Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, à TF1 le 9 juillet 2025, sur la lutte contre les incendies, le budget 2026, les économies budgétaires et les impôts.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
7h37. Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.

BRUCE TOUSSAINT
Votre invitée ce matin, Amélie DE MONTCHALIN, ministre chargée des Comptes publics.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Amélie DE MONTCHALIN.

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
On vient de le voir dans le journal à l'instant, à Marseille, le feu n'est toujours pas fixé. Il y a déjà d'ailleurs d'autres foyers ailleurs en France, notamment près de Narbonne, qui ont toujours cours ce matin. Votre collègue Bruno RETAILLEAU disait cette nuit : " On doit s'attendre à un été à haut risque ". Est-ce que vous êtes déjà capable d'évaluer le surcoût que toutes ces catastrophes risquent d'engendrer ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Alors je ne sais pas vous dire le surcoût, mais ce que je sais vous dire, c'est que depuis que nous sommes arrivés dans ce Gouvernement, nous suivons une ligne qui s'appelle le quoi qu'il arrive. Le quoi qu'il arrive, c'est de pouvoir mettre des moyens là où les Français nous attendent quand il y a ces aléas, ces crises. Parfois des crises commerciales, on l'a vu avec Donald TRUMP, parfois des crises climatiques, les inondations, les incendies.

ADRIEN GINDRE
Et là, ça voudrait dire plus de moyens, par exemple, pour les départements qui financent les services départementaux d'incendie et de secours. Ils ont un financement plus important l'année prochaine ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Vous savez, la lutte contre les incendies, c'est les départements, c'est ensuite toute la sécurité civile et l'armée, c'est aussi l'Europe. Vous savez, à l'heure où beaucoup nous disent : " Ah la la, l'Europe, ce n'est qu'une dépense ", nous avons investi collectivement en Européens pour avoir une flotte de Canadair qui va... Vous avez vu des grands incendies en Grèce, au Portugal, en France, quand nous en avons besoin.

ADRIEN GINDRE
Mais qui va prendre plusieurs années. Est-ce que dès l'année prochaine, alors que vous cherchez des économies, vous allez renforcer le budget sur ces sujets ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Un, cette flotte, elle existe. Deux, ce que je peux vous dire, c'est qu'évidemment dans le budget, nous faisons des choix et nous faisons des choix face à des priorités. Il est prioritaire de continuer à protéger les Français face aux incendies. Donc le budget sera présenté au mois d'octobre. Mais ce que je veux dire aux Français, c'est que si nous avons des choix budgétaires à faire, c'est aussi parce que nous devons, quoi qu'il arrive, être capables de répondre fort, vite et surtout d'être adaptés aux menaces. Et il me semble que c'est prioritaire de nous protéger, de nous adapter face aux changements climatiques et donc de prendre ces mesures-là.

ADRIEN GINDRE
Cela veut dire pas d'économie sur ce sujet-là, quand vous dites…

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Je peux vous dire qu'il n'y a pas d'économies, par exemple, sur les Canadairs, je peux vous dire qu'il n'y a pas d'économies sur la protection des sapeurs-pompiers face aux situations de crise. Vous savez, peut-être ce sera votre question après, mais je sens un très gros climat un peu de psychose dans le pays qui arrive parce que d'un seul coup, il y aurait des annonces budgétaires. Moi, je veux rassurer les Français.

ADRIEN GINDRE
Comprenez, vous n'arrêtez pas de dire il y aura 40 milliards d'économies sans qu'on arrive à comprendre où elles vont se trouver.

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
C'est pour cela que je suis devant vous. Moi, je veux rassurer les Français. D'abord, on a une boussole. On a dit depuis le début, je le dis depuis le début, nous n'allons pas augmenter les impôts sur les classes moyennes et les classes populaires pour résoudre notre problème qui est un problème de dépense publique.

ADRIEN GINDRE
Mais vous n'avez pas non plus de baguette magique. Donc il va bien falloir tailler quelque part.

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Exactement. Nous allons faire des choix. Ces choix seront présentés par le Premier ministre.

ADRIEN GINDRE
La semaine prochaine.

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Il se trouve que je lui ai présenté, avec Éric LOMBARD, un plan de 40 milliards d'économies qu'il est maintenant en train de regarder, d'arbitrer. Nous avons.…

ADRIEN GINDRE
Les décisions ne sont pas encore prises au moment où l'on se parle, le Premier ministre est en train de réfléchir aux décisions qu'il va annoncer. C'est bien ça ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
C'est un processus…

ADRIEN GINDRE
Oui. C'est pour bien comprendre où on en est.

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
... les Français comprennent. Moi, mon rôle depuis le début, c'est de dire : " Il faut qu'on trouve des économies et ce n'est pas par les impôts qu'on va y arriver. "

ADRIEN GINDRE
Et donc vos recommandations faites, à vous.

