Interview de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à RTL le 30 juillet 2025, sur la croissance économique, les droits de douane américains les économies budgétaires et le prélèvement à la source.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Éric Lombard - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;
  • Thomas Sotto - Journaliste

Média : RTL

Texte intégral

VINCENT DEROSIER
Et donc Éric LOMBARD, ministre de l'Économie et des Finances est dans ce studio, vous l'avez compris. Rebonjour à vous.

ÉRIC LOMBARD
Bonjour.

VINCENT DEROSIER
Alors on va commencer par une bonne nouvelle, ça ne doit pas vous arriver souvent en ce moment, la croissance va mieux, 0,3% au deuxième trimestre. Qu'est-ce qui explique ça ?

ÉRIC LOMBARD
C'est vraiment une bonne nouvelle, 0,3%, ça veut dire que depuis le début de l'année, on a une croissance légèrement supérieure à 0,5%. Je rappelle que notre cible pour l'année, c'est 0,7%, donc on est en bonne voie. Grâce à toutes ces entreprises comme les Madeleines Jeannette. Et moi je veux féliciter les chefs d'entreprise de ce pays qui sont très résistants. Depuis le début de l'année, qu'est-ce qu'on a eu ? On a eu les conséquences de la censure, après on a eu la bataille sur les tarifs avec les États-Unis d'Amérique. On a la pression de la Chine. Et les entreprises françaises résistent, elles sont en croissance. L'investissement se tient, l'emploi se tient. Et maintenant qu'on y voit plus clair, puisque sur les tarifs, on va arriver à un règlement, je pense que la voie est dégagée pour que les entreprises continuent à investir, à se développer, et nous allons les aider. On a beaucoup de projets de simplification, des projets de soutien par des investissements. On a mis en place un label qui s'appelle Europe Finance, pour que l'épargne des Européens aille financer les entreprises européennes. Et puis il faut aussi qu'on protège notre industrie. Et ça c'est tout l'agenda qu'on a avec l'Union Européenne, de protéger notre industrie. On est en train de travailler sur l'acier en ce moment, on va travailler demain sur la chimie, sur l'automobile, donc c'est un message positif, et qui doit nous encourager à continuer à améliorer l'efficacité de nos entreprises. C'est ça qui crée de la richesse, c'est ça qui crée de l'emploi.

VINCENT DEROSIER
Alors vous parlez de cet accord sur les droits de douane ; depuis cette poignée de main dimanche entre Ursula Von Der LEYEN et Donald TRUMP en Écosse, on écoute les réactions des politiques, des patrons, des chefs d'entreprise ; chaque jour on a un peu plus l'impression que cet accord est un naufrage pour l'Europe.

ÉRIC LOMBARD
Non, ce n'est en aucun cas un naufrage, c'est une négociation qui a été très difficile. Je veux d'abord rappeler la dimension du sujet. Nous exportons beaucoup. Les États-Unis d'Amérique c'est 8% de nos exportations, donc il y a un impact, mais l'impact est mesuré. Deuxièmement, cet accord aboutit à un droit de douane de 15%, ce qui est en réalité ce que nous payons depuis le fameux Liberation Day de TRUMP, parce que les 10% qui ont été décidés à cette époque s'ajoutaient aux droits existants. Donc ça veut dire qu'on continue dans le même environnement, et on a des secteurs qui sont exemptés. Je parlais de 8% d'exportation, mais il y a 20% de ceux-là, c'est l'aéronautique, ça sera zéro droit de douane. Et on continue à négocier avec les Américains pour que si possible, les spiritueux, peut-être le vin, d'autres secteurs, soient exemptés. C'est un travail qui est en cours.

VINCENT DEROSIER
Parce que pour l'instant, c'est tous les produits dont les Américains ont besoin qui sont exemptés.

