Texte intégral
GUILLAUME DARET
Bonjour à tous. Bienvenue Gérald DARMANIN. Merci d'être mon invité ce matin dans le Face à Face. François BAYROU a donc dévoilé hier son plan d'économie pour faire près de 44 milliards d'Euros d'économie l'an prochain. Dans un instant, vous nous direz notamment si votre ministère, le ministère de la Justice, est touché ou non. Mais d'abord, sur le fond, vous étiez il y a quelques semaines encore opposé à la suppression notamment de l'abattement pour frais professionnels sur les retraités. Vous avez toujours dit que vous étiez contre toute hausse d'impôts. Vous étiez monté fort à l'époque où Michel BARNIER était notamment Premier ministre. Or, son plan, on l'a vu hier, prévoit la suppression de l'abattement pour frais professionnels des retraités. Des retraités qui ne verront pas non plus leurs pensions augmenter l'an prochain puisque ce sera gelé. Ce serait ce qu'on appelle l'année blanche. Et puis on le voit aussi, le barème de l'impôt sur le revenu ne sera pas revalorisé. Ça veut dire qu'il y a des centaines de milliers de Français qui vont payer l'impôt alors qu'ils ne le payaient pas ou qui vont en payer davantage. Gérald DARMANIN, ce budget, il est acceptable à vos yeux ?
GÉRALD DARMANIN
La situation de la France, elle est très compliquée. Et pour la France, ce qui n'est pas acceptable, c'est de ne pas avoir de budget ou de se faire dégrader par les agences notations de FMI et de ne plus diriger son avenir et de laisser le FMI, comme c'était le cas pour la Grèce, diriger le Gouvernement de la République française. Ce n'est pas le choix en conscience que doivent faire des femmes et des hommes politiques responsables. Après, dans ce que vous dites, si je peux me permettre, il y a beaucoup de choses très différentes de ce qui a été proposé, par exemple, l'année dernière. D'abord, il n'y a pas d'attaque contre les entreprises. François BAYROU, il ne met pas en place une surtaxe d'impôt sur les sociétés que l'ancienne majorité avait mis l'année dernière. Il n'y a pas de suppression d'allègements de charges pour les entreprises et pour les salariés.
GUILLAUME DARET
Il y a quelques minutes, Amélie DE MONTCHALIN, votre consoeur, a dit qu'en contrepartie de la suppression de deux jours fériés dont on va parler, bien sûr, il y aurait une contribution qui serait demandée aux entreprises.
GÉRALD DARMANIN
Non mais il n'y a que les entreprises qui contribuent, ça paraît tout à fait normal que tout le monde doit contribuer. C'est logique. Mais il n'y a pas d'impôts qui sont confiscatoires pour les entreprises, ce qui empêche ce qu'on appelle la politique de l'offre qui a très bien marché sous Emmanuel MACRON. Le chômage a largement baissé et qui empêche le chef d'entreprise, l'entreprise de pouvoir se développer. Ce qu'on avait fait ou ce que d'autres gouvernements avaient fait comme l'augmentation de l'impôt sur les sociétés, comme la suppression d'allègements de charges, ce qui handicape énormément l'entreprise ou la modification, la suppression du pacte DUTREIL, soit la transmission des petites et moyennes entreprises, ce n'est pas dans le projet de François BAYROU. Il a choisi le travail, travailler plus, on en parlera, et il a choisi la politique de l'offre. Moi, ça me va très bien.
GUILLAUME DARET
Il a choisi de faire payer des impôts à ceux qui, peut-être jusqu'à maintenant, n'en payaient pas. Le gel du barème de l'impôt sur le revenu, c'est une augmentation d'impôt, Gérald DARMANIN.
GÉRALD DARMANIN
Aujourd'hui, il y a 1% d'augmentation d'inflation. Ce n'est pas le cas des 3, 4% de l'année dernière. Donc effectivement, il y a 1% de contribution collective. Nous allons tous contribuer à peu près à 1%.
GUILLAUME DARET
Y compris les plus modestes.
