Interview de M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué, chargé de la transition écologique, à France Info le 14 novembre 2025, sur le débat budgetaire à l'Assemblée nationale, le budget en matière d'écologie, la politique de l'énergie et la lutte contre le dérèglement climatique.

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Média : France Info

Texte intégral

BENJAMIN FONTAINE
Bonjour Mathieu LEFEVRE.

MATHIEU LEFEVRE
Bonjour.

BENJAMIN FONTAINE
C'est votre première interview en tant que ministre délégué chargé de la Transition écologique. On va prendre le temps de vous interroger justement sur vos ambitions en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Mais avant, on va parler du budget. Vous étiez, il y a encore quelques jours, un pilier de la commission des finances. Ça tombe plutôt bien dans le contexte. On l'a appris dans la nuit : l'Assemblée Nationale, où les débats sur le budget se poursuivent justement, l'Assemblée ne siègera pas ce week-end. Concrètement, ça veut dire que ça va être encore plus difficile de faire adopter le budget dans les temps. La gauche dénonce une décision inacceptable. Est-ce que c'était indispensable de se reposer ce week-end, Mathieu LEFEVRE ?

MATHIEU LEFEVRE
Non. Mais d'abord, le Premier ministre ne peut pas être soupçonné de faire de l'antiparlementarisme, puisque c'est lui-même qui a renoncé au 49.3, et qui a fait du moment que nous vivons un moment pleinement parlementaire. Les Députés sont pleinement souverains. Et le Gouvernement n'a d'ailleurs déposé, je crois, qu'un seul amendement au projet de loi de finances. Les délais constitutionnels seront tenus.

BENJAMIN FONTAINE
Vous pensez ?

MATHIEU LEFEVRE
L'Assemblée Nationale a jusqu'au... C'est une obligation constitutionnelle.

BENJAMIN FONTAINE
Il y a des centaines d'amendements à examiner ?

MATHIEU LEFEVRE
L'Assemblée Nationale a jusqu'au 23 novembre pour se prononcer en première lecture sur le projet de loi de finances. Il reste encore cinq jours ouvrés. Voilà. Donc, c'est une décision…

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Dans ces conditions, ça va être très compliqué, pardonnez-moi, d'examiner, de voter, tous les amendements, de se prononcer. Le texte risque d'aller au Sénat, en l'état. Certains cadres chez vous reconnaissent en off que, vu tout ce qui a été voté, qui ne convient pas forcément toujours à votre famille politique, eh bien, ne pas aller au vote, c'est peut-être plus pratique.

MATHIEU LEFEVRE
Mais ce qu'a indiqué la ministre des Comptes publics, c'est que tous les amendements qui ont été adoptés seraient transmis au Sénat, quel que soit d'ailleurs l'issue du scénario en première lecture à l'Assemblée Nationale. Mais je pense qu'il faut raison garder sur ce sujet. Encore une fois, l'Assemblée Nationale a jusqu'au 23 novembre pour se prononcer. C'est, me semble-t-il, amplement suffisant pour examiner tous les amendements. D'ailleurs,...

BENJAMIN FONTAINE
Mais c'est malin, stratégiquement, de gagner du temps. Ça veut dire : pas de rejet, le travail avance.

MATHIEU LEFEVRE
Non, je ne pense pas qu'il s'agisse de gagner du temps.

BENJAMIN FONTAINE
C'est ce qu'on vous reproche.

MATHIEU LEFEVRE
Le ministre des Relations publiques, avec le parlement, explique qu'il faut aussi tenir compte, je crois, de la fatigue des Députés, des administrateurs et des collaborateurs. Et c'était une demande qui a été manifestement, je crois, consensuelle dans l'ensemble des groupes politiques.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Ah, bah, non. Manifestement, elle ne l'est pas, vu que la gauche, les écologistes, les Insoumis et le Parti socialiste, pardon, disent qu'ils le regrettent, cette décision.

MATHIEU LEFEVRE
En tout cas, je pense qu'il faut ne pas surestimer l'impact de cette décision sur le calendrier parlementaire. L'assemblée nationale a jusqu'au 23 novembre pour se prononcer en première lecture. Et elle le fera.

