Déclarations de Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique, et Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche, sur la politique de l'environnement et le projet de loi de finances pour 2026, au Sénat le 5 novembre 2025.

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Intervenant(s) : 
  • Monique Barbut - Ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature ;
  • Mathieu Lefèvre - Ministre délégué, chargé de la transition écologique ;
  • Catherine Chabaud - Ministre déléguée, chargée de la mer et de la pêche

Circonstance : Audition au Sénat devant la Commission de l'aménagement du territoite et du développement durable

Texte intégral

M. Jean-François Longeot, président. - Après de riches échanges sur la COP 30 qui doit se tenir dans les jours prochains, à Belém, au Brésil, nous poursuivons l'audition de Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, sur le sujet tout autant crucial du projet de loi de finances (PLF) pour 2026

Je salue également M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique, et Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche, qui nous ont rejoints pour ce second point de notre ordre du jour.

Les conditions dans lesquelles le Sénat examine, cette année, ce PLF sont très particulières. Le calendrier parlementaire est des plus resserrés, l'incertitude politique demeure forte, et le contexte budgétaire reste marqué par une dégradation préoccupante de nos finances publiques.

Notre commission porte naturellement toute son attention aux crédits qui concourent à la transition écologique. À première vue, le projet de budget pour 2026 pourrait sembler encourageant : les dépenses dites « vertes » atteindraient 40 milliards d'euros, contre 38 milliards en 2025. Mais il s'agit, hélas, d'un effet d'optique. Cette hausse apparente tient essentiellement à la baisse du coût de l'énergie, qui renchérit mécaniquement le coût du soutien aux énergies renouvelables. Si l'on neutralise cet effet conjoncturel, le tableau devient plus préoccupant : les crédits consacrés à la rénovation énergétique, à la décarbonation de l'industrie ou encore au fonds vert sont en réalité en diminution.

Nous savons tous que la situation de nos finances publiques limite nos marges de manoeuvre. Mais nous ne pouvons ignorer, dans le même temps, les alertes répétées sur les conséquences d'un ralentissement de la transition écologique. Je pense notamment à l'audition du Haut Conseil pour le climat (HCC) en juillet dernier, ou encore la semaine passée aux échanges que nous avons eus avec des experts scientifiques dans le cadre d'une table ronde dédiée à l'entrée en vigueur du traité sur la haute mer.

Dans ce contexte, j'aimerais vous entendre sur deux points essentiels : estimez-vous que ce projet de budget est à la hauteur des enjeux de la transition écologique ? Quels enseignements tirez-vous des débats en cours à l'Assemblée nationale ?

Je vous cède à présent la parole pour un propos liminaire. Nos rapporteurs budgétaires interviendront ensuite, suivis de l'ensemble des membres de la commission, pour une séquence de questions-réponses.

Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature. - Je tiens de nouveau à vous remercier de nous accueillir dans votre commission pour évoquer le portefeuille de ce ministère et les politiques que Catherine Chabaud, Mathieu Lefèvre et moi-même entendons mener à sa tête. Après avoir évoqué devant vous, au travers des enjeux de la COP 30, la dimension internationale de notre action, je vous expose à présent l'action que nous conduirons en France.

Cette séparation est certes quelque peu arbitraire, puisque les politiques écologiques s'inscrivent toutes dans un continuum. Elles se négocient à l'échelle internationale, s'incarnent nationalement, se déclinent territorialement et, surtout, se vivent localement.

La lutte contre le dérèglement climatique a occupé une grande partie de ma carrière et j'ai pu défendre mes convictions au sein et auprès d'organisations internationales. J'ai fait ce choix parce que je sais que nous ne parviendrons pas seuls à lutter contre le dérèglement climatique, qu'il nous faut trouver des accords entre États pour éviter que chacun d'entre nous ne soit affecté dans son quotidien.

Ce qui était hélas prévisible et annoncé se confirme : nous assistons à la multiplication des aléas climatiques. L'incendie du massif des Corbières cet été, les cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion, ou encore les orages intenses qui ont frappé le Sud-Est en septembre dernier sont les premiers signes d'un climat qui se dérègle et d'une biodiversité qui s'érode. Pourtant, nombreux sont ceux qui continuent de contester la réalité du phénomène, voient dans les politiques écologiques une contrainte, voire une punition, et refusent d'en faire une priorité de nos politiques publiques.

Pour ma part, je me refuse à baisser les bras. L'écologie n'est pas une cause annexe, c'est ce qui nous permettra de garantir que notre planète restera viable demain, pour nous, pour nos enfants et petits-enfants.

Cette lutte ne nous exempte cependant pas des réalités actuelles. Dans un contexte budgétaire contraint, il est légitime que notre ministère limite ses dépenses.

En 2026, notre budget sera stabilisé à hauteur de 8,4 milliards d'euros.

Une utilisation efficiente et ciblée des fonds publics permet de garantir les investissements dans certains secteurs clés de la transition écologique. Nous préservons par exemple le fonds chaleur à son plus haut niveau historique, soit 800 millions d'euros.

Par ailleurs, nous misons sur une mobilisation accrue des capitaux privés afin d'amplifier nos investissements en faveur de la transition écologique. Un État qui oriente, un État qui cadre, un État qui incite : telle est ma vision des politiques écologiques. Dans cette perspective, les certificats d'économies d'énergie (CEE) sont amenés à occuper une part grandissante de nos financements. Selon nos estimations et sous réserve de la mobilisation qu'en feront les particuliers, ils pourraient apporter en 2026 un complément de financement de 2 milliards d'euros : 600 millions d'euros pour le bonus écologique, 400 millions d'euros pour le leasing social et jusqu'à 1 milliard d'euros pour MaPrimeRénov'.

Au même titre que la lutte contre les gaz à effet de serre, l'adaptation au changement climatique est un impératif qui doit être intégré dans nos politiques publiques. Il y a désormais une urgence à réduire nos vulnérabilités. Sur ce point également, notre budget fait preuve de stabilité. Vous vous étiez battus l'an dernier pour porter le fonds Barnier à 300 millions d'euros : ce budget sera conservé cette année. Il en va de même de l'enveloppe affectée à la prévention du risque de retrait-gonflement des argiles (RGA), qui sera de 30 millions d'euros en 2026.

Je sais également combien vous êtes sensibles à l'accompagnement des collectivités territoriales. C'est une préoccupation que nous partageons. Nous voyons dans ces collectivités des partenaires incontournables. Leur action est déterminante pour relever le défi du dérèglement climatique et concrétiser la transition écologique sur l'ensemble du territoire. À cet égard, j'entends les regrets exprimés quant à la diminution des ressources du fonds vert. Rappelons que l'année 2026 sera une année électorale et nous pouvons, sans trop de risques, anticiper un ralentissement de leurs investissements.

Sur d'autres sujets clés, tels que la gestion de l'eau, nous renforçons au contraire les moyens et l'accompagnement.

Ainsi, le plafond des redevances des agences de l'eau sera augmenté a minima de 50 millions d'euros. Elles pourront ainsi apporter des aides au plus près des territoires pour soutenir les projets portés par les collectivités territoriales compétentes en matière d'eau et d'assainissement.

Nous souhaitons en outre que la redevance sur les rejets des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) entre en vigueur au plus vite. Il y a là aussi un sujet de soutien financier des collectivités qui font face à des contaminations. Pour cela, nous devons préciser par amendement le dispositif créé par la loi du 27 février 2025 afin de couvrir l'ensemble des rejets.

La trajectoire de hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) constitue une réponse au recours encore trop fréquent à l'enfouissement et à l'incinération. Il en va de même de la création d'une taxe sur le plastique, assise sur la quantité des déchets plastiques non valorisés. Rappelons que notre pays verse chaque année 1,5 milliard d'euros à l'Union européenne au titre de la ressource propre sur les déchets plastiques non recyclés ; nous proposons, pour éviter que le contribuable français soit redevable de cette sanction, en encourageant des comportements bien plus vertueux, une taxe de seulement 30 millions d'euros. Cette taxe vient d'être rejetée par l'Assemblée nationale...