GÉRALD DARMANIN
Nous allons tous contribuer à 1%. Aujourd'hui, il y a 50% de gens qui paient à peu près l'impôt sur le revenu. La question qu'il faut se poser... Et j'ai bien compris que le Premier ministre ouvrait une discussion. Moi, comme tous les membres du Gouvernement, on va pouvoir discuter avec le Premier ministre. Et bien sûr les oppositions ou les groupes parlementaires. Est-ce qu'on doit garder le barème de l'impôt ? Peut-être juste pour les premiers, ceux qui bossent, en effet, comme vous dites, le policier municipal, la caissière de supermarché, l'agent public, celui qui travaille dans un commerce. Il est peut-être juste à l'entrée de l'impôt sur le revenu. Peut-être que lui, on peut éventuellement ne pas geler son barème.
GUILLAUME DARET
Vous souhaitez que pour eux, peut-être…
GÉRALD DARMANIN
Non mais on peut en discuter. On va en discuter. Pour ça, il faut faire d'autres efforts sans doute. Et il faut être responsable. Je vous dis juste que, pour répondre à votre question qui me touche beaucoup, des classes populaires qui travaillent, il y a plusieurs façons de faire. Que moi, on ne gèle mon barème d'impôt sur le revenu, ça ne me dérange pas de contribuer à 1, 2, 3% supplémentaires. J'ai les moyens, en tant que ministre, de contribuer à ça. Mais c'est vrai que mon assistante à la mairie de Tourcoing ou le policier municipal à la mairie de Tourcoing, il n'a pas forcément les moyens de le faire.
GUILLAUME DARET
Ceux qui sont à Tourcoing dans quelques jours vont vous dire, Gérald DARMANIN, je croyais que vous défendiez les plus populaires. On ne paie pas d'impôt. On va en payer. Qu'est-ce que vous allez leur répondre ?
GÉRALD DARMANIN
Non. Ça, je pense que ce n'est pas comme ça que ça... Dans le Nord, on a toujours travaillé. Les gens de Tourcoing, ne vous inquiétez pas. Ils ont très bien compris qu'on n'avait jamais rien sans rien. Il fallait bosser. Ce que veulent les gens de Tourcoing, je pense, c'est travailler tous. Il y a une réforme de l'assurance-chômage proposée par le Premier ministre. En Allemagne, il faut avoir fait 12 mois de travail pour toucher l'assurance-chômage. En France, c'est six mois. En Allemagne, on n'est pas comme en France. On n'a pas 19 mois de chômage. Il y a plein de gens qui bossent à Tourcoing. Ils disent : " Mais pourquoi celui d'à côté, il ne travaille pas ? ". La réforme de l'assurance-chômage qu'avait refusée le Gouvernement précédent et que porte François BAYROU, 5 milliards d'euros d'économie sur l'assurance-chômage, si j'ai bien compris les annonces du Premier ministre, elle est très importante. Et je peux vous dire qu'à Tourcoing, comme dans tout le Nord de la France, et j'imagine comme dans toute la France, ce qu'on aime, c'est bosser.
GUILLAUME DARET
Toucher aux retraités, ça ne vous pose pas de problème ? La suppression justement de cet abattement pour frais professionnels dont bénéficient les retraités sera supprimée. À la place, il y aura un forfait de 2 000 Euros par an. Le 25 avril dernier, chez nos confrères du Parisien, vous disiez : " Ce n'est pas en faisant des rabots systématiques, y compris sur nos retraités, qu'on y arrive forcément ".
GÉRALD DARMANIN
Oui, mais le Premier ministre a trouvé quelque chose, je trouve intéressant, faire contribuer les retraités les moins pauvres. Voilà. Et puis ceux qui, en revanche, ont 1 200, 1 300, 1 400 Euros de retraite - je vous rappelle d'ailleurs que c'est le montant aujourd'hui de la moyenne des retraites - ne sont pas touchés. Ben oui, c'est assez juste.
