Déclaration de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire, sur la politique agricole commune et l'accord avec le Mercosur, à Bruxelles le 17 novembre 2025.

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  • Annie Genevard - Ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire

Circonstance : Arrivée au Conseil Agriculture et pêche

Texte intégral

Annie GENEVARD : Ce Conseil AGRIPÊCHE est l'occasion d'évoquer à nouveau la PAC, la future PAC, et la France va faire part de ses profondes préoccupations. Les changements qui interviennent sont majeurs et créent beaucoup de frustration et d'inquiétude chez nos agriculteurs. La PAC, si elle est appliquée telle que prévue, ne sera plus une politique commune et indépendante. Le budget n'est pas sécurisé, donc énormément de sujets de préoccupation et nous aurons l'occasion d'en reparler.

Autre gros sujet de préoccupation pour notre pays, bien sûr, c'est le projet d'accord avec les pays du Mercosur. Je rappelle la position française. Tel qu'il a été conclu à Montevideo il y a un an, ce projet d'accord est inacceptable. La position de la France est très claire. Nous demandons des garanties très solides sur plusieurs points.

D'abord, une clause de sauvegarde qui puisse s'appliquer pour contrecarrer d'éventuelles perturbations de marché. Vous savez que les productions prévues dans ce projet d'accord sont très sensibles pour la France, qu'il s'agisse du bœuf, de la volaille, du sucre, de l'éthanol notamment, et donc nous craignons des perturbations de marché importantes, d'autant que la question du cumul des concessions passe souvent sous les radars. Mais dans chaque accord de libre-échange, il y a toujours les mêmes productions qui sont concernées et ça finit évidemment par produire beaucoup de perturbations de marché. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point auquel nos agriculteurs sont extrêmement sensibles à juste titre, c'est la réciprocité des normes de production. C'est la raison pour laquelle nous voulons absolument des mesures miroirs, à la fois sur le végétal pour que tous les produits phytosanitaires qui sont interdits dans l'UE soient véritablement interdits dans les productions issues des pays du Mercosur. Et puis, sur l'élevage, nous ne voulons pas, et c'est un point majeur également, l'utilisation de médicaments, d'antibiotiques de croissance, et dans l'alimentation et sur l'animal vif.

Et puis enfin le troisième point que nous défendons, c'est une politique européenne de contrôle, à la fois dans les pays exportateurs, mais aussi aux frontières de l'Europe. Donc ça, ce sont trois points majeurs.

Il y a un point particulier que je souhaite évoquer pendant ce Conseil, c'est le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et ses effets sur le coût des engrais. Les céréaliers français sont extrêmement inquiets, les cours mondiaux sont bas et le mécanisme carbone appliqué aux engrais va renchérir énormément les coûts de production. Et là, on a une situation alarmante et la position française est que nous puissions trouver les moyens de neutraliser ce surcoût portant sur les engrais céréales.


Question : Sur la première partie de ce que vous disiez sur la PAC, la Commission a présenté des propositions pour amender la proposition des plans régionaux et nationaux. Est-ce à comprendre que ce n'est pas suffisant pour la France ? Qu'est-ce qu'il faudrait de plus ?

Annie GENEVARD : Je salue l'initiative du commissaire HANSEN qui a fait des propositions pour abonder la partie sanctuarisée du budget de la PAC, mais ça n'est pas suffisant.

Question : Sur le Mercosur, le président MACRON à Belém, récemment, avait dit que les clauses de sauvegarde faisaient un accord assez satisfaisant, mettant de côté complètement les clauses miroir. Est-ce que vous assumez avoir une position différente que le président de la République sur ce sujet ?

Annie GENEVARD : Je crois qu'à Belém, lors d'une conférence de presse, le président de la République et la France se sont exprimé en faveur des trois points que je viens d'évoquer, à savoir une clause de sauvegarde qui n'est effectivement pas inintéressante, une clause de sauvegarde qui protège nos producteurs contre les perturbations marchés, mais ça ne suffit pas. Et cela a été dit à Belém également, il faut dès aujourd'hui faire des contrôles. C'est une position très claire du président de la République, du Premier ministre et de l'ensemble du gouvernement.