BENJAMIN FONTAINE
Donc, il n'y a pas de malice ?

MATHIEU LEFEVRE
Non, il n'y a aucune malice. Mais vous savez, le Premier ministre, il y a une méthode qui n'est pas faite de malice, qui est faite de calme, de raison, de responsabilité. Et encore une fois, c'est une méthode parlementaire inédite, que de renoncer à priori au 49.3. C'est peut-être ça qu'on a un petit peu trop banalisé. Les conséquences de l'absence de recours au 49-3 sont extrêmement importantes. L'Assemblée Nationale est pleinement souveraine.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Dans le Parisien, votre collègue, le ministre du Travail, Jean-Pierre FARANDOU, alerte sur le montant des dépenses prévues, notamment en matière de sécurité sociale. Il dit qu'en l'état, au lieu d'être réduit, le déficit s'aggrave. C'est la faute des socialistes ?

MATHIEU LEFEVRE
Vous savez, on est à un moment où on n'a même pas fini la première lecture du projet de loi de finances. Beaucoup font comme si ce texte était terminé. Et le ministre du Travail a raison de rappeler que l'objectif, à la fin, de 4,7 %, doit être tenu et sera tenu. Mais ne laissons pas croire à nos compatriotes que le projet de budget tel qu'il est en l'état est la copie finale. C'est le projet de budget du Parlement à un moment donné. En revanche, le redressement des finances publiques n'est évidemment pas une option. Ce serait nous affaiblir au plan international.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Je vous pose la question ainsi, sur les socialistes, parce qu'il y a quelques jours, on avait à votre place votre ancien collègue Jean-René CAZENEUVE qui disait : " Les socialistes ont déjà beaucoup obtenu. Maintenant, il faut qu'ils s'arrêtent ". Est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que maintenant que la suspension des retraites a été votée mercredi, la réforme des retraites a été votée mercredi, il faut qu'il s'arrête de demander des concessions aux macronistes ?

MATHIEU LEFEVRE
Mais moi, d'abord, je saluais le courage des socialistes de rentrer dans le débat. Il y a dans cette Assemblée nationale des formations politiques qui font le choix du combat. Regardez la France Insoumise. Elle rejette la suspension de la réforme des retraites. Regardez le Rassemblement national qui fait le choix de conflictualiser la politique fiscale dans notre pays. Et à l'intérieur des gens qui essaient de travailler, de trouver un chemin, il y a les socialistes. Mais encore une fois, on n'est que précisément le 14 novembre. Le chemin parlementaire est encore un chemin extrêmement long. Mais je le redis aussi : je ne crois pas que les socialistes n'aient pas envie de réduire les déficits publics. Au contraire, à chaque fois qu'ils présentent un amendement ou leur copie budgétaire, initialement, c'est une copie qui présente des réductions de déficits publics. Donc, soyons sereins, le débat parlementaire va se faire. Il y a des amendements. Et le projet de budget atterrira en temps voulu, avec une réduction des déficits publics.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Vous y croyez encore ?

MATHIEU LEFEVRE
Bien sûr. Bien sûr, j'y crois. Mais vous savez, quelle est l'alternative au compromis dans ce pays ? L'alternative au compromis, c'est quoi ? C'est l'aval de ce dégouvernement ? C'est une instabilité qui serait dommageable pour nos compatriotes ? Qui serait dommageable pour les chefs d'entreprise ? On parle beaucoup du coût des concessions. Mais moi, je rappelle que la censure de Michel BARNIER, ça a coûté 12 milliards d'euros au pays. Là, la réforme des retraites, on parle d'un petit peu moins de 2 milliards d'euros. Donc, il faut bien réfléchir à ce que serait l'alternative au compromis. C'est certain, le compromis, ça ne peut pas plaire à tout le monde par définition. Et ça ne peut pas plaire tout le temps. En revanche, c'est, me semble-t-il, la voie nécessaire, la voie indispensable pour assurer la stabilité du pays et rassurer les Français dans la période.

