Texte intégral
Laurent SAINT-MARTIN : Bonjour, aujourd'hui troisième Conseil format Commerce, ici entre les États membres depuis le Liberation Day du 2 avril. Et donc, c'est un moment extrêmement important, puisque l'unité européenne, qui a fait notre force depuis maintenant plusieurs mois, doit d'abord être préservée dans un contexte, évidemment, de tensions importantes sur le plan commercial, avec l'annonce et l'envoi de la lettre du président Trump à l'Union européenne concernant une menace d'augmentation de droits de douane de l'ordre de 30% au 1?? août. Aujourd'hui, il faut évidemment que l'Union européenne reste d'abord unie, c'est la priorité, et c'est ce dont nous allons discuter en premier aujourd'hui. Mais, évidemment, la situation depuis samedi doit nous amener à changer de méthode, et nous devons effectivement savoir présenter de façon concrète, parfois aussi de façon très claire, quelle est la capacité de l'Union européenne à mettre sur la table des contre-mesures, à riposter, et à faire en sorte que ce rapport de force, qui est voulu par les États-Unis et qui ne doit pas mener à une guerre commerciale qui serait néfaste pour tout le monde, soit appréhendé par les Européens aussi, en démontrant leur capacité de riposte, et c'est ce dont nous allons discuter aujourd'hui. La finalité, c'est toujours la même, et nous sommes tous unis, je crois, en ce sens-là : c'est aboutir à un accord équilibré, un accord équilibré qui préserve les parties, évidemment européennes, mais qui comprend aussi, évidemment, les intérêts américains. La Commission a toujours été dans une position de négociatrice de bonne foi, et je le salue, et c'est pour cela que la France la soutient depuis le premier jour, et nous continuerons à soutenir la Commission européenne pour les prochains jours et pour les prochaines semaines. Jusqu'au 1?? août, il nous reste deux semaines de négociation là-dessus, mais soyons très clairs : ce rapport de force, aujourd'hui, doit aussi amener les Européens à montrer les contre-mesures. Les contre-mesures, ce sont les tarifs sur les biens américains qui doivent être exposés très concrètement, et ce sont aussi la question des services et la question des mesures anti-coercition qui doivent être évoquées aujourd'hui.
Question : Est-ce que vous avez l'impression que la réaction de l'Union européenne jusqu'ici a été un petit peu trop timorée, justement, et que maintenant, il faut accélérer le tempo davantage ?
Laurent SAINT-MARTIN : Je crois que la réponse de la Commission, elle a été juste. C'est continuer à démontrer sa bonne foi dans la négociation, et ça, il faut que cela le reste jusqu'au bout. On ne pourra jamais taxer la Commission européenne, ni ses États membres, de ne pas avoir joué le jeu de la négociation, d'avoir compris les intérêts de toutes les parties, et d'avoir essayé de trouver le meilleur accord possible. Et nous étions d'ailleurs proches de cet accord-là la semaine dernière, et nous devons continuer et ne pas nous disperser dans un autre objectif. En revanche, ce que je dis, c'est que le rapport de force, aujourd'hui qui se tend, doit nous amener aussi à être plus concrets et à démontrer comment l'Europe peut répondre en cas d'échec des négociations. Et c'est ça aussi l'ordre du jour aujourd'hui, et nous verrons effectivement, que ce soit sur les biens, sur les services, sur les mesures anti-coercition, comment se situe l'ensemble des États membres pour essayer d'avoir la réponse la mieux coordonnée possible. Encore une fois, avec un objectif qui doit rester notre priorité absolue dans cette période : l'unité européenne.
Question : Qu'est-ce qui s'est passé exactement ? Comment est-ce qu'on est passé de "on est proche d'un accord" à une lettre qui dit 30%, et qui, visiblement, prend un bon nombre de court ?
Laurent SAINT-MARTIN : Il faut poser la question au président américain. La Commission européenne a participé aux négociations, a toujours répondu présente pour le dialogue, a mis tout sur la table d'un point de vue industriel, d'un point de vue non tarifaire, a toujours expliqué à quel point une guerre commerciale était néfaste pour l'économie européenne, mais d'abord pour l'économie américaine. Et nous voyons bien que cette pression voulue par le président américain dans les derniers jours et les dernières semaines tend aujourd'hui la capacité de négociation, mais doit nous amener, nous, à démontrer que l'Europe est une puissance. Et l'Europe est une puissance aussi en sachant démontrer sa capacité de riposte. C'est ça, vraiment, qui va être essentiel aujourd'hui, au-delà des autres points de l'ordre du jour, qui ne sont pas moins importants : la question des surcapacités chinoises, la question de la diversification commerciale. Tout ça sera aussi mis sur la table. Donc ça va être une journée avec un agenda extrêmement dense, et tout va être important aujourd'hui.
Question : Est-ce que vous pensez que la question de taxer le numérique revient sur la table ?
Laurent SAINT-MARTIN : Moi, je n'ai aucun tabou dans la capacité de réponse européenne. À partir du moment où vous bridez, vous empêchez un certain nombre de réponses, vous n'êtes pas dans un rapport de force favorable. Et c'est peut-être là où nous devons évoluer dans la méthode. C'est assumer, même si ce n'est pas forcément une finalité souhaitée, mais assumer que nous savons répondre sur beaucoup de questions différentes qui concernent l'économie américaine. Faute de quoi, évidemment, le rapport de force tendra vers un déséquilibre qui sera inacceptable. Et c'est exactement ce que nous voulons éviter.
Question : Comment trouver un accord avec le président américain, sachant que, du jour au lendemain, il peut mettre en place un nouveau tarif ?
Laurent SAINT-MARTIN : Si nous considérions qu'un accord est impossible, nous ne serions pas en train de continuer à négocier. Le commissaire SEFCOVIC veut reprendre langue dès aujourd'hui avec les Américains là-dessus, et il a raison. Encore une fois, la Commission européenne a toujours raison de vouloir négocier, de vouloir aboutir à un accord. Toujours. La question est de savoir avec quels moyens on se met dans des conditions de négociation, avec quelle capacité de riposte, éventuellement, de façon concrète, encore une fois, on se met dans des moyens de négociation. Ce rapport de force voulu par Donald Trump et son administration, c'est un rapport de force où vous devez démontrer aussi vos capacités de riposte. Et c'est peut-être là où on doit accélérer aujourd'hui.
Question : But has the method been good enough ? Because right now we've had several months, the European Commission has been working on it, and this is not a criticism of Šef?ovi? personally, but there's been no deal. The letter is higher. So, in that room, do you think the EU27 should have a different method that you propose ?
Laurent SAINT-MARTIN : This is what I said. We have to evolve in terms of methods. And we have to put first what we can do in terms of retaliation today. And to make it very concrete, and to make it very soon. The 1st of August, what can we do ? In terms of tariffs on goods, but also in terms of tariffs, in terms of ACI (Anti Coercition Instrument), everything has to be put on the table today. Everything.
Question : Donc, vous pensez que le premier paquet de contre-mesures devrait déjà être présenté dès aujourd'hui, et qu'on devrait avancer ?
Laurent SAINT-MARTIN : Oui, et c'est la discussion, effectivement, que l'on aura dès aujourd'hui. Si la Commission peut, effectivement, annoncer ce premier paquet de contre-mesures tarifaires sur les biens, je pense que ce sera nécessaire pour la suite de la négociation.
Source https://ue.delegfrance.org, le 23 juillet 2025