Texte intégral
Mesdames, messieurs.
Je veux avant toute chose remercier Son Excellence le Président de l'État de Palestine, Mahmoud Abbas, pour sa visite à Paris. Visite importante car il s'agit de la première visite d'un président palestinien depuis la reconnaissance par la France de l'État de Palestine le 22 septembre 2025.
Nous nous retrouvons dans le sillage de la conférence de New York et du plan présenté par le président Trump et au lendemain du cessez-le-feu à Gaza, conclu sous son égide. À ce moment crucial pour l'avenir des deux peuples palestinien et israélien, comme de la région, je veux vous redire la profonde conviction de la France que seule la solution à deux États, permettra aux peuples israéliens et palestiniens, et plus largement à tous les peuples de la région, de vivre en paix et en sécurité pour répondre à leurs aspirations légitimes.
Je l'ai dit le 22 septembre, et il est beaucoup plus difficile de faire la paix que de mener des guerres sans fin. Mais il y a aujourd'hui des partenaires pour la paix. Je vous remercie. Vous pouvez, Monsieur le Président, compter sur la France pour continuer d'avancer dans la voie tracée ensemble, pour continuer d'avancer sur la base des 20 points proposés par les États-Unis d'Amérique et ouvrant la porte à la paix et la constitution d'un État palestinien.
C'est à cette fin que nous avons pris aujourd'hui ensemble la décision de mettre en place un comité conjoint pour la consolidation de l'État de Palestine. Ce comité sera chargé de travailler sur tous les aspects juridiques, constitutionnels, institutionnels et organisationnels. Il contribuera au travail d'élaboration d'une nouvelle constitution, dont le président Abbas m'a présenté un projet, et visera à parachever l'ensemble des conditions d'un tel État de Palestine.
Vous-même êtes un partenaire pour la paix, et je veux à cet égard rendre hommage à votre rejet constant de la violence, du terrorisme, qui s'est notamment traduit par votre condamnation des attaques du 7 octobre 2023. Je vous remercie pour votre engagement à ce que l'État palestinien assure la sécurité de ses territoires sans devenir un État militarisé. Nous aurons besoin d'autres décisions courageuses de la part de l'ensemble des parties prenantes dans les mois à venir. Je vous remercie enfin pour la clarté de vos mots et votre condamnation sans ambiguïté contre toute forme d'antisémitisme.
Votre visite, Monsieur le Président, intervient un mois après la conclusion du cessez-le-feu. Celui-ci a permis la libération de tous les otages vivants par le Hamas. Les parties doivent désormais pleinement respecter cet accord, et le Hamas restituer sans délai les dépouilles des otages décédés, afin de passer sans plus attendre à la mise en œuvre de la deuxième phase du plan de cessez-le-feu.
La France est prête à contribuer à la stabilisation de Gaza sur les volets sécuritaires, humanitaires et politiques. Nous le ferons en étroite coordination avec l'Autorité palestinienne, les États-Unis, Israël et tous les partenaires régionaux.
À Gaza, la priorité va à l'urgence humanitaire. L'acheminement immédiat, sûr et sans entrave de l'aide humanitaire dans toute la bande de Gaza doit être assuré. Sous l'égide des Nations unies, dans le respect des principes du droit international humanitaire. À cet égard, la France contribuera une nouvelle fois à hauteur de 100 millions d'euros à la réponse humanitaire pour 2025. Des livraisons de fret humanitaire d'urgence seront effectuées pour livrer plusieurs centaines de tonnes de compléments alimentaires, notamment pour les enfants, ainsi que des médicaments et des équipements médicaux.
Nous contribuerons au relèvement du secteur de la santé à travers un projet de l'Agence française de développement et du Comité international de la Croix-Rouge. La France jouera toute sa part à la conférence sur la reconstruction qui se tiendra au Caire.
Au plan sécuritaire, la stabilisation de Gaza passe par le redéploiement des forces de sécurité et de police de l'Autorité palestinienne pour assurer l'ordre et la sécurité au quotidien, en articulation avec les mécanismes en discussion aux Nations unies. La France est prête à œuvrer au renforcement des forces palestiniennes à cette fin, à travers les missions de l'Union européenne EUBAM Rafah et EUPOL COPPS, en rehaussant la présence française de façon significative avec plus d'une centaine de gendarmes.
Sur le plan de la gouvernance, la France ne veut pas voir le Hamas se réinstaller et reprendre, pour l'avenir, le contrôle de la bande de Gaza. Ce serait un échec collectif et c'est la raison pour laquelle il est urgent de travailler au retour rapide de l'Autorité palestinienne à Gaza, à l'exclusion du Hamas de tout rôle dans la gouvernance de l'enclave et à la mise en œuvre de la démilitarisation et du démantèlement du Hamas.