BENJAMIN FONTAINE
Et pour l'instant, l'objectif de déficit n'est pas dégradé en l'état actuel ?

MATHIEU LEFEVRE
Non mais, attendez. Là, la première partie n'est même pas votée. À l'Assemblée nationale, à la fin de la première partie, on fait ce qui s'appelle un tableau d'équilibre, avec les plus et les moins. On n'en est même pas là. Il reste précisément des amendements. Donc, l'essentiel, c'est qu'à la fin, l'objectif de redressement des finances publiques soit tenu. Et je crois que c'est un objectif partagé par toutes les forces politiques qui sont des politiques raisonnables.

BENJAMIN FONTAINE
Sur l'écologie, Mathieu LEFEVRE, votre budget a stagné, il a échappé aux coupes, mais beaucoup d'enveloppes d'investissement sont à la baisse. MaPrimeRénov', par exemple, qui concerne beaucoup de Français, ou le Fonds Vert pour les collectivités locales. Ça a quel sens de réduire le Fonds Vert, par exemple ?

MATHIEU LEFEVRE
Mais l'an prochain, le Fonds Vert, il sera à 650 millions d'euros. Et je rappelle qu'il n'existait pas il y a trois ans encore. Donc, ceux qui, aujourd'hui, nous disent " il faut toujours plus ".

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Mais il y a ans, il était quasiment trois fois plus important.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, oui, mais il n'existait pas avant le second mandat d'Emmanuel MACRON. Donc, ceux qui nous disent aujourd'hui : " Il faut toujours plus ", il y a trois ans, nous reprochaient de l'avoir créé. Simplement, l'an prochain, on est dans une année électorale. Et donc, il est évident que les décisions d'investissement des collectivités locales auront lieu, par définition, après les élections municipales. Ce qui justifie le fait que l'enveloppe du Fonds Vert soit un petit peu réduite. Maintenant, encore une fois, ce projet de budget, c'est un point de départ. Ce n'est pas un point d'arrivée. Et si demain, on a un débat sur la mission écologie à l'Assemblée Nationale ou au Sénat, et on aura ce débat, les parlementaires seront libres d'amender le Fonds Vert, de rajouter des crédits. Je sais que les Sénateurs sont notamment très attachés aux mesures pour le développement des plans climat des collectivités. Ce projet de budget n'est qu'un point de départ.

BENJAMIN FONTAINE
Mais vous savez aussi, Mathieu LEFEVRE, la Cour des Comptes l'a dit, qu'un euro investi en prévention, c'est une économie de trois euros de dommages qui sont évités. Ça reste important de maintenir ces efforts de prévention, de les inciter aussi.

MATHIEU LEFEVRE
Ouais. Mais sur les efforts de prévention, le Fonds qu'on appelle le Fonds Barnier est maintenu à un niveau historique de 300 millions d'euros. Les efforts qui sont faits pour le déploiement, notamment des pompes à chaleur dans le pays sont maintenus à des niveaux historiques de 900 millions d'euros. Les promesses du Président de la République sur le leasing social sont assurées, financées. MaPrimeRénov' sera financée l'an prochain. Les efforts de rénovation des bâtiments…

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
MaPrimeRénov' sera par exemple réservée aux plus modestes. L'isolation des murs sera exclue. Ce sera seulement les logements qui ont le diagnostic le plus défavorable qui pourront bénéficier de ces aides. Enfin, ce n'est plus du tout la même envergure que ce qu'on a pu connaître dans le passé.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, mais c'est aussi un choix politique que de réserver les aides de la transition écologique jusqu'aux ménages les plus modestes. Il est assez…

BENJAMIN FONTAINE
On pourrait choisir de les élargir aussi.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, bien sûr, mais on a aussi un contexte de finances publiques qui impose le réalisme. Moi, je veux dire que les crédits de la transition écologique prévus dans ce projet de budget sont stables, vous l'avez dit. Et être stable au moment précisément où nous cherchons le redressement des finances publiques, c'est une vertu.

BENJAMIN FONTAINE
Donc dans les conditions de budgétaires qu'on connaît, c'est l'écologie qui doit payer un peu ?