GUILLAUME DARET
Vous avez la garantie que cette année blanche, ça ne va durer qu'un an, justement, que ça ne va pas se prolonger sur plusieurs années ?
GÉRALD DARMANIN
Alors ben personnellement, de toute façon, je pense que c'est tout à fait souhaitable. On ne peut pas continuer des années blanches chaque année. Donc c'est effectivement un effort budgétaire d'à peu près 7 à 8 milliards d'Euros qu'on ne peut pas remultiplier. Mais moi, ce que j'ai compris du Premier ministre hier surtout, c'était une marge de négociation qu'il ouvrait avec les parlementaires. Il leur a dit : " Voilà mes propositions pour faire 40 milliards d'économies. Quelles sont vos propositions ? et je suis prêt à les modifier ". François BAYROU est un homme de dialogue, est un homme du centre. Je pense qu'il l'a montré.
GUILLAUME DARET
Tout est négociable, alors ?
GÉRALD DARMANIN
Je pense que l'idée générale, c'est qu'il faut que nous rétablissions nos comptes publics. Chacun est d'accord avec ça. C'est une condition de notre souveraineté. Sinon, nous serons obligés demain non pas de limiter les croissances des salaires de la fonction publique ou des retraites mais de les diminuer de 30%, comme ça s'est passé notamment en Grèce. Donc le Premier ministre ouvre la porte à la discussion. J'ai vu que le Parti socialiste disait : "Bon, c'est inacceptable ce qu'a proposé... "
GUILLAUME DARET
Sur les bases actuelles, la seule perspective possible est la censure. C'est ce que me disait sur ce plateau hier, Olivier FAURE.
GÉRALD DARMANIN
Voilà. Mais tout est intéressant dans la phrase d'Olivier FAURE, "Sur les bases actuelles ". Donc il y aura une négociation. C'est normal. Il y a trois mois d'été pour négocier.
GUILLAUME DARET
Vous appelez François BAYROU à négocier avec les Socialistes ?
GÉRALD DARMANIN
Je n'appelle pas François BAYROU à négocier. Il a dit lui-même que sa porte était ouverte pour discuter. Donc j'espère que les Socialistes, qui sont des gens raisonnables, viendront discuter, pourront faire des propositions. Et j'imagine que le Premier ministre, pour trouver un compromis sur le budget – ce qu'il faut, un budget pour la France – trouvera les moyens de modifier telle ou telle mesure. Ce qui compte, c'est que nous fassions des efforts pour rétablir nos comptes publics. Et ces efforts ne peuvent pas peser sur les entreprises et les travailleurs. C'est ça, la grande différence. Et moi, je trouve très courageux ce que fait François BAYROU.
GUILLAUME DARET
Ça pèse un peu sur les travailleurs quand on annonce qu'on propose, en tout cas de supprimer deux jours fériés dans l'année. Ça, vous y êtes favorable à la suppression de deux jours fériés dans l'année ? Ce qu'on entend des Français depuis hier soir sur notre antenne, c'est qu'ils nous disent que c'est toujours dans la poche des mêmes qu'on va chercher.
GÉRALD DARMANIN
C'est pour ça que la réforme de l'assurance chômage est à faire en premier, et qu'il vaut mieux travailler tous de manière générale que travailler plus pour ceux déjà qui travaillent. La réforme des jours fériés, c'est la fin des 35 heures. C'est ça que ça veut dire. Vous faites 14 heures, 15 heures de travail supplémentaire.
GUILLAUME DARET
C'est la fin des 35 heures.
GÉRALD DARMANIN
Quand vous faites 15 heures de travail supplémentaire, vous appelez ça comment ?
GUILLAUME DARET
Pourquoi pas formellement supprimer les 35 heures ?
GÉRALD DARMANIN
Le Premier ministre a ses mots. Moi, j'ai les miens. En tout cas, ce que propose le Premier ministre, c'est qu'il faut travailler davantage. Tous les gens censés savent que la France est le pays en moyenne où on part le plus tôt en retraite, où on arrive le plus tard sur le marché du travail et où on travaille en moyenne moins que nos voisins.
