Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et du numérique, à RTL le 1er septembre 2025, sur la rentrée scolaire, le manque d'enseignants, la sécurité dans les écoles, la réforme du contrôle continu pour les premières et les terminales et l'égalité entres les femmes et les hommes.

Prononcé le 1er septembre 2025

Intervenant(s) : 
  • Élisabeth Borne - Ministre d’État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et du numérique ;
  • Thomas Sotto - Journaliste

Média : RTL

Texte intégral

THOMAS SOTTO
L'invité de RTL matin, avec la chef de l'école, la prof principale en quelque sorte, puisque c'est la ministre de l'éducation nationale. Bonjour et bienvenue à vous Élisabeth BORNE,

ÉLISABETH BORNE
Bonjour,

THOMAS SOTTO
Dans deux départements, donc les Bouches-du-Rhône et le Var, il n'y aura pas d'école, aujourd'hui, pour cause d'orage. Ça veut dire que la consigne que vous donnez ce matin, même si c'est compliqué pour les parents qui travaillent, c'est : "Restez à la maison, il n'y a pas d'accueil dans les collèges, les lycées, les écoles".

ÉLISABETH BORNE
Donc c'est une consigne qui a été donnée par les préfets de ces deux départements, compte tenu effectivement des risques de pluie, d'orage, avec les difficultés que ça peut créer sur les routes. Donc, naturellement, les services de l'État, des collectivités, sont mobilisés pour rétablir la circulation au plus vite et que la rentrée puisse se tenir demain.

THOMAS SOTTO
Bon, ça sera demain. Vous êtes quand même adepte du principe de précaution à l'extrême, Élisabeth BORNE, comme si on ne va plus à l'école quand il pleut.

ÉLISABETH BORNE
C'est une décision qui a été prise par les préfets. Naturellement, ils ont consulté les services académiques. Voilà, moi je pense qu'effectivement, s'il y a un risque pour les transports scolaires, s'il y a un risque sur les déplacements, avec des risques de grêle, si j'ai bien compris, c'est important qu'on ne mette pas en risque les familles qui peuvent conduire les élèves à l'école.

THOMAS SOTTO
On entend quand même que ce n'est pas votre décision, ce n'est pas forcément celle que vous auriez prise ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, c'est une décision qui relève du préfet et voilà, donc, contact, la rentrée se fera demain.

THOMAS SOTTO
Demain. Partout ailleurs, la cloche va sonner aujourd'hui, d'ici 20 minutes pour les premiers. Regardez la une de la Dépêche. Y aura-t-il assez de profs ? Élisabeth BORNE, combien de classes n'auront pas de professeurs face à elle cette semaine ?

ÉLISABETH BORNE
D'abord, cette rentrée, c'est près de 12 millions d'élèves, c'est un moment important pour eux, pour leurs parents, pour la communauté éducative. Et je voudrais, avant toute chose, souhaiter une très belle rentrée à chacune et à chacun.

THOMAS SOTTO
Mais elle sera moins belle pour ceux qui n'auront pas de profs ?

ÉLISABETH BORNE
Et donc, naturellement, les rectorats sont mobilisés depuis des semaines pour veiller à ce qu'il y ait un prof devant chaque élève. Ça sera le cas, on a 99,9 % des postes qui sont bien pourvus dans le premier degré. Quasiment pas de postes non pourvus dans le second degré. Il y a, comme chaque année, des heures d'enseignement qui ne sont pas totalement couvertes. Ça représente 0,7 % des heures d'enseignement.

THOMAS SOTTO
Le SNES-FSU estime entre 5 et 6 000 le nombre d'enseignants manquants. Il est fantaisiste ce chiffre ou pas ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, je pense qu'ils ne tiennent pas compte des progrès qui ont été faits ces derniers jours. Et c'est plutôt de l'ordre de l'équivalent de 2 500 professeurs. Mais sur des heures d'enseignement, dans un établissement, dans un collège, naturellement, les rectorats vont continuer à travailler pour assurer qu'il y ait bien un professeur.

THOMAS SOTTO
2 500 professeurs manquants quand même ce matin.

ÉLISABETH BORNE
L'équivalent de 2 500 professeurs manquants. Je voudrais insister sur le fait que c'est moins que l'an dernier. Je vous dis, on continue à travailler sur le sujet et peut-être dire que cette rentrée, il y a près de 100 000 élèves de moins et il y a autant de professeurs qu'à la rentrée 2024. Donc du coup, moi, j'ai demandé au rectorat de renforcer les équipes de remplaçants pour qu'on ait non seulement un professeur pour la rentrée, mais que tout au long de l'année, il puisse y avoir un professeur devant chaque classe.

THOMAS SOTTO
Une des grandes nouveautés de cette rentrée, c'est non pas l'interdiction de l'utilisation du portable au collège, parce qu'en fait c'est déjà le cas depuis 2018, mais le fait que les élèves ne devront plus l'avoir sur eux, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on comprenne bien, à partir de ce matin, c'est une vraie interdiction dans tous les collèges de France ?