MATHIEU LEFEVRE
Mais ce n'est pas l'écologie qui doit payer un peu, puisque l'écologie est précisément stable. Je peux vous dire, les aides, notamment aux renouvelables, c'est 9 milliards d'euros. Les aides à la mobilité décarbonée, c'est 9 milliards d'euros. Ce sont des niveaux qui n'ont jamais été atteints. L'ensemble des crédits destinés à la transition écologique depuis qu'Emmanuel MACRON est Président de la République sont beaucoup plus importants que ce qu'ils n'étaient auparavant. Il y a une planification écologique qui fait que l'ensemble des ministères sont concernés par la transition écologique. Donc, ne laissons pas croire que l'environnement serait une variable d'ajustement. Bien au contraire.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Mathieu LEFEVRE, pour penser la transition écologique, il faut avoir de la vision, il faut avoir de la stabilité. Tous les professionnels de l'énergie réclament quelque chose d'important qui est le décret d'application de la PPE, la programmation pluriannuelle de l'énergie. En gros, notre feuille de route pour les trois prochaines années. Elle a été votée. Le décret attend la signature sur le bureau du Premier ministre. C'est une question de jour, une question de semaine, ou il est enterré ?

MATHIEU LEFEVRE
Non, mais sur ce sujet, il est en effet important d'avoir de la visibilité, mais ça doit aussi être concerté avec l'ensemble des forces politiques.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Elle a été votée cette PPE, elle attend le décret d'application.

MATHIEU LEFEVRE
Elle a été votée en première lecture. Le texte, la loi dite Grémillet n'a pas été votée définitivement au Parlement.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Donc, elle ne sera pas appliquée en l'état ?

MATHIEU LEFEVRE
Non, je ne saurais pas vous dire. Ça, vous demanderez à mon collègue Roland LESCURE. C'est lui qui est en charge de l'énergie. Mais il faut de la visibilité, mais il faut aussi trouver une voie de passage avec les formations politiques pour que ce sujet, qui est un sujet difficile, puisse devenir consensuel.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
On parle d'un moratoire sur l'éolien, sur le solaire, des domaines qui vous concernent, quand même. Est-ce que cette hypothèse, cette option, est sur la table aujourd'hui ?

MATHIEU LEFEVRE
Le moratoire sur les énergies renouvelables, moi, je ne sais pas ce que ça veut dire, dans un monde qui, précisément, a besoin d'un mix énergétique nouveau pour sortir des énergies fossiles.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
C'est ce que les oppositions reprochent le plus à cette trajectoire sur l'énergie, justement, à la place qu'elle fait aux énergies renouvelables.

MATHIEU LEFEVRE
C'est surtout le Rassemblement national. C'est surtout le Rassemblement national. Mais le Rassemblement National dit quelque chose d'intéressant dans son programme. Moi, j'ai regardé hier le programme de Marine LE PEN en 2022. J'ai tapé écologie. Je n'ai pas trouvé d'occurrence.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Pourquoi ne pas l'adopter ? Cette question, elle est importante. Tous les acteurs de l'énergie en France, aujourd'hui, attendent ce décret.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, bien sûr.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Est-ce qu'il va être appliqué prochainement ?

MATHIEU LEFEVRE
Vous demanderez à mon collègue de l'énergie qui est en charge de ces sujets. En revanche, ce que je vous dis, c'est que c'est un sujet qui mérite du consensus, du compromis, et également des échanges entre les acteurs. Est-ce que, par exemple, on peut aller plus loin sur les objectifs régionaux en matière d'énergie renouvelable ? Par exemple, c'est un sujet extrêmement important. Mais vous, vous interrogerez le ministre de l'Energie sur ce sujet, qui est un sujet essentiel, mais qui demande du consensus et du compromis. C'est une méthode, me semble-t-il, qui est éprouvée.

BENJAMIN FONTAINE
Vous ne vous êtes pas concerté entre ministres ? Il ne vous a pas donné d'informations ?

MATHIEU LEFEVRE
Si, bien sûr, mais ce n'est pas le sujet.

BENJAMIN FONTAINE
Si, c'est la question qu'on pose.