GUILLAUME DARET
Plutôt que de supprimer deux jours fériés, Xavier BERTRAND, président de la région des Hauts-de-France, que vous connaissez bien – ça a été un de vos proches, vous restez en bonne relation, si j'ose dire – propose, je cite, de laisser les entreprises et les salariés s'organiser pour justement travailler 14 heures de plus dans l'année, comme il le souhaite.
GÉRALD DARMANIN
Eh ben vous voyez, ça, c'est un débat qu'a lancé le Premier ministre avec ses deux jours fériés. Il en tiendra peut-être d'autres propositions. Là, Xavier Bertrand dit : " Faisons 14 heures de travail supplémentaire ". Discutons. En tout cas, le principe, c'est quoi ? C'est qu'il faut travailler davantage. Quel est le drame originel de cette situation ? C'est une partie des Socialistes avec les 35 heures et madame AUBRY. Quand on est passé de 39 à 35 heures, on n'a pas diminué le salaire des Français. Pourtant, ils ont moins produit. Et on paie aujourd'hui – quand je dis " on ", c'est nous, les Français – 70 milliards d'allègements de charges. Il faut bien que quelqu'un les paie, un jour, ces 70 milliards d'allègements de charges. Les 35 heures ont été – on le sait tous – une ruine pour notre industrie, pour notre hôpital, pour la fonction publique et pour les Français, parce qu'on n'a pas apporté des secours courageux. Et l'accroissement de notre dette, c'est aussi en partie à cause du fait qu'on a diminué le temps de travail en France. Alors il y a des gens qui travaillent énormément, les commerçants, les artisans, les gens qui bossent dans nos hôpitaux. Enfin il y a beaucoup de gens qui bossent énormément, bien plus que 35 heures. Et puis il y a des gens qui travaillent 35 heures, voire moins de 35 heures. Trouvons un moyen de dire à toutes ces personnes, dans un moment très difficile dans lequel nous vivons, où on voit que la croissance est en Asie, où on voit que la guerre revient sur les territoires européens, où il faut financer la justice, les militaires, il faut financer notre protection sociale, il faut travailler un peu plus.
GUILLAUME DARET
François BAYROU a annoncé aussi la création d'une contribution de solidarité pour les hauts revenus. C'est le prolongement de ce qui existait normalement que pour cette année. L'objectif, c'est que ceux qui gagnent 250 000 Euros par an pour une personne seule, 500 000 pour un foyer, soient imposés au minimum à 20%. C'était 25 000 foyers, ça représente 2 milliards d'Euros. À l'époque de Michel BARNIER, on avait évoqué cette contribution exceptionnelle. Vous y aviez vu un moyen de remettre une forme d'ISF.
GÉRALD DARMANIN
Oui, il faut faire attention avec ces mesures. Je ne connais pas la mesure exacte proposée par le ministère de l'Économie et des Finances, donc on verra ce qu'il propose.
GUILLAUME DARET
Vous y êtes défavorable ?
GÉRALD DARMANIN
Non, je dis qu'il faut faire attention aux mesures que nous prenons. Que les gens les plus riches paient plus d'impôts, moi j'y suis très favorable. Mais ne prenons pas des mesures techniquement mal organisées, ce qui était, je crois, le cas sous le Gouvernement précédent. Parce que qu'est-ce qui s'est passé ? Le rendement fiscal n'est pas du tout ce qui avait été annoncé. Pourquoi ? Parce que les riches, ils ont les moyens de partir. On sait très bien, nous, dans le nord de la France, que quand vous taxez trop les riches, ils vont en Belgique. Et donc, là où vous auriez pu avoir un peu d'argent, vous n'en avez plus du tout parce qu'ils sont partis ailleurs. Est-ce que c'est bien de partir en Belgique ? Non, ce n'est pas bien. Enfin, c'est la réalité, la France n'est pas une île. Donc évidemment que les riches contribuent, je pense qu'ils y contribuent déjà très largement, au fonctionnement de notre pays. Pourquoi ils sont riches ? Si c'est leur entreprise, je ne crois pas qu'ils faillent les taxer davantage. Si c'est la rente ou l'héritage, on peut toujours discuter, évidemment, parce qu'il faut de l'égalité entre les citoyens. Mais ne prenons pas de mesures absurdes. On va voir les propositions que fait monsieur LOMBARD.