Nous ne délaissons pas les collectivités locales et les acteurs économiques. Ils pourront notamment compter sur la mise en place d'une TVA à 5,5 % sur le tri et le recyclage.

Voilà une présentation très succincte du budget porté par ce ministère. Il s'agit d'une base de travail amenée à évoluer au gré de vos débats et des compromis qui pourront être trouvés. Je tiens simplement à vous réitérer ma demande de ne pas faire de ce ministère la variable d'ajustement de l'ensemble des politiques que vous aurez à examiner.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques. - Deux aspects du PLF pour 2026 méritent à mes yeux d'être ici tout particulièrement évoqués.

Tout d'abord, je salue l'initiative de la création, au sein du programme 181, d'une nouvelle action n° 15 consacrée au phénomène de RGA, qui permet, enfin, d'apprécier l'effort du Gouvernement à destination de ce risque en passe de devenir, à l'horizon 2050, le premier risque assurantiel de notre pays.

Néanmoins, la faiblesse des montants inscrits à cette ligne budgétaire m'interpelle : 30 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 15 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces montants modestes sont en effet en décalage au regard du coût de la sinistralité induite par ce phénomène dévastateur. Pourriez-vous nous préciser les conditions dans lesquelles vont être mobilisés ces crédits budgétaires et à quelles fins ? Pourriez-vous par ailleurs nous donner plus d'informations sur la nature de l'expérimentation qui a été lancée, au début du mois dernier, dans onze départements, afin de lutter contre le RGA ?

Seconde constatation, et c'est un véritable marronnier au Sénat, l'épineuse question des crédits attribués au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vos chiffres.

À ce jour, le montant des crédits demandés pour le PLF 2026 s'élève à 228 millions d'euros en CP. Nous sommes loin des 300 millions d'euros engagés l'an passé et bien plus loin encore du montant correspondant aux recettes du prélèvement sur la garantie CatNat qui abondent le budget général depuis 2021. Ce prélèvement, dont le montant est estimé à 470 millions d'euros l'année prochaine, avait pourtant pour finalité exclusive le financement de mesures de prévention des risques. Comment expliquez-vous et justifiez-vous ce décalage ?

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique. - Le RGA représente en effet un sujet majeur dans de nombreuses régions, dont le Nord où une expérimentation est en cours. À cet égard, le premier progrès du PLF pour 2026 est que des CP y figurent. Ils étaient absents du PLF pour 2025, précisément parce que les actions n'avaient pas encore pu être concertées et mises en place par les préfectures concernées.

J'ai fait le point notamment avec la préfecture du Nord. La question est de savoir comment les préfectures parviennent à faire le lien avec nos concitoyens, qui s'attendent plutôt à des dépenses de réparation qu'à des dépenses de prévention. Or ces crédits sont destinés à des dépenses de prévention, tandis que le gros des dépenses est en effet constitué de dépenses de réparation. Le régime des catastrophes naturelles peut évidemment y pourvoir, mais ma conviction est que nous pourrons aller plus loin uniquement si nous mobilisons le secteur privé et si nous mettons les assurances autour de la table pour y parvenir, compte tenu de la raréfaction des crédits budgétaires.

En tout état de cause, il est indispensable de faire en sorte que ces 30 millions d'euros pour la prévention soient mobilisés. On peut par exemple imaginer d'améliorer la communication à l'endroit des habitants concernés par le sujet, étant entendu que l'on est parfois concerné sans le savoir, parce que l'on ne constate pas de fissures sur sa maison. Si vous le souhaitez, nous vous tiendrons informés de l'état d'avancement, département par département.

Les crédits à destination du fonds Barnier sont inscrits au budget général depuis 2021. En AE, il reste à 300 millions d'euros. En CP, il s'en tient effectivement à un niveau inférieur, mais peut-être pourrait-on aller plus loin si, en cours d'exécution budgétaire, les crédits devaient être déployés sur la base des AE. Du reste, comme l'ont dit le Premier ministre et la ministre, ce projet de budget est un point de départ et le Parlement demeure évidemment libre de le faire évoluer.

En revanche, si nous considérons la totalité des fonds ouverts à destination de la prévention, nous sommes quasiment au niveau de la surprime CatNat. Vous avez évoqué 470 millions d'euros ; près de 500 millions d'euros de dépenses y sont liés. Si j'ose dire, nous n'avons rien perdu à la budgétisation ; les outils ne sont pas tout à fait les mêmes, mais ils sont davantage à la main du Parlement et vous pouvez donc mieux les piloter. Sauf erreur de ma part, les enveloppes restent congruentes.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité, ainsi que sur les crédits relatifs à l'expertise, l'information géographique et la météorologie. - Trois points retiennent principalement mon attention à l'approche du terme de mes travaux sur les programmes 113 et 159.

Le premier, assez général, porte sur les économies prévues pour les comptes publics. Le budget des deux programmes est marqué par des économies, mais sans compromettre, à mes yeux, les efforts environnementaux : pour le programme 113, on note 5% de réduction en CP et 8% en AE ; pour le programme 159, on constate une augmentation liée uniquement au renouvellement du supercalculateur de Météo-France.

Je relève cependant que des efforts très limités sont demandés aux opérateurs sous l'angle des effectifs : une diminution de 71 équivalents temps plein travaillés (ETPT) seulement pour les opérateurs des deux programmes, qui comptent près de 12 000 ETPT. Êtes-vous prêts à aller plus loin en renforçant les synergies entre opérateurs ou entre opérateurs et administrations ? Lors de l'audition de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), j'ai été alerté de l'existence de doublons, notamment avec des services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) chargés du cadastre.

Au-delà de ces constats, entendez-vous mener une politique volontariste de simplification permettant une orientation prioritaire des crédits budgétaires vers de l'intervention directe ?

Le deuxième point porte sur les agences de l'eau.

Le plafond des taxes qu'elles perçoivent, et qui constitue lui aussi un marronnier budgétaire, est relevé de 50 millions d'euros cette année. C'est une évolution positive dans le contexte budgétaire contraint, même si elle demeure inférieure aux engagements pris dans le cadre du plan Eau ou de la dernière discussion budgétaire. Pour autant, les comités de bassin - où siègent les différents acteurs - ont voté des augmentations des taux de redevances, destinées à renforcer les investissements. Le risque est donc que ces augmentations conduisent d'abord à alimenter le budget de l'État et que les acteurs n'en voient sur le terrain aucun effet sur les investissements.

Sous réserve que cela ne conduise pas à grever trop fortement le budget de l'État, seriez-vous ouverts à un geste supplémentaire en faveur des agences de l'eau ? Votre évocation dans votre propos liminaire d'un montant a minima de 50 millions d'euros laisse entendre qu'une ouverture est possible.

Troisième point : l'intelligence artificielle (IA).

Comme je l'indiquais déjà l'année dernière dans mon rapport budgétaire, il s'agit d'un virage historique à ne pas manquer. Je pense notamment aux opérateurs du programme 159, Météo-France et l'IGN, pour qui l'IA pourrait conduire à des économies, voire à une révolution en termes de productivité et d'automatisation. Quelle stratégie comptez-vous mettre en place dans ce domaine pour encourager et accompagner les différents opérateurs ?

Avec la permission du président, je poursuis par l'intervention de mon collègue Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat, aujourd'hui souffrant.

La réduction des dépenses publiques défavorables à l'environnement, communément appelées dépenses brunes, constitue un enjeu essentiel du PLF pour 2026.

Ce budget s'inscrit dans un contexte particulièrement contraint. Les marges de manoeuvre budgétaires se resserrent, alors même que les besoins de financement de la transition écologique atteignent un niveau inédit.

La deuxième édition de la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique, publiée la semaine dernière par le Gouvernement, fixe un cap clair : les investissements bas carbone devront doubler d'ici à 2030. Pour atteindre cet objectif, une mobilisation accrue de l'investissement privé sera indispensable, mais l'investissement public devra lui aussi être pleinement au rendez-vous.

