Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je tiens en premier lieu à remercier mon collègue, Son Altesse Faisal Bin Farhan, avec qui nous travaillons depuis des mois maintenant pour l'organisation de cette conférence. Je le remercie donc pour la qualité du travail mené en commun, pour la paix et de la sécurité pour tous, au Proche et Moyen-Orient.
Lorsqu'une nouvelle escalade régionale a éclaté en juin, nous empêchant de nous réunir du fait de l'impossibilité pour plusieurs chefs d'État de se déplacer, beaucoup ont cru - ou peut-être espéré - que l'attention internationale serait détournée, que notre détermination vacillerait et que cet événement n'aurait pas lieu, ou tout au moins que ses ambitions seraient revues à la baisse.
C'est tout le contraire qui s'est produit. Notre détermination est restée intacte. Nous avons poursuivi notre travail avec nos partenaires saoudiens, mais aussi avec nos partenaires les plus mobilisés pour la tenue de cette conférence, à commencer par les 17 coprésidents des groupes de travail thématiques, auxquels je tiens à exprimer ma gratitude pour le travail remarquable et la mobilisation sans faille.
Au final, nous aurons réunis 125 pays, dont 50 sont représentés à New York au niveau ministériel.
Nous avons eu à coeur de tenir cette conférence le plus vite possible, car le temps joue contre la paix.
La situation à Gaza est aujourd'hui au-delà de l'imaginable. Les populations civiles en Israël et en Palestine ont payé un tribut insupportable lors des attaques terroristes du 7 octobre par le Hamas et au cours de la guerre que poursuit depuis Israël à Gaza. Le calvaire des otages toujours détenus par le Hamas, les images qui nous parviennent chaque jour de civils affamés, bombardés, de femmes et d'enfants pris au piège de la guerre bouleversent chacun d'entre nous comme une atteinte flagrante à notre humanité, au principe du droit international, auquel nous sommes viscéralement attachés.
Nous avons donc voulu, en réunissant la communauté internationale, tracer un horizon politique nécessaire à la conclusion d'un accord de cessez-le-feu, aujourd'hui en discussion sous l'égide des Nations unies, de l'Égypte et du Qatar.
Notre objectif premier était de délivrer un message clair : la paix est possible. Nous voulons construire une alternative à l'état de guerre permanent dans la région, et cette alternative doit passer par la solution à deux États, Israël et Palestine, vivant en paix et en sécurité. C'est la position historique de la France et c'est la seule voie possible.
La dynamique que nous avons créée a d'ores et déjà suscité des engagements historiques, à commencer par celle du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Par sa lettre du 9 juin, le président Abbas s'est mobilisé résolument en faveur de la paix en condamnant les attaques terroristes du 7 octobre pour la première fois, en appelant à la libération des otages, au désarmement du Hamas et à son exclusion de la gouvernance de Gaza. Il s'est engagé à la lutte contre les discours de haine et de radicalisation, à la rénovation de la gouvernance de l'Autorité palestinienne, à travers l'organisation d'élections présidentielles et législatives en 2026. Nous tiendrons bien sûr l'Autorité palestinienne comptable de ces engagements, qui viennent s'ajouter à ceux de la société civile israélienne et de la société civile palestinienne, qui se sont réunies à Paris le 13 juin dans le cadre de cette démarche que nous avons portée avec l'Arabie saoudite, et qui ont lancé d'une même voix l'Appel de Paris à la normalisation des relations des pays arabes et musulmans avec Israël, leur intégration commune dans une architecture régionale de sécurité et à la reconnaissance de l'Etat de Palestine.
C'est à la lumière de ces engagements déjà pris que le Président de la République, à travers une lettre remise le 24 juillet par le consul général de France à Jérusalem au président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, s'est engagé à reconnaître l'État de Palestine à l'occasion de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, en septembre prochain.
Par cette décision, la France réaffirme le droit du peuple palestinien à l'autodétermination, face au fait accompli sur le terrain, à la catastrophe humanitaire qui plonge tout un peuple dans la détresse et le menace d'effacement. Elle donne raison à ceux qui, en Palestine comme en Israël, sont des acteurs de paix, ont toujours rejeté le terrorisme et ont toujours rejeté la violence. Elle donne tort au Hamas, qui a toujours combattu la solution à deux Etats et ne reconnaît pas le droit d'Israël à exister.
