Entretien de M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger, avec TF1 le 25 juin 2025, sur le conflit entre l'Iran et Israël.

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  • Laurent Saint-Martin - Ministre délégué, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Média : TF1

Texte intégral

Q - Bonjour, Laurent Saint-Martin.

R - Bonjour.

Q - La trêve entre Iran et Israël semble tenir ce matin. Hier soir on a même entendu l'Iran nous dire que la fin de la guerre des 12 jours face à Israël était arrivée. C'est aussi votre avis ? La guerre est terminée ?

R - En tout cas, il faut le souhaiter ardemment. Par définition, c'est encore fragile. Mais cela semble effectivement être un cessez-le-feu qui commence à durer. Ce qu'a dit la France depuis le début de ce conflit, c'est que ce n'est pas par la seule voie militaire que devait se régler la problématique du dossier nucléaire et balistique iranien. Donc il va falloir poursuivre les discussions diplomatiques, les négociations à plusieurs pays avec l'Iran, pour pouvoir nous assurer qu'après ce conflit ne reprenne pas le programme nucléaire iranien - qui était, je le rappelle, et qui reste aujourd'hui une menace pour Israël d'abord, mais aussi pour la région et pour l'Europe. Et donc, effectivement, nous devons collectivement être très vigilants à cela.

Q - À ce stade, qui a gagné, de votre point de vue ?

R - Je crois que ce qui a gagné, c'est le fait que l'Iran, aujourd'hui, ne puisse pas démontrer sa possibilité de poursuivre ses objectifs nucléaires et balistiques.

Q - Et ça, c'est grâce à Israël et aux États-Unis ?

R - La sécurité d'Israël n'est pas négociable. Et ça, c'est effectivement quelque chose qui a encore été démontré ces derniers jours. Nous l'avons dit et répété. En revanche, là où la position française a parfois été assez singulière - mais, je crois, extrêmement claire -, c'est que ce n'est pas uniquement par la voie militaire que cela se règle. Et le respect du droit international, d'une part, mais aussi la nécessité du dialogue permanent sur la question du programme nucléaire iranien doit perdurer.

Q - Vous dites le dialogue, parce que les États-Unis, notamment, ont utilisé, eux, La force armée. Vous avez certainement noté d'ailleurs ce message, révélé par Donald Trump lui-même. Il l'a reçu du secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte. Je cite ces quelques mots : "Félicitations et merci pour votre action décisive en Iran. C'était vraiment extraordinaire, quelque chose que personne d'autre n'avait osé faire." La France est sur la même ligne ? On dit "félicitations et merci" à Donald Trump ?

R - La France n'a pas souhaité participer aux attaques en Iran. La France considère que ce qui a été fait il y a 10 ans avec les Britanniques et les Allemands pour permettre, justement, de contenir le programme nucléaire et balistique iranien a fonctionné.

Q - Oui, mais ce qui a marché cette fois-ci, pardon Laurent Saint-Martin, c'est en partie certainement l'action des États-Unis. Donc je vous repose la question : est-ce que nous, nous disons "félicitations et merci" à Donald Trump ?

R - Nous disons que nous sommes ensemble pour dire une chose très claire : non au programme nucléaire iranien. Ce dont on doit se féliciter ensemble, c'est qu'effectivement, cette guerre, ces attaques prennent fin. Parce qu'à la fin, derrière, pardon de le dire avec un peu de solennité, mais ce sont aussi des civils qui sont tués. Ce sont des victimes collatérales dans ce conflit, qui n'ont rien à voir avec la politique du régime des mollahs. Donc nous sommes opposés à cette politique-là. Nous sommes unis avec les États-Unis et l'ensemble des pays européens sur le fait que l'Iran ne doit pas disposer de l'arme nucléaire. Et donc, effectivement, la voix de la France est importante du point de vue diplomatique et de la négociation pour rappeler à quel point c'est important et nécessaire aussi de passer par là pour résoudre ces problématiques.

Q - Vous dites "unis avec les États-Unis"...

R - Bien sûr.

Q - On l'a vu encore avec l'exemple du pétrole. Alors, on peut s'en réjouir : les cours du pétrole baissent à nouveau. Ça fait s'éloigner la perspective d'une hausse des prix à la pompe. Mais Donald Trump dit : "La Chine peut désormais continuer à acheter du pétrole à l'Iran." On était plutôt habitué à une politique de sanctions vis-à-vis du régime iranien. Là encore, je vous repose la question : la France partage cette position ? Nous, on n'a pas de problème à ce que la Chine achète du pétrole à l'Iran ?