Dès lors, la cohérence et la qualité de la dépense publique deviennent des leviers centraux. Lors de son audition devant notre commission, le 1er octobre dernier, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a justement souligné qu'il ne suffisait plus d'augmenter la dépense environnementale, mais qu'il fallait réduire dans le même temps les dépenses publiques dommageables à l'environnement.

Le budget vert 2026 présente précisément, et à première vue, une diminution des dépenses défavorables à l'environnement, estimées à 8,1 milliards d'euros contre 9,4 milliards en 2024.

Toutefois, cette baisse apparaît avant tout conjoncturelle, étant liée principalement à la baisse des prix de l'énergie. Aucune mesure structurelle de réduction durable de ces dépenses n'est véritablement identifiée dans le PLF.

Dans un contexte de finances publiques dégradées et de nécessité de financer massivement la transition écologique, envisagez-vous de lancer une revue systématique des dépenses brunes de l'État, afin d'en identifier les leviers de suppression ou de réorientation ?

Mme Monique Barbut, ministre. - Je suis d'accord avec votre premier constat, selon lequel l'ensemble des opérateurs doivent prendre leur part à l'effort collectif de rationalisation et d'optimisation des dépenses publiques.

Le projet de budget 2026 qui vous est soumis prévoit une réduction de 216 ETPT. Ce n'est pas la première année que ce ministère procède à ce type d'exercice. De manière globale, nous essayons de réduire les fonctions support, en préservant l'ensemble des services déconcentrés et les emplois outre-mer.

En revanche, nous ne faisons aucune économie sur nos missions liées à la prévention des risques, et nous ne remettrons pas en cause un certain nombre de métiers qui s'y rapportent.

Je n'en réfléchis pas moins à des réorganisations de l'ensemble du système. Je ne veux pas en parler davantage à ce stade, car c'est encore récent. Je reconnais cependant être prête à des efforts de structure s'ils peuvent contribuer à ce que nos missions obtiennent des ressources supplémentaires, ce que j'appelle de mes voeux.

En ce qui concerne les moyens octroyés aux agences de l'eau, nous travaillons aujourd'hui dans un contexte extrêmement difficile, car nous constatons partout une raréfaction de la ressource et un déclin de la qualité de l'eau. Une nouvelle alerte nous parvient chaque jour à ce sujet.

Il faut donc garantir des moyens suffisants à ces agences, afin qu'elles puissent traiter l'ensemble des questions auxquelles elles sont confrontées. C'est pourquoi nous avons relevé de 50 millions d'euros le plafond d'affectation des redevances. Nous aimerions aller au-delà de cet effort et avons pour cela besoin des amendements que, peut-être, vous aurez la bienveillance de vouloir porter à ce budget. Je pense en particulier au monde agricole, mais pas uniquement. Je suis d'accord pour dire que ces 50 millions d'euros sont un minimum et qu'aller en dessous de ce montant serait extrêmement dommageable pour les travaux que nous souhaitons que ces agences mènent.

Enfin, sur l'IA, nous avons demandé à certains de nos services, spécialement au Commissariat général au développement durable (CGDD), de nous présenter des propositions sur un emploi plus important de cette technologie. Je suis consciente qu'il ne faut pas en rater le tournant et je reste intéressée par toutes les recommandations que vous pourriez nous faire dans ce domaine.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Le budget vert est un outil qui mérite d'être consolidé en en élargissant l'assiette des dépenses, qui représentent aujourd'hui malheureusement une part minoritaire de celles de l'État.

Malgré tout, les dépenses favorables à l'environnement progressent de l'ordre de 2,1 milliards d'euros, quand celles qui lui sont défavorables régressent de 1,3 milliard d'euros. Il importe en effet de rappeler que le financement de la transition écologique est évidemment le fait d'une pluralité d'acteurs. La stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte) montre bien que, sur 115 milliards d'euros nécessaires à la décarbonation, les crédits budgétaires représentent, seulement, environ 15 milliards d'euros. Il faut donc mobiliser tous les financements possibles, à commencer par la réduction du soutien aux énergies fossiles et à tout ce qui peut être « brun ».

Dans le détail, cela suppose de toucher à des questions de fiscalité énergétique qui impliquent, me semble-t-il, un accompagnement dans la durée, mais qui sont également vertueuses.

Nous sommes à votre disposition pour voir comment améliorer cet outil du budget vert, en élargir l'assiette, passer plus de dépenses au tamis de l'évaluation environnementale et essayer de progresser ainsi dans la résorption des dépenses brunes.

M. Sébastien Fagnen. - Le premier point de mon intervention porte sur les agences de l'État. Il ne peut évidemment pas être dissocié de ce que nous avons vécu au cours des derniers mois au sein de notre assemblée avec la commission d'enquête sur les agences, opérateurs et organismes de l'État : une réduction de 216 ETP, ce n'est pas négligeable.

Des suppressions de postes ont eu lieu au sein de ces agences depuis plusieurs années, mais force est de constater - et c'est heureux - qu'une stabilité avait vu le jour en 2024 puis en 2025. Les suppressions reprennent au moment où les agences sont elles-mêmes particulièrement décriées. Si cela concerne en l'occurrence exclusivement les fonctions de support, c'est un moindre mal. Néanmoins, nous n'en avons aujourd'hui pas la garantie. Il serait utile que nous puissions être destinataires du détail des postes concernés par les suppressions que vous évoquez, car il ne faudrait pas que, au travers d'elles, les collectivités locales, elles-mêmes soumises à des réductions de ressources dans le cadre du PLF, en subissent un contrecoup supplémentaire sous la forme d'un défaut d'ingénierie. Or l'ingénierie leur est des plus utiles au moment où il nous faut amorcer la transition écologique dans nos territoires et où le renouvellement municipal et communautaire donne l'occasion d'engager des projets nouveaux. Il ne s'agirait pas de vivre pour les agences de l'État une révision générale des politiques publiques (RGPP) qui ne dirait pas son nom...

Mon second point concerne le financement du recul du trait de côte. La stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte (SLGITC) fait l'objet d'une concertation. La question de son financement est un serpent de mer sans cesse évoqué, régulièrement annoncé, jamais tranché. Les élus, notamment les membres de l'Association nationale des élus du littoral (Anel), ont fait part de leur scepticisme quant aux pistes de financement qui semblent se dégager, puisqu'elles se borneraient à un recours aux outils de financement existants. Le fonds vert étant lui-même concerné par une nouvelle baisse de ses crédits après celle déjà vécue l'an dernier, l'inquiétude exprimée par les élus sur le devenir de cette politique aussi sensible qu'utile à l'aménagement du territoire national, et singulièrement à celui de son littoral, apparaît tout à fait légitime.

Enfin, j'aborderai la question de la pêche, notamment la menace existentielle qui pèse aujourd'hui, dans le département de la Manche, sur le port de Granville - premier port coquillier de France. Décidés dans le cadre des relations franco-jersiaises et le contexte post-Brexit, le déploiement et l'agrandissement des aires marines protégées menacent tout simplement l'existence des arts traînants et la pêche artisanale telle que nous la connaissons.

Cependant, un dispositif issu de négociations avec les îles anglo-normandes, le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire (Sivep), serait susceptible de fluidifier les relations diplomatiques franco-jersiaises et de permettre une sortie de crise pour les pêcheurs avant que nous n'envisagions plutôt, la mort dans l'âme, un plan de sortie de flotte.

Mme Denise Saint-Pé. - Vous avez répondu à la première question que je souhaitais poser, relative au financement par les CEE du leasing social, en précisant qu'une dotation de 400 millions d'euros était prévue.

Ma seconde question porte sur la problématique de l'eau. Le changement climatique est lourd de conséquences sur les enjeux de l'eau, sous le double aspect de la qualité et de la quantité. Les premiers ministres MM. Barnier et Bayrou avaient confié à la ministre qui vous a précédée la charge d'organiser des conférences de l'eau devant permettre aux territoires de s'emparer du sujet et de s'exprimer, notamment sur les défis qui les concernent et sur leurs besoins pour y répondre. Vous inscrivez-vous dans cette même démarche ? Comment voyez-vous la gouvernance de l'eau en France et quelles sont, à votre avis, les urgences en la matière ?

