Entretien de M. Benjamin Haddad, ministre délégué, chargé de l'Europe, avec RTL le 26 juillet 2025, sur l'annonce par le présidence de la République de la reconnaissance par la France de l'État de Palestine.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : RTL

Texte intégral

Q - Bonsoir, Benjamin Haddad.

R - Bonsoir.

Q - Merci d'être avec nous sur l'antenne de "RTL". Cette semaine, on a pu voir en Une de nos journaux des photos insoutenables de corps décharnés, ceux d'enfants de Gaza qui meurent de faim. En quatre jours la semaine dernière, cinq enfants sont morts de cette sous-nutrition. Avant-hier, Emmanuel Macron a annoncé vouloir reconnaître l'état de Palestine. Benjamin Haddad, ma première question, elle est simple : qu'est-ce que ça va changer au sort des enfants qui meurent à Gaza ?

R - Le but du Président de la République, dans cette situation, vous l'avez dit, qui est tragique - on voit la tragédie en cours à Gaza ; on avait vu, on se rappelle aussi de l'émotion de l'attaque barbare du 7 octobre, qui avait touché d'ailleurs une cinquantaine de nos compatriotes - c'est d'essayer de trouver des solutions durables à cette guerre. La solution durable doit être politique, et c'est la solution à deux États : un État d'Israël qui est reconnu par ses voisins, qui vit en paix et en sécurité, et un État palestinien qui est souverain, débarrassé du Hamas, qui ne peut pas participer à la gouvernance de la bande de Gaza. Tout le but de la diplomatie avec nos partenaires, c'est de trouver les voies d'un cessez-le-feu, du retour de l'aide humanitaire à Gaza et bien sûr de la libération des otages.

Je voudrais dire un mot quand même de cette question, notamment de ce processus diplomatique. Le ministre des Affaires étrangères est aujourd'hui à New York. Il travaillera avec nos partenaires saoudiens pour relancer, justement, cette perspective politique et penser l'après, penser la reconstruction de la bande de Gaza, penser le rôle que les partenaires de la région et les voisins doivent jouer pour redonner une perspective. Parce qu'on a vu, bien sûr, sur un sujet éruptif, les déclarations politiques, mais aussi quelques outrances. Quand Mme Le Pen nous explique que c'est une récompense du Hamas... Mais le Hamas, qui est un mouvement terroriste, barbare, il vise précisément la destruction d'Israël. Il n'y a pas de solution à deux États. Il veut détruire Israël. Et donc, l'objectif là, c'est de renforcer, réformer et rénover l'Autorité palestinienne, qui est aujourd'hui au pouvoir en Cisjordanie, mais aussi progressivement de la faire monter en puissance dans la bande de Gaza. C'est toute cette dynamique, tout ce processus que vise à enclencher l'action diplomatique de la France avec ses partenaires.

Q - Benjamin Haddad, quel est le poids politique aujourd'hui de la France et d'Emmanuel Macron ? Est-ce qu'il a vraiment la possibilité de faire bouger les choses, quand Donald Trump dit : "Emmanuel Macron c'est quelqu'un de bien, mais ses déclarations ne changent rien." ? On peut vraiment agir diplomatiquement ou on est voués au silence ?

R - Vous savez, le cynisme, c'est facile. L'inaction, c'est facile. On peut rester, à ce moment-là, prostré chez soi, à ne rien faire et à regarder le match qui est fait par d'autres. Nous, ce qu'on a toujours voulu faire, sur tous les sujets - que ce soit sur l'Ukraine ou sur tous les grands sujets européens - c'est de ne pas laisser les autres écrire notre histoire à notre place. Je ne vous dis pas que ce sont des sujets faciles. On le voit. D'ailleurs, regardez, il y a eu encore une médiation américaine pour obtenir un cessez-le-feu qui a échoué à Doha. Donc on voit bien que les efforts diplomatiques sont extrêmement difficiles sur ce sujet, qui est, encore une fois, si tragique. Mais notre objectif, c'est précisément de maintenir cette dynamique politique, de travailler avec nos partenaires, ici avec les Saoudiens, avec les Européens, pour pouvoir trouver une solution durable à deux Etats, sans le Hamas.