ÉLISABETH BORNE
Donc, c'est une interdiction dans tous les collèges de France. Il appartient au chef d'établissement de trouver la bonne solution en lien avec le Conseil départemental, puisque c'est le département qui est en charge de choisir les équipements. Donc, ça peut être un casier, ça peut être une mallette, ça peut être une pochette. L'objectif, c'est que les élèves ne sortent pas leur portable au collège.

THOMAS SOTTO
Et ça c'est dès aujourd'hui ?

ÉLISABETH BORNE
C'est d'ici la fin de l'année, chaque collège doit avoir trouvé la bonne réponse. Peut-être que chacun ait en tête que les jeunes passent, en moyenne, cinq heures par jour sur les portables. Et évidemment, ça affecte leur attention, ça affecte le soir leur sommeil aussi. Donc, je pense que c'est très important, y compris, et on voit les résultats sur le climat scolaire, que pendant les récrés, on soit en train de discuter avec ses camarades et non pas en train de regarder son smartphone.

THOMAS SOTTO
Bon, et ça c'est l'objectif d'ici la fin de l'année, vous nous le disiez. On l'entendait dans le journal de 7h30, Elisabeth BORNE. 41 % des parents s'inquiètent de la sécurité à l'école, résultat d'un sondage IPSOS-RTL. Après le drame de Nogent en Haute-Marne et la mort d'une surveillante de 31 ans, Mélanie, qui avait été poignardée par un élève au mois de juin, François BAYROU avait annoncé l'installation de portiques de sécurité à l'entrée des établissements scolaires. On en est où ? Est-ce que vous y êtes favorable ? Est-ce que c'est toujours d'actualité ?

ÉLISABETH BORNE
Alors, naturellement, on travaille avec les collectivités, là encore, dont c'est la responsabilité sur la protection de l'école, des collèges, des lycées. Il y a d'autres mesures. Vous savez qu'avec Bruno RETAILLEAU, depuis le mois de mars, on demande au préfet d'organiser des contrôles, des fouilles, des sacs, pour s'assurer qu'il n'y a pas d'armes blanches qui rentrent dans les établissements. Vendredi dernier, on a adressé de nouvelles instructions pour que ces contrôles se poursuivent. Il y a eu 6 200 contrôles qui ont été faits entre le mois de mars et la fin de l'année, et plus de 360 armes ont été saisies.

THOMAS SOTTO
D'accord, mais sur les portiques, c'est d'actualité ou c'est plus tout à fait d'actualité ?

ÉLISABETH BORNE
Les portiques, ça se discute avec les collectivités, dans les collèges, les départements, dans les lycées, les régions, et moi, je suis à l'écoute de toute réponse qui apparaît. Je vous dis, ça dépend naturellement de la situation de l'établissement, c'est à regarder entre le chef d'établissement, la région ou le département.

THOMAS SOTTO
Pour ce qui concerne les cours, vous avez annoncé, jeudi, une réforme du contrôle continu pour les premières et les terminales. Les syndicats disent que vous avez fait ça, la va-vite dans votre coin sans concertation, et qu'au final, vous les laissez se débrouiller avec un truc pas du tout organisé. En quelques mots, très simplement déjà, qu'est-ce qui va changer ? Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer en deux phrases ?

ÉLISABETH BORNE
L'objectif, c'est de baisser la pression sur les élèves et sur les professeurs, et puis, le niveau d'anxiété qu'on sait très important chez les jeunes. Donc, ça n'est pas nouveau. Depuis 2021, on demande aux établissements d'avoir un projet d'évaluation pour dire au début de l'année, donc, au moment avant les vacances de la Toussaint, quelles sont les notes qui vont compter ou ne pas compter pour la moyenne, donc, pour le contrôle continu du bac et pour….

THOMAS SOTTO
Dans Parcoursup, il y aura les notes qui comptent et les notes qui ne comptent pas pour le contrôle continu ?

ÉLISABETH BORNE
Oui, parce qu'une note, ça permet, à la fois, de voir les progrès de l'élève, et donc dans ce cas-là, ça n'a pas nécessairement vocation à rentrer dans le contrôle continu, et puis, ça permet aussi d'évaluer son niveau de connaissance, et là, ça rentre dans le contrôle continu. Il y a un équilibre à trouver, vous savez, au départ, il n'y avait que l'épreuve terminale du bac, ensuite, il y a un contrôle continu. Les élèves qui nous disaient "C'est très stressant, cette épreuve finale", nous disent aussi le contrôle continu, où on a l'impression que chaque note compte et qu'on joue notre avenir.

THOMAS SOTTO
Mais là, chaque prof va faire ça à sa sauce, en fait ?

ÉLISABETH BORNE
C'est au sein de chaque établissement, donc, de chaque lycée, que les équipes, les professeurs vont définir une modalité de contrôle. Naturellement, sous la coordination du chef d'établissement, ça passera au conseil d'administration, donc, ça sera validé par les représentants des lycéens et des parents.