M. Jacques Fernique. - J'aborderai la transition vers l'économie circulaire et les conditions de sa réussite. Dans le PLF figure le fonds Économie circulaire, un levier essentiel dont les crédits étaient passés de 133 millions d'euros en 2022 à 300 millions d'euros en 2024, et qui devraient tomber à 100 millions d'euros dans le prochain budget.

Certes, le contexte budgétaire est contraint, mais notre performance économique et notre autonomie stratégique sont en jeu. Toutes les auditions que Marta de Cidrac et moi-même avons menées dans l'exercice de notre mission sur la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) ont insisté sur la nécessité absolue de ne pas réduire les ambitions du Pacte vert de l'Union européenne sur l'enjeu de circularité.

Le taux de circularité de nos économies européennes stagne à 10 %, avec une empreinte matière par habitant de l'ordre de 13 à 16 tonnes par an. Il faut multiplier par deux notre rythme de décarbonation, voire par quatre dans certains secteurs, et même, selon le HCC, par vingt-neuf dans celui des déchets...

Dans ces conditions, assécher l'effort du fonds Économie circulaire est totalement improductif, d'autant plus qu'une moindre efficacité circulaire équivaut en réalité à payer davantage. Il ne s'agit pas d'économies budgétaires, mais de sommes supplémentaires à verser à l'Union européenne au titre de la taxe plastique qui existe déjà, assise sur le plastique non recyclé. Il en sera de même en 2028 pour la nouvelle taxe qui s'annonce sur les déchets électroniques non collectés. Nous avons donc là une singulière économie budgétaire qui va directement contribuer à augmenter nos dépenses.

Pour financer l'effort de transition, il faut surtout actionner le principe du pollueur-payeur ainsi que les écocontributions des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), qui représentent le quart des gisements actuels de déchets. Il s'agit aussi de renforcer le fonds Économie circulaire, avant tout en l'alimentant par une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) perçue en amont sur toutes les activités qui n'« écocontribuent » pas et génèrent des déchets mal traités, et auprès des éco-organismes qui n'atteindraient pas les objectifs précis de leur cahier des charges. Le Sénat l'avait d'ailleurs votée l'an dernier.

La nouvelle taxe sur les emballages plastiques inscrite dans ce projet de loi de finances, qui porte sur les éco-organismes, va d'ailleurs en ce sens et nos collègues députés se fourvoient à son sujet.

Au contraire, une TGAP perçue en aval affecte les collectivités en charge du service public des déchets. Elles ne font alors, pour l'essentiel, que payer les pots cassés qui s'accumulent en raison des manquements du système de la REP.

Êtes-vous favorable à faire évoluer le PLF sur ce point ?

M. Ronan Dantec. - Pour le dispositif MaPrimeRénov', 1 milliard d'euros proviendront donc des CEE et quelque 700 millions d'euros supplémentaires de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). J'attire l'attention sur le caractère absolument désastreux du stop and go de l'État sur le dispositif ces dernières années, avec des changements de règles permanents.

Ma question sur MaPrimeRénov' rejoint la discussion de la table ronde précédente sur le fait qu'il faut s'enquérir de l'efficience de l'argent public mobilisé et se nourrit de ma propre expérience du mécanisme, déjà complexe, des CEE : s'agira-t-il désormais de deux dispositifs différents ?

De plus, pensez-vous que nous mettions enfin l'accent et la priorité sur ceux qui ont l'envie et la possibilité de la rénovation, c'est-à-dire les classes moyennes ? Des choix aberrants ont été faits ces dernières années, consistant à mobiliser tous les crédits en faveur des ménages les plus précaires, qui, pourtant, n'ont souvent pas même les moyens de financer les 5% à 10% restant à leur charge.

Ce sont les classes moyennes qui ont besoin d'un accès au crédit. Elles n'y accèdent cependant que difficilement, en raison de leur taux d'endettement, auprès des banques. Il conviendrait d'intervenir pour les soutenir, sous la forme d'ingénierie financière, de taux de garantie et d'aides aux banques sur les dossiers. Nous pourrions alors mobiliser beaucoup plus d'argent.

Avez-vous matériellement et techniquement le temps de remettre à flot le système MaPrimeRénov' pour que, enfin, il fonctionne ? En arrière-plan, ce sont des dizaines de milliers d'emplois d'artisans qui sont menacés et je vous alerte sur le fait qu'il serait souhaitable que nous disposions l'année prochaine d'un dispositif quelque peu stabilisé.

Par ailleurs, avec la très forte réduction qui le concerne, et qui le ramène à 500 millions d'euros, le fonds vert peut-il encore être efficace ? Ce fonds a véritablement aidé le bloc communal à évoluer en matière de transition énergétique. Soit les communes n'obtiendront désormais plus que des montants par trop limités, soit nous reviendrons à ce qu'elles détestent, et à ce que nous avons tous dénoncé ici, à savoir l'épuisant mécanisme des appels à projets dont ne sortent bénéficiaires qu'un nombre restreint de dossiers. Mais peut-être soumet-on au Sénat ces éléments afin qu'il rehausse l'enveloppe globale, pour nous donner à tous l'impression d'avoir gagné ? Je ne veux toutefois pas faire de procès d'intention.

Pour finir, je me demande comment on a pu produire le raisonnement qui prévaut à la fin de la partie relative au plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Non seulement les moyens sont divisés, mais les dispositions les plus efficaces sont supprimées. Bravo Bercy ! Nous savons que ce ministère n'en veut pas et que le Sénat l'a voté à l'unanimité pendant huit ans avant de l'obtenir avec un amendement de Christine Lavarde.

La phrase suivante : " Compte tenu de la possibilité de rendre prioritaires les projets des PCAET pour bénéficier de l'ensemble des mesures du fonds vert, il n'est pas prévu à ce stade de reconduction de la mesure dédiée créée en 2025 " ne veut strictement rien dire.

Avec la somme dont, sans répondre à un appel à projets, elle a bénéficié avec l'enveloppe du fonds vert destinée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'un PCAET, l'agglomération de La Rochelle a, par exemple, monté huit projets qui ont bénéficié à sept communes, en leur permettant de financer leur diagnostic de vulnérabilité. En Loire-Atlantique, la somme a également été totalement dépensée et a financé la mise au point des PCAET qui concernent de petites communes disposant de peu de moyens d'ingénierie.

Avoir trouvé un argument aussi incompréhensible pour supprimer ce dispositif donne l'impression que certains n'ont toujours rien compris aux enjeux de la transition écologique dans les territoires. J'espère que nous arriverons à le rétablir, mais il aurait tout de même été préférable que nous n'ayons pas besoin d'y revenir une année de plus.

M. Jean-François Longeot, président. - Ronan Dantec me paraît avoir raison sur la question du fonds vert. Quand l'État subventionne un projet dans une collectivité, ce projet peut engendrer ensuite de la dépense de fonctionnement ; tandis que le fonds vert consiste en une aide et un accompagnement de la collectivité, qui, au contraire, aura pour effet de réduire sa dépense de fonctionnement.

M. Franck Dhersin. - Notre pays souffre d'un lourd déficit de collecte et de recyclage des emballages plastiques. Les données publiées par Eurostat le 22 octobre dernier montrent ainsi que la France, avec un taux de recyclage des emballages plastiques de 25,7%, compte toujours au nombre des plus mauvais élèves de l'Union européenne en la matière. Cela a des incidences environnementales, économiques - avec un double enjeu d'accès par les industriels à la matière plastique recyclée et de développement d'une filière française de recyclage - et financières, car la France est la deuxième contributrice à la taxe plastique européenne, à hauteur de 1,5 milliard d'euros par an.