Question : La Commission a déjà présenté des garanties, un réseau de sécurité pour les agriculteurs européens. Ça veut dire, concrètement, vous désirez quoi ?

Annie GENEVARD : Concrètement, il faut un engagement de la Commission dans le détail. Qu'est-ce qu'il y a dans la clause de sauvegarde exactement, comment cela fonctionne ? Deuxièmement, sur les mesures miroirs, il y a des substances qui sont interdites dans l'Union européenne. Il faut qu'avant la fin du mois de décembre, qui est la date prévue pour le vote au Conseil, il faut avoir des garanties très précises sur les substances interdites dans l'Union européenne et qui doivent faire l'objet d'une interdiction dans les productions des pays du Mercosur. Et quid des contrôles, parce que toutes les règles du monde ne valent que si on peut véritablement les contrôler. Et ça c'est un immense problème. Vous savez que la semaine dernière, 40 tonnes de bœuf en provenance du Brésil, traité avec des médicaments interdits en France, ont été bloquées dans l'Union européenne parce que les Brésiliens nous l'ont signalé. Que se serait-il passé si les Brésiliens ne l'avaient pas signalé en disant « Ce contingent de bœuf nous a échappé » ? Y aurait-il eu un contrôle suffisant pour retenir ces 40 tonnes de viande de bœuf ?

Question : Ça veut dire que le contrôle fonctionne, non ?

Annie GENEVARD : Non, ça veut dire qu'une autorité indépendante européenne de contrôle est nécessaire. On ne peut pas uniquement compter sur les pays exportateurs chez nous pour s'assurer que les productions qui entrent sur le sol européen soient véritablement respectueuses. L'Europe est la partie du monde la plus exigeante en matière de santé et de sécurité alimentaire. Il faut penser aux agriculteurs mais il faut aussi penser aux consommateurs. Le consommateur, que nous dit-il ? Il veut une alimentation saine. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne a toujours été extrêmement exigeante en la matière. On ne peut pas imposer ces exigences à nos propres producteurs et ne pas les exiger en retour à l'égard des pays avec lesquels nous concluons des accords de libre-échange. C'est une question de justice, d'équité et de concurrence loyale.

Question : Donc la France ne signera pas le Mercosur sans des clauses miroirs ?

Annie GENEVARD : La France exige très clairement que soient remplies ces trois conditions. Une clause de sauvegarde activable et pas seulement sur le papier, des mesures miroirs à la fois sur les productions végétales et les productions animales et puis une force de contrôle efficace et protectrice pour les agriculteurs et pour les consommateurs.

Question : Est-ce que la France veut que la PAC sorte du fonds unique ?

Annie GENEVARD : Notre position est que la PAC, qui est d'abord une politique historique et aussi une politique d'avenir, a fait ses preuves ; elle mérite un budget autonome et suffisant surtout pour répondre aux enjeux qui sont les nôtres en matière de renouvellement des générations. Tous les pays de l'Union européenne ont des enjeux de renouvellement de générations d'agriculteurs. Ce n'est pas le moment d'affaiblir la PAC à la fois dans son organisation, dans son architecture, en la mettant dans un fonds unique qui sera utilisé différemment selon l'État, et ce n'est pas le moment non plus de diminuer le budget. La souveraineté alimentaire, c'est stratégique pour l'Union européenne. C'est aussi stratégique que la protection militaire ou que la souveraineté médicale. Voilà, ça fait partie des fondamentaux, pouvoir se défendre, pouvoir se soigner, pouvoir se nourrir, ça fait partie des grands enjeux souverains de l'Union européenne. Donc bien sûr l'idéal pour nous, c'est un budget autonome, un budget suffisant et force est de constater que, même si je reconnais les efforts du commissaire européen Christophe HANSEN, mais la proposition actuelle ne répond pas à ces enjeux et à ces impératifs.


Source https://ue.delegfrance.org, le 19 novembre 2025