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Ensuite j'ai rencontré tous mes collègues ministres, j'ai beaucoup travaillé avec les parlementaires. Vous voyez qu'on continue de recevoir avec Éric LOMBARD tous les groupes politiques. Et sur cette base-là, il y a quelques semaines, nous avons présenté ce qui nous semblait être la bonne manière de trouver ces économies, de ne pas augmenter les impôts et donc de mettre notre pays au fond dans une trajectoire de contrôle et de reprise en main de notre propre destin.

ADRIEN GINDRE
Amélie DE MONTCHALIN, pour bien comprendre, les annonces, ce sera le Premier ministre la semaine prochaine. Mais de quoi on parle ? Est-ce qu'on parle d'annonces d'économies ou est-ce qu'il y aura la semaine prochaine des annonces de réformes structurelles qui peuvent dégager d'argent ? Je vous pose la question très simplement parce que le parti Renaissance auquel vous appartenez à nouveau repropose la réforme de l'assurance chômage qui permettrait de rapporter de l'argent. Est-ce que c'est ce type d'annonce là qu'on va avoir dans les prochains jours ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Je vais vous faire un scoop, il y aura les deux, parce qu'il y a à la fois des économies qu'on doit faire aujourd'hui aussi pour que demain, dans le futur, on puisse continuer de réformer. Au fond, on doit faire deux choses. On doit arrêter de subir et donc choisir notre destin et donc reprendre en main notre trajectoire budgétaire. Et cela passe par des économies. Mais on doit aussi rendre les deux années qui viennent utiles, utiles aux Français. Si des réformes sont nécessaires, on ne va pas s'empêcher de les faire. Comment on a un Etat plus efficace, comment on a des politiques sociales qui soient plus ciblées, comment on a des agences, des opérateurs qui soient mieux organisés ? Tout ça, c'est des réformes. Et donc vous aurez, et nous travaillons évidemment tout le Gouvernement à la fois sur des économies, des choses qu'on doit arrêter et des choses qu'on doit ralentir, les choses qu'on doit faire autrement, et puis des réformes. Et c'est comme cela qu'on rend, je pense, service aux Français qui nous demandent une chose, un, arrêtez de nous menacer, vous la classe politique, par les impôts ou la censure. Deux, vous, classe politique, mettez-vous d'accord, trouvez un compromis et surtout répondez à nos besoins, nous Français, dans l'éducation, dans la sécurité.

BRUCE TOUSSAINT
Oui. Mais ce matin, vous n'excluez pas les impôts. Vous dites : " Pas d'impôts pour les classes moyennes et pour les classes les plus démunies ". Cela veut dire que les autres…

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Je vous donne un exemple. Nous allons, et vous le savez, mettre une taxe sur les petits colis. Vous savez, ces colis qui nous inondent, les 800 millions d'articles qui sont rentrés en France. Si je vous dis : " Il n'y a pas d'impôt " et qu'ensuite, vous voyez, cela, c'est une annonce que nous avons déjà faite, vous serez le premier à dire : " Ah ! Vous voyez, il n'y a pas d'impôts mais il y a des taxes ". Donc nous avons présenté avec Éric LOMBARD un plan qui est massivement, massivement des économies et peut-être plus massivement que jamais auparavant. Parce que nous savons les choses, les entreprises doivent embaucher, les Français doivent retrouver confiance, les familles doivent pouvoir se projeter. Et pour cela, il ne faut pas qu'on leur dise : " Vous savez, c'est par les impôts qu'on va y arriver. "

ADRIEN GINDRE
Vous disiez justement le risque de censure, la menace, il se trouve qu'elle est agitée par vos oppositions. Le RN, par exemple, a posé des conditions très claires, et vous citiez allusion, ne pas aller chercher de l'argent dans la poche des Français, ne pas non plus, par exemple, revenir sur l'abattement de 10% pour les retraités. Est-ce que vous pouvez, vous venez de le faire sur le premier point, rassurer le Rassemblement national et également sur le deuxième point ? Est-ce que vous êtes capable de leur garantir que les conditions d'une censure ne seront pas réunies et que donc ils pourront vous laisser tranquille ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Le Premier ministre fera ses annonces. Nous avons entendu, nous avons écouté. Nous cherchons à la fois ce qu'il faut pour le pays et ce qui pourra faire compromis. Et donc on ne va pas aujourd'hui rentrer dans la négociation.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous tiendrez compte de l'avis et des conditions de vos oppositions comme le RN ou le PS ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Nous tenons compte de l'avis d'abord des Français, de tous les représentants politiques. Tous les groupes politiques et parlementaires viennent nous voir avec Éric LOMBARD Cette semaine et cela a commencé la semaine dernière, pourquoi ? Parce que nous considérons une chose, les Français nous disent : " Mettez-vous d'accord ". Il y aura un grand moment démocratique qui sera 2027. À ce moment-là, il y aura une alternance si certains veulent. C'est le moment démocratique, c'est 2027. D'ici là, nous ne pouvons pas... Et vraiment, vous avez beaucoup de patrons qui viennent, j'imagine, vous voir. On les entend, on les rencontre. Nous ne pouvons pas avoir un pays à l'arrêt. Une épargne au plus haut, des entreprises qui n'investissent plus parce que tout le monde est menacé par des gens qui tous les matins brandissent la censure. Ça n'est pas notre cap et nous allons donc travailler pour à nouveau, comme nous l'avons fait en janvier, février, à l'époque, tout le monde nous  disait : " C'est impossible " et nous avons fait les choses avec méthode.

