Conférence de presse de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations franco-mexicaines, la lutte contre le trafic de drogue et l'accord entre les pays du Mercosur et les pays de l'Union européenne, Mexico le 7 novembre 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Visite officielle au Mexique les 6 et 7 novembre 2025 ; Conférence de presse conjointe avec Claudia Sheinbaum, Présidente des États-Unis du Mexique

Texte intégral

Merci beaucoup. 
Mesdames, Messieurs, 
Madame la Présidente, chère Claudia, Mesdames, 
Messieurs les ministres, 
Mesdames les ambassadrices, 
Mesdames, Messieurs, en vos grades et qualités.

Je veux, avant toute chose, remercier très sincèrement Madame la Présidente Sheinbaum pour l'accueil qu'elle nous a réservé aujourd'hui. Je suis heureux, avec la délégation qui m'accompagne, de pouvoir être à vos côtés à Mexico pour renforcer les liens entre nos deux pays et nos deux peuples.

Permettez-moi d'exprimer tout d'abord, Madame la Présidente, à nouveau, la pleine solidarité de la France après les violentes inondations qui ont ravagé plusieurs États du pays. La France présente ses condoléances aux familles des nombreuses victimes et assure le peuple mexicain de son plein soutien dans cette épreuve. Nos pensées vont aussi aux familles des victimes de l'explosion dans l'État du Sonora.

Le Mexique est un pays ami et un partenaire stratégique de la France. Je suis particulièrement heureux d'effectuer aujourd'hui cette première visite officielle d'un Président français depuis 2014, plus de 60 années après la visite du Général de Gaulle ici, au Mexique. Nous continuons, en effet, à écrire de nouvelles pages de notre longue et riche histoire.

Le Mexique et la France sont unis par un même esprit des Lumières et nous avons en commun ces valeurs de liberté, d'émancipation, de dignité. Certes, notre histoire a connu des périodes troublées, mais oserais-je rappeler que lorsque Napoléon III envoyait des troupes au Mexique, la France du poète Victor Hugo, en exil volontaire, apportait son soutien indéfectible à la cause libérale mexicaine dans une lettre restée célèbre, et je cite le poète : " Vous avez raison de me croire avec vous. Ce n'est pas la France qui vous fait la guerre, c'est l'Empire. Je suis avec vous. Vous et moi, nous combattons contre l'Empire, vous, dans la patrie, moi, dans l'exil. "  

Madame la Présidente, la France aime le Mexique et nous fêterons l'année prochaine deux siècles de relations diplomatiques, tissées de cette amitié et de cette admiration réciproque qui a toujours existé entre nos intellectuels, nos artistes, nos scientifiques, nos entrepreneurs, portés aussi par la confiance économique qui nous lie. Dans la perspective de ce bicentenaire, nous entamons aujourd'hui un nouveau chapitre de notre partenariat stratégique, déjà intense, et que nous voulons global et encore plus concret. En adoptant une déclaration et un plan d'action conjoint, nous nous fixons une nouvelle ambition et des objectifs communs.

D'abord, en réaffirmant notre attachement à un ordre mondial fondé sur le respect du droit international, du multilatéralisme, de la souveraineté des États et des Droits de l'Homme. Nous avions eu l'opportunité d'en parler lors de notre première rencontre, il y a un an, à Rio de Janeiro, en marge du sommet du G20, réunion au cours de laquelle nous avions constaté notre vision convergente sur de nombreux sujets internationaux. Dans un monde de plus en plus fragmenté, nous nous engageons à porter ensemble des initiatives communes au plan multilatéral, comme celle sur l'encadrement du droit de veto en cas de crime de masse.

Nous avons évoqué ensemble notre volonté commune de lutter contre les dérèglements climatiques, Madame la Présidente, Doctora, vous le savez mieux que personne, en tant que scientifique et ancienne experte du GIEC, la crise climatique est là, criante, et ses effets sont toujours plus tangibles, hélas. Et 10 ans après la signature historique de l'Accord de Paris, nous sommes convaincus qu'il faut poursuivre les efforts et même les redoubler. Nous devons accélérer notre adaptation pour faire face aux effets dévastateurs d'événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents et intenses, que nos deux pays connaissent déjà trop souvent. Nos pays renforceront aussi leur action pour la protection de la haute mer et pour la biodiversité, dont la disparition est non moins alarmante, comme la COP30 à Belém, d'où je reviens, vient de le rappeler.

Alors que la tentation du repli sur soi n'a jamais été aussi forte sur tous les continents, c'est au contraire de solidarité internationale et d'amitié entre les peuples dont nous avons besoin, valeurs chères à nos deux pays.

