Texte intégral
JOURNALISTE
Bonjour Annie GENEVARD.
ANNIE GENEVARD
Bonjour.
JOURNALISTE
Vous êtes la ministre de l'Agriculture, à qui on a beaucoup de questions à poser ce matin. Et d'abord, bien sûr, cette situation de sécheresse. On en parlait encore dans le journal de 7 h 30. On a appris cette semaine que ce mois de juin avait été le plus chaud jamais enregistré en Europe occidentale, et donc en France, avec donc ses conséquence : la sécheresse, les incendies, même dans le nord de la France. Comment le ministère de l'Agriculture se prépare-t-il à un été chaud et sec pour les agriculteurs ?
ANNIE GENEVARD
Il est évident que les agriculteurs qui sont les premières sentinelles du changement climatique, soit qu'il y ait trop d'eau, soit qu'il n'y en ait pas assez, soit qu'il gèle ou qu'il fasse trop chaud, évidemment, ça a une incidence sur les cultures. Les moissons sont très en avance. Celles qui ont eu trop d'eau ont été mal implantées dans les semis à l'automne. Donc, c'est très compliqué pour eux. Mais ce que je veux dire, c'est que là où il n'y a plus de culture, plus d'élevage, c'est la friche, c'est la broussaille, et c'est un boulevard pour les incendies. Donc on a aussi besoin des agriculteurs pour lutter contre les effets de la sécheresse.
JOURNALISTE
Il y a déjà des restrictions d'eau dans plusieurs départements, par exemple dans la Drôme, dans le Rhône. La gestion de l'eau, est-ce qu'elle est devenue aujourd'hui le problème numéro un de l'agriculture ?
ANNIE GENEVARD
C'est un des gros problèmes, effectivement, de l'agriculture. Sans eau, il n'y a pas de production agricole, il n'y a pas de production alimentaire. Les agriculteurs ont besoin d'eau. Donc quand elle tombe en abondance, plutôt qu'une grande partie de cette eau parte à la mer, on peut la stocker raisonnablement dans les zones géographiques en déficit hydrique.
JOURNALISTE
Vous y venez vous-même, vous me tendez une perche. On parle des méga bassines, parce qu'elles ont été, en quelque sorte, confortées par la désormais célèbre loi du plomb, dont on va reparler sur un autre aspect dans un instant, mais pourquoi vous tenez à ces méga bassines alors que les écologistes expliquent, mais ils ne sont pas les seuls, qu'elles pompent notamment en hiver une grande partie des nappes phréatiques, donc certains agriculteurs y sont également opposés ? Pourquoi, selon vous, est-ce la solution ?
ANNIE GENEVARD
Alors on ne peut pas résumer le stockage de l'eau aux méga bassines. Il y a des petits stockages de l'eau, des stockages raisonnables. Et puis il y a toutes sortes d'autres dispositifs qui permettent d'améliorer l'utilisation, l'usage de l'eau. Il y a évidemment un mode raisonnable d'irrigation, il y a la réutilisation des eaux usées, il y a le dessalement de l'eau de mer. Il y a des tas de réponses techniques autres que les méga bassines.
JOURNALISTE
Alors, quand on en vient aux méga bassines, pourquoi, selon vous, est-ce écologiquement recevable et acceptable ?
ANNIE GENEVARD
Le principe même du stockage de l'eau, c'est ce que dit la loi, l'eau est d'intérêt général majeur. Et puis vous savez, quand vous avez du stockage de l'eau, c'est utile pour lutter contre les incendies. Et très souvent, on demande aux agriculteurs de donner, par exemple, l'eau de leur citerne pour lutter contre les incendies. C'est ce qui s'est passé chez moi, dans le Jura, il y a deux ans. Ce sont les agriculteurs qui ont apporté l'eau pour lutter contre les feux de forêt. Donc il faut arrêter de stigmatiser.
JOURNALISTE
Mais ça ne pompe pas l'eau des nappes phréatiques ? Encore une fois, j'y reviens. Qui sont déjà au plus pas dans certaines régions.
ANNIE GENEVARD
Les pompages profonds ne sont pas autorisés. Et il n'est pas question de cela. En revanche, moi, je suis allée voir des régions qui étaient sous l'eau, qui étaient complètement inondées. Ne croyez-vous pas qu'un peu de cette eau aurait pu être retenue, stockée, pour les jours où elle manque cruellement. On ne peut pas cultiver sans eau. On ne peut pas. Tous les pays européens irriguent beaucoup plus que nous ne le faisons. Nous sommes très précautionneux sur le stockage de l'eau, trop. Il faut trouver la juste mesure.
JOURNALISTE
Ce qui a suscité la plus grande controverse dans cette loi du plomb dont on reparle, du nom du sénateur, notamment, qui l'a portée, c'est la réintroduction, vous le savez, à titre dérogatoire, de l'acétamipride. C'est un pesticide de la famille des néonicotinoïde, qui était interdit en France depuis 2020, que vous avez réintroduit à titre dérogatoire. Pourquoi, même si on a ne serait-ce qu'un doute sur le côté néfaste de cette molécule, il n'y a pas un principe de précaution qui s'applique ? Pourquoi l'avez-vous réintroduit ?
ANNIE GENEVARD
Les parlementaires ont approuvé cette réintroduction sous des conditions extrêmement strictes, très encadrées, les plus strictes de toute l'Europe. Ce produit, il n'a été interdit par aucune autorité scientifique, ni au niveau européen, ni par des autorités scientifiques françaises.
