Interview de Mme Maud Bregeon, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, à TF1 le 21 novembre 2025, sur un directeur d'école menacé de mort par un parent, la lutte contre le narcotrafic, des propos du chef d'état-major des armées et la taxe foncière.

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Média : TF1

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Maud BREGEON.

MAUD BREGEON
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
On parlera dans un instant de Marseille et du trafic de drogues, mais d'abord un mot de cette journée de grève. Aujourd'hui dans une école près de Rennes, son directeur a été menacé de mort par des parents qui réclamaient que leur fille soit scolarisée dans la classe d'une enseignante et non pas d'un enseignant. Alors ce n'est pas un motif religieux, a précisé hier votre collègue ministre de l'Éducation. D'après un syndicaliste local, il s'agit, je cite, d'une discrimination de genre selon laquelle un homme n'a pas à encadrer de jeunes enfants car ce serait quelque part inquiétant. On ne peut en aucun cas comprendre l'inquiétude de ces parents qui se sont montrés menaçants.

MAUD BREGEON
C'est inadmissible. Je vais commencer par dire deux choses. D'abord rappeler le soutien du Gouvernement et du ministre de l'Éducation nationale à tous les enseignants et ensuite dire que lorsqu'on élève, lorsqu'on est parent, on ne choisit pas son professeur, on ne choisit pas le sexe de son enseignant, on ne choisit pas ses camarades d'école. L'école de la République, c'est l'école pour tous. Et ça ne peut pas être autrement.

ADRIEN GINDRE
Même s'il y a des inquiétudes des parents.

MAUD BREGEON
C'est incompréhensible, encore une fois. Je le redis. Mon collègue Édouard GEFFRAY disait que l'école n'était pas un supermarché des revendications. Je reprends à mon compte cette formule. Je voudrais quand même dire, si vous le permettez, qu'il y a eu une réaction extrêmement rapide de l'institution avec des plaintes qui ont été déposées, une protection fonctionnelle qui a été accordée.

ADRIEN GINDRE
Vous souhaitez que les parents soient condamnés maintenant ?

MAUD BREGEON
Et c'est très important, c'est à la justice de le dire. Et moi, je n'ai pas à m'immiscer dans l'enquête. Mon rôle, c'est de dire, encore une fois, que ce n'est pas aux parents de choisir leurs professeurs ou les camarades de leurs élèves.

ADRIEN GINDRE
Venons-en donc à la lutte contre le trafic de drogue. Cette marche blanche organisée demain à Marseille, à l'initiative de la famille KESSESSI et à la mémoire de Mehdi KESSESSI, tué le 13 novembre dernier. Est-ce que vous y serez ? Est-ce que le Gouvernement y sera ?

MAUD BREGEON
Le ministre de l'Intérieur a employé à raison l'expression de point de bascule. Ce qui s'est passé a profondément choqué tous nos concitoyens. On ne peut pas dire que c'est un point de bascule et ignorer l'appel de la famille et des organisateurs. Donc oui, le Gouvernement sera présent et je me rendrai samedi à Marseille en compagnie de mon collègue Vincent JEANBRUN, qui est ministre de la Ville et du Logement. On le fera humblement avec la modestie et la pudeur que cet événement nécessite, sans communication sur place, mais pour marquer l'engagement total du Gouvernement et le soutien de l'État, du président de la République et du Premier ministre à cette famille et aux proches de Mehdi KESSESSI.

ADRIEN GINDRE
Vous vous retrouverez donc à quelques mètres d'autres chefs de parti, chefs de parti de gauche notamment, qui ont annoncé leur présence dès hier. Ça doit être un sujet, je ne sais pas quel serait le terme, de cause commune, d'union nationale ?