En retour de cette décision capitale de la France, des engagements historiques seront pris, seront cristallisés aujourd'hui et demain à New York. Et je voudrais en citer trois en particulier. De la part d'abord pays représentés lors de cette conférence qui adopteront une vision commune de l'après-guerre à Gaza, fondée sur une mission internationale de stabilisation. De la part, deuxièmement, de l'Arabie saoudite et des pays arabes et musulmans qui, pour la première fois, vont condamner le terrorisme, les actes terroristes du 7 octobre, appeler au désarmement du Hamas, exprimer leur aspiration, le moment venu, à des relations normalisées avec Israël et à une intégration régionale sur le modèle de l'ASEAN ou de l'OSCE. Et puis de la part, troisièmement, des pays occidentaux, qui vont exprimer leur volonté de reconnaître l'État de Palestine et apporter ainsi leur pierre à l'édifice de la paix.
Cette conférence est donc une étape décisive. Une étape décisive sur le chemin qui mène jusqu'à l'émergence de cette solution à deux États, qui mène jusqu'à l'Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre, au cours de laquelle la France formalisera par la voix du Président de la République sa décision de reconnaissance, et où nous comptons sur la mobilisation collective qui devra se poursuivre avant qu'il ne soit trop tard.
(...)
Q - Si la communauté internationale mettait en place des sanctions ou utilisait des tactiques de pression contre Israël afin qu'Israël accepte le concept de solution des deux États. Est-ce que cela pourrait être fait ?
Votre Altesse, est-ce que la normalisation des relations avec Israël est toujours envisagée ?
Et j'ai une question pour les deux ministres. Est-ce que vous voyez des changements dans la position du président Donald Trump concernant les efforts visant à faire cesser la guerre à Gaza et à réaliser la solution des deux États ?
R - Si nous avons voulu, avec Son Excellence le prince Faisal, organiser une conférence co-présidée par la France et l'Arabie saoudite sur la solution à deux États, c'est parce que nous considérons qu'elle est aujourd'hui plus menacée que jamais, ou en tout cas plus menacée que depuis les accords d'Oslo, il y a un peu plus de 30 ans. Nous le voyons à la suite de l'attentat terroriste et barbare du 7 octobre, puis du prolongement indéfini de la guerre menée par le gouvernement israélien à Gaza, ou encore l'accélération de la colonisation, ce sont aujourd'hui les opposants à la solution des deux États qui semblent avoir le vent en poupe. L'objectif de cette conférence, des engagements qui sont pris à cette occasion-là, engagements de pays européens qui annoncent leur intention, leur décision de reconnaître l'État de Palestine, engagement de l'Autorité palestinienne ou des pays arabes de faire un pas supplémentaire dans la direction d'Israël en tendant la main, tout cela vise à réhabiliter le camp de la paix, celui qui par le passé a réussi à faire émerger cette idée selon laquelle le droit légitime des Palestiniens à disposer d'un État n'est pas seulement compatible avec la sécurité d'Israël, mais qu'il en est également la condition. Et c'est cette démonstration que nous voulons faire aujourd'hui avec l'Arabie saoudite, pour qu'on puisse inverser ce qui est en train de se produire dans la région, c'est-à-dire une forme d'effacement définitif de cette solution à deux États, qui est pourtant largement considérée depuis longtemps comme la seule susceptible de ramener la paix et la stabilité.
Vous avez évoqué la question des sanctions. Je ne vais pas répondre pour la communauté internationale. Je sais en revanche que la Commission européenne, au nom de l'Union européenne, doit désormais exprimer très clairement ce que sont nos attentes vis-à-vis du gouvernement israélien. La levée du blocus financier d'abord, le règlement des deux milliards d'euros qui sont dus par le gouvernement israélien à l'Autorité palestinienne. L'abandon des projets de colonisation, et en particulier le projet E1 qui, avec 3.400 logements implantés en Cisjordanie, menace la contiguïté territoriale du futur État de Palestine. L'arrêt des activités de la Fondation humanitaire pour Gaza, du système militarisé de distribution d'aide humanitaire à Gaza, qui a provoqué des bains de sang et qui a conduit près d'un millier de personnes, selon les chiffres des Nations unies, à perdre la vie alors qu'ils se pressaient dans des files de distribution alimentaire. C'est un scandale, c'est une honte, ça doit cesser. La Commission européenne, au nom de l'Union européenne, doit exprimer ses attentes. Et doit mettre sur la table les moyens dont nous disposons pour exercer une incitation forte et une pression sur le gouvernement israélien pour qu'il entende cet appel qui est en réalité celui de la communauté internationale, mais que l'Union européenne souhaite faire entendre.