ÉRIC LOMBARD
Ce sont des produits dont nous avons besoin conjointement, parce que l'aéronautique, le moteur qui équipe nos AIRBUS, c'est un moteur conjoint fait avec les Américains, donc c'est d'intérêt mutuel. Et donc il faut prendre la mesure de cet accord, qui est une mauvaise nouvelle, mais on savait que de toute façon on était dans une guerre asymétrique, puisque de toute façon c'est un accord perdant-perdant. Les premières victimes, ce sont les Américains, qui vont payer plus cher les produits. Effectivement, il y a un effet de contrecoup, comme ça va ralentir la croissance américaine, surtout avec en plus des tarifs beaucoup plus élevés, la Chine c'est 30%, le Vietnam, l'Indonésie, ce sont des tarifs encore plus élevés, ça va ralentir la croissance américaine et ça aura un impact chez nous. Mais on a évité les contre-mesures, et les contre-mesures frappaient directement l'économie européenne. Donc, on a dû passer à un compromis. C'est un compromis, encore une fois, qui fait suite à une agression, parce que ces décisions américaines sont contraires à toutes les règles internationales. J'ai eu l'occasion de dire qu'on est dans un monde de prédateurs. On est dans une difficulté avec les États-Unis, on est dans une difficulté plus grande encore avec la Chine ; raison pour laquelle l'Europe doit être unie, et elle l'a été dans cette affaire-là. C'est-à-dire que la décision qui a été prise dimanche par Ursula Von Der LEYEN avec Donald TRUMP correspondait au mandat qui lui a été donné. Encore une fois, on a trouvé le meilleur compromis possible pour notre économie.

VINCENT DEROSIER
Là, vous vous rendez compte qu'à Bercy, tout à l'heure, réunion avec les patrons, les chefs d'entreprise, vous allez voir arriver des gens en colère et très inquiets ?

ÉRIC LOMBARD
On verra comment ils seront. Ils étaient très inquiets la semaine dernière, parce qu'ils ne savaient pas si ça allait durer encore des mois, cette incertitude. Maintenant, pour un patron, ils prennent la situation telle qu'elle est, c'est ça être patron ?

VINCENT DEROSIER
Ils jugent l'accord inadmissible.

ÉRIC LOMBARD
On va voir ce qu'ils vont nous dire. Je ne suis pas complètement certain de cela, c'est pour ça qu'on va les écouter. C'est un accord qui est inéquitable. Je pense que si on avait mis des mesures de rétorsion, avec par exemple, comme ça a été prévu, 15 ou 20% de droits de douane sur les produits américains qui arrivaient en France, ça leur aurait encore plus compliqué la vie. Donc on a trouvé un équilibre. Cet équilibre leur permet d'avoir de la visibilité. Ça va leur permettre d'investir. Et le 0,3% de croissance qu'on a au deuxième trimestre montre bien, alors que les droits de douane s'appliquaient déjà, qu'ils résistent à cette situation.

VINCENT DEROSIER
On n'a pas encore entendu Emmanuel MACRON sur ce sujet. Il pense quoi en privé de cet accord ? Vous en avez forcément parlé avec lui.

ÉRIC LOMBARD
Cet accord fait partie du cadre qui a été donné par les Français à l'Union européenne. Parce qu'il faut bien voir comment les choses se sont passées. L'offensive américaine au début, elle portait sur un grand nombre de sujets que nous avons écartés les uns après les autres. Ils voulaient qu'on réduise la TVA. Ils voulaient qu'on supprime la taxe sur les services digitaux. Ils voulaient qu'on supprime les barrières non tarifaires. Ils ont mis sur le chemin une Revenge Tax, une taxe de la revanche sur les entreprises américaines aux États-Unis. Nous avons écarté tout cela. Et nous avons à la fin un accord asymétrique, mais qui nous paraît tout à fait gérable et qui n'empêchera pas la croissance de notre économie, le développement de nos entreprises, que nous allons continuer à accompagner. Encore une fois, je l'ai dit en introduction, on va continuer à simplifier. On va travailler sur la compétitivité. On va travailler sur le financement des entreprises. On va travailler sur la protection du marché européen pour que l'on puisse, dans cet environnement plus compliqué, tirer notre épingle du jeu.

VINCENT DEROSIER
D'un mot, qu'est-ce qu'on a comme arme pour tenir ce bras de fer avec les États-Unis ? L'Europe doit instaurer sans attendre des tarifs douaniers sur les géants du numérique, dit Gabriel ATTAL ce matin dans Le Figaro.

ÉRIC LOMBARD
On va d'abord finir la négociation en cours sur les biens et services. Cet accord aura un impact négatif d'abord aux États-Unis. Et donc nous allons voir dans les mois qui viennent… Je suis convaincu que dans les mois qui viennent ou au plus tard dans les deux, trois ans qui viennent, nous pourrons revenir à des accords plus équilibrés parce que ce sera aussi l'intérêt des États-Unis d'Amérique. C'est ce que nous avons fait depuis la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, de baisser les tarifs. Il y a là une séquence particulière dont je suis convaincu que nous en sortirons mais ça prendra un peu de temps.