MATHIEU LEFEVRE
Non, mais la question, c'est comment on arrive à bâtir un consensus avec les formations politiques sur ce sujet. C'est, me semble-t-il, essentiel.

BENJAMIN FONTAINE
Mathieu LEFEVRE, ministre délégué en charge de la Transition écologique, vous restez avec nous. Dans quelques instants, on va parler de la COP, en cours en ce moment au Brésil. Ce sera après le Fil Info à 9 h 45 avec Théo METTON-REGIMBEAU.

(…)

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Mathieu LEFEVRE, ministre délégué chargé de la Transition écologique. Vous êtes toujours avec nous sur France Info. On va vous parler de la COP, la COP30, ce grand rendez-vous mondial sur le climat qui s'est ouvert au Brésil. Elle se tient à Belém du 10 au 21 novembre. Elle s'est ouverte sans de nombreux chefs d'État, chefs de Gouvernement, qui n'ont pas fait le déplacement : sans les États-Unis, sans l'Inde, sans la Chine. Ça a du sens ?

MATHIEU LEFEVRE
Ça a du sens, parce que le multilatéralisme, c'est-à-dire le fait que toutes les diplomaties se parlent pour parler d'environnement, a fonctionné. L'accord de Paris, il y a 10 ans, on en était à un réchauffement climatique de plus 3 à plus 4 degrés. Et grâce à l'accord de Paris, on est aujourd'hui sur une trajectoire à plus 2, plus 3 degrés. Et aujourd'hui, on est à plus 1,5 degré en 2025.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Mais quand même, 29 chefs d'État à Belém contre 75 à Bakou, l'an dernier.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, vous avez raison. Mais regardez par exemple, l'Union Européenne, c'est le seul continent qui parle d'une seule voix et avec force et avec un objectif qui est extrêmement clair. Ce sont 400 millions d'habitants, une économie substantielle et un objectif extrêmement clair de 90 % de réduction des émissions carbone d'ici 2040. Regardez la Chine qui est présente. La Chine, c'est un partenaire essentiel, notamment dans la transition écologique. La Chine, en vingt ans, a réduit de 50 % ses émissions de carbone. La diplomatie environnementale, ça a de la valeur. C'est aussi une diplomatie des petits pas, il faut le reconnaître. Mais se réunir, essayer de définir des objectifs et de rallier le plus de bonne volonté possible pour préserver la cohérence de l'Accord de Paris, ça a beaucoup de valeur et c'est indispensable parce que si nous ne faisons pas ces efforts, alors nous en paierons le prix. Et le prix du dérèglement climatique, c'est un prix migratoire, c'est un prix économique et c'est un prix en termes de ressources qui va, demain, impacter le pouvoir d'achat des Français.

BENJAMIN FONTAINE
En attendant, la Chine que vous dites n'est pas là pour discuter.

MATHIEU LEFEVRE
Bien sûr, mais la Chine est un partenaire indispensable dans la transition écologique.

BENJAMIN FONTAINE
Mais avec qui on ne peut pas parler lors de cette COP.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, mais je vous dis encore une fois que les grands émergents et notamment la Chine, font des efforts essentiels en matière de transition écologique et investissent de façon absolument substantielle.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
La Chine qui a envoyé uniquement son vice-Premier ministre.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, et qui investit de façon absolument substantielle. Il y a aujourd'hui des domaines de transition énergétique dans lesquels la Chine est un très grand leader. Et je pense qu'une grande partie de la croissance de notre pays de demain repose essentiellement sur la transition énergétique.

BENJAMIN FONTAINE
En attendant, il y a un discours qui a été très remarqué. C'est celui du président du Brésil, LULA, à l'occasion de l'ouverture de cette COP. On l'écoute.

LUIZ INACIO LULA DA SILVA, PRESIDENT DU BRESIL, LE 10 NOVEMBRE, A L'OUVERTURE DE LA COP30
À l'ère de la désinformation, les obscurantistes rejettent non seulement les preuves scientifiques mais aussi les progrès du multilatéralisme. Ils s'attaquent aux institutions, à la science et aux universités. Il est temps d'infliger une nouvelle défaite aux négationnistes.

