin, encore une fois. Les partenaires sociaux ont négocié en grande responsabilité. Moi je veux vraiment saluer ce travail qui a été fait, vous vous rappeliez, les 18 réunions, donc c'est un travail en profondeur, c'est un travail sérieux, sur un sujet difficile, puisque les équilibres financiers sont très délicats, et il faut continuer. En fait, les partenaires sociaux, on leur remet la responsabilité qui est la leur, c'est-à-dire de trouver des équilibres entre la prise en compte de la pénibilité, le fait d'avoir des retraites qui soient les plus justes possibles, tout en assurant la sécurité de notre régime de retraite, sa capacité à payer des retraites dans la durée. On sait, la Cour des comptes l'a dit, que notre régime de retraite est déséquilibré. Et qu'est-ce que demande la gauche ? A aller plus loin, déséquilibrer plus, à faire en sorte que des jeunes qui rentrent sur le marché du travail n'aient pas la possibilité d'avoir une retraite dans 40 ans ; c'est absolument irresponsable, et c'est de la petite politique politicienne, c'est assez lamentable en réalité.

ALIX BOUILHAGUET
Le texte sur la programmation énergétique a été rejeté hier ; un texte qui avait été largement remanié par le Rassemblement national et par LES Républicains, qui sont parvenus à instituer un moratoire sur le développement des énergies photovoltaïques et solaires notamment. On a le sentiment que le bilan écologique d'Emmanuel MACRON, il y a une volonté de le détricoter au fur et à mesure. On a vu ce qui s'est passé pour les zones à faible émission, on a vu aussi pour ce qui se passe dans l'agriculture avec le retour de certains insecticides, pesticides.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors ces décisions ne sont pas prises, parce que les projets de loi ne sont pas allés jusqu'au bout, et je pense qu'il faut garder un petit peu de froid sur ces sujets-là. Mais plus sérieusement, qu'est-ce qui s'est passé hier avec cette proposition de loi qui voulait poser un moratoire sur les énergies renouvelables… pardon, sur le photovoltaïque et sur l'éolien ? Eh bien les députés, en responsabilité, ont voté contre. Moi j'appelais à cette responsabilité, parce que ce n'est pas la politique du Président de la République qui est détricotée là, c'est 30 ans de politique pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. C'est 30 ans de politique pour faire en sorte que notre pays ne dépende plus du pétrole et du gaz qui sont aujourd'hui importés depuis des pays comme le Moyen-Orient, l'Algérie, la Russie et les États-Unis, et dont on voit très bien que les prix varient sans qu'on ait la capacité à les maîtriser, alors même que nous sommes un pays qui est capable de produire son énergie, produire son électricité avec des entreprises françaises et avec des emplois français. C'est absurde ce que proposaient les députés, et ils ont eu raison hier, en responsabilité, de voter contre…

ALIX BOUILHAGUET
De rejeter, sauf que cette proposition de loi qui est donc en cours de discussion au Parlement, elle est censée servir de base au décret établissant ce qu'on appelle la programmation pluriannuelle de l'énergie. Est-ce que le Gouvernement va profiter du rejet de la loi pour publier un décret ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non.

ALIX BOUILHAGUET
Car derrière ça, vous savez ce que ça veut dire, c'est la censure du Rassemblement National ; ils ont prévenu.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, enfin, nous verrons, parce que les menaces, lorsqu'il s'agit des intérêts fondamentaux de la France, de sa capacité à sortir des énergies fossiles, de son industrie, de la compétitivité de son industrie, de son indépendance, moi je ne les accepte pas, et c'est très exactement ce que le Rassemblement National attaque aujourd'hui.

ALIX BOUILHAGUET
Mais est-ce qu'il y a un risque que le Gouvernement publie un décret pour court-circuiter ce qui se passe en ce moment à l'Assemblée ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais en fait, Alix BOUILHAGUET, qu'est-ce qui va se passer ? Ce qui va se passer c'est que le projet de loi, il va être rediscuté sur la base du texte au Sénat, et le texte au Sénat ne pose absolument pas de moratoire sur les énergies renouvelables. Donc, on va reprendre un texte en responsabilité, un texte qui permet effectivement d'avoir une programmation pluriannuelle de l'énergie qui soit fondamentalement au service des Françaises et des Français, qui protège leur intérêt.