VINCENT DEROSIER
On va parler du budget. Si vous partez en vacances, vous allez devoir emmener quelques dossiers avec vous sous le bras. 44 milliards d'économies réclamées par François BAYROU, année blanche, suppression de deux jours fériés. Marine Le PEN s'est indignée auprès de François BAYROU de l'absence de consultation en amont. Pourquoi ne pas avoir inclus tout le monde dans le processus ?

ÉRIC LOMBARD
Je ne sais pas de quoi elle parle parce que nous avons reçu les députés Rassemblement national pendant la première quinzaine de juillet, comme nous avons reçu tous les partis et nous les avons écoutés. Nous avons pris note de ce qui nous paraissait possible d'intégrer. Mais je rappelle que ce qui a été présenté, et on ne l'a jamais fait dans la République aussitôt dans l'année, le 15 juillet, c'est l'architecture générale du budget. En septembre, nous allons poursuivre ces entretiens à Bercy avec l'ensemble des partis représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. Et donc le dialogue est notre marque de fabrique. Donc Madame Le PEN devrait demander aux élus de son groupe ce qu'ils ont fait. Ils sont les bienvenus à Bercy.

VINCENT DEROSIER
Vous avez peur d'une nouvelle censure ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
Nous travaillons dans ce qui nous semble être l'intérêt général et dans le dialogue. Il me semble que dans la période que nous traversons, ce dialogue doit nous permettre d'établir un accord avec les partis représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. Et c'est dans cet esprit que nous travaillons. Le projet qui a été présenté par le Premier ministre est un projet qu'on peut améliorer. Il l'a dit, je le confirme. Et donc au mois de septembre, nous allons travailler à améliorer ce projet, le rendre plus compatible avec les besoins des Français encore.

VINCENT DEROSIER
Marge de négociation. Toutes les mesures annoncées par François BAYROU ne sont pas encore inscrites dans le marbre.

ÉRIC LOMBARD
Il n'y a pas de marge sur la nécessité de réduire le déficit, parce que ça, c'est un sujet absolument essentiel. Je rappelle que chaque année, on ajoute 10 milliards d'Euros de versement d'intérêt à nos créanciers. En revanche, sur la façon de réduire le déficit, si d'autres idées sont proposées par les parties, naturellement, nous allons écouter.

VINCENT DEROSIER
Est-ce qu'il y a une peur chez vous d'un Gilet jaune bis ? Il y a un appel à la mobilisation à la grève des syndicats. Il y a sur les réseaux sociaux des appels à bloquer le pays au mois de septembre. Vous le redoutez, ça ?

ÉRIC LOMBARD
On a reçu les syndicats de salariés à Bercy la semaine dernière. On a eu un dialogue de grande qualité, d'abord sur la situation économique, ensuite sur le budget. Je leur ai proposé de revenir en septembre et naturellement, ils l'ont accepté. Je sais que ma collègue Catherine VAUTRIN, de son côté, sur toute la sphère sécurité sociale, qui est sous sa responsabilité, fait de même, l'a déjà fait et va continuer à le faire. Je pense que le dialogue est la bonne façon pour avancer. Encore une fois, nous sommes à l'écoute. Nous sommes prêts à faire des bougées sur les sujets qui sont sur la table. Et nous pensons que c'est dans cette période difficile pour le monde et pour notre pays, la bonne façon, encore une fois, de trouver la meilleure solution pour toutes les Françaises et tous les Français.

VINCENT DEROSIER
Une question pour les Français qui paient des impôts. 13 millions de contribuables vont devoir payer un reliquat de 1 900 Euros en moyenne, alors que le Trésor public est en train de rendre le trop-perçu de l'année écoulée, le 25 juillet et début août ; vous donnez, vous reprenez ? Qu'est-ce qui se passe avec le prélèvement à la source ? Ça ne marche pas ?

ÉRIC LOMBARD
Le prélèvement à la source, ça veut dire que chaque mois, les contribuables paient la quote-part d'impôt relatif à ce qu'ils ont touché dans le mois. Mais en fin d'année, quand on a le total, il y a des ajustements à faire. Ça se fait franchement automatiquement. Moi, j'ai été visiter les services de la direction générale des finances publiques à Metz il y a quelques jours. Ils font un travail absolument remarquable. Et si les Français ne comprennent pas ce qui se passe, le site impots.gouv.fr est un site sur lequel il y a toutes les informations. Je les encourage à se connecter.

VINCENT DEROSIER
Et c'est le mot de la fin. Merci beaucoup Éric LOMBARD, ministre de l'Économie et des Finances, d'avoir été l'invité de RTL ce matin. Bonne journée à vous.

ÉRIC LOMBARD
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 juillet 2025