MAUD BREGEON
C'est une évidence. Les réflexes partisans n'ont pas leur place dans une telle marche et dans un tel combat et moi j'espère que nous serons le plus nombreux possible, pas en tant qu'élus ou que politiques, mais en tant que citoyens. Et je trouve ça très bien que les forces politiques se saisissent de cette question, encore une fois marquent leur engagement et j'espère que ça pourra continuer dans les débats qu'on aura dans les semaines et les mois à venir.

ADRIEN GINDRE
Justement, vous dites en tant que citoyen, mais en tant que politique, vous êtes interpellé. Par exemple, le maire de Nice, Christian ESTROSI, dit : "Je demande la mobilisation de l'Armée face aux narcotrafiquants". Il dit : "On ne fait pas la guerre avec les armes de la paix, on fait la guerre avec les armes de la guerre". Est-ce que vous pourriez mobiliser l'Armée ?

MAUD BREGEON
Christian ESTROSI est extrêmement mobilisé, notamment dans sa ville de Nice, sur ces sujets qu'il connaît bien.

ADRIEN GINDRE
Et il atteint de vous que vous…

MAUD BREGEON
Il se trouve que ce n'est pas les prérogatives de l'Armée et qu'on a pour ça la Police Nationale, la Gendarmerie Nationale, la Justice de la République Française.

ADRIEN GINDRE
Pardon, mais le Gouvernement a fait le parallèle, Maud BREGON, avec le terrorisme. Il se trouve que l'Armée en France intervient dans le cadre de l'Opération Sentinelle face au terrorisme.

MAUD BREGEON
Parce qu'il y a des similitudes, et notamment une. Pour le terrorisme, comme pour la lutte contre le narcotrafic, on doit se battre de la cage d'escalier jusqu'aux réseaux internationaux. C'est ce qu'a voulu dire le président de la République. C'est ce qu'ont redit hier Gérald DARMANIN et Laurent NUNEZ qui se sont rendus sur place à Marseille, c'était un acte fort. Il y a eu un certain nombre d'annonces de fait par le garde des Sceaux sur un renforcement notamment des moyens judiciaires sur place. C'est extrêmement important, je crois que c'est attendu. Et donc il y a un parallèle, ça ne signifie pas pour autant qu'il est pertinent d'envoyer l'Armée.

ADRIEN GINDRE
J'aimerais également qu'on en vienne aux propos du Chef d'État-Major des Armées, Fabien MANDON, très commentés ces dernières heures. On va d'abord prendre le temps, Maud BREGEON, de les réécouter pour savoir très exactement ce dont on parle.

GENERAL FABIEN MANDON, CHEF D'ETAT-MAJOR DES ARMEES
La Russie se prépare à une confrontation à l'horizon 2030. Si notre pays flanche parce qu'il n'est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu'il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production de défense par exemple, si on n'est pas prêt à ça, alors on est en risque.

ADRIEN GINDRE
Vous rediriez la même chose à ceux qui nous regardent ce matin, vous devez accepter de perdre votre enfant ?

MAUD BREGEON
Mon rôle c'est d'expliquer, on va être très clair. Nos enfants, au sens où on l'entend, ne vont pas aller combattre et mourir en Ukraine. Et c'est d'autant plus vrai qu'on a une armée de métier, et qu'on défend une armée de métier. Le Chef d'état-major des armées parlait de tous ces soldats qui – il le dit un petit peu avant cette séquence-là – sont déployés partout dans le monde et ont entre 18 et 27 ans. On ne peut pas ignorer qu'un certain nombre de ces soldats sont tombés en opération extérieure, soixante, moins de soixante.

ADRIEN GINDRE
Mais en le disant comme ça, en le disant maintenant, c'est utile de rajouter de l'inquiétude, Maud BREGEON, dans un pays qui est déjà très anxieux ?

MAUD BREGEON
Pardonnez-moi, depuis 2017. Le principal risque, ce serait de ne pas voir ce qui se passe, et de ne pas voir les dangers qu'on encourt.

ADRIEN GINDRE
Donc il a eu raison.