GUILLAUME DARET
Le Premier ministre a aussi annoncé qu'un fonctionnaire sur trois partant à la retraite ne serait pas remplacé. Vous êtes ministre de la Justice…
GÉRALD DARMANIN
À partir de 2027, il me semble.
GUILLAUME DARET
À partir de 2027, 3 000 l'an prochain. Est-ce que ça veut dire qu'il y aura moins de magistrats, moins de gardiens de prison ?
GÉRALD DARMANIN
Ah non, ce n'est pas le cas. Moi, j'en remercie le Premier ministre, puisque dans les documents budgétaires publiés cette nuit pour le Parlement, nous avons un ministère de la Justice qui continue à avoir une augmentation, plus de 200 millions d'Euros de crédit. C'est un petit ministère en montant budgétaire.
GUILLAUME DARET
Ça fait quel budget pour le ministère de la Justice ?
GÉRALD DARMANIN
Ça veut dire que la loi de programmation de la Justice, qui avait été annoncée par le président de la République et que les magistrats, les agents pénitentiaires, les agents des SPIP, les agents de la PJJ, les agents de l'enfance, attendent, sera tenue. Sera tenue en budget et sera tenue en effectif. Et j'en remercie le Premier ministre, parce que notre justice, elle est très paupérisée. Et je ne suis pas venu au ministère de la Justice pour voir ses crédits diminuer, alors que je fais des réformes très importantes pour le ministère de la Justice. Une réforme pénale qui va être très importante, une réforme du droit civil que j'ai publiée, extrêmement importante, un soutien à la PJJ, à la protection de l'enfance. Il y a 220 000 gamins qui sont, aujourd'hui, suivis. C'est très déstructuré dans leur famille et qui pose des tas de problèmes, d'abord pour l'enfance, évidemment, chaque père et mère de famille peut être touché, mais aussi demain pour les délinquances. Et puis, des prisons qui craquent, tout le monde le voit, on n'en construit pas assez, il n'y a pas assez d'agents pénitentiaires.
GUILLAUME DARET
C'est-à-dire que sur les effectifs, il n'y aura pas de…
GÉRALD DARMANIN
Les arbitrages des effectifs sont faits en fin du mois par le Premier ministre, je ne vais pas déflorer ce qui semble être des arbitrages, mais nous aurons les moyens de remplir toutes les promesses du président de la République.
GUILLAUME DARET
Vous parliez justement des prisons, d'ici quelques jours, le 31 juillet normalement, doit ouvrir ou en tout cas être mise en fonction le quartier d'hôte sécurité de la prison de Vendin-le-Vieil, est-ce que ce sera bien à partir du 31 juillet, est-ce que vous êtes dans les temps ?
GÉRALD DARMANIN
Exactement, en 6 mois, nous aurons construit la première prison d'hôte sécurité en France, quasiment unique en Europe, il y a les Italiens qui font pareil, seulement qu'ils mettent dans un lieu extrêmement clos, où on ne peut pas téléphoner, où on ne peut pas avoir de communication avec l'extérieur, les 100 premiers narcotrafiquants, et donc ce sera bien prêt pour le 31 juillet.
GUILLAUME DARET
Ils ont déjà été sélectionnés, si j'ose dire ?
GÉRALD DARMANIN
Une partie d'entre eux ont reçu, hier, leur notification, nous sommes en état de droit, il y a donc, un échange avec leurs avocats et tribunaux, pour voir si l'administration pénitentiaire a raison, mais effectivement une partie d'entre eux ont reçu hier leur notification.