Ensuite, si Son Excellence le prince Faisal m'y autorise, un mot sur le rôle des États-Unis d'Amérique et du président Trump, qui a obtenu au mois de janvier un cessez-le-feu qui était attendu depuis de longs mois, et dont nous saluons les efforts pour aboutir au plus vite, en lien avec le Qatar et l'Égypte, à un cessez-le-feu, à la libération de tous les otages du Hamas, qui doit être désarmé, à l'accès sans entrave de l'aide humanitaire à Gaza. L'exercice que nous avons conduit, en préparation de cette conférence, les engagements qui seront pris aujourd'hui et demain à New York, concourent à la réalisation de cet objectif des États-Unis d'Amérique. Parce qu'il est illusoire de pouvoir imaginer obtenir un cessez-le-feu pérenne sans que ne soient dessinés les contours d'un après-guerre à Gaza et d'un horizon politique permettant d'assurer et la sécurité d'Israël, et le droit du peuple palestinien à disposer de son propre État.
Nous avons entendu certaines réserves qui se sont exprimées aux États-Unis sur l'initiative que nous portons. Nous considérons au contraire qu'elle est parfaitement compatible avec les efforts qui ont été engagés par l'administration du président Trump lors de son premier mandat, s'agissant plus particulièrement des accords d'Abraham. La logique collective que nous avons initiée, qui est désormais inarrêtable avec cette conférence, permettra le moment venu de faciliter le travail de l'administration américaine lorsqu'elle voudra redonner corps à cette logique des accords d'Abraham, parce que ces accords pourront se bâtir sur les fondations des engagements pris aujourd'hui et demain à New York dans le cadre de cette conférence.
(...)
Q - Une première question pour Monsieur le ministre Jean-Noël Barrot. La France a donc fait un pas en clarifiant sa position à l'égard de la reconnaissance de la Palestine. Avez-vous déjà des marques de la part d'autres États permettant de penser que la France ne sera pas isolée dans sa démarche en septembre ?
Une autre question à l'égard de Monsieur le ministre saoudien, qui fait écho à celle de ma consoeur. Est-ce qu'on peut imaginer une relance des accords d'Abraham, où la reconnaissance de la Palestine serait exigée en contrepartie d'une normalisation des relations avec Israël ?
Et enfin, on a beaucoup entendu ce matin des exigences de la part des tenants de la reconnaissance de l'État de la Palestine à une démilitarisation du Hamas. Est-ce que vous soutenez cette exigence également ?
R - Je peux peut-être commencer pour répondre à votre question. Pour dire que si le Président de la République a choisi d'annoncer la reconnaissance par la France de l'État de Palestine, ce qu'il fera formellement au mois de septembre, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, c'est parce que nous ne pouvons plus attendre. Et que cette solution qui, comme je le disais tout à l'heure, est la seule susceptible d'assurer la paix, la sécurité des Israéliens, des Palestiniens, de la région, et donc au-delà de la Méditerranée et du monde, en quelque sorte, elle nécessite d'être relancée. Et c'est pourquoi il est si significatif que la France, premier pays du G7 à le faire, prenne cette initiative, en coordination avec l'Arabie saoudite, puissance majeure du Moyen-Orient, pour que, par cette initiative, des engagements nouveaux soient pris et qu'une dynamique soit réamorcée. Un certain nombre de pays européens, de pays occidentaux, ont d'ores et déjà, y compris par le passé, exprimé leur intention de reconnaître l'État de Palestine à un moment donné, dans le processus conduisant à la solution à deux États. Certains ont d'ores et déjà laissé entendre qu'ils pourraient emboîter le pas de la France et le faire dès le mois de septembre prochain. L'enjeu des discussions que nous allons avoir, au cours de ces deux journées, c'est bien sûr de convaincre ceux de nos collègues qui hésitent encore que le meilleur moment pour contribuer à un processus enlisé, c'est le premier. Et qu'il s'agit maintenant pour la France et les pays qui pourraient l'accompagner d'inverser le cours des choses, de refuser la fatalité, et par leur décision, qui s'accompagne d'engagement pris par l'Autorité palestinienne et pris par les pays arabes vis-à-vis de la sécurité d'Israël, d'éviter le pire.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2025