ADRIEN GINDRE
Amélie DE MONTCHALIN, vous avez-vous-mêmes brandi le risque FMI. On n'a toujours pas compris ce qui allait nous arriver exactement. Je fais juste un rappel. Avant la censure du précédent Gouvernement et donc la censure du précédent budget, on avait entendu Elisabeth BORNE dire : " S'il n'y a pas de budget, les cartes vitales ne fonctionneront plus, il n'y aura plus de retraites, plus d'allocations chômage, les fonctionnaires ne seront pas payés ". Rien de tout cela ne s'est produit. Est-ce que vous n'êtes pas encore en train de crier au loup ?

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Je vais vous expliquer très précisément ce qui se passe. Tous les pays du monde entier, encore vous voyez il y a dix jours, le Royaume-Uni, sont partout avec des dettes publiques élevées. Et nous sommes tous dépendants de nos créanciers. Des gens qui nous financent, qui sont parfois d'ailleurs des retraités de chez nous, parfois des acteurs étrangers, parfois des fonds de pension qui investissent dans notre dette. Tout le monde entier. Nous avons deux choix devant nous. Soit nous restons, comme le général DE GAULLE nous y invitait, un pays libre qui fait ses choix par lui-même, qui garde sa souveraineté. Notre souveraineté, elle est à la fois militaire, elle est aussi financière. Et si nous décidons par nous-mêmes, il n'y a pas de risque. Ce que je pointais comme risque, c'est que si nous n'agissons pas, est-ce que dans six mois, dans un an, dans deux ans, dans cinq ans, si nous ne réduisons pas le déficit, si nous n'arrêtons pas d'augmenter la dette un jour, les institutions internationales, la Commission européenne, la BCE, un jour peut-être le FMI, décideront pour nous. Ils nous diront quoi faire. Ils nous diront : " Vous savez, la réforme, cette réforme-là, c'est à faire, cette réforme-là, c'est à faire ". Je ne souhaite pas pour mon pays que nous en soyons là. Cela veut dire du courage et de la responsabilité maintenant. Et nous sommes au travail pour faire cela.

ADRIEN GINDRE
Un tout dernier moment, en quelques secondes, parce qu'on ne va pas malheureusement régler ce sujet dès ce matin. Il est dramatique. Les suicides qui ont été enregistrés à la Direction générale des finances publique. 12 et même 13 d'ailleurs, puisque le chiffre a été actualisé depuis le début de l'année. Huit tentatives. Quelles mesures vous allez prendre ? C'est, si la tendance se continue, le double de ce que l'on observe dans la population française.

AMÉLIE DE MONTCHALIN 
Alors la première chose, c'est que ce ne sont pas des statistiques, ce sont des hommes et des femmes. Et je veux ce matin très solennellement dire qu'au nom du Gouvernement, nous avons une pensée, un immense des condoléances, un soutien pour leurs proches, pour leurs collègues. Nous travaillons avec la directrice générale des finances publiques à avoir un dialogue social très approfondi. Nous faisons des enquêtes systématiques pour comprendre si nous avons du côté de leur monde du travail, du côté de leurs employeurs, de leurs conditions de travail des choses qu'il faudrait régler. Vous avez aujourd'hui dans le pays à peu près 93 000 personnes qui travaillent pour nos finances publiques. Ce sont des hommes et des femmes remarquables qui font un travail, comme je le dis, régalien. Ils sont ceux et celles par qui toute l'action publique commence, parce que c'est par les impôts, par nos ressources publiques que nous finançons toutes les autres politiques. Donc ils ont mon soutien, ils le savent. Nous sommes très mobilisés. Nous allons prendre toutes les mesures nécessaires. Les syndicats, j'étais encore avec eux il y a quelques jours. Et nous allons essayer de comprendre. Cela révèle aussi, et malheureusement nous le savons, un enjeu de santé mentale et de détresse dans notre pays. Il nous faut regarder dans son ensemble.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 juillet 2025