ALIX BOUILHAGUET
Vous réunissez demain, je crois, les préfets sur les risques de sécheresse et sur le niveau des nappes phréatiques. En ce moment, il y a une nouvelle vague de chaleur qui touche la France. Est-ce qu'on risque de faire face, dans les semaines qui viennent, à des pénuries d'eau dans ces nappes ? Il y a certains qui s'en inquiètent.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, nous suivons évidemment cela… Je suis cela de très près, c'est pour ça que je réunis les préfets. Aujourd'hui, nous avons une situation qui est assez contrastée. Il y a des zones en France qui sont plutôt bien loties en matière de réserves en eau. Il y en a d'autres qui sont malheureusement en situation de stress hydrique aujourd'hui. Donc, si les vagues de chaleur se multiplient et donc la sécheresse qui va avec, effectivement, nous sommes en risque et c'est pour cela que j'ai besoin d'avoir le maximum de données et de piloter ces risques d'impasse en eau. Mais qu'est-ce que ça veut dire plus profondément ?

ALIX BOUILHAGUET
Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire pour le consommateur ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire que le dérèglement climatique est à nos portes. Et ça veut dire que lorsque les populistes, comme ils l'ont fait hier en votant contre les énergies renouvelables, ne proposent aucune solution en matière d'écologie, ils mettent en risque les Français. C'est une démonstration patente de leur volonté de ne pas protéger les Français. Est-ce qu'ils veulent que demain on n'ait plus d'eau ? Est-ce qu'ils veulent que demain on n'ait plus d'industrie ? C'est exactement ça qui est aujourd'hui en jeu. Le Gouvernement prend ses responsabilités et le Bloc central prend ses responsabilités. Je veux saluer la décision courageuse de Gabriel ATTAL qui a été très claire sur notre ligne en matière d'écologie.

ALIX BOUILHAGUET
Une vague de chaleur en juin, c'est, pour vous, dû au dérèglement climatique ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Une vague de chaleur isolée n'est pas due au dérèglement climatique. Ce que nous observons en revanche, c'est la multiplication de vagues de chaleur. Elles sont plus longues, elles sont plus intenses et elles vont plus au nord de notre territoire. Ça c'est le dérèglement climatique, il n'y a pas de doute sur le sujet. Et maintenant il faut adapter notre pays à cette transformation de son climat. Et puis il faut continuer à baisser nos émissions de gaz à effet de serre parce qu'on ne va pas rester les bras croisés face aux risques d'inondations, face aux risques de sécheresse et face aux risques pour les Françaises et les Français pour leur santé.

ALIX BOUILHAGUET
Un tout dernier mot rapide, on a quelques secondes malheureusement. En douze jours, Donald TRUMP semble avoir fait plier l'Iran, avoir affaibli ses capacités nucléaires et fait la paix. On est très loin de la méthode MACRON qui soutenait du bout des lèvres les frappes américaines. Vous dites bravo à Donald TRUMP ce matin ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je dis surtout qu'on a besoin d'un cessez-le-feu, qu'on a besoin de revenir à la table des négociations parce que l'enjeu c'est de stabiliser cette région. On l'a vu, elle s'embrase très facilement. C'est un enjeu majeur aussi de sécurité pour les Françaises et les Français. Ça a l'air lointain, mais on sait que si cette région se déstabilise, ça a des conséquences importantes, y compris sur le pouvoir d'achat des Français. J'évoquais le pétrole, j'évoquais le gaz, mais au-delà, c'est une situation de guerre qui est préoccupante et nous, nous souhaitons stabiliser au maximum. Il faut continuer sur ce cessez-le-feu. Donc bravo… enfin il faut continuer sur ce cessez-le-feu

ALIX BOUILHAGUET
Vous n'avez pas dit « bravo Donald TRUMP » quand même. Bonne journée à vous Agnès PANNIER-RUNACHER.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2025