BENJAMIN FONTAINE
Les négationnistes, négationnistes du climat, vous utilisez cette expression, vous aussi ?

MATHIEU LEFEVRE
Moi, je parle de désinformation climatique. C'est extrêmement important parce que la science, aujourd'hui, n'est plus une valeur de référence, malheureusement, à l'heure des réseaux sociaux, à l'heure également d'une recherche universitaire qui est essentiellement anglo-saxonne. La science, aujourd'hui, n'est plus une valeur de référence et il faut impérativement lutter contre la désinformation climatique.

BENJAMIN FONTAINE
Et comment ?

MATHIEU LEFEVRE
Y compris dans le débat national aujourd'hui. Moi, j'ai vu, encore une fois, des députés du Rassemblement National dire que le dérèglement climatique n'était pas une certitude, dire que quand 700 scientifiques du GIEC se réunissaient, ça n'était pas une évidence. Donc, il faut continuer à lutter.

BENJAMIN FONTAINE
Et comment on lutte contre ça ?

MATHIEU LEFEVRE
Notamment grâce à ce que fait le public sur les réseaux sociaux, avec la dimension, évidemment, européenne, le DSA, le DMA, qu'il faut continuer à embarquer.

BENJAMIN FONTAINE
Les actes de régulation.

MATHIEU LEFEVRE
Agnès PANNIER-RUNACHER avait proposé, notamment, la création d'un porte-parole climatique. Moi, je pense que c'est une très bonne initiative, qu'il faut aller dans ce sens, parce qu'on ne peut pas laisser penser que la post-vérité soit une vérité sur la base de laquelle fondaient nos politiques publiques. Nos politiques publiques ont besoin de raison et ont donc besoin de science.

BENJAMIN FONTAINE
Mais est-ce que ce n'est pas un peu paradoxal, cette déclaration de LULA sur la désinformation et la lutte contre le climat, lui qui, c'est vrai, lutte contre la déforestation, mais qui autorise de nombreux forages, notamment de pétrole en mer, là où c'est très polluant ?

MATHIEU LEFEVRE
Oui, mais c'est la raison pour laquelle le multilatéralisme a toute son importance. Si de nombreux pays sont capables de parler au Président LULA pour essayer de peser, d'infléchir sa trajectoire, alors, peut-être, nous y parviendrons, et y parviendrons-nous dans les années à venir. Mais si le Président LULA est seul dans son coin et continue à faire ça, ça ne peut pas fonctionner. D'où l'importance du multilatéralisme environnemental. Et je crois que nous avons besoin, précisément, de prendre chacun notre part de responsabilité et de se mettre autour d'une table pour essayer de définir nos objectifs climatiques et de préserver, encore une fois, la cohérence de l'Accord de Paris.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Mais parlons de la France, justement, sur cette question du forage. TotalEnergies, le géant français, va investir environ dix milliards de dollars dans les champs de pétrole et de gaz au Suriname. On l'a appris récemment. Son PDG, Patrick POUYANNÉ, est accrédité dans la délégation officielle du Gouvernement français. Ce n'est pas du négationnisme climatique, ça ?

MATHIEU LEFEVRE
Non, mais moi, je ne suis pas là pour jeter l'opprobre sur le chef d'entreprise français qui emploient de nombreuses personnes dans notre pays et qui contribue à la richesse nationale.

BENJAMIN FONTAINE
Mais vous voyez l'image que ça donne.

MATHIEU LEFEVRE
Non, mais bien sûr, bien sûr. Mais simplement, s'agissant des entreprises, si on pense qu'on va réussir la transition écologique avec uniquement des crédits publics, on n'y arrivera pas.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Vous, ministre de la Transition écologique, est-ce que c'est acceptable, oui ou non, de lancer aujourd'hui de nouveaux champs gaziers et pétrole ?