JOURNALISTE
Mais pourquoi la France l'a fait ?
ANNIE GENEVARD
Ce sont des parlementaires qui ont globalement interdit tous les néonicotinoïde. La France est extrêmement vigilante sur toutes les substances qui sont mutagènes, cancérigènes, reprotoxiques. Toutes les substances qui ont été classées, selon les indications que je viens de dire, ont été interdites en France. Évidemment qu'il faut être très précautionneux pour la santé humaine. C'est l'évidence. Et je pense que les parlementaires qui ont massivement approuvé ce texte…
JOURNALISTE
Massivement, mais avec une forte opposition, et pas que des parlementaires. On va voir une séquence qui s'est déroulée à l'Assemblée nationale mardi, lors de l'adoption de cette loi. On a vu une femme qui est atteinte d'un cancer, madame Fleur BRETEAU, dire : " Vous êtes les alliés du cancer, parce que cette substance, elle peut être l'une des causes de l'explosion de certains cancers que l'on voit notamment chez les jeunes adultes ". Est-ce que vous pouvez dire, madame la ministre, que c'est faux ?
ANNIE GENEVARD
D'abord, de la compassion pour cette femme qui est malade, mais qui s'est fait manipuler par un groupe politique qui a voulu faire un coup d'éclat. Moi, je veux dire qu'aucun responsable digne de ce nom ne permettrait en l'état la réintroduction de cette substance, s'il pensait qu'il peut causer des maladies aussi graves que celles…
JOURNALISTE
Mais vous êtes sûre qu'il n'y a aucun lien, vous ?
ANNIE GENEVARD
Mais écoutez. S'il y avait le moindre lien de cause à effet, ne croyez-vous pas que tous les pays européens auraient décidé d'interdire cette substance ? Ne le croyez-vous pas ?
JOURNALISTE
On a connu d'autres... aux Antilles. Il y a eu des exemples précédents Madame la ministre.
ANNIE GENEVARD
Croyez-vous que 26 pays empoisonneraient délibérément leur population en maintenant l'autorisation de cette substance ? Évidemment qu'il faut être très vigilant et que l'impératif, c'est la santé humaine, naturellement.
JOURNALISTE
Tout autre sujet madame la ministre. Nous sommes en période de grand départ en vacances et vous avez lancé, parce que ça se passe chaque année malheureusement, une campagne contre les abandons d'animaux, parce qu'il y en aurait des dizaines de milliers chaque année. Qu'est-ce que vous allez faire exactement ? C'est une sensibilisation ? Il y aura des sanctions ?
ANNIE GENEVARD
Je lance aujourd'hui la campagne Stop Abandon. Savez-vous que 200 000 animaux sont abandonnés chaque année au moment des congés ? Un animal, c'est une responsabilité. Ce n'est pas un jouet, ce n'est pas un caprice, ce n'est pas quelque chose qu'on prend, puis qu'on jette parce qu'il embarrasse. Donc, c'est puni par la loi. C'est un délit qui est puni d'une amende, et très sévèrement. Et donc, il faut bien mesurer la responsabilité que l'on a lorsque l'on prend un animal chez soi. Alors, effectivement, nous renforçons la réglementation. Tout ce qui est lié à l'activité autour des animaux va faire l'objet d'une réglementation renforcée, de sanctions renforcées. Et puis on va contrôler aussi tout ce qui se passe sur internet en matière de vente d'animal, pour, évidemment, mettre fin à des comportements qui sont préjudiciables aux animaux, dont je rappelle qu'il est un être vivant, doué de sensibilité, c'est ce que dit la loi.
JOURNALISTE
Cette campagne Stop à l'abandon, on va la voir à partir d'aujourd'hui sur les réseaux ?
ANNIE GENEVARD
Aujourd'hui. Exactement.
JOURNALISTE
Une dernière question qui concerne la politique et qui, malheureusement, est d'ordre dramatique, puisque cette semaine, on a appris de la disparition d'un de vos amis, Olivier MARLEIX, qui dirigeait le groupe parlementaire dont vous êtes issu, le groupe Les Républicains. Les circonstances sont dramatiques, puisque monsieur MARLEIX s'est suicidé. Comment vous avez vécu cette disparition tragique, et comment vous l'expliquez si on peut expliquer un tel geste ?
ANNIE GENEVARD
Vous savez, quand un homme ou une femme décide de se supprimer, c'est un grand mystère, insondable, pour lequel, bien souvent, il n'y a pas de réponse. Donc le silence et le respect s'imposent. C'est évidemment un grand chagrin pour nous tous.
JOURNALISTE
Mais ça dit quelque chose du climat politique que nous vivons aujourd'hui ?
ANNIE GENEVARD
Cela dit quelque chose de la rudesse de la vie politique, elle exige beaucoup des hommes et des femmes qui la servent, mais on ne peut pas véritablement donner d'explications au geste d'Olivier. Ce que je peux dire, c'est que nous sommes très affectés par cette disparition. Olivier était un homme qui tenait une place importante dans notre famille politique, un homme droit, un homme intègre, très dévoué à l'intérêt général, très soucieux de l'avenir de la France. Voilà. Il était habité par l'idée de la France comme toute sa famille. Il vient d'une grande famille gaulliste qui a servi notre pays. C'est à la fois un immense chagrin et beaucoup d'interrogations qui demeurent, mais ce qui restera vivant, c'est le souvenir qu'il laisse dans nos coeurs et dans notre mémoire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2025