Q - Benjamin Haddad, Londres annonce se préparer à larguer de l'aide humanitaire et à évacuer des enfants qui ont besoin d'une aide médicale. Et nous, Français, on fait quoi ? On participe à ces opérations ou on fait juste des déclarations ?

R - Mais Monsieur, nous l'avons déjà fait. Nous n'avons pas attendu les autres pour le faire. Nous avons été parmi les premiers à le faire.

Q - Et on continue à le faire en ce moment même ?

R - Mais bien sûr. Nous avons été l'un des premiers à le faire - par exemple, à dépêcher un navire pour soigner des enfants palestiniens qui étaient blessés lors de la guerre. Lors de sa dernière visite dans la région, le ministre des Affaires étrangères avait emmené de l'aide humanitaire. Et la France participe aussi bien au niveau national, et bien sûr au niveau européen...

Q - Mais vous comprenez qu'en tant qu'observateur, ça ne semble pas suffisant. On a un drame, on a une crise humanitaire, on a une famine. Certes, on a avancé, fait des choses, mais on a l'impression qu'on n'en fait vraiment pas assez.

R - J'entends parfaitement ce que vous dites, bien sûr. Vous dites qu'on n'en fait pas assez ; et certains, au contraire, reprochent presque d'en faire trop. L'objectif, c'est, encore une fois, de continuer avec nos partenaires européens - à la fois sur le plan du soutien humanitaire, sur le plan diplomatique, sur le plan de la relance du dialogue régional politique - de trouver des solutions pour que l'aide humanitaire entre dans Gaza, de trouver des solutions pour le cessez-le-feu, pour la libération inconditionnelle de tous les otages, et de relancer une solution à deux États, entre un État d'Israël et un État palestinien, sans le Hamas, où le Hamas ne peut pas faire partie de la gouvernance. Encore une fois, le Hamas est un groupe terroriste barbare. Donc l'objectif - c'était d'ailleurs, vous le savez, l'objet de l'échange de lettres entre le Président de la République et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas - c'est de réformer, renouveler en profondeur l'Autorité palestinienne, à la fois en Cisjordanie, et puis - à terme, bien sûr - dans la bande de Gaza.

Q - Benjamin Haddad, ce soir, Trump rencontre en Écosse le premier ministre britannique Keir Starmer. Demain, c'est Ursula von der Leyen de la Commission européenne. Il sera question des droits de douane. Question très courte : est-ce que vous pensez qu'un accord est toujours possible ou bien est-ce qu'on est prisonniers des desideratas de Donald Trump ?

R - Nous, on souhaite un accord. L'objectif, c'est d'avoir une désescalade et un accord qui est dans l'intérêt de tous. Mais on l'a dit, les Européens doivent aussi se préparer à répondre en cas d'absence d'accord ou d'accord qui ne serait pas suffisamment équilibré. Nous en avons les moyens. Nous ne sommes pas faibles. Nous sommes un grand marché unique intégré avec 450 millions d'individus, les premiers partenaires commerciaux des États-Unis. C'est pour ça que nous avons demandé à la Commission européenne, premièrement, de préparer un paquet de contre-mesures de l'ordre de 100 milliards d'euros sur des importations de biens des États-Unis pour pouvoir riposter, mais aussi d'aller plus loin, avec l'activation de ce qu'on appelle l'instrument anti-coercition, qui nous permettrait notamment de taxer les services numériques américains, dont on sait qu'on est importateurs, consommateurs. C'est ce qui nous permettra aussi d'assumer un rapport de force dans ces négociations.

Q - Merci beaucoup Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2025