Vous avez fait état de l'instauration d'une nouvelle taxe plastique dans le PLF. Pourquoi, plutôt que des taxes, ne pas activer des leviers pérennes d'amélioration de la collecte pour recyclage et, notamment, la fameuse consigne des emballages de boissons ? Celle-ci fonctionne dans de nombreux autres pays, en particulier les pays nordiques.

J'en viens au sujet de la pêche : madame la ministre, vous avez d'ores et déjà rencontré, le vendredi 31 octobre dernier, les représentants de la pêche artisanale française, qui ont été très sensibles à la qualité de votre écoute.

Ces dossiers me sont bien connus en ma qualité de président des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer, et j'évoquerai le maquereau. Il est en train de devenir le symbole d'une pêche à deux vitesses : celle des États qui respectent les règles et celle de ceux qui pillent la ressource sans rendre de comptes.

Dans son avis scientifique du 21 septembre 2025, le Conseil international pour l'exploration de la mer (Ciem) préconise une réduction de 77% des quotas de pêche au maquereau commun pour l'année 2026. Il fonde son avis sur la diminution de deux tiers de la biomasse de ce petit pélagique en dix ans.

À Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche de France, le maquereau est la première espèce vendue en volume, avec 3 473 tonnes en 2024, et la deuxième en valeur. Le résultat attendu est donc une réduction draconienne des quotas pour les pêcheurs boulonnais, pendant que les pêcheurs industriels non européens n'y seront pas astreints.

Une pêche durable, bien conçue, française et européenne est possible, mais elle implique que les quotas soient respectés par tous. Quelles mesures comptez-vous prendre en ce sens ?

Enfin, à l'occasion du comité interministériel de la mer (CIMer) qui s'était tenu le 26 mai dernier, l'ancien premier ministre François Bayrou avait promis une somme de 90 millions d'euros pour la décarbonation du secteur maritime, issue d'une partie de la taxe carbone européenne.

Ce matin, ici même, le ministre des transports a confirmé être en faveur du respect de cet engagement. Le confirmez-vous à votre tour ?

Mme Marta de Cidrac. - Je souhaite intervenir en ma qualité de présidente du groupe d'études sur l'économie circulaire.

Nous observons que l'économie circulaire occupe une place importante dans le PLF 2026. Deux mesures en particulier retiennent mon attention : la trajectoire de la TGAP et la création d'une taxe plastique.

En ce qui concerne la TGAP, l'augmentation prévue, qui porte notamment sur l'incinération, donne le sentiment que la finalité incitative initiale de cette taxe a cédé le pas à une logique avant tout budgétaire. Cette hausse interviendrait dans un contexte de fortes tensions financières pour les collectivités locales et le risque est grand qu'elle se répercute in fine sur le contribuable, sans véritable effet vertueux sur la réduction des déchets.

Pour mémoire, l'incinération ou l'enfouissement restent les seuls exutoires pour les déchets n'ayant pas trouvé plus en amont d'autre valorisation dans la hiérarchie des modes de traitement. Se trouvant en bout de chaîne, les collectivités et les opérateurs doivent souvent gérer un flux de déchets non recyclés, parfois non recyclables et non triés, sur lequel ils n'ont que peu de marge de manoeuvre.

La forte augmentation du niveau de la TGAP pour les déchets entre 2020 et 2025 avait été acceptée par les collectivités en échange de la promesse d'une montée en puissance des filières à REP ; une telle montée en puissance a cependant fait défaut ces derniers temps.

Confirmez-vous que, avec cette nouvelle trajectoire d'augmentation, l'objectif environnemental de la TGAP s'éloigne et qu'il se perd au bénéfice d'un objectif clairement et purement budgétaire ?

J'en viens à la taxe plastique, destinée à faire contribuer les producteurs d'emballages aux objectifs européens de collecte et de recyclage. On sait que la France verse chaque année près de 1,5 milliard d'euros à l'Union européenne du fait du poids trop élevé, dans son économie, des plastiques non recyclés.

Cette nouvelle taxe, dont le rendement restera sans doute modeste à court terme, vise à responsabiliser davantage l'émetteur de déchets sur le marché. Mais les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont mis en lumière des inquiétudes légitimes sur son impact potentiel quant à la compétitivité de nos industriels, déjà soumis à une forte concurrence internationale.

Comment garantir qu'elle ne fragilise pas nos entreprises, tout en contribuant réellement à nos engagements européens ?

Enfin, quels enseignements tirez-vous des débats qui se sont, à ce stade de l'examen du PLF, déjà déroulés sur ces sujets essentiels pour la réussite de notre politique d'économie circulaire ?

M. Cyril Pellevat. - Je souhaite intervenir en ma qualité de président du groupe d'études sur le développement économique de la montagne, je souhaitais appeler votre attention sur deux sujets spécifiques.

Tout d'abord, j'aimerais revenir sur l'émergence des risques d'origine glaciaire et périglaciaire. Vous le savez, les territoires de montagne et de haute montagne subissent de plein fouet les effets du changement climatique : éboulements rocheux, boues torrentielles, rupture de lac glaciaire, chutes de séracs, autant d'évènements qui sont susceptibles de mettre en danger les habitants des vallées et les usagers de la montagne. En tant que président du groupe d'études, je me fais l'écho de ces territoires menacés, qui font face à des risques difficilement prévisibles et particulièrement périlleux. Je constate avec désarroi que les crédits inscrits au sein du projet de loi de finances, notamment au sein du programme 181, sont particulièrement faibles. Pouvez-vous nous préciser les mesures qui seront entreprises à l'avenir pour prévenir davantage ce risque ? L'inclusion des risques glaciaires au fonds " Barnier " est-elle envisagée ?

Seconde interrogation, qui n'a pas directement trait au budget, mais que le groupe d'études que je préside suit avec attention : la question du loup. En juin dernier, le Conseil de l'Union européenne a validé le principe du déclassement du loup d'espèce " strictement protégée ", à " protégée ", modifiant en ce sens la directive " Habitats " de 2002. Le 24 septembre dernier, Mme Fabienne Buccio, coordinatrice du Plan national d'actions sur le loup a annoncé une " simplification significative " des " tirs de défense " pour protéger les élevages. Désormais, un éleveur ou un chasseur mandaté par lui pourront éliminer un loup qui attaque le troupeau, sans l'autorisation préalable qui était jusqu'alors requise. Ne craignez-vous pas que cet allègement des règles relatives au tir de défense entraine une hausse mécanique du nombre de loups tués, risquant de dépasser la cible fixée annuellement ?

M. Éric Gold. - On parle beaucoup de la fonte de la calotte glaciaire et de ses conséquences sur le niveau des océans, avec sa cascade de répercussions sur les économies, les populations, les écosystèmes et, plus globalement, sur la biodiversité marine.

Comment votre ministère prépare-t-il, y compris en cette période budgétaire, les conséquences de ces modifications durables qui s'annoncent ? Quelles actions jugez-vous prioritaires pour préserver nos fonds marins, notamment dans un contexte de recherche de souveraineté alimentaire ?

Mme Nadège Havet. - En 2023, un plan de rénovation des écoles prévoyait la rénovation de 10 000 établissements en quatre ans. Le PLF pour 2026 inclut-il encore ce dispositif ?

Par ailleurs, je partage les interrogations relatives au recul du trait de côte. Nous avons tous à l'esprit les images de ces maisons détruites dans le Finistère Sud. Les dernières maisons vont être rachetées pour un coût de 305 000 euros chacune. Il faudra que les collectivités territoriales concernées disposent des fonds nécessaires au rachat de ce bâti et au retour à la nature de terrains qui lui avaient été pris.

En matière de pêche, l'arrivée de la saison hivernale annonce de nouveau une probable fermeture du golfe de Gascogne. Réussirez-vous à obtenir de la Commission européenne de nouvelles aides pour nos pêcheurs ?

En outre, vous travaillerez au mois de décembre prochain sur les totaux admissibles de captures (TAC) et sur les quotas de pêche. À quoi pouvons-nous nous attendre et parviendrons-nous un jour à obtenir des TAC et quotas pour une période de trois ans, plutôt qu'année par année ?