THOMAS SOTTO
Il n'aurait pas fallu l'anticiper un tout petit peu, quand même ?

ÉLISABETH BORNE
Enfin, je vous dis, d'avoir un projet d'évaluation, ça existe. Moi, je demande aux proviseurs de partager un projet d'évaluation avec les parents, avec les représentants des lycéens.

THOMAS SOTTO
Madame la ministre, il y a quelques jours, vous avez dit que l'éducation nationale avait besoin de stabilité. Mais comment rassurer les profs, comment rassurer les parents, alors que vous ne serez sans doute plus là dans une semaine, et sachant que vous êtes la sixième ministre de l'éducation nationale depuis 2022, la septième depuis l'arrivée d'Emmanuel MACRON ? En fait, la question qu'on se pose, c'est, si le Gouvernement tombe lundi prochain, est-ce que toutes les mesures que vous avez annoncées, tout ce dont on parle ce matin, ça tombera aussi ou ça s'appliquera cette année ?

ÉLISABETH BORNE
Vous savez, les nouveaux programmes, par exemple, de maths et de français, qui s'appliquent de la maternelle à la sixième, naturellement, ils vont continuer à s'appliquer.

THOMAS SOTTO
Mais là, sur le contrôle continu, par exemple ?

ÉLISABETH BORNE
Sur le contrôle continu, évidemment, chacun peut décider. Je pense qu'il y a une très forte attente de baisser la pression sur les lycéens et sur…

THOMAS SOTTO
Non, c'est d'accord. Mais si on change de ministre de l'éducation, est-ce que ça remet tout à plat ou est-ce que c'est signé pour l'année ?

ÉLISABETH BORNE
Vous savez, on a des mesures structurantes pour l'éducation quand il s'agit d'élever le niveau des élèves, de renforcer les fondamentaux. Je crois qu'il y a un consensus, à la fois chez les professeurs, chez les parents, sur la nécessité d'aller dans ce sens. Remonter le niveau de nos élèves, permettre à chacun de trouver sa voie, ce sont des sujets de bon sens et on peut supposer que ça s'inscrit dans la continuité, dans la durée.

THOMAS SOTTO
On peut supposer. Donc, c'est plus un vœu qu'une certitude. Cette situation politique, c'est quand même le grand flou. Il a eu raison, François BAYROU. Vous le soutenez ou vous dites : "Mais qu'est-ce qui t'a pris ?"

ÉLISABETH BORNE
François BAYROU, il a souhaité, avant que démarre le débat budgétaire, que chaque groupe parlementaire puisse s'exprimer, non pas pour voter la confiance au Gouvernement, mais pour partager un constat. Et je pense que c'est important. De toute façon, on doit, quel que soit le Gouvernement, la situation, elle est la même. Renverser le Gouvernement, ça ne réglera pas le problème, ça n'effacera pas le problème. Au contraire, on peut supposer que ça l'aggrave. Et de toute façon, il n'y a pas d'autre chemin que de trouver un compromis sur le budget. Donc, je pense qu'avec tous les groupes parlementaires de l'Assemblée…

THOMAS SOTTO
Vous pensez qu'il y a encore un chemin ? Le fameux trou de souris qui est devenu un trou de fourmi, là, vous y croyez, vous ?

ÉLISABETH BORNE
Moi, je pense que chacun doit avoir en tête qu'une censure, ça n'est jamais anodin, que ça n'efface pas les difficultés et que notre pays a besoin d'avoir un budget.

THOMAS SOTTO
Ma dernière question concerne le Panthéon, sur le fronton duquel est inscrite cette devise : "Aux grands hommes, la patrie reconnaissante". Il paraît que vous voulez la dégenrer. Alors, que faut-il écrire, selon vous, sur le fronton du Panthéon ?

ÉLISABETH BORNE
Je ne veux pas rentrer dans ce débat, ce matin. Ce que j'ai souhaité dire, c'est que l'égalité entre les filles et les garçons, c'est quelque chose de fondamental. C'est pour ça que j'ai lancé un plan filles et maths, pour qu'il y ait plus de filles qui aillent vers les matières scientifiques. Et je pense que les symboles ont leur importance. Et donc, j'ai dit qu'il faudrait…

THOMAS SOTTO
Qu'est-ce qu'il faudrait écrire ?

ÉLISABETH BORNE
Je pense qu'il y a des gens mieux placés que moi pour le savoir. Mais vous voyez, je pense que le symbole, le fait qu'on reconnaisse l'importance et la place des femmes dans notre histoire, dans notre société, ça me paraît très important. Ça ne m'a pas échappé que l'homme, ça peut vouloir dire humanité. Mais je pense que c'est important. Ça peut aussi, dans l'esprit des révolutionnaires qui l'ont inscrit, vouloir dire homme. Et je crois que c'est important de reconnaître aussi la place des femmes, et de dire à toutes les jeunes filles qu'elles ont toute leur place dans notre société.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 septembre 2025