Texte intégral
Mesdames les Ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus,
Monsieur le préfet de police de Paris,
Mon général, Monsieur le chef d'état-major des armées,
Monsieur le délégué général pour l'armement,
Monsieur le secrétaire général pour l'administration,
Messieurs les chefs d'état-major,
Mesdames et Messieurs les inspecteurs généraux,
Monsieur le gouverneur militaire de Paris,
Monsieur le contrôleur général des armées,
Officiers généraux, officiers, sous-officiers, militaires du rang, personnels civils du ministère
des armées,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur l'inspecteur général des armées, Général Abad, Dans cette cour d'honneur des Invalides que vous connaissez intimement, la Nation honore les plus valeureux de ses soldats.
Depuis plus de trois siècles, cette cour incarne l'histoire de France, une histoire " faite à coups d'épée ", l'histoire des hommes et des femmes qui ont choisi le métier des armes, parfois jusqu'au sacrifice suprême.
Cette cour, mon général, vous l'avez arpentée de jour comme de nuit, dans des moments de liesse comme à certaines heures tragiques, et votre propre histoire semble s'y résumer, de vos premiers élans à Saint-Cyr sous le regard de l'Empereur à votre plein accomplissement dans la fonction de gouverneur militaire de Paris.
C'est dans cette cour, mon général, que la Nation vous exprime aujourd'hui sa profonde reconnaissance. Vous commencez votre carrière militaire par un choix affirmé, celui d'une arme : le génie. A la sortie de Saint-Cyr, promotion " Cadets de la France Libre ", vous intégrez votre école d'application à Angers. Et déjà vous avez l'âme d'un sapeur résolu, déterminé et engagé au service des autres.
Vous choisissez le 31e régiment du génie à Castelsarrasin. Vous apprenez à vos subordonnés la rigueur et la persévérance pour " ouvrir la route " (Devise du 31e RG), déminer, bâtir. Travailler parfois la nuit pour que les autres puissent avancer le jour. Et un état d'esprit : " toujours servir " (Référence à la devise du génie : " Parfois détruire, souvent construire, toujours servir ". Vous faites preuve dans cette mission de rares qualités de discernement et d'une exigence qui ne laisse rien au hasard). Au fond de l'âme du sapeur grandit celle d'un chef.
Vient le temps de l'action. Alors que vous êtes commandant d'unité au 19e RG, vous êtes projeté en ex-Yougoslavie, en 1993, au sein de la force de protection des Nations Unies. Vous vous distinguez au plus fort des combats lors de missions de déminage particulièrement dangereuses, préservant ainsi la vie de nombreuses personnes. A ce titre, vous êtes cité.
Breveté du Collège interarmées de défense et diplômé de l'Ecole nationale supérieure des mines de Nancy, vous êtes appelé à d'importantes fonctions dans les domaines des ressources humaines et de la transformation des armées. Vous êtes notamment chargé de la politique de gestion des officiers de l'armée de Terre.
Le 1er août 2005, vous retrouvez le 31e régiment du génie, d'abord comme commandant en second, puis comme chef de corps un an plus tard. Maîtrisant l'ensemble des compétences liées à votre fonction, vous suscitez spontanément l'adhésion de vos hommes. Vous élevez votre unité à un remarquable niveau opérationnel. Fort de votre héritage, le 31e RG a rempli depuis lors des missions essentielles, des rues de Mayotte aux flancs Est de l'Europe. Arme d'appui indispensable pour acquérir la supériorité opérationnelle - comme on le voit aujourd'hui en Ukraine - le génie est par excellence l'arme de la haute intensité et donc des guerres de demain.
A l'issue de votre temps de commandement, vous êtes choisi pour suivre le cursus du Centre des hautes études militaires (CHEM) et de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Une nouvelle étape de votre carrière commence.
Vous êtes d'abord appelé, en 2009, à l'État-major des armées, au sein de la division Etudes, synthèse et management général, puis en 2011 à l'Hôtel de Matignon où vous exercez durant quatre années les fonctions d'adjoint Terre puis d'adjoint au chef de cabinet militaire du Premier ministre. Vous vous révélez dans cette mission être un conseiller d'une très grande hauteur de vue, capable de s'adapter à un environnement complexe, marqué par deux changements de gouvernement.
Nommé général de brigade en 2015, vous accédez aux fonctions de sous-directeur des études et de la politique de la Direction des ressources humaines de l'armée de Terre et conduisez alors la remontée des effectifs dans le cadre de l'opération Sentinelle. Vous êtes l'un des grands acteurs de la réponse des armées à la menace terroriste qui vient alors de frapper la France.
Tourné vers l'efficacité opérationnelle, votre engagement prend une nouvelle dimension à la 3e division à Marseille. Nommé commandant en second en juin 2017, vous assurez pendant un an la suppléance du commandement durant la projection au Sahel du général commandant la division, et cette expérience fut fondatrice pour le grand chef militaire que vous êtes. Votre engagement est déterminant dans le succès des missions pour la protection du territoire national et lors de l'exercice Monsabert 2017 qui rassemble trois brigades à Draguignan sous votre commandement. Vos résultats sont salués et le souvenir de cette période reste gravé en vous, comme l'insigne de la " 3e Div " sur votre boucle de ceinture. Le 1er août 2018, vous êtes nommé officier adjoint au major général des armées et chef de la division Études, synthèse et management général à l'EMA. Vous êtes promu général de division à la même date. Vous vous distinguez par votre grande force de travail et par vos capacités d'analyse sur des enjeux aussi complexes que la transformation du commandement des armées à Balard, les nouvelles formes de conflictualité ou la gestion des carrières des très hauts potentiels - sujet qui ne vous est pas étranger.