M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Avant toute chose, je tiens à vous féliciter, madame Chabaud, pour votre nomination et je me réjouis que la France dispose de nouveau d'un ministère consacré à la mer et à la pêche. De quelle manière votre portefeuille s'articulera-t-il, dans le domaine du transport maritime, avec celui de Philippe Tabarot, ministre chargé des transports ?

Le transport maritime représente 3% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Sa décarbonation soulève des enjeux majeurs pour la filière et induit des besoins financiers colossaux, le coût de l'acquisition d'un navire à carburant alternatif étant de 30% à 50% plus élevé que celui d'un navire classique.

Comme mon collègue Franck Dhersin, je rappelle que François Bayrou, alors premier ministre, avait annoncé en mai dernier, lors du CIMer, que le produit du marché carbone européen issu du transport maritime serait mobilisé pour financer la décarbonation du secteur, à hauteur d'environ 90 millions d'euros dès 2026. J'ai également interpellé Philippe Tabarot à ce sujet ce matin.

Pour quelles raisons le PLF pour 2026 ne comporte-t-il finalement aucune mesure en ce sens et quelle serait votre position sur d'éventuels amendements visant à les y introduire ?

Un dispositif de réduction fiscale, le suramortissement vert, existe depuis plusieurs années afin d'inciter les armateurs à acquérir des équipements de propulsion décarbonée pour leurs navires. Nous manquons néanmoins de recul et surtout de données pour en évaluer l'efficacité et la portée concrète.

Quel bilan dressez-vous pour votre part de ce dispositif et envisagez-vous d'y apporter des évolutions ? Quel regard portez-vous sur l'amendement adopté par les députés en première lecture lors de l'examen du PLF, tendant à majorer les taux de déduction fiscale applicables aux petites entreprises lorsqu'elles acquièrent des équipements véliques ?

Ma dernière question concerne le budget des affaires maritimes. S'il augmente en 2026, il ne s'en inscrit pas moins dans une trajectoire de baisse de l'ordre de 40 millions à 50 millions d'euros à horizon 2028. Comment cette diminution de crédits sera-t-elle ventilée entre les différentes actions du programme 205 et quels dispositifs seront affectés ?

Mme Annick Girardin. - Les Assises de l'économie de la mer viennent de se tenir à La Rochelle. Le Président de la République y a fait une déclaration, de même que plusieurs ministres. Différentes inquiétudes s'y sont aussi exprimées et il m'intéresse de savoir comment vous-même, qui êtes en fonction depuis quelques semaines, appréhendez les divers sujets qui retiennent l'attention du monde maritime.

Parmi ces sujets, le dispositif de suramortissement vert pour les projets véliques me semble extrêmement important. Si certains doutent de l'intérêt de cette aide, il suffit pour s'en convaincre d'assister à l'entrée du cargo Neoliner Origin dans un port, que ce soit à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux États-Unis, au Canada ou à Nantes où il sera bientôt de retour. Ce type de flotte devra s'agrandir si nous voulons que de tels projets deviennent véritablement des solutions. Comment l'aide qui la concerne peut-elle évoluer ?

La réforme du verdissement de la flotte des bateaux de plaisance me semble être remise en question, alors que c'est un dossier sur lequel nous avions largement progressé. J'aimerais connaître votre point de vue.

Le fonds d'intervention maritime (FIM) a été créé pour rapprocher votre ministère des territoires et des petits projets locaux. J'ai le regret de constater qu'il a disparu ou qu'il est englobé dans le fonds vert, au sujet duquel chacun ici a fait part de son inquiétude, ce qui redouble la mienne.

Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire d'outre-mer, pays de marins, rencontre des difficultés en matière de pêche. Le ministère a diligenté une inspection générale afin d'établir un bilan de la stratégie de pêche du territoire et contribuer à la préparation de sa nouvelle stratégie pour 2026. Mais les crédits alloués au programme 205 me laissent perplexe et je me demande si vous serez bien destinataire d'un rapport dont l'élaboration a été engagée à la demande d'Agnès Pannier-Runacher, en sa qualité de ministre à l'époque. Comment du reste, avec une telle baisse des crédits, pourra-t-on mettre en oeuvre ses préconisations ? Au-delà, le document de politique transversale pour l'outre-mer nous apprend que pour le seul périmètre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », les crédits de soutien au petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon passent de 55,5 millions à 12,5 millions d'euros. Mon inquiétude est de nouveau bien vive et j'espère que nous pourrons très vite en discuter, avant même l'examen du PLF en séance au Sénat.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Je reviens sur le dispositif MaPrimeRénov'. Le département de la Dordogne, seul délégataire des aides à la pierre, a décelé à ce jour 177 dossiers de propriétaires occupants et onze dossiers de propriétaires bailleurs pour lesquels les structures d'accompagnement de type « Mon Accompagnateur Rénov' » (MAR) étaient en réalité frauduleuses. Pour 188 dossiers, l'ampleur de la fraude s'élève à 8,5 millions d'euros. Dans d'autres cas cependant, faute de preuves suffisantes - les structures ne figurant pas sur la liste de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) - et malgré nos fortes suspicions de fraude, nous n'aurons pas d'autre choix que celui d'accorder la subvention. Ces autres dossiers représentent un enjeu financier total de 4,2 millions d'euros.

Compte tenu de l'importance de ces montants, il vous faudra vous saisir du sujet des structures apparues avec la massification du dispositif, dans le seul but de capter les subventions publiques.

Par ailleurs, un sondage Ipsos du 15 octobre 2025 nous apprend que 89 % des Français expriment leur inquiétude face à l'aggravation de la crise climatique. C'est une question qui dépasse largement les clivages partisans. Néanmoins, le HCC s'alarme d'une dérive de la politique climatique puisqu'en 2025 les émissions de gaz à effet de serre ne diminueront que de 0,8%.

Je ne me réjouis pas non plus des diminutions de crédits qui affectent le dispositif MaPrimeRénov' ainsi que le fonds vert. Ce dernier, pour une part significative, servait dans les petites communes à la réalisation de travaux tels que l'isolation d'un gymnase ou d'une école, ou encore la renaturation d'un centre-ville. Il représentait d'importants crédits pour ces communes. Je rappelle aussi que la rénovation des bâtiments scolaires a été identifiée en son temps par le Président de la République comme l'une des priorités de la planification écologique.

Le RGA est un autre sujet d'importance en Dordogne.

Surtout, le Premier président de la Cour des comptes nous a récemment déclaré que nous étions devant un " mur d'investissements ", mais que 1'euro investi équivalait à 3 euros de dommages épargnés. Il nous faudrait 100 milliards d'euros supplémentaires chaque année d'investissements publics pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Trouver les moyens d'agir suppose de créer des recettes vertes, par la contribution des acteurs économiques les plus aisés et des principaux pollueurs. Pour ne citer qu'un exemple, les armateurs bénéficient d'une niche fiscale taillée sur mesure puisqu'ils sont imposés non à raison de leurs bénéfices, mais en fonction du tonnage transporté. Le manque à gagner pour l'État, au cours deux dernières années, s'est ainsi élevé à 9 milliards d'euros. Voilà bien des recettes que nous pourrions aller chercher.

Les Français ne rejettent pas la transition écologique ; ce qu'ils refusent, ce sont les politiques jugées injustes, technocratiques ou déconnectées de leurs réalités.

- Présidence de Mme Marta de Cidrac, vice-présidente -

Mme Monique Barbut, ministre. - Pour en revenir brièvement à la question des ETPT, mettons deux chiffres en regard : nous parlons de 216 ETPT sur un plafond d'autorisation d'emplois de 34 243 ETPT... Je n'ai pas l'impression que l'on nous demande un effort extraordinaire au titre de notre participation à la réduction globale des dépenses de l'État et il n'y a là, franchement, guère plus que l'épaisseur du trait.