MATHIEU LEFEVRE
La transition écologique ne se fera pas sans les entreprises de France. Je rappelle aussi que…

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
On peut lancer ou pas ? Non, mais c'est une question qui est très importante parce que je rappelle que l'Agence internationale de l'énergie, vous parliez de l'importance de la science dans le domaine, a estimé dès 2021 que si on voulait respecter une trajectoire zéro carbone, il fallait absolument cesser dès à présent tout nouveau projet d'extraction. Est-ce qu'on peut encore aujourd'hui lancer de nouveaux champs pétroliers et gaziers ?

MATHIEU LEFEVRE
Je vous l'ai dit, je suis comme la position française favorable à la sortie des énergies fossiles. Donc par définition, non, ça n'est pas une bonne chose. Mais ce que je dis simplement, c'est que si on exclut les entreprises, on n'arrivera pas à faire la transition écologique. Un chiffre, la transition, la décarbonation, c'est 115 milliards d'euros dans notre pays et c'est environ quinze milliards d'euros de crédit public.

BENJAMIN FONTAINE
Mais il n'est pas question de les exclure, Mathieu LEFEVRE, c'est de les rendre plus vertueuses.

MATHIEU LEFEVRE
Oui, mais vous avez raison. Il y a d'ailleurs de nombreux mécanismes qui visent à les rendre plus vertueuses. Il y a des directives européennes sur la responsabilité sociale des entreprises, sur leur bilan écologique, sur leur bilan environnemental, sur leur bilan social. Il faut évidemment aller plus loin. C'est d'ailleurs ce qu'on fait également sur les plateformes de type SHEIN. Mais exclure par définition des chefs d'entreprise, c'est faux. Et j'ajoute par ailleurs que TOTAL est aussi une entreprise qui investit massivement dans le développement des énergies renouvelables.

BENJAMIN FONTAINE
Et aussi beaucoup dans le pétrole.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Vous avez eu la discussion avec Patrick POUYANNÉ justement sur cette question de nouveaux champs d'extraction ?

MATHIEU LEFEVRE
Non, je n'ai pas eu la discussion avec Patrick POUYANNÉ mais encore une fois…

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Ça ne vous semble pas une priorité ?

MATHIEU LEFEVRE
Non, ce n'est pas ce que je vous ai dit. La priorité, c'est de sortir des énergies fossiles, je vous ai répondu très clairement : Évidemment que ce type d'initiative n'y contribue pas.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Il y a un endroit où la cause de l'écologie n'avance plus beaucoup, c'est l'Union européenne. En tout cas, par rapport à la précédente mandature. Cette semaine, une grande avancée du Pacte Vert, ce gros paquet de lois adoptées en 2024 pour le climat, a été retoquée par le Parlement européen. C'est le devoir de vigilance. Alors, pour que les auditeurs suivent bien, c'est une loi qui obligeait les grandes entreprises à être responsables, y compris de leurs fournisseurs, de leurs sous-traitants à l'autre bout du monde en matière sociale et environnementale. Cette semaine, la droite et l'extrême droite se sont alliées au Parlement européen pour vider de sa substance ce dispositif. Est-ce que vous le déplorez ?

MATHIEU LEFEVRE
Oui, bien sûr, qu'on fasse ce qu'on vient de se dire. C'est-à-dire qu'il est indispensable que les grandes entreprises puissent se déployer à l'international sur la base d'un cahier des charges qui soit respectueux de l'environnement, respectueux également de la justice sociale et des progrès qu'elles émettent dans ces pays. Simplement, je ne peux pas vous laisser nous dire que l'Union européenne n'est pas un leader climatique majeur. Encore une fois, à la COP, il y a un continent qui se présente de façon unie.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Aujourd'hui, au nom de la simplification, il y a un certain nombre de reculs, il y a un certain nombre de détricotages de lois du Pacte Vert, y compris celles qui n'avaient pas jusqu'ici été mises en place qui sont à l'oeuvre à Bruxelles. Vous considérez que la droite, le PPE européen, la droite européenne est toujours un allié dans ce combat contre le réchauffement climatique ?