GUILLAUME DARET
Comment ça va se dérouler ensuite à l'intérieur de la prison ? Certains dénoncent le retour, ce sont leurs termes, du bagne en France, des conditions qui ne seraient plus des conditions humaines, qu'est-ce que vous répondez à cela ?
GÉRALD DARMANIN
C'est le contraire, d'abord ça a été voté par le Parlement, y compris par le groupe socialiste, je le répète, donc, une loi très largement votée, et par le groupe Rassemblement National, c'est une loi qui a été validée par le Conseil d'État, validée par le Conseil constitutionnel, donc, on est quand même en respectant tout à fait l'état de droit. Mais l'état de droit ce n'est pas permettre à des narcotrafiquants d'avoir des téléphones portables, de corrompre ou de menacer des agents pénitentiaires et de faire assassiner des gens de leur prison qui veulent prendre leur point de deal à Marseille ou à Roubaix, ce n'est pas ça l'état de droit. L'état de droit c'est la protection qu'attendent nos concitoyens quand quelqu'un va en prison, il va en prison, il ne peut plus communiquer avec l'extérieur. Moi, je pense que le bon sens a quitté parfois nos politiques. Mon bon sens à moi, c'est que quand on va en prison, on ne peut plus communiquer à l'extérieur. C'est encore plus vrai quand il s'agit de narcotrafiquants ou de terroristes systémistes. Aujourd'hui, les Français le savent, ils le savent très bien, qu'on trouve des téléphones portables parmi les responsables des grandes organisations mafieuses de notre pays. Evidemment que ça ne peut pas fonctionner. Donc, on va mettre fin à ça par ces prisons de haute sécurité, la première à Vendin-le-Vieil, vous l'avez dit, dans le Pas-de-Calais, la deuxième à Condé-sur-Sartre, et puis les 60 narcotrafiquants antillais et guyanais à la prison de Saint-Laurent-du-Marais.
GUILLAUME DARET
Ça aura bien lieu.
GÉRALD DARMANIN
Évidemment, ça aura bien lieu. C'est essentiel pour la sécurité des Français. Ils sont où les narcotrafiquants ? Ceux qui pourrissent la vie de tous nos concitoyens qui touchent jusqu'aux plus petits villages de nos campagnes. Ils sont soit dans nos prisons, et ils communiquent en gérant leur point de deal, ou ils blanchissent de l'argent, personne ne peut le comprendre, soit ils sont à l'étranger. À l'étranger, nous avons de grands succès, notamment avec les Émirats arabes unis, que je remercie, puisque nous en sommes à la septième personne qui, en moins de six mois, est extradée sur le sol national français. On n'a pendant longtemps eu aucune de ces extraditions. Donc, ils sont de moins en moins sécures à l'étranger. Mais ils ne peuvent pas continuer à gérer leur point de deal de nos prisons. C'est impossible. Je connais des détenus qui ont des dizaines d'appartements et qui blanchissent leur argent parce qu'ils gèrent leur argent dans la détention. Personne ne peut le comprendre.
GUILLAUME DARET
Pour les plus courtes peines, ou en tout cas pour les prisonniers jugés les moins dangereux, vous avez dit que vous voulez mettre en place ce qu'on appelle soit des prisons modulaires, soit des prisons algéco pour certains qui les appellent comme ça. Ça aussi, ça va se faire dans les temps ?
GÉRALD DARMANIN
Oui, bien sûr. En 16 mois, nous construirons les premières prisons. En octobre 2026, la première sera à Troyes. J'en remercie d'ailleurs François BAROIN de nous prêter des terrains. La deuxième sera à Maubeuge. Et nous pouvons construire désormais des prisons en 16 mois. Quand je suis arrivé au ministère de la Justice, on construisait des prisons en 7 ans. Peut-être que c'est parce que j'ai été maire et que je sais que quand on me dit que ce n'est pas possible en général, c'est possible si on est un petit peu plus ingénieux. Et ce ne sera pas de l'algéco. Ce sera des prisons, des blocs de béton comme les prisons classiques. Simplement, on les fera en usine et on ne les fera pas dehors, soumis aux intempéries, par exemple. On construisait jusqu'à présent une place de prison pour 400 000 euros la place. Désormais, nous construisons des prisons pour 200 000 euros la place. Donc, nous ferons le plan annoncé du président de la République trois fois plus vite, deux fois moins cher. Mais ça demande, en effet, qu'on construise des établissements plus petits, avec 80, 100 places, au lieu de faire des grands mastodontes de 500, 600 ou 1 000 détenus.