La consigne sur le plastique est un vaste sujet... À mon arrivée au ministère, j'y étais opposée. Mon équipe m'a ensuite convaincue que c'était une bonne idée. Puis ici, au Sénat, vos propres collègues m'ont à leur tour convaincue du contraire. Vous le voyez, j'en suis toujours à me poser un certain nombre de questions. Et de l'avis de Jean-Louis Borloo que j'ai rencontré, il me sera difficile d'y apporter une réponse définitive tant que la France ne décidera pas si elle souhaite être un État centralisateur ou un État décentralisé.

Dans les pays où, comme en Allemagne, il existe un système de consigne, dès l'origine, le tri des ordures ménagères avait été confié non aux collectivités locales, mais au secteur privé. En France, en revanche, nous avons invité les collectivités locales à investir dans la gestion des déchets et à promouvoir la poubelle jaune. Or la seule chose un tant soit peu rentable dans la poubelle jaune, ce sont les bouteilles en plastique. Si nous devions les en retirer, que dirions-nous alors à ces collectivités ?

Par ailleurs, vos collègues sénateurs ont attiré mon attention sur les conséquences possibles d'un système de consigne pour les tout petits commerces. Jamais ils n'auront les moyens de disposer des machines nécessaires à la collecte des bouteilles et leur clientèle, déjà peu nombreuse, préférera peut-être se rendre dans les grandes surfaces pour y récupérer le montant des consignes.

J'en suis là de mes réflexions. J'ajoute que, pour avoir vécu longtemps en Allemagne, j'ai constaté l'aspect quelque peu social du système de consigne des bouteilles : quotidiennement des personnes y déposent en effet dans la rue des sacs remplis de bouteilles afin de permettre à d'autres de les récupérer et d'en tirer un petit revenu. J'ai donc toujours à l'esprit les deux parties de l'équation et le choix de la réponse à apporter ne m'apparaît pas immédiatement évident.

Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. - Je suis heureuse que la France ait choisi d'avoir de nouveau un ministère de la mer et de la pêche, et je suis fière de l'incarner dans la continuité d'Annick Girardin, qui en a été à la tête pendant plusieurs années.

En introduction, je veux vous dire que j'ai travaillé, avec mon équipe, à la construction d'une vision stratégique. J'ai vécu il y a quinze ans le Grenelle de la mer, un moment formidable durant lequel la communauté maritime française, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs de la science à l'industrie, en passant par les ONG, les syndicats, les entreprises et les institutions, a fait ce constat collectif que la mer était l'avenir de la terre et que la France avait un avenir avec la mer.

La France est peut-être le deuxième espace maritime au monde, mais elle n'est pas encore la deuxième puissance maritime mondiale. Mon ambition est de faire de la mer une priorité politique pour la France. J'ai porté cette idée pendant mon mandat de députée européenne et j'ai été l'un des artisans du pacte européen pour les océans.

Je commencerai par répondre aux questions relatives à la pêche. On se focalise sur l'impact que les pêcheurs ont sur les écosystèmes marins côtiers, mais il ne faut pas oublier qu'ils subissent eux aussi des pressions. Ils sont les victimes collatérales des pollutions qui viennent de la terre, qu'il s'agisse des pollutions diffuses ou plastiques.

Depuis cinq ans, les pêcheurs constatent une accélération du réchauffement de l'océan, avec une migration des espèces : certaines disparaissent, d'autres arrivent, notamment des espèces invasives. Il reviendra aux pêcheurs d'indiquer les espèces qui pourront être commercialisées.

Aujourd'hui, le maquereau est devenu un sujet de préoccupation, alors qu'il n'était pas une espèce fragilisée il y a encore quelques années. Les scientifiques recommandent de diminuer de 70 % les captures de maquereaux, ce qui est un coup dur pour les pêcheurs. D'autant que la Norvège, les îles Féroé et le Royaume-Uni exercent une forte pression en pêchant des tonnages impressionnants de maquereaux. Une action diplomatique a été engagée par la France auprès de la Norvège.

J'ai également évoqué la question hier avec le Président de la République, qui est intervenu aux Assises de l'économie de la mer. Pour ma part, je rencontrerai le commissaire Kadis le 14 novembre prochain, avant de participer au Conseil " Agriculture et Pêche " du 17 novembre. La Commission européenne devra actionner les moyens dont elle dispose pour demander à la Norvège de payer. J'ai également prévu, à l'occasion du Conseil, d'avoir un échange avec mon homologue britannique sur ce sujet et sur celui évoqué par le sénateur Fagnen.

J'ai rencontré récemment des représentants de la pêche et de la conchyliculture en Normandie. Le développement de l'éolien offshore et la création des aires marines protégées au sud des îles britanniques, que je vois plutôt d'un bon oeil, réduisent leurs zones de pêche. Sur ce point, nous serons très vigilants.

Comme l'a souligné la sénatrice Havet, il peut paraître surprenant que, s'agissant de la pêche, la balance commerciale de la France soit déficitaire de 5 milliards d'euros, alors que notre pays compte 11 millions de kilomètres carrés de mer. Les produits d'importation représentent 80% de notre consommation. Nous avons plusieurs moyens d'action ; je pense notamment au contrat stratégique de filière, signé au salon de l'agriculture en présence du Président de la République, qui vise à améliorer la souveraineté alimentaire, à répondre aux attentes des consommateurs et à renforcer la gouvernance de la pêche.

Je souhaite mobiliser les consommateurs pour qu'ils se tournent vers les produits de la pêche française. J'ai évoqué la question avec mon collègue Serge Papin, chargé notamment du commerce et de l'artisanat, ainsi qu'avec la ministre de l'agriculture, qui travaille à une feuille de route sur la souveraineté alimentaire.

J'en viens au plan de pêche pour Saint-Pierre-et-Miquelon, présenté en 2021 : il vise à rassembler les outils de connaissance nécessaires au développement d'un secteur qui est historiquement le fondement de l'économie de l'archipel. Le Neoliner, dont vous êtes la marraine, chère Annick Girardin, fait escale à Saint-Pierre : il offrira peut-être une occasion de développer le tourisme. Le plan de pêche est doté de 800 000 euros pour quatre ans, dont 300 000 euros pour le volet scientifique. Nous reparlerons de cette question lorsque j'aurai reçu et analysé le rapport sur le sujet.

S'agissant des cétacés dans le golfe de Gascogne, il faut rappeler que des mesures ont été prises à la suite du constat des scientifiques. Dès 2022, le Gouvernement a déployé un plan d'action. Doté de 21 millions d'euros, il prévoyait d'expérimenter à grande échelle l'installation de dispositifs techniques : pingers et caméras. Nous constatons une forte réduction de la mortalité des dauphins communs. Je suis bien consciente que les entreprises locales de la filière de la pêche sont directement touchées. Toutefois, l'État accompagne véritablement le secteur, et un rapport détaillé sur les derniers comptages sera présenté, ce qui nous permettra d'en savoir plus.

Concernant la question du sénateur Gold sur les conséquences de la fonte des glaces, je suis très heureuse qu'un sénateur du Puy-de-Dôme s'intéresse à la mer ! Nous constatons un réchauffement de l'océan et une fonte des glaces. Il est vrai que l'adaptation au changement climatique est un pilier essentiel de la planification écologique. C'est tout le sens du troisième plan national d'adaptation au changement climatique.

J'en discutais hier avec des pêcheurs lors des Assises de l'économie de la mer : il faut aussi tenir compte des conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes, qui peuvent provoquer un bouleversement des fonds marins. Nous devons renforcer nos connaissances sur ces impacts afin de déterminer dans quelle direction engager la transition du secteur de la pêche. La transition de ce secteur, comme celle du transport maritime ou de la plaisance, constitue un enjeu majeur dans le cadre de la planification que je veux mettre en oeuvre.