MAUD BREGEON
Maintenant, je le redis, il faut placer, replacer ces propos dans leur contexte. Le Chef d'état-major des armées parlait de tous ces enfants de la nation qui sont engagés dans l'armée française. Certains sont tombés au combat et on ne peut pas ignorer.

ADRIEN GINDRE
Pardon, il va plus loin. Il parle de souffrir économiquement, il parle des enfants, il ne dit pas juste que les soldats peuvent mourir au combat, ça tout le monde le sait, malheureusement.

MAUD BREGEON
Et il utilise un langage militaire qui est le sien. Maintenant, si vous me le permettez, parce que j'ai entendu beaucoup de choses depuis 24 heures de la part d'un certain nombre d'opposants politiques sur le Chef d'état-major des armées, permettez-moi de redire en vingt secondes qui est le général MANDON. Le général MANDON, c'est un pilote de chasse qui a 144 missions de guerre à son actif, qui a été chef de cabinet militaire du Premier ministre, chef d'état-major particulier du président de la République. Et donc j'invite les uns et les autres à faire preuve de considération quand ils s'adressent à lui.

ADRIEN GINDRE
Juste d'un mot, le service militaire volontaire qui est à l'étude, est-ce que le Gouvernement va le faire ?

MAUD BREGEON
Le président de la République a apporté le Service National Universel et donc une réflexion est en cours pour adapter ce Service National Universel, mais nous n'en sommes pas là.

ADRIEN GINDRE
La taxe foncière, c'était l'un des sujets de la semaine dans le budget, elle va augmenter pour plus de sept millions de logements, moyenne 63 euros. En raison d'une mise à jour, a expliqué votre collègue Amélie de MONTCHALIN, vous-même vous avez dit que le Gouvernement était prêt à interroger la pertinence de la mesure dans quelques mois. Ça veut dire qu'au moment où l'on se parle, pour le coup, la mesure reste à l'ordre du jour.

MAUD BREGEON
Il y a une consultation flash qui a été lancée par Amélie de MONTCHALIN, qui va se tenir notamment avec les élus locaux. Pourquoi ? Parce que c'est les collectivités territoriales qui perçoivent aujourd'hui cette taxe foncière. Maintenant, je veux être très claire, le Gouvernement ne considère pas qu'avoir une baignoire, des toilettes, de l'électricité ou de l'eau courante constitue un confort. C'est un référentiel qui date de 1959. Il y avait une mise à jour qui était initialement prévue. Est-ce que le système doit être révisé ? Probablement. Et donc c'est pour ça qu'on ouvre des discussions.

ADRIEN GINDRE
Mais quand vous dites une consultation flash, c'est-à-dire qu'y compris dans les jours à venir, quelles décisions pourraient changer ?

MAUD BREGEON
Dans les jours à venir. Pardonnez-moi.

BRUCE TOUSSAINT
Ça tombe mal ?

MAUD BREGEON
Écoutez, moi, je ne peux qu'entendre qu'il y a eu une incompréhension autour de ce sujet. Je l'ai entendu autour de moi, dans ma circonscription. Je pense qu'il faut savoir le dire.

ADRIEN GINDRE
Surtout de la part d'un Gouvernement qui dit qu'il ne va pas augmenter les impôts sur les ménages.

MAUD BREGEON
Je suis là pour rétablir ce que l'on souhaite vraiment faire. Pour le moment, une consultation. Et ensuite, je le redis, avoir... Pardonnez-moi, j'ai l'impression d'enfoncer des portes ouvertes. Mais avoir une douche ou de l'électricité, ce n'est évidemment pas un signe de confort particulier.

ADRIEN GINDRE
Et donc les choses ont été faites à l'envers, puisque la consultation vient après l'annonce.

MAUD BREGEON
Il y a eu un manque de précision, de toute évidence et d'explications. J'en prends ma part comme porte-parole du Gouvernement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 novembre 2025