GUILLAUME DARET
Tout ça n'est pas au niveau, dit le Rassemblement national, Jordan BARDELLA, Marine LE PEN, qui s'en prennent fortement à votre politique, à celle de Bruno RETAILLEAU et à ce qu'a dit François BAYROU hier.
GÉRALD DARMANIN
Oui, ce n'est pas anormal que monsieur BARDELLA, madame LE PEN, qui dit sont contre-tout, s'oppose à cela. Après, quelle est leur responsabilité ? À la fin, ils disaient que ce n'était pas assez fort ce que nous proposions. Puis, ils ont quand même voté le texte que j'ai proposé avec Bruno RETAILLEAU sur le narcotrafic. Et tout le monde s'en félicite, les agents pénitentiaires en premier.
GUILLAUME DARET
Ce matin, ils disent surtout qu'il faut préparer vos cartons parce qu'ils vont voter une motion de censure à l'automne.
GÉRALD DARMANIN
Moi, personnellement, le ministère de la Justice, comme tout poste ministériel, appartient aux Français. Mes cartons n'ont jamais vraiment été défaits. Je sais trop la fragilité du pouvoir. Et si jamais je ne suis plus ministre, je retournerai député de ma circonscription à Tourcoing et je serai heureux de contribuer à la nation. Mais je pense que quand on est un peu trop prétentieux, comme laissait le cas manifestement du Front national ou du Rassemblement national, quand on a autant de difficultés, sans doute, à faire comprendre aux Français qu'on pourrait diriger le pays, on reste un peu modeste. La situation de la France, c'est une situation où la guerre est aux portes de l'Europe, où il faut se réarmer. Est-ce que le Rassemblement national est contre l'augmentation du budget de l'armée ? Si on fait tout ça, c'est aussi parce qu'on réarme notre pays. Parce que dans l'esprit de défaite des années 30, il y avait aussi cette idée qu'il ne fallait pas faire d'efforts et que les gouvernements républicains étaient des gouvernements qui n'acceptaient pas ce qu'il fallait faire pour le peuple. On a vu que donner l'histoire. François BAYROU a au moins le courage de le dire. Est-ce que les oppositions voient le rendez-vous que nous avons avec l'histoire ? C'est une question intéressante. Je pense que les socialistes pourraient le voir, parce que c'est un grand parti de Gouvernement, même s'il faudrait finalement faire des compromis avec eux. Je pense que le Rassemblement national trompe ses électeurs quand il dit que nous ne faisons pas les efforts nécessaires, par exemple, pour notre souveraineté. Donc, je dis aux électeurs du Rassemblement national, je pense aux agriculteurs par exemple, " Comment pouvez-vous accepter que des gens vont voter la censure alors que vous avez besoin des moyens de l'Europe, de l'État pour vous soutenir ? Comment les militaires pourraient accepter qu'on vote la censure alors qu'on a une augmentation du budget militaire ? Comment les justiciables, les victimes, pourraient accepter qu'on vote la censure alors que le budget du ministère de la Justice augmente et qu'on a besoin de condamner encore plus rapidement les auteurs de crimes ou de délits ? "
GUILLAUME DARET
Gérald DARMANIN, on voit bien qu'en raison d'une Assemblée nationale qui est totalement morcelée, ça rend très difficile des réformes... et que tout ça va se jouer au moment de l'élection présidentielle parce que ce sera le grand débat devant les Français. Vous aviez dit que vous étiez prêt, que vous vous prépariez à servir votre pays. Est-ce que vous serez candidat à l'élection présidentielle ?