MATHIEU LEFEVRE
Moi, je pense que la simplification, ça ne doit pas être le détricotage et ça ne doit pas être la dérégulation qu'il faille. En revanche, est-ce qu'il y aura des projets industriels qui sont compatibles avec la transition écologique ? Oui, évidemment, oui. C'est tout le sens d'ailleurs de l'initiative du président de la République avec Choose France dont on va peut-être parler puisqu'il y aura de nombreux investissements français qui seront faits, annoncés lundi, précisément parce qu'on a aussi mené une politique qui consistait à simplifier. Mais simplifier, encore une fois, ça ne veut pas dire déréguler. Mais s'agissant de l'Union européenne, ne laissons pas croire non plus que l'Union européenne est un continent naïf. On se fait reprocher à l'international d'être un continent extrêmement vertueux. Ne tombons pas dans le piège de penser nous-mêmes que nous ne soyons pas vertueux.

BENJAMIN FONTAINE
Sur la pause réglementaire qu'Emmanuel MACRON avait réclamé en 2023 au sujet, justement, de ce Pacte Vert européen, est-ce que ce n'est pas justement contradictoire avec le fait de vouloir faire avancer les choses ?

MATHIEU LEFEVRE
Vous savez, un chiffre. Emmanuel MACRON, depuis 2017, c'est moins 20% d'émissions de gaz à effet de serre. Sur les 25 dernières années, avant lui, c'était 17%. Emmanuel MACRON, c'est un leader climatique. Regardez par exemple sur le traité sur la haute mer. Le traité dit BBNJ. Il a été adopté à son initiative l'an dernier. Donc, penser que le président de la République puisse avoir une inflexion sur la trajectoire climatique dans son quinquennat, c'est une faute et c'est une aberration. Et par ailleurs, ne l'oublions pas, ce n'est pas le président de la République qui vote ses reculs, encore une fois.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Une question plus personnelle maintenant. C'est votre première interview, on le disait, comme ministre. Les Français ne vous connaissent pas encore dans ce rôle. Vous en étiez un peu surpris de votre nomination vous étiez plus connu jusqu'ici sur des sujets financiers, sécuritaires, migratoires, avec l'étiquette un peu facile de macroniste de droite, plutôt. Qu'est-ce qui lui est passé dans la tête à Sébastien LECORNU en vous nommant la transition écologique ? Environnementale, pardon.

MATHIEU LEFEVRE
La transition environnementale, ce n'est pas un sujet de droite ou de gauche. C'est un sujet de sécurité majeure pour l'ensemble des Français.

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
C'est un sujet que vous avez découvert avec votre prise de poste ?

MATHIEU LEFEVRE
Ce n'est pas du tout un sujet que j'ai découvert, mais vous savez, j'ai travaillé notamment par exemple sur la Loi industrie verte avec Bruno LE MAIRE. Mais moi, je vois dans votre question une pointe, pardon, mais peut-être de mépris pour la transition écologique. Ce n'est pas un petit sujet. C'est un sujet extrêmement important. C'est un grand sujet…

CAMILLE VIGOGNE LE COAT
Ce n'est pas du tout. Ce n'est pas du tout. Mais sur laquelle on ne vous attendait pas.

MATHIEU LEFEVRE
C'est un sujet qui intéresse massivement les Français. Moi, par exemple, j'ai voté contre la loi DUPONT parce que je considérais que les conditions n'étaient pas réunies. Mais encore une fois, la transition écologique, ce n'est pas un sujet annexe, ce n'est pas un petit sujet. C'est un sujet qui intéresse tous les Français et je pense que les Français l'appréhendent sous l'angle de la sécurité climatique au sens large. Ce doit être considéré comme une dépense d'investissement, vous l'avez dit, mais aussi comme une dépense régalienne parce que les dépenses que nous ne faisons pas aujourd'hui au titre de la transition écologique, ce sont des dépenses que nous allons payer très cher dans le futur au plan migratoire, plus de migration écologique, au plan de l'inflation, plus d'inflation sur les denrées alimentaires et sur l'eau, et au plan également économique.

BENJAMIN FONTAINE
Merci.

MATHIEU LEFEVRE
Merci à vous.

BENJAMIN FONTAINE
Monsieur LEFEVRE, ministre délégué en charge de la Transition écologique.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2025