Le Mexique et la France partagent également un engagement commun pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes à travers une diplomatie féministe. Merci d'avoir participé si activement à la quatrième conférence ministérielle des diplomaties féministes qui s'est tenue récemment à Paris, suite à celle de Mexico en juillet 2024. Je salue, à cet égard, le rôle moteur que vous jouez, Madame la Présidente.

Au-delà de ces enjeux internationaux, de notre engagement également commun pour la paix, l'approfondissement de notre partenariat stratégique bilatéral est au cœur de cette visite. Il passe par l'impulsion que nous souhaitons donner à notre coopération économique. Les 700 entreprises françaises déjà présentes au Mexique génèrent 180 000 emplois directs et 700 000 emplois indirects sur le sol mexicain, et je l'espère, encore plus demain. Elles sont ainsi le premier employeur du pays dans le secteur stratégique de l'aéronautique. Nos entreprises continueront d'investir et de créer des emplois au Mexique, en particulier dans les secteurs érigés en priorité, dans le plan Mexico : l'énergie, les transports, en particulier le ferroviaire et l'aéronautique, l'économie circulaire, la transition juste, la santé, l'innovation. Nous venons à l'instant de réunir les entrepreneurs de nos deux pays. Et nous venons de relancer le Conseil stratégique franco-mexicain, instance de dialogue qui a déjà porté ses fruits pour rapprocher nos deux pays et qui sera désormais concentré principalement sur le renforcement de nos échanges économiques, qui s'élevaient en 2024 à 6,8 milliards d'euros. Nous allons également poursuivre ce travail.

Sur la base de l'échange que nous venons d'avoir, nous avons donné à nos gouvernements mandat pour consolider la relation bilatérale, renforcer la relation économique et donner encore plus de visibilité aux investisseurs des deux côtés. J'aurai moi-même l'occasion de retrouver dans quelques instants des investisseurs mexicains déjà présents en France souhaitant renforcer leur projet. Et entre le plan Mexico et France 2030, les synergies sont nombreuses et notre volonté d'aller plus loin, de la même manière, le renforcement des liens entre l'Union européenne et le Mexique et la modernisation de notre accord est une étape importante de renforcement de nos liens économiques.

La culture est également au cœur de ce partenariat stratégique. En matière de patrimoine, nos pays sont déjà liés par une longue histoire de coopération, notamment archéologique. Sur le sujet des codex, la présidente et moi-même avons demandé à nos ministères de la Culture de mettre en place un groupe de travail qui a d'ores et déjà abouti à plusieurs propositions. Je reviendrai en détail sur les pistes de coopération qui s'en dégagent, mais je souhaite déjà annoncer que le Codex Azcatítlan, conservé à la Bibliothèque nationale de France, sera présenté au Mexique l'an prochain dans le cadre de la disposition croisée entre nos deux pays à l'occasion des cérémonies du bicentenaire, dans des conditions qui sont déterminées par le groupe de travail franco-mexicain sur la coopération patrimoniale et précisé par l'accord qui est aujourd'hui signé et rendu public entre nos deux pays.

Ceci vient dans un cadre plus large d'expositions, d'échanges, de programmes de coopération, qui permettra de créer de nouvelles opportunités de recherche scientifique, d'échanges, de projets, et qui permettra aussi, au-delà des projets numériques, des partenariats dans à peu près tous les domaines, allant de la présence de la Comédie française lors de cette année du bicentenaire, ici au Mexique en 2026, au renforcement de nos partenariats en matière d'industrie culturelle et créative. Ce que nous avons souhaité impulser avec Madame la présidente, c'est un renforcement, une dynamique nouvelle à l'occasion de cette année du bicentenaire en matière de patrimoine et de culture. Le Mexique et la France organiseront ensemble à l'automne 2026 un grand festival culturel franco-mexicain constitué d'événements qui célébreront l'amitié entre nos peuples et rendront hommage à la créativité des artistes de nos deux pays.

La série d'accords que nous signons aujourd'hui concrétise notre rapprochement stratégique. J'aurais pu évoquer également le partenariat scientifique et technique, le renforcement de formation dans de nombreux domaines. Les présidents de grandes entreprises, les directrices et directeurs de nos principales institutions culturelles et de coopération, chercheurs, artistes reconnus à Mexico comme à Paris, accompagnent cette délégation. Tous sont animés par le même désir de construire entre nos deux pays une alliance encore plus robuste, plus durable, plus résiliente.

Avec le Mexique, nous voulons bâtir un ordre plus juste au service d'une certaine idée du monde, de l'humanité, de l'humanisme, celui que vous portez et celui que je partage. C'est aussi pour cela que cette visite est à nos yeux si importante.

À nouveau, Madame la Présidente, je tiens à vous remercier pour votre accueil, pour la qualité des échanges que nous venons d'avoir, la force des partenariats que nous venons de signer et tout ce qui nous reste à faire. J'ai eu l'occasion d'inviter Madame la présidente en 2026 en France pour poursuivre ces échanges et pour pleinement célébrer le bicentenaire de nos relations diplomatiques. Merci beaucoup.

[Intervention de Claudia Sheinbaum]

Journaliste
Depuis 2022, il y a eu de nombreuses explosions de gaz dans le pays, attribuées à l'entreprise MG4, des personnes sont décédées et il y a de nombreuses personnes blessées. Les proches des familles exigent l'indemnisation ainsi que la révision des protocoles de sécurité et la déontologie en dehors de la France. Est-ce que c'est un sujet sur lequel vous vous êtes penchés avec Monsieur Macron. Depuis le 2 septembre, des bombardements d'embarcations suspectes dans les Caraïbes et le Pacifique, une soixantaine de personnes ont été tuées par ces frappes. Donald Trump a qualifié les cartels de groupes terroristes et d'après deux fonctionnaires américains cités par la chaîne NBC, le gouvernement américain planifierait des opérations sur le sol mexicain. Quelle est la position de la France au sujet de ces opérations extérieures américaines et que ferait la France en cas d'une intervention américaine au Mexique ? Merci.

Emmanuel MACRON
Juste par rapport à votre question sur d'éventuelles frappes américaines, je ne ferai pas de politique fiction. Je dis simplement que la France est attachée à la souveraineté de tout État, que la lutte contre un narcotrafiquant est une cause qui nous lie tous, nous avons eu l'occasion de l'évoquer avec Madame la Présidente, et qu'elle se règle par la coopération entre des États souverains et le respect de la souveraineté de chacun.

C'est dans ce cadre de respect que nous comptons agir. Nous avons nous-mêmes lancé une politique ambitieuse de lutte contre les narcotrafiquants, et nous sommes en train de préparer, le travail se poursuit, une coopération accrue en matière douanière et en matière de sécurité sur ce sujet. Mais la souveraineté de chacun doit être pleinement respectée en la matière.

[Intervention de Claudia Sheinbaum]

Journaliste 
Salutations à tous et à toutes. Quelle est l'importance que vous accordez à ce mémorandum d'entente entre la diplomatie féministe ? Quelles sont les mesures concrètes que vous étayez ? Et savoir quels sont les grands piliers pour les pays ?

[Intervention de Claudia Sheinbaum]

Emmanuel MACRON
Le Mexique et la France ont eu l'occasion de co-présider le Forum Egalité, il y a quelques années que cela s'était tenu en France, mais sous une co-présidence pour le compte des Nations unies, afin de porter cet agenda qui, ensuite, a donné lieu à ces rencontres ministérielles au Mexique, puis en France, il y a quelques jours à peine.

Madame la Présidente vient de le dire, cet agenda est un agenda complet qui vise à lutter contre les violences sexistes et sexuelles partout à travers la planète, à consolider, justement, les droits des femmes, à protéger les combattantes de la liberté, de ces droits, à protéger un agenda progressiste dans tous les pays du monde, à apporter aussi des programmes d'action pour protéger ces combattantes et ces combattants de la liberté, mais aussi avoir un agenda économique, politique, de juste représentation et d'égalité entre les sexes. Et donc cet agenda a été détaillé, d'ailleurs, il y a quelques jours, par notre ministère des Affaires étrangères, en lien étroit avec son collègue mexicain, et c'est cette action que nous continuons d'avoir, de porter, et qui est portée par la diplomatie française, avec force, en lien étroit, main dans la main, si je puis dire, avec la diplomatie mexicaine.

Journaliste
Bonjour, merci. Monsieur le Président, hier, depuis le Brésil, vous avez dit être plutôt positif quant à la possibilité d'accepter à l'avenir l'accord entre le Mercosur et l'Union européenne avec les clauses de sauvegarde proposées par la Commission européenne, et si celles-ci auront été validées par les pays du Mercosur.  Aujourd'hui, une grande partie de la classe politique française et du monde agricole dénonce vos propos, parle de reniement, de trahison. Quelle est votre réponse à ces réactions ?

Par ailleurs, toujours hier et plus largement, vous avez défini votre rôle comme garant du long terme, de la stabilité du pays. À cette aune, comment jugez-vous l'évolution des débats budgétaires en France, sachant qu'une nouvelle échéance critique, arrive ce week-end ? Et quel est votre message aux forces politiques en ce sens ? Merci.

Emmanuel MACRON
Merci. Sur la deuxième partie de votre question, je n'ai pas depuis Mexico à porter des commentaires sur la vie politique française. J'ai eu l'occasion d'appeler à la responsabilité de chacun et à la stabilité.

Sur les propos que j'ai tenus hier, je pense qu'il faut toujours écouter une phrase ou la lire jusqu'au bout. J'ai dit que j'étais positif, mais vigilant. Lorsque l'accord a été signé entre l'Union européenne et le Mercosur, je rappelle qu'il y a plusieurs fois eu des signatures, j'ai dit avec beaucoup de clarté que cet accord n'était pas acceptable pour nos intérêts français, notamment car il ne garantissait pas pour nos secteurs agricoles ce que nous demandions. Et comme nous l'avions fait d'ailleurs au moment de la signature de l'accord entre le Canada et l'Union européenne, la France est attachée à ce qu'une concurrence loyale et équitable soit assurée entre les espaces géographiques.

Nous avons commencé à être entendus par la Commission, c'est ce qui fait que j'ai pu dire que j'étais plus positif, Elle a présenté un élément nouveau par rapport à l'accord initial avec une clause de sauvegarde agricole robuste. Ces éléments devront être confirmés par le Mercosur, et c'est ce à quoi la Commission s'emploie. C'est exactement et strictement ce que j'ai dit hier. Ce travail, c'est la Commission a commencé à le faire, ce qui est un vrai changement et une modification de l'accord premier, et c'est le dialogue maintenant avec les pays du Mercosur qui sera clé. Des échanges que j'ai pu avoir avec le président Lula, Milei, avec la présidente Von der Leyen, comme je vous le disais hier, m'ont rendu positif.

Mais je reste vigilant, comme je vous l'ai dit hier également, car je défends les intérêts de la France. Nous continuons à nous battre et nous demandons trois éléments : une clause de sauvegarde agricole robuste, effective et activable, des mesures miroirs, notamment sur les pesticides et l'alimentation animale, pour rassurer qu'on impose à nos producteurs les mêmes règles qu'aux producteurs dont on importe les produits, c'est-à-dire de la concurrence équitable, et des contrôles sanitaires renforcés.

C'est aussi pour ça que, je vous l'ai rappelé hier, nous sommes favorables à une plus grande effectivité de notre union douanière. C'est tout cela, en plus des mesures de soutien à l'élevage que nous demandons. C'est pourquoi il y a des avancées, ce qui me rend positif, mais je reste vigilant parce que je n'ai pas la visibilité sur le tout. Donc la France continue d'attendre des réponses claires. Et comme je le fais depuis le premier jour avec responsabilité et loin de tous les discours démagogiques, je défends les intérêts de nos producteurs, industriels comme agriculteurs ; je défends aussi l'intérêt de nos consommateurs pour qu'ils aient les mêmes garanties de sécurité alimentaire lorsqu'on importe des produits que lorsqu'on produit chez nous.

Journaliste
Comme brider la commercialisation de la vente de pièces archéologiques en France ? Comment collabore le Gouvernement français pour que ces pièces ne soient pas vendues aux meilleurs clients ou aux meilleurs candidats ?

Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. D'abord vous savez, nous sommes liés par un partenariat scientifique important qui a plus de 60 ans aujourd'hui, archéologique entre nos deux pays. Donc le cœur de la relation entre nos deux pays, c'est ce partenariat scientifique-archéologique qui continue, que nous renforçons d'ailleurs à l'occasion de cette visite, et d'avoir un échange en matière de recherche et une circulation des pièces.

Ensuite, il y a une volonté mexicaine depuis plusieurs années que nous soutenons, de lutter contre toute forme de trafic. La France est claire en la matière. Nous souhaitons qu'à chaque fois, les règles de sortie du territoire soient établies, que le partenariat stratégique qui est le nôtre soit avant tout un partenariat scientifique et que, par cette action, la transparence soit faite à chaque fois, par un travail mutuel, sur les conditions de sortie du territoire des pièces archéologiques.

Notre volonté, c'est plutôt que ces pièces soient échangées entre nos musées, nos institutions culturelles, ce que nous allons faire à l'occasion du bicentenaire. C'est évidemment, dans le cadre de ce partenariat scientifique, de lutter contre tous les trafics et toutes les prédations. A cet égard, vous pouvez compter sur la coopération de la France, sa clarté et l'agenda positif que j'ai voulu d'ailleurs avec le Mexique, comme avec tous les pays qui sont concernés par cette question depuis maintenant plus de 8 ans.