Cette planification est l'un des trois axes de la politique que je souhaite engager pour la mer et les littoraux. Le deuxième axe est la régénération des écosystèmes marins et côtiers. Nous devons travailler sur la question de la diminution des pollutions telluriques, afin d'avoir cette approche du grand cycle de l'eau qui est au coeur du pacte européen pour les océans. Les stations d'épuration situées sur le littoral, qui ne sont pas forcément aux normes, constituent de véritables bombes à retardement. Les norovirus ont également des impacts sur l'aquaculture et la conchyliculture. Le troisième axe concerne la maritimisation.

En ce qui concerne le suramortissement vert, évoqué par Jean-Marc Delia et Annick Girardin, le CIMer 2025 s'est engagé à orienter le dispositif vers les TPE et les PME. Je songe en particulier à la filière vélique, naissante et prometteuse. Je soutiens cette filière depuis plusieurs années, en particulier lorsque j'étais députée européenne.

Le verdissement de la plaisance est aussi un objectif du Gouvernement, matérialisé dans le CIMer. Une réflexion sur l'évolution de la Taemup (taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel) est engagée : l'objectif est de verdir cette taxe, de la rendre plus juste et de produire des recettes fiscales qui permettront de financer le Conservatoire du littoral, mais également la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

Le fonds d'intervention maritime (FIM), qui a été rétabli, figure bien dans le fonds vert. Il faut rendre visibles les fonds qui peuvent financer la transition de la mer et du littoral. Je serai vigilante sur l'utilisation du FIM.

Quant à l'ETS (Emissions Trading System), j'avais proposé son fléchage vers la transition et le soutien du secteur du transport maritime. Des amendements ont été déposés en ce sens. J'ai alerté le Premier ministre et Bercy. Ce qui peut apparaître comme un nouveau soutien au secteur peut aussi être considéré comme une amorce de la transition, comme un soutien au vélique et au développement économique des territoires. La transition du transport maritime impose de décarboner la flotte de 90% d'ici à 2050.

Si nous voulons que les navires fassent escale dans nos ports de commerce, il faut prévoir le soutage dans les ports. Pour cela, la filière a identifié un certain nombre de solutions. L'ETS aura un effet vertueux de relance de l'industrie navale française et européenne, sachant que les revenus de ce marché du carbone européen, dont une partie ira directement dans les caisses de l'État, augmenteront dans les années à venir.

Vous avez compris que je serai attentive non seulement au soutien et à la transition de la filière, mais aussi à la préservation de la mer et du littoral.

Pour conclure, en 2018, j'ai lancé un appel pour que l'océan soit reconnu comme un bien commun de l'humanité. La sauvegarde de l'océan relève, à mon sens, de notre responsabilité collective, mais aussi individuelle. J'aimerais élargir l'initiative " La mer commence ici ", que nous avons pu voir émerger dans différents territoires. Je vous invite à la soutenir dans vos territoires respectifs, y compris à l'intérieur des terres, et notamment dans le Puy-de-Dôme !

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Monsieur le sénateur Dantec, sur le fonds vert, nous pouvons déjà nous réjouir qu'il y ait une enveloppe dédiée, ce qui n'était pas forcément gagné. Ce fonds aurait en effet pu être fondu dans la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). La ministre Barbut l'a rappelé, le contexte électoral de l'an prochain justifie pour partie la réduction de ces crédits.

En ce qui concerne les fonds dédiés au développement des PCAET, je sais qu'ils correspondent à un engagement de longue date du Sénat. En tout état de cause, vous le savez, ce projet de budget est un point de départ. Le Gouvernement est attentif à toute forme de compromis, si tant est que l'on respecte les engagements budgétaires finaux de la France. J'émettrai une réserve : nous devons avoir un regard sur la façon dont les crédits dédiés aux PCAET sont utilisés. Le retour sur expérience n'est peut-être pas suffisamment important aujourd'hui.

Sur la question relative à MaPrimeRénov', il est prévu, pour l'an prochain, une stabilité globale des crédits, avec la souplesse qu'offre le recours aux certificats d'économie d'énergie. Nous avons été confrontés cette année à une difficulté : s'agissant d'une dépense de guichet, il faut arrêter les versements lorsqu'il n'y a plus de crédits, ce qui n'est pas heureux. À l'instabilité réglementaire s'ajoute une instabilité budgétaire.

Le mécanisme mis en place pour 2026 devrait permettre d'y remédier, d'autant que le budget de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) est stable, à 4,6 milliards d'euros. Le projet de loi de finances prévoit un recentrage du dispositif MaPrimeRénov' sur les ménages les plus modestes et les logements les plus énergivores.

Sur la question de l'économie circulaire, je vous remercie, monsieur le sénateur Fernique et madame la présidente de Cidrac, de votre engagement sur le sujet.

Le fonds Économie circulaire est en recul ; il était doté de 300 millions d'euros il y a quelques années, au moment de l'amorçage du dispositif. Néanmoins, il n'a pas vocation à se substituer aux REP. Là aussi, il s'agit d'un point de départ, et le Sénat pourra amender le texte. Je rappelle qu'il est important que le financement du bout de chaîne soit assuré non pas par l'État, mais essentiellement par les metteurs sur le marché.

De la même manière, sur la question de la taxe plastique, les avis divergent, comme nous l'avons vu lors du débat à l'Assemblée nationale. Le sujet est difficile. Le mérite de cette taxe est de peser sur les éco-organismes, et donc sur le début de la chaîne. La trajectoire est modeste au début, avec une taxe de 30 euros par tonne, à comparer aux pénalités considérables versées à l'Union européenne et qui équivalent à 800 euros la tonne.

La taxe n'étant pas mise intégralement en oeuvre dès l'an prochain, je ne crains pas le risque d'un report sur l'activité ou sur le consommateur final. En effet, on peut considérer que cette taxe est neutre du point de vue des prélèvements obligatoires : ce qui sera payé-là ne sera pas payé in fine par le contribuable. La proposition du Gouvernement est, là encore, un point de départ.

En ce qui concerne la TGAP, j'ai bien conscience qu'elle est relativement injuste vis-à-vis des collectivités, dans la mesure où elle pèse sur les consommateurs finaux. Nous avons cherché un point d'équilibre : il se traduit par une forme de neutralité entre, d'une part, une hausse modeste de la TGAP, pour qu'elle conserve un caractère incitatif, et, d'autre part, une compensation pour les collectivités, avec une baisse du taux de TVA sur le tri et la collecte.

Sur la question du recul du trait de côte, évoquée par la sénatrice Havet, l'État finance déjà aujourd'hui pour partie la cartographie, les études et des dépenses d'ingénierie ; le fonds Barnier prend en charge le risque lorsqu'il est avéré. Il est évident que les dépenses que nous allons devoir engager pour faire face à ce phénomène seront importantes.

Il faut que les communes du littoral agréent le schéma de financement qui sera trouvé et que nous sachions exactement quel sera le montant à financer. Différents vecteurs peuvent être utilisés : les crédits budgétaires - compte tenu de la situation budgétaire, ce n'est peut-être pas la solution la plus évidente, mais le Sénat fera ses choix - ou la fiscalité, avec deux options, la fiscalité nationale ou la fiscalité locale. Je suis à votre disposition pour instruire les différents scénarios, objectiver les besoins et évaluer le scénario le moins déséquilibré pour les collectivités et les contribuables.

Cela me permet de rebondir sur la question que vous avez posée, monsieur le sénateur Dantec, sur le fonds vert pour le bâti scolaire. C'est l'une des priorités : il représente à peu près un quart des dépenses. J'estime que nous devons laisser davantage de souplesse aux préfets, pour éviter un pilotage en silo.

En ce qui concerne les dépenses fiscales, le débat peut avoir lieu dans le cadre du projet de loi de finances. Si nous voulons réduire les dépenses " brunes ", il faut réduire à la fois les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires, tout en accompagnant les entreprises concernées afin de ne pas nuire à l'emploi ou à la compétitivité de notre pays.

Mme Marta de Cidrac, présidente. - Je vous remercie pour vos interventions. Un certain nombre de sujets auxquels vous avez répondu feront l'objet de débats à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.


Source https://www.senat.fr, le 20 novembre 2025