R - On voit bien que le président américain est très souvent focalisé sur la question des cours de bourse, notamment du pétrole, qui sont extrêmement importants sur son propre marché. Et effectivement, on voit que le cours du pétrole, finalement, a modifié largement, notamment sur les bourses asiatiques cette nuit...

Q - Mais encore une fois sans concertation européenne...

R - Pardon, mais ce n'est pas une concertation qui décide si le cours du pétrole doit augmenter ou pas. Ce sont les marchés, notamment asiatiques, cette nuit, qui ont réagi.

Q - Donc il n'y a pas de problème avec cette déclaration de Donald Trump ?

R - Les marchés ont d'abord réagi au cessez-le-feu. Les marchés ont d'abord réagi au fait que l'embrasement régional semblait contenu et n'allait pas, justement, faire flamber les prix du baril dans les prochains jours. C'est surtout cela...

Q - Vous avez vraiment décidé à voir le verre à moitié plein, en tout cas, face à Donald Trump. Il y a aucun souci, il ne pose aucun problème et on est tout à fait en ligne avec les États-Unis ?

R - Les États-Unis sont des alliés et des amis. On n'a jamais dit le contraire. Est-ce que vous avez entendu la voix française diverger là-dessus ? Nous avons parfois des différences d'appréciation sur la façon, effectivement, d'atteindre un objectif commun. Cet objectif commun, c'est "Non au nucléaire iranien". On l'a toujours dit très clairement. La France, avec ses partenaires, notamment européens, a su démontrer la voie du dialogue, de la diplomatie, de la négociation. C'est ça qu'on répète. Et pardon si, aujourd'hui, on s'est assuré de la fin d'un conflit, la fin de morts civiles... Parce que c'est aussi pour cela que nous sommes toujours réticents à passer par la seule voie militaire : elle ne règle pas la problématique du changement de régime, elle ne règle pas la problématique nucléaire iranien, par contre elle fait des morts. Et pardon d'avoir une voix française qui parfois sait le rappeler.

Q - Vous êtes également en charge des Français de l'étranger. Il se trouve que vous avez accueilli hier soir un avion de 140 Français d'Israël qui avaient demandé à rentrer. Au moment où l'on se parle, combien de Français au total sont rentrés d'Israël ?

R - Plusieurs centaines sont rentrés d'Israël par les vols affrétés par la France. Encore hier soir, j'étais à Orly pour accueillir un nouveau vol qui venait d'Amman, en Jordanie. Et puis nous avons des vols militaires depuis Tel Aviv qui, via Chypre, rejoignent la France. Il y en avait un encore hier. Il y en aura trois aujourd'hui. Et donc, nous avons un peu plus d'un millier de ressortissants français, d'Israël et aussi d'Iran.

Q - Malgré le cessez-le-feu, il y a toujours des rapatriements ?

R - Absolument. Nous continuons effectivement à rapatrier.

Q - Ça vaut également pour nos ressortissants d'Iran ? Pour le coup, l'Iran, c'est beaucoup moins de Français. C'est à peu près 250.000 en Israël ; un petit millier, je crois, en Iran. Il y a également des rapatriements à venir ?

R - Oui, qui eux passent par l'Arménie et la Turquie, puisqu'ils peuvent passer par la route sans visa. Et effectivement, nous les accompagnons sur ces aéroports-là pour qu'ils puissent regagner la France.

Q - Un cas particulier, bien sûr, le sort de nos deux otages en Iran, Cécile Kohler et Jacques Paris. Après les frappes sur la prison d'Evin lundi, les autorités se sont voulues rassurantes, mais tout en disant qu'il faudrait un contact consulaire, pour le dire autrement une visite de l'ambassade, une relation directe. Est-ce que vous avez eu des nouvelles directes de nos deux otages depuis ?

R - Par définition, sur ce dossier, on ne délivre jamais publiquement les informations que nous avons. Mais nous avons d'abord considéré que cette attaque était inacceptable, parce qu'elle mettait effectivement en danger nos deux ressortissants, qui sont, je le rappelle, emprisonnés de façon arbitraire, dans des conditions qui s'apparentent à de la torture. Nous sommes évidemment en contact avec les autorités iraniennes. Si le pire était arrivé, malheureusement, vous le sauriez. Ce n'est pas le cas, bien sûr.

(...)

Q - Merci, Laurent Saint-Martin.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juin 2025