Le 31 juillet 2020 s'ouvre pour vous le temps de l'accomplissement. Vous êtes nommé gouverneur militaire de Paris et êtes élevé, à la même date, aux rangs et appellation de général de corps d'armée. Vous prenez vos fonctions dans un contexte de " haute sensibilité ", pour reprendre le titre de votre dernier livre.
Car ce 31 juillet 2020, Santé publique France annonce un retour en force de la pandémie de COVID-19 en lie-de-France. Dans ce contexte inédit, vous parvenez à fédérer l'ensemble des acteurs du ministère des Armées, en lien étroit avec le gouvernement et la société civile. Et grâce à vos qualités de chef et à votre sens de la communication, vous assurez la continuité des activités opérationnelles dans ces moments difficiles et essentiels pour la vie de la Nation.
En bon sapeur, vous ne reculez pas devant la difficulté ; au contraire, elle vous attire. " La difficulté attire l'homme de caractère, écrit le général de Gaulle, car c'est en l'étreignant qu'il se réalise lui-même ". Bientôt, un nouvel événement historique se profile à l'horizon : ce sont bien sûr les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. La France n'avait pas accueilli les Jeux d'été depuis cent ans et vous êtes conscients que ces « Jeux d'une nouvelle ère » seront l'un des plus grands défis de votre vie de soldat. Votre mission sera de mettre les armées au service de la sécurisation des Jeux, dans un contexte de menace élevé. Vous êtes l'interlocuteur unique des armées pour le comité d'organisation des JO et vous excellez dans l'anticipation et la planification, où vous mettez en œuvre bon sens et efficacité inspirés du terrain. Vous élaborez une structure de commandement adaptée aux enjeux, marquée par ce sens du collectif qui est cher au passionné de rugby que vous êtes.
Au terme de cette intense préparation, vous vous retrouvez au printemps 2024 à la tête d'une force interarmées de plus de 10 000 militaires d'active et de réserve parfaitement opérationnels, déployés sur tous les sites accueillant des épreuves et dans l'ensemble des lieux publics de la capitale. Malgré des contraintes logistiques fortes, vous assurez, en parfaite coordination avec le préfet de police et les forces de sécurité intérieure, la protection de la population et de centaines de milliers de touristes étrangers. Aucun incident ne ternira la flamme des Jeux de Paris 2024 qui resteront dans l'histoire comme un formidable succès sportif, logistique et sécuritaire.
La réussite de cette opération militaire hors norme est aussi celle d'un chef d'exception: c'est la vôtre, mon général; et celle de l'ensemble de nos armées engagées au service de la Nation. Le 1er octobre 2024, vous êtes nommé, sur ma proposition, inspecteur général des armées. Commandeur de la Légion d'honneur, vous êtes élevé à la dignité de grand officier dans l'ordre national du Mérite par décret du président de la République, le 29 janvier 2025.
Au-delà des honneurs officiels, vous avez la reconnaissance de vos pairs qui, comme votre ancien camarade de chambre au lycée militaire d'Aix-en-Provence devenu chef d'état-major des armées, voient en vous- je le cite- " un exemple de tout ce que la volonté et la rigueur peuvent accomplir " (Extrait de la préface du CEMA au livre Haute sensibilité du général ABAD).
Garant tout au long de votre parcours de la singularité militaire, vous êtes reconnu comme un chef profondément humain, à l'écoute et attentif aux autres. Vous n'avez cessé de faire progresser les actions en faveur des militaires, des blessés et du Bleuet de France. Et en bon sapeur qui s'efforce de bâtir durablement au-delà de sa personne, vous avez symboliquement planté dans les jardins du gouverneur militaire un arbre en l'honneur des blessés. Cet arbre est devenu un lieu mémoriel pour nos soldats et leurs familles qui sont nombreuses aujourd'hui parmi nous.
Vous montrez, enfin, qu'un grand chef peut rester l'homme humble et discret qu'il est profondément, que l'essentiel n'est pas de parler fort mais de parler juste, et qu'au fond, il n'est de plus grand génie que la simplicité.
Mon général,
Au terme de plus de quarante années sous les drapeaux, c'est ici, dans cette cour, que vous faîtes aujourd'hui votre adieu aux armes.
Cette cour que vous avez préservée, valorisée, aimée.
Cette cour où la Nation honore ses morts les cercueils à même le sol, et où vous avez accompagné plusieurs de nos héros comme par exemple le sergent Maxime BLASCO, Mort pour la France, ou encore Hubert GERMAIN, le dernier Compagnon de la Libération parti avec un peu de cette terre de Camerone que vous lui aviez donnée. Cette cour d'honneur, enfin, qui porte fièrement son nom.
Par votre engagement et par vos mérites, vous avez gravi les échelons du haut commandement militaire sans vous laisser distraire par les honneurs. Car, vous savez que ce n'est pas la fonction qui honore l'homme, mais l'homme qui honore la fonction.
Vous êtes resté fidèle à votre âme de soldat et de grand bâtisseur ; et il est là, pour vous, le vrai sens de l'honneur : dans l'œuvre accomplie pour le bien du service et le succès des armes de la France.
Adieu mon général !
Vive la République et vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 11 septembre 2025