GÉRALD DARMANIN
D'abord, c'est très loin, deux ans. Il faut être utile au Gouvernement, il faut être utile à France maintenant. On aura l'occasion d'en reparler. Moi, je suis heureux d'être utile au Gouvernement ici et maintenant, même si c'est effectivement extrêmement difficile et que nous avons assez peu de chances en effet, de faire adopter ce budget sauf à ce que chacun reprenne ses responsabilités.
GUILLAUME DARET
Mais est-ce que vous vous préparez à être candidat ?
GÉRALD DARMANIN
Et par ailleurs, moi, ce qui m'intéresse, c'est de préparer un projet pour les Français. Et ce projet, j'aurai l'occasion de le développer, notamment le 31 août prochain à Tourcoing, dans ma rentrée politique. Ce projet, j'espère qu'il trouvera des gens nombreux pour le porter. Est-ce que je serai le mieux placé pour le porter ? On verra bien, c'est aux Français de décider, mais au moins des idées avant le concours de beauté ou le concours des égaux. Et on aura l'occasion d'en reparler avec plaisir. En tout cas, moi, je ne me désintéresserai pas du tout de l'élection présidentielle de 2025.
GUILLAUME DARET
Quand on présente un projet pour la France, quand on prépare un projet pour la France, on a plutôt envie de le porter en général, non ?
GÉRALD DARMANIN
Oui, c'est vrai, mais on ne va pas tomber 40 candidats au premier tour. Parce que sinon, nos électeurs, qu'est-ce qu'ils vont faire ? Au second tour, ils auront le choix entre monsieur MELENCHON et madame LE PEN. Et ils nous en voudront à vie. Ils auront raison de nous en vouloir à vie. Moi, je ne veux pas être dans cette situation. Donc, je pense qu'à l'ambition légitime des uns et des autres, il y a ce qu'on pense.
GUILLAUME DARET
C'est-à-dire que vous avez l'ambition d'être président de la République ou d'être candidat ?
GÉRALD DARMANIN
J'ai l'ambition de pouvoir contribuer à ce que mon pays aille beaucoup mieux. Et je pense que nous pouvons faire encore mieux, même si je soutiens évidemment très fortement ce que fait le Gouvernement de François BAYROU. Parce que vous avez raison, c'est à l'élection présidentielle qu'ont tranché les grandes orientations. Et c'est normal, c'est le suffrage universel qui s'exprime. Si je suis le mieux placé, tant acte ! Mais peut-être que je ne serais pas le mieux placé. Il faut un peu de modestie quand on fait de la politique. Deux ans avant 95, tout le monde pensait que c'était Édouard BALLADUR. Deux ans avant 2007, tout le monde pensait que ça aurait pu être DOMINIQUE DE VILLEPIN. Deux ans avant 2022, tout le monde aurait pu penser... Bref.
GUILLAUME DARET
Qui est l'Édouard BALLADUR d'aujourd'hui ?
GÉRALD DARMANIN
Aujourd'hui, deux ans avant, les Français, ce qu'ils veulent, c'est qu'on bosse. Qu'on bosse pour résoudre les problèmes des Français. Il y a des problèmes d'insécurité, c'est incontestable. Il y a des problèmes de fonctionnement de la justice, c'est incontestable. Il faut réarmer notre pays, c'est incontestable. Il faut réformer notre modèle social, c'est incontestable. Il faut rétablir les comptes publics, c'est incontestable. Que seraient les femmes et les hommes politiques qui penseraient qu'en 2027, ils s'occuperaient du maintenant ? Ils n'auraient aucune crédibilité. C'est pour ça que j'ai accepté de retourner de nouveau au Gouvernement. Parce que j'ai pensé que mon travail n'était pas de critiquer d'un côté et de multiplier les déplacements et les articles dans la presse pour montrer ma bobine. Mais pour être concret, c'est un ministère pas simple, avouez-le. Un ministère de la justice pour contribuer à ce que ça aille mieux.
Source : Service d'information du Gouvernement,le 21 juillet 2025