J'ai encouragé le président Abbas à finaliser rapidement, dans le cadre des discussions interpalestiniennes et avec nos partenaires, la formation du comité technique palestinien. Le transfert à l'Autorité palestinienne doit ensuite se faire, rapidement, une fois son agenda de réformes mis en œuvre.
Si j'en viens aux réformes indispensables, celles-ci ont été détaillées dans la déclaration de New York et rappelées dans le plan en 20 points. Elles sont une condition sine qua non à la constitution d'un État palestinien viable, démocratique et souverain aux côtés d'Israël.
A cet égard, nous avons fait le point avec le président Abbas sur la mise en œuvre des réformes de l'Autorité palestinienne. La priorité va à l'organisation d'élections présidentielles et d'élections générales libres, transparentes et démocratiques dans l'ensemble des territoires palestiniens, y compris à Jérusalem-Est. Le président Abbas s'est engagé à ce qu'elles se tiennent un an après le passage à la deuxième phase du cessez-le-feu, et je l'en remercie. Les acteurs n'ayant pas renoncé à la violence et n'ayant pas adhéré aux principes de l'OLP ne pourront prendre part à ces élections.
Le président Abbas m'a aussi confirmé l'abrogation du système de paiement aux prisonniers et le lancement d'un audit indépendant destiné à en attester. J'ai salué cette évolution essentielle à la crédibilité de l'Autorité palestinienne en soi et vis-à-vis de tous les partenaires internationaux. Le président m'a assuré qu'aucun versement ne serait plus effectué dans ce cadre et qu'un audit permettra de s'en assurer.
Nous nous sommes accordés sur l'importance de la réforme des manuels scolaires, qui doivent exclure tout discours de haine conformément aux standards de l'UNESCO. Nous y travaillerons ensemble avec tous nos partenaires et également en associant étroitement l'UNESCO.
Nous sommes enfin revenus sur la situation alarmante en Cisjordanie. La violence des colons et l'accélération des projets de colonisation atteignent de nouveaux records qui menacent la stabilité de la Cisjordanie et constituent des violations du droit international. Comme je l'ai dit précédemment, les projets d'annexion partielle ou totale, légale ou de facto, constituent une ligne rouge à laquelle nous réagirons fortement avec nos partenaires européens s'ils étaient mis en œuvre.
Nous avons abordé enfin le risque d'insolvabilité financière de l'Autorité palestinienne. J'ai rappelé le soutien constant de la France, notamment à travers notre aide budgétaire bilatérale et la coalition d'urgence pour la soutenabilité financière, lancée avec l'Arabie saoudite. Israël doit de toute urgence transférer les revenus douaniers dus à la Palestine et rétablir les correspondances bancaires entre institutions israéliennes et palestiniennes.
Nul ne peut comprendre une politique qui fragilise le seul partenaire à même de coopérer au plan sécuritaire et de s'ériger contre l'explosion de violence qui résulterait immanquablement de son effondrement.
Alors que le 7 octobre a été suivi d'une montée sans précédent de l'antisémitisme à travers le monde, le président Abbas et moi-même en avons réaffirmé notre condamnation absolue et sans équivoque, en France et partout dans le monde. Nous avons à ce titre refusé toute instrumentalisation de la cause palestinienne qui ne saurait en aucun cas servir de prétexte à la haine universelle antisémite. Celle-ci n'a aucune excuse et aucune justification.
Enfin, j'ai remercié le président Abbas pour l'arrestation de l'un des suspects de l'attentat de la rue des Rosiers. Cet acte constitue une étape importante pour rendre justice aux victimes et à leurs familles plus de 40 ans après ce crime abject. Nos services coopèrent en vue de l'extradition de cet individu.
Cette visite, aujourd'hui, consacre une nouvelle étape cruciale dans la relation entre la France et l'État de Palestine et elle ouvre une nouvelle phase de travail commun pour la paix, la sécurité et la dignité de tous dans la région.
Nous avons aujourd'hui eu une discussion substantielle et pris ensemble des engagements importants. Je sais pouvoir compter sur le président Abbas, en tout cas par la constitution de ce comité conjoint la France veut prendre toute sa part à la fois pour l'aide humanitaire, la sécurité à Gaza, pour le retour d'une gouvernance juste et pour ce chemin des deux États qui est la condition pour que le peuple israélien et le peuple palestinien puissent vivre durablement en